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N° 117

SÉNAT

PREMIÈRE SESSION ORDINAIRE DE 1993 - 1994

Annexe au procès-verbal de la séance du 24 novembre 1993.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

PRÉSENTÉE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 73 BIS DU RÈGLEMENT, sur la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 70-524-CEE concernant les additifs dans l'alimentation des animaux (E-112),

Par M. Philippe FRANÇOIS,

Sénateur.

(Renvoyée à la commission des Affaires économiques et du Plan sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Communautés européennes - Politique Agricole Commune - Alimentation animale -Réglementation phytosanitaire.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

D'apparence toute technique, cette proposition de directive n'est pas moins d'une certaine portée, par son objet d'abord, par la modification de procédure qu'elle comporte ensuite.

Importante du fait de son objet, et spécialement pour la France, grand pays d'élevage. Chacun connaît le développement considérable, ces dernières années, de l'agro-chimie et des biotechnologies, développement parfois effrayant, plein d'incertitude quant à la valeur nutritive pour l'homme de produits ainsi obtenus. Corollaire de la libre circulation des marchandises dans le marché unifié, toute une réglementation sanitaire a dû être peu à peu élaborée tant au niveau national qu'au niveau communautaire pour encadrer ce développement et garantir la protection des consommateurs.

La vigilance s'impose dès le stade de l'alimentation animale tant l'enchaînement des métabolisations successives et des effets à long terme demeure entaché d'incertitudes.

Et cette vigilance s'impose dès le début de la chaîne alimentaire puisqu'il est à peu près impossible de garantir une information détaillée sur le produit final proposé au consommateur qui n'est ainsi pas à même d'exercer un choix éclairé entre différents morceaux provenant d'animaux soumis à des traitements de plus en plus « sophistiqués ».

Les différentes réglementations visant les additifs aux aliments, que ceux-ci soient destinés à là consommation humaine ou à la consommation animale, n'ont pas été parmi les plus faciles à établir, et c'est un euphémisme. L'oeuvre d'harmonisation communautaire, exigée par la libre circulation des marchandises et la disparition des frontières, est d'ailleurs loin d'être achevée.

Dans ses grandes lignes, la proposition de directive, qui vous est soumise, doit être approuvée, même si certaines de ses dispositions appellent quelques observations.

En ce qui concerne la base juridique retenue, tout d'abord, il convient de noter que la directive initiale de 1970 visait les articles 43 et 100 du Traité, alors que la nouvelle proposition ne vise plus que l'article 43 qui définit l'organisation de la politique agricole commune.

Cet article ne prévoit qu'une simple consultation du Parlement européen sous la forme d'une lecture unique.

Cette base juridique n'est pas satisfaisante et les procédures qu'elle emporte apparaissent par trop sommaires au regard de la diversité des dispositions que comporte la proposition de directive.

Il convient de rétablir, à l'instar de la directive originelle, un visa non plus à l'article 100, mais à l'article 100 A qui définit désormais les règles d'adoption des mesures d'harmonisation exigées par le marché sans frontières. Cet article prévoit la procédure de coopération avec le Parlement européen, c'est-à-dire deux lectures et favorise la prise en compte d'amendements.

Il comporte également un alinéa qui permet à un État membre, même après harmonisation communautaire, d'appliquer des dispositions nationales plus exigeantes, notamment pour des raisons de protection de la santé, humaine ou animale, ou, plus généralement la protection de l'environnement, mesures nationales placées cependant sous la surveillance de la Commission.

Parmi les innovations que contient la proposition de directive, on relèvera que l'autorisation désignera désormais expressément un responsable de la mise en circulation du produit, ainsi que les spécificités précises de celui-ci, et non plus seulement un produit désigné par un terme générique. Cette précision permettra de poursuivre d'éventuelles contrefaçons, le cas échéant non conformes, au surplus, aux paramètres de toxicité.

Cette disposition doit être approuvée dans la mesure où elle permet un contrôle effectif de la distribution d'additifs encore une fois non exempts d'effets sur la qualité des produits destinés in fine à l'alimentation humaine.

Autre innovation, les États devraient instituer, à compter du 1 er juillet 1996, une redevance pour l'examen des dossiers de demande d'autorisation (l'un des éléments sans doute qui détermine le caractère législatif, au regard du droit français, des dispositions proposées).

Il y a lieu de distinguer cette disposition du reste du projet. On peut estimer même que la base juridique devrait alors viser, pour l'institution d'une redevance, l'article 100 du Traité de Rome, cette procédure garantissant, avec l'adoption à l'unanimité, le consentement des différents États membres à une modification de leur régime national des charges publiques.

Enfin, la proposition substituerait des décisions de la Commission aux directives d'autorisation des additifs. Selon l'exposé des motifs, la procédure actuelle s'avérerait par trop lourde et causerait des distorsions de concurrence en raison des retards de transposition.

S'il n'y a pas d'inconvénient à approuver cette novation procédurale, plus formelle que réelle, dans la mesure où la Commission continuerait d'être assistée du Comité scientifique permanent de l'alimentation animale, en revanche, il convient de marquer les plus expresses réserves à l'égard de la nouvelle rédaction proposée pour les articles 23 et 24. En effet, actuellement, si les propositions de la Commission ne sont pas conformes à l'avis du Comité, elle doit en saisir le Conseil qui statue à la majorité qualifiée. Si, à l'expiration d'un délai de trois mois le Conseil n'a pas statué, la Commission arrête les mesures proposées, sauf dans le cas où le Conseil s'est prononcé à la majorité simple contre lesdites mesures. S'il est souhaitable évidemment que le Conseil se prononce rapidement, il serait périlleux, cependant, de permettre à la Commission d'arrêter des mesures qui, par définition, iraient contre l'avis du Comité d'experts.

Sous cette réserve, la substitution d'une décision de la Commission à des directives qui n'en ont plus que le nom puisqu'elles ne comportent aucune marge d'adaptation, apparaît plutôt comme une rationalisation de l'action communautaire.

Il reste à souhaiter que les travaux scientifiques sur lesquels se fonde la réglementation sanitaire communautaire visent toujours des normes élevées, comme cela est d'ailleurs prescrit par l'article 100 A (§ 3) du Traité résultant de l'Acte unique européen.

Il conviendrait également que ces travaux soient largement portés à la connaissance des consommateurs européens, et pris pour base également par la Commission dans la négociation des accords commerciaux réglementant les échanges de produits pour l'alimentation animale comme les échanges de produits agroalimentaires, dans le cadre du GATT en particulier.

*

* *

En conclusion de ces observations, il vous est proposé, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la proposition de résolution qui suit :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Le Sénat,

Considérant que l'harmonisation des normes en matière d'alimentation animale à un niveau élevé est d'une grande importance pour la protection des consommateurs et pour le fonctionnement harmonieux du marché unique ;

Invite le Gouvernement :

à approuver la proposition de directive E-112 sous réserve :

- de l'inclusion, dans les bases juridiques visées, de l'article 100 A du Traité de Rome afin de permettre l'ouverture de la procédure coopération avec le Parlement européen, c'est-à-dire deux lectures devant cette Assemblée et une meilleure prise en compte de ses propositions d'amendements,

- de la disjonction de la disposition visant à introduire une redevance, qui ne peut être fondée que sur l'article 100 du Traité maintenu par l'Acte unique européen et le Traité sur l'Union européenne,

- du maintien de la concertation avec le Conseil lorsque les mesures envisagées s'écartent de l'avis du Comité scientifique de l'alimentation animale ;

à demander à la Commission de promouvoir les mêmes normes de protection des consommateurs dans le cadre de la politique commerciale commune.

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