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Le 6 mars 2012

N° 107
SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012

RÉSOLUTION EUROPÉENNE
PORTANT AVIS MOTIVÉ

sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et le règlement concernant la coopération administrative par l'intermédiaire du système d' information du marché intérieur (E 6967).

Est devenue résolution du Sénat, conformément à l'article 73 octies , alinéas 4 et 5, du Règlement du Sénat, la proposition de résolution de la commission des affaires sociales dont la teneur suit :

Voir les numéros :

Sénat : 325 et 450 (2011-2012).

La proposition de directive tend à modifier le système de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles dans l'Union européenne, afin de favoriser la mobilité des professionnels qualifiés dans le cadre de la liberté d'établissement et de la liberté de prestation de services. Les professions médicales, qui continueraient à bénéficier de règles adaptées, seraient directement visées par ces nouvelles dispositions, en particulier celles relatives à la carte professionnelle européenne, l'accès partiel à une profession et la vérification des compétences linguistiques.

Vu l'article 88-6 de la Constitution,

Le Sénat fait les observations suivantes :

1) L'intelligibilité d'un texte européen est une des conditions nécessaires à sa conformité au principe de subsidiarité. Un manque de clarté ne permet pas de cerner les limites des compétences et des obligations des États membres, ainsi que la portée d'un dispositif. Il n'est dès lors pas possible pour les parlements nationaux d'exercer le contrôle de subsidiarité qui leur est dévolu.

Dans ce cadre, il convient de constater les fortes incertitudes entourant le projet de carte professionnelle européenne. Alors que l'exposé des motifs de la proposition de directive souligne le caractère optionnel de la carte pour chaque profession, le dispositif ne reprend pas clairement ce caractère optionnel. Cette ambiguïté sur un élément essentiel du dispositif met en cause son intelligibilité et, par voie de conséquence, sa conformité au principe de subsidiarité.

Il en est de même pour les projets de cadre commun de formation et d'épreuve commune de formation, dont la portée est incertaine alors qu'ils tendent à élargir la reconnaissance automatique des qualifications.

2) L'Union européenne ne dispose que de compétences limitées en matière de santé. En particulier, elle est censée mener ses actions « dans le respect des responsabilités des États membres en ce qui concerne la définition de leur politique de santé, ainsi que l'organisation et la fourniture de services de santé et de soins médicaux. Les responsabilités des États membres incluent la gestion de services de santé et de soins médicaux » (article 168, paragraphe 7, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne).

Or, plusieurs dispositions de la proposition de directive, appliquées aux professions de santé, sont de nature à porter atteinte au fonctionnement des systèmes de santé nationaux et à la sécurité des patients. C'est en particulier le cas des dispositions relatives à l'accès partiel aux professions et à la vérification des compétences linguistiques qui priveraient les États membres d'une partie de leur pouvoir de contrôle. En agissant ainsi, l'Union européenne irait au-delà des compétences que les États membres lui ont reconnu dans les traités. Les États membres demeurent les garants du bon fonctionnement de leur système de santé. Il n'est pas conforme au principe de subsidiarité de les empêcher d'exercer certains contrôles qui concourent à la sécurité des patients.

3) L'Union européenne ne dispose également que de compétences limitées en matière d'éducation, où elle ne peut venir qu'en appui des États membres. Or, certaines mesures de la proposition de directive pourraient entraîner une harmonisation de dispositions nationales en la matière, contrairement à l'article 165 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Il en est ainsi de l'élargissement du champ de la directive aux stages rémunérés.

4) La proposition de directive contient de très nombreux renvois à des actes délégués pris par la Commission européenne, dans une rédaction qui ne permet pas de mesurer la portée de cette délégation. Il pourrait en résulter une intervention de la Commission européenne sur les formations de médecin, d'infirmier, de sage-femme, de dentiste et de pharmacien.

5) Enfin, la proposition de directive exige des États membres qu'ils fournissent plusieurs rapports à la Commission européenne, dont certains sont périodiques. Celui relatif à la formation continue des professionnels de santé dépasse d'ailleurs le champ de la directive. Ces rapports de notification et d'évaluation excèdent manifestement la mesure nécessaire pour atteindre les objectifs de l'Union et sont donc contraires au principe de proportionnalité.

Le Sénat estime, en conséquence, que la proposition de directive (E 6967) n'est pas conforme, dans sa rédaction actuelle, à l'article 5 du traité sur l'Union européenne et au protocole n° 2 annexé à ce traité.

Devenue résolution du Sénat le 6 mars 2012.

Le Président,

Signé : Jean-Pierre BEL

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