N° 52

SÉNAT

RÉSOLUTION adoptée le 20 décembre 1994

PREMIÈRE SESSION ORDINAIRE DE 1994-1995

RÉSOLUTION

sur le projet de décision du Conseil relative à l'entrée en vigueur simultanée des actes mettant en oeuvre les résultats des négociations commerciales multilatérales du cycle d'Uruguay (n° E-318).

Le Sénat a adopté la résolution dont la teneur suit :

Voir les numéros :

Sénat : E-318, 171, 100, 131 et 147 (1994-1995).

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu le projet de décision du Conseil relative à l'entrée en vigueur simultanée des actes mettant en oeuvre les résultats des négociations commerciales multilatérales du cycle d'Uruguay, n° E-318 ;

I. - S'agissant de l'approbation et de l'entrée en vigueur de la législation communautaire de mise en oeuvre.

Considérant que plusieurs aspects de la législation américaine de mise en oeuvre pourraient donner lieu à des applications contraires aux règles multinationales,

Invite le Gouvernement :

- à veiller à ce que le Conseil et la Commission s'assurent, avant toute décision, de la pleine conformité aux accords de Marrakech de la législation de mise en oeuvre adoptée par les partenaires de la Communauté, notamment les États-Unis,

- à demander, le cas échéant, que soient étudiés les moyens de permettre à l'Union d'utiliser les mêmes procédures que celles susceptibles d'être mises en oeuvre par les autres parties aux accords du G.A.T.T.

II - S'agissant de la défense commerciale communautaire.

Considérant que le renforcement de la politique de défense commerciale communautaire est la nécessaire contrepartie aux efforts de libéralisation consentis dans le cadre de l'accord de Marrakech,

Invite le Gouvernement :

- à convaincre le Conseil d'affirmer une réelle volonté politique d'utiliser effectivement les instruments de défense commerciale,

- à obtenir que toutes les mesures définitives de défense commerciale soient prises par le Conseil à la majorité simple, ceci dans le but d'éviter le blocage des procédures,

- à désapprouver l'introduction dans le droit communautaire de
deux dispositions qui ne sont qu'optionnelles dans l'accord de Marra
kech :

ï la prise en compte de l'intérêt communautaire qui privilégie de façon excessive certaines des préoccupations des consommateurs, ce qui risque de vider le dispositif de son efficacité ;

ï l'imposition de droits moindres si la marge de préjudice est inférieure à la marge de dumping,

- à obtenir le maintien à quinze mois du délai maximum
d'enquête par la Commission,

Souhaite, d'une part, la définition de critères sur la base desquels la Commission pourra suspendre les droits antidumping et, d'autre part, l'application effective des mesures d'engagements de prix,

Regrette enfin :

- que la sélectivité des clauses de sauvegarde soit toujours proscrite par le nouveau code annexé à l'accord de Marrakech, ce qui interdira, de fait, une utilisation effective de ces clauses,

- et que la Commission ne propose pas de droit de plainte direct des entreprises communautaires en vue de l'instauration de ces mesures.

III. - S'agissant du volet agricole.

Invite le Gouvernement :

- à veiller à ce que les mécanismes de mesure des prix à l'importation permettent un contrôle effectif de la réalité de ces derniers,

- à obtenir que les règles régissant la gestion des certificats d'exportation soient définies de la façon la plus favorable pour le maintien et la conquête de parts de marché au profit de la Communauté,

- à maintenir son opposition à la réduction des compétences du Conseil dans la gestion du volet externe des organisations communes de marché,

- à obtenir, en particulier, que la fixation des règles générales en matière de contrôle de la fiabilité des prix à l'importation et de gestion des certificats d'importation et d'exportation soit de la compétence du conseil,

- à veiller à ce que les contraintes des accords du G.A.T.T. soient gérées de manière à assurer la préférence communautaire, à permettre de façon privilégiée aux pays d'Europe centrale et orientale et du bassin méditerranéen de bénéficier de l'ouverture des marchés communautaires et à préserver et développer la vocation exportatrice de l'agriculture communautaire, afin de lui permettre de bénéficier pleinement de l'expansion des marchés mondiaux,

