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N° 258

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 décembre 2012

PROPOSITION

DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

présentée au nom de la commission des affaires européennes (1), en application de l'article 73 quater du Règlement, sur l' autorisation d'une coopération renforcée dans le domaine de la taxe sur les transactions financières ,

Par Mme Fabienne KELLER,

Sénateur

(Envoyée à la commission des finances.)

(1) Cette commission est composée de : M. Simon Sutour, président ; MM. Alain Bertrand, Michel Billout, Jean Bizet, Mme Bernadette Bourzai, M. Jean-Paul Emorine, Mme Fabienne Keller, M. Philippe Leroy, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Georges Patient, Roland Ries, vice-présidents ; MM. Christophe Béchu, André Gattolin, Richard Yung, secrétaires ; MM. Nicolas Alfonsi, Dominique Bailly, Pierre Bernard-Reymond, Éric Bocquet, Gérard César, Mme Karine Claireaux, MM. Robert del Picchia, Michel Delebarre, Yann Gaillard, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Jean-François Humbert, Mme Sophie Joissains, MM. Jean-René Lecerf, Jean-Louis Lorrain, Jean-Jacques Lozach, François Marc, Mme Colette Mélot, MM. Aymeri de Montesquiou, Bernard Piras, Alain Richard, Mme Catherine Tasca.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 28 septembre 2011, la Commission européenne a soumis une proposition de directive visant l'instauration d'un système commun de Taxe sur les transactions financières dans l'Union européenne. Ce texte s'est heurté très vite à des divergences fondamentales et insurmontables au sein des Vingt-sept. Or, dans le domaine fiscal, les décisions se prennent à l'unanimité. Lors des réunions du Conseil du 22 juin et du 10 juillet 2012, il a été acté officiellement qu'il était impossible de s'entendre sur cette proposition et qu'en conséquence, il était impossible de mettre en place un système commun de Taxe sur les transactions financières sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne.

Toutefois, une solution est apparue pour ne pas abandonner totalement ce projet de Taxe sur les transactions financières auquel certains États étaient très attachés. Cette solution était de passer par une « coopération renforcée » au sens de l'article 20 du traité sur l'Union européenne. Ce mécanisme n'a pas été utilisé souvent et ce serait la troisième fois (après le divorce et le brevet).

Onze États membres (la Belgique, l'Allemagne, l'Estonie, la Grèce, l'Espagne, la France, l'Italie, l'Autriche, le Portugal, la Slovénie et la Slovaquie) ont adressé, le 9 octobre 2012, une demande officielle tendant à instaurer entre eux cette coopération renforcée afin d'établir une Taxe sur les transactions financières. La Commission a répondu favorablement et présenté une proposition de décision du Conseil autorisant le lancement d'une coopération renforcée. Ce texte ne porte pas sur le contenu même de la coopération renforcée, mais la Commission laisse entendre qu'il ne sera guère différent du projet de 2011.

La commission des affaires européennes accueille favorablement cette perspective de coopération renforcée, même si nous ignorons encore le détail exact des contours de cette future taxe.

Mais il faut d'abord que la coopération renforcée soit autorisée. Dans la perspective d'un vote à la majorité qualifiée, il importe que le Sénat soutienne la proposition de décision du Conseil autorisant cette coopération renforcée (paragraphe 8 de la proposition de résolution).

Si la coopération renforcée est autorisée, une nouvelle étape commencera. Il s'agira essentiellement de négociations entre onze États qui n'ont pas encore la même idée de ce que doit être la Taxe sur les transactions financières... Comme d'habitude, ces négociations devront aboutir à un compromis où certains verront un aboutissement et d'autres un point de départ pour un élargissement territorial de la taxe. Quelle que soit notre position (Taxe sur les transactions financières a minima pour attirer d'autres États membres dans la coopération ou au contraire Taxe sur les transactions financières ambitieuse et approfondie à onze uniquement), il semble utile d'adresser au Gouvernement des pistes indicatives sur les principes généraux qui doivent guider cette négociation si on veut la faire aboutir, tout en protégeant les intérêts de notre pays. C'est le sens de la proposition de résolution qui vous est soumise.

Il convient tout d'abord de rappeler le but premier de la Taxe sur les transactions financières : dissuader la spéculation improductive sans nuire au bon fonctionnement des marchés et faire contribuer le secteur financier au coût de la crise et à la relance de l'économie (paragraphe 9).

La limitation à onze États pose des problèmes pratiques, mais au-delà de cette limitation territoriale, il faut envisager toutes les difficultés juridiques, économiques et administratives que posera la collecte de la taxe (paragraphe 10).

En particulier, il faut se prémunir contre le risque que seules les transactions les plus transparentes et les plus classiques tombent sous le coup de la taxe et que les autres transactions parviennent à y échapper (paragraphe 11). Il faut veiller aussi à ce que la taxe ne pousse pas en dehors des marchés réglementés les transactions qui s'y trouvent aujourd'hui (paragraphes 12 et 13).

La Taxe sur les transactions financières doit porter sur l'ensemble des transactions (paragraphe 14). Le principe de territorialité limitée nous est imposé par la coopération renforcée, ce qui signifie que la Taxe sur les transactions financières sera perçue sur toutes les transactions financières qui auront lieu sur le territoire des onze États, et non celles qui pourraient avoir lieu sur le territoire des États non parties à la coopération renforcée (paragraphe 15).

Dans le paragraphe 16, la proposition de résolution soutient la position de la Commission européenne : une seule partie résidant sur le territoire d'un des onze États suffit pour déclencher le paiement de la taxe sur ce territoire.

