Document "pastillé" au format PDF (46 Koctets)

N° 44

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 octobre 2009

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

PRÉSENTÉE AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)

EN APPLICATION DE L'ARTICLE 73 QUATER DU RÈGLEMENT,

sur le projet de décision de la Commission établissant, conformément à la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, la liste des secteurs et sous-secteurs considérés comme exposés à un risque important de fuite de carbone (E 4784),

PRÉSENTÉE

Par M. Hubert HAENEL,

Sénateur

(Envoyée à la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire)

(1) Cette commission est composée de : M. Hubert Haenel , président ; MM.  Denis Badré, Michel Billout, Jean Bizet, Jacques Blanc, Jean François-Poncet, Aymeri de Montesquiou, Roland Ries, Simon Sutour, vice-présidents ; Mmes Bernadette Bourzai, Marie-Thérèse Hermange, secrétaires ; MM. Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, Pierre Bernard-Reymond, Didier Boulaud, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Gérard César, Christian Cointat, Philippe Darniche, Mme Annie David, MM. Robert del Picchia, Pierre Fauchon, Bernard Frimat, Yann Gaillard, Charles Gautier, Mme Fabienne Keller, MM. Serge Lagauche, Jean-René Lecerf, Mmes Colette Mélot, Monique Papon, MM. Jean-Claude Peyronnet, Hugues Portelli, Yves Pozzo di Borgo, Josselin de Rohan, Mme Catherine Tasca et M. Richard Yung.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le Gouvernement vient de saisir le Sénat, au titre de l'article 88-4 de la Constitution, du projet de décision établissant la liste des secteurs et sous-secteurs considérés comme exposés à un risque important de fuite de carbone.

Ce texte est le premier d'une série annoncée visant à mettre en oeuvre la directive du 23 avril 2009 améliorant et étendant le système communautaire d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre.

Pour mémoire, il faut rappeler que cette directive adoptée dans le cadre du paquet « énergie-climat » change fortement les règles de fonctionnement du marché de quotas de gaz à effet de serre mis en place en 2005.

Jusqu'à présent les quotas sont alloués gratuitement aux principaux émetteurs de CO2, ceux-ci pouvant ensuite échanger ces quotas sur un marché secondaire selon leurs besoins.

A compter du 1 er janvier 2013, les modalités d'attribution primaire des quotas d'émission seront différentes. Les quotas ne seront plus alloués gratuitement mais mis aux enchères dès la première tonne de CO2 émise.

Toutefois, ce principe connaît une exception importante. Parmi les secteurs d'activités entrant dans le champ du marché de quotas, la directive distingue entre les secteurs selon qu'ils sont exposés ou non à un risque important de fuite carbone. Par « fuite de carbone », il faut comprendre le risque de délocalisations motivées par le coût du carbone au sein de l'Union européenne. Ces délocalisations seraient dommageables à un double titre : économiquement et socialement pour l'Union, écologiquement pour la planète.

La directive du 23 avril 2009 dispose en conséquence que les secteurs exposés à un risque important de fuite de carbone continueront à bénéficier de quotas alloués gratuitement.

L'article 10 bis (§13) de ce texte précise que la liste de ces secteurs est arrêtée au plus tard le 31 décembre 2009, puis tous les cinq ans, par la Commission européenne selon une procédure de comitologie après échange de vues au sein du Conseil européen. Néanmoins, chaque année, la Commission peut, de sa propre initiative ou sur requête d'un État membre, ajouter un secteur ou un sous-secteur à la liste si des éléments le justifient.

Le projet de décision qui nous est soumis est donc cette liste. Pour les secteurs concernés, son importance économique est primordiale. Adopté en comité le 18 septembre dernier, ce projet doit encore être approuvé par le Conseil et le Parlement européen. Mais il devrait être adopté définitivement courant novembre après discussion au Conseil européen des 29-30 octobre, ce qui justifie que nous l'examinions dans l'urgence.

La liste des secteurs a été dressée à la suite d'une analyse de critères quantitatifs définis par la directive, complétée le cas échéant par une analyse qualitative.

Dans la liste initialement soumise au vote du comité, le secteur de la fabrication des tuiles et briques ne figurait pas. Sensibilisés par les industriels de ce secteur, les représentants français ont demandé que la Commission reconnaisse explicitement que l'analyse de la situation économique du secteur des tuiles et briques n'avait pas été menée jusqu'au bout et qu'elle s'engage à le faire dans la suite de ces travaux.

À l'issue de cette intervention ainsi que de celles conjointes d'autres États membres, la Commission a accepté de modifier son projet de décision. Il inclut désormais explicitement dans son considérant (16) que « d'autres secteurs et sous-secteurs, qui, compte tenu des délais impartis, n'ont pu être totalement analysés à cette occasion ou pour lesquels les données disponibles étaient limitées ou de qualité insuffisante (cas de la fabrication de briques et de tuiles, par exemple), seront réévalués dès que possible [...] et éventuellement ajoutés à la liste, en fonction des résultats de l'analyse ».

Si cet ajout constitue un progrès par rapport à l'avant-projet, ses termes ne permettent pas de conclure avec certitude que le secteur des tuiles et briques sera intégré à la liste dans un avenir très proche. Or, toute incertitude peut avoir des effets dommageables sur les anticipations des acteurs économiques.

C'est la raison pour laquelle il apparaît opportun de pousser le Gouvernement à obtenir des engagements plus fermes en faveur du réexamen rapide de ce secteur important.

Outre le fait que le coût des quotas primaires pèserait lourdement sur les coûts de production du secteur, il existe un risque de concurrence déloyale en faveur d'autres matériaux comme le béton ou l'acier figurant sur la liste. La terre cuite, matériau en pointe dans la construction de bâtiments basse consommation énergétique, serait alors pénalisée.

Notre initiative doit aussi permettre de marquer notre intérêt et notre vigilance future sur l'ensemble des textes d'application de la directive du 23 avril 2009 qui devraient arriver début 2010. La mise en place des nouvelles règles du marché européen du carbone requiert en effet de nombreuses mesures relatives à l'organisation des enchères et la régulation du marché.

Pour ces raisons, votre commission des affaires européennes a conclu à l'unanimité au dépôt de la proposition de résolution qui suit :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution ;

Vu le projet de décision de la Commission établissant, conformément à la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, la liste des secteurs et sous-secteurs considérés comme exposés à un risque important de fuite de carbone (texte E 4784) ;

- Regrette que la Commission européenne n'ait pas pris le temps d'analyser la situation de chaque secteur susceptible d'être inscrit sur la liste des bénéficiaires de quotas gratuits d'émission de gaz à effet de serre, notamment celui de la fabrication de tuiles et briques, compte tenu de l'enjeu économique de l'allocation de ces quotas ;

- Se félicite que le Gouvernement ait attiré l'attention de la Commission européenne sur le cas de la fabrication de tuiles et briques et obtenu l'engagement qu'elle procède à une analyse complémentaire de ce secteur en vue de l'ajouter éventuellement à la liste ;

- Considère néanmoins que cet engagement reste imprécis puisque le projet de décision mentionne que cette évaluation se fera « dès que possible » et demande au Gouvernement d'obtenir, à défaut d'une inscription immédiate sur la liste, un délai précis pour que la Commission analyse le secteur des tuiles et briques et l'ajoute, en fonction des résultats, sur la liste des bénéficiaires de quotas gratuits.

Page mise à jour le

Partager cette page