IV. - S'agissant du volet relatif aux marchés publics.

Considérant que, contrairement à ce qu'affirme l'article 9-c de l'exposé des motifs de la proposition d'acte communautaire précitée, le projet d'accord sur les marchés publics (A.G.P.), accord plurilatéral annexé à l'accord O.M.C. (annexe 3), entraîne des modifications substantielles de la législation communautaire applicable aux industries de réseaux concernées par cette annexe,

Considérant que ces modifications sont incompatibles avec les principes de base des directives européennes applicables à ces industries,

Considérant, en outre, que l'extension aux industries concernées des dispositions relatives aux marchés publics stricto sensu sont de nature à compromettre gravement leur bon fonctionnement,

Considérant, notamment, que certaines de ces dispositions interdiraient le dialogue technique pourtant indispensable aux relations entre industriels concourant à la réalisation et à l'exploitation des réseaux,

Considérant que les entraves ainsi apportées à l'indispensable équilibre des compétences et des responsabilités établi entre exploitants et concepteurs-constructeurs sont contraires à l'article 130 F du traité de Rome encourageant les entreprises, y compris les petites et moyennes, dans leurs efforts de recherche, de développement et de coopération,

Considérant que les entraves évoquées ci-dessus sont contraires aux pratiques commerciales courantes imposées par l'article XVII du G.A.T.T. aux entreprises, publiques ou privées, disposant de droits ou privilèges exclusifs ou spéciaux, pratiques qui permettent à ces entreprises - tout en assurant une concurrence loyale et non discriminatoire -, d'entretenir entre fournisseurs et clients des relations partenariales de longue durée, comme celles qui ont permis la réalisation du programme nucléaire français ou du train à grande vitesse,

Considérant que les conditions d'application du projet d'accord A.G.P. ne sont pas clairement définies en l'absence, contrairement aux usages du G.A.T.T., de liste nominative des entreprises européennes qui seraient considérées comme publiques pour l'application de l'accord,

Considérant que ce projet d'accord opère une discrimination de droit entre les entités adjudicatrices publiques et privées au sein de l'Union Européenne, discrimination contraire aux engagements de la Commission européenne et qui joue au détriment de la France,

Considérant que ce projet d'accord A.G.P. présente des difficultés manifestes d'extension, étant donné que les pays tiers n'accepteront probablement jamais d'y soumettre leurs entreprises privées, ce que confirme le déséquilibre flagrant du projet d'accord bilatéral entre la Communauté européenne et les États-Unis concernant les marchés publics, dans le secteur de l'électricité,

Désapprouve l'extension du projet d'accord A.G.P à des entreprises publiques industrielles gérant des réseaux d'infrastructures,

Estime, en effet, que ces entreprises devraient continuer à être placées, conformément à l'article XVII de l'accord général du G.A.T.T., dans un régime de libre concurrence et non être soumises à un code de procédures administratives,

Attire l'attention du Gouvernement sur les sérieuses conséquences industrielles qui pourraient résulter de l'application des règles de l'A.G.P., conséquences qui seraient aggravées par une réciprocité insuffisante au détriment de l'Union européenne,

Dénonce l'assertion de l'article 9-c de l'exposé des motifs de la proposition n° E-318 selon laquelle la révision de l'A.G.P. ne demande « pas de modifications majeures de la législation communautaire en vigueur » ,

Regrette, par conséquent, que cette proposition ne prévoit pas d'apporter à la législation communautaire, notamment à la directive 93/38/CEE portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications, les réelles et substantielles modifications qu'implique la mise en oeuvre des résultats des négociations commerciales multilatérales du cycle d'Uruguay,

Constate par ailleurs, que l'A.G.P. ne peut être appliqué aux industries de réseaux tant qu'une liste nominative des entreprises publiques concernées n'a pas été communiquée par la Commission européenne,

Dans ces conditions, exprime, par avance, ses réserves sur l'établissement éventuel d'une liste, qui aurait un effet discriminatoire à l'encontre des entreprises françaises dans les secteurs industriels concernés,

Invite le Gouvernement à demander au Conseil de surseoir à l'approbation définitive de l'A.G.P. tant qu'il n'aura pas obtenu la liste nominative des entreprises publiques visées par son annexe 3.

Délibéré, en séance publique, à Paris, le 20 décembre 1994.

Le Président,

Signé : René MONORY.

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