Le paiement en cascade de la taxe, c'est-à-dire, pour une seule opération, la perception de taxe à chaque étape (vendeur, broker du vendeur, chambres de compensation, broker de l'acheteur, acheteur), ce qui multiplie le taux de la taxe jusqu'à six fois, doit être écarté ; la Commission en convient elle-même et précise que c'est une imperfection dans la rédaction du premier projet de 2011 (paragraphe 17).

Il convient de rappeler que des exonérations sont nécessaires pour ne pas renchérir le marché du financement pour les entreprises et les États (paragraphe 18).

Le taux de la taxe doit être fixé avec modération pour ne pas provoquer de délocalisations au profit des pays qui n'instituent pas la Taxe sur les transactions financières (paragraphe 19).

Enfin, après débat en commission, votre rapporteur a renoncé à proposer une division en trois parties du produit de la Taxe sur les transactions financières (budgets nationaux, budget européen, et aide au développement), la commission s'étant prononcée à une très large majorité en faveur de l'affectation intégrale au budget de l'Union (paragraphe 20).

*

Pour ces raisons, votre commission des affaires européennes a conclu au dépôt de la proposition de résolution qui suit :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des Régions sur la taxation du secteur financier (COM (2010) 549 final),

Vu la proposition de décision du Conseil autorisant une coopération renforcée dans le domaine de la taxe sur les transactions financières (COM (2012) 631 final),

Prend acte que la proposition de directive du Conseil adoptée le 28 septembre 2011 par la Commission et établissant un système commun de taxe sur les transactions financières (TTF) est devenue caduque, faute d'avoir obtenu le soutien unanime requis ;

Constate que lors des réunions du Conseil du 22 juin et du 10 juillet 2012, il a été acté officiellement que des divergences fondamentales et insurmontables existaient entre les 27 États membres et qu'en conséquence, il était impossible de mettre en place un système commun de Taxe sur les transactions financières sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne ;

Observe toutefois que onze États membres (la Belgique, l'Allemagne, l'Estonie, la Grèce, l'Espagne, la France, l'Italie, l'Autriche, le Portugal, la Slovénie et la Slovaquie) ont adressé à la Commission une demande officielle tendant à instaurer entre eux une coopération renforcée aux fins de l'établissement d'un système commun de Taxe sur les transactions financières et invitant la Commission à soumettre au Conseil une nouvelle proposition ;

À défaut d'unanimité, accueille favorablement la perspective d'une coopération renforcée ainsi que la proposition du Conseil autorisant cette coopération ;

Rappelle que le but premier de la Taxe sur les transactions financières est de dissuader les transactions purement spéculatives et à haute fréquence, sans nuire pour autant à l'ensemble des marchés et de faire contribuer le secteur financier au coût de la crise et à la relance de l'économie ;

Demande que soient bien identifiées toutes les difficultés juridiques, économiques et administratives que risque d'entraîner l'établissement d'une Taxe sur les transactions financières sur un territoire limité aux États membres parties à la coopération renforcée ;

Estime nécessaire, en particulier, de veiller à ce que la Taxe sur les transactions financières évite l'écueil que l'on remarque dans les pays déjà dotés de ce type de taxe et ne frappe pas seulement les transactions les plus visibles et opérées sur les marchés réglementés, sans jamais atteindre celles qui se traitent dans la finance de l'ombre et dont on ignore en grande partie les flux ;

Estime également nécessaire de s'assurer que l'instauration d'une Taxe sur les transactions financières n'ait pas pour effet paradoxal de soustraire une partie des transactions des marchés réglementés et de renforcer ainsi la part des transactions de gré à gré ;

Juge, dans l'attente de la nouvelle proposition de la Commission, que deux principes essentiels doivent guider l'action du législateur européen afin qu'aboutisse utilement cette coopération renforcée : la protection de l'épargne des particuliers laquelle alimente les marchés financiers et la préservation de l'efficacité et de la transparence de ces marchés ;

Souhaite que la Taxe sur les transactions financières soit perçue sur l'ensemble des transactions financières, et notamment sur les contrats dérivés, sous réserve des exonérations indispensables à la protection de l'épargne et au bon fonctionnement des marchés financiers comme à la lutte contre les distorsions de concurrence ;

Constate que la coopération renforcée entraîne, par définition et de manière impérative, une stricte application du principe de « territorialité limitée » et qu'en conséquence, la Taxe sur les transactions financières sera perçue sur toutes les transactions financières qui auront lieu sur le territoire d'un des États membres parties à cette coopération ;

Estime que la Taxe sur les transactions financières doit frapper toute transaction financière ayant lieu sur le dit territoire dès lors qu'au moins une des parties est établie sur le dit territoire et qu'un établissement financier établi sur ce même territoire est partie à la transaction, pour son compte propre ou pour le compte d'un tiers, ou agit au nom d'une partie à la transaction ;

Rappelle que la nouvelle proposition de Taxe sur les transactions financières de la Commission devra détailler, avec plus de précision que la précédente, toutes les mesures nécessaires pour éviter l'effet de paiement en cascade de la Taxe sur les transactions financières ;

Estime également utile la prise en compte des exonérations nécessaires pour assurer la satisfaction, dans les meilleures conditions, des besoins de financement des entreprises et des États sur le marché primaire ;

Rappelle que les taux de la Taxe sur les transactions financières devront être modulés de manière à atteindre l'équilibre qui permettra de dissuader la spéculation sans provoquer la délocalisation des transactions et des marchés ;

Rappelle enfin que le produit attendu de la Taxe sur les transactions financières doit constituer une nouvelle ressource propre de l'Union européenne ;

Demande, en conséquence, au Gouvernement d'agir dans le sens de ces orientations.

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