Question de M. MOULY Georges (Corrèze - R.D.E.) publiée le 16/04/1992

M. Georges Mouly attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et de la sécurité publique sur une application du code électoral difficilement conciliable avec la volonté clairement affichée, d'inciter nos concitoyens à voter. L'article 1er en effet du chapitre Ier, précise que " les citoyens qui ont quitté leur résidence habituelle pour prendre leurs congés de vacances " peuvent donner procuration de vote. Cette notion ne serait pas applicable aux personnes retraitées qui se trouveraient en déplacement dans le cadre de voyages touristiques de " clubs du 3e âge ". Il lui demande s'il n'y a pas là une distorsion de traitement et s'il n'y a pas lieu de faire que les personnes retraitées puissent, elles aussi, être considérées comme pouvant être " en vacances ".

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Réponse du ministère : Intérieur publiée le 11/06/1992

Réponse. - Aucune instruction ministérielle ne saurait intervenir pour restreindre le champ d'application des dispositions relatives au vote par procuration, puisque c'est la loi qui énumère les catégories de citoyens autorisées à avoir recours à cette procédure de vote. La circulaire intitulée Instruction relative aux modalités d'exercice du droit de vote par procuration, diffusée aux préfets, aux maires et aux autorités habilitées à établir les formulaires de procuration, se borne à commenter les dispositions législatives et réglementaires en vigueur à cet égard. Or, jamais les retraités n'ont été autorisés à voter par procuration pour le seul motif qu'ils seraient absents de leur commune d'inscription pour cause de vacances. On notera en premier lieu que les retraités sont en mesure de prendre les dispositions nécessaires pour que les dates de leurs déplacements ne coïncident pas avec celles des consultations électorales. En effet, si l'on excepte les élections p artielles, qui surviennent inopinément, on peut affirmer que le calendrier électoral est parfaitement prévisible et le code électoral est ainsi conçu que, pour changer le mois où doit se dérouler une élection, il faut l'intervention d'une loi. Hors les élections présidentielles, qui - pour le moment - se déroulent en avril-mai, toutes les autres consultations ont lieu normalement durant le mois de mars. Il est donc infondé de soutenir que la liberté des retraités, s'agissant du choix de leurs dates de déplacement, serait obérée par le calendrier électoral. Au demeurant, quand, pour quelque cause que ce soit, ce calendrier est modifié, c'est toujours plusieurs mois à l'avance. En second lieu, si le Gouvernement s'est constamment opposé à l'extension du vote par procuration aux retraités absents de leur résidence habituelle pour prendre des vacances, c'est pour des raisons de fond qui s'articulent comme suit. 1. En démocratie, le vote est un acte personnel et secret.De toute évidence, le vote par procuration déroge à ce principe. 2. Une telle dérogation ne peut donc valablement s'appuyer que sur des éléments objectifs résultant, non de la volonté de l'électeur, mais de contraintes qu'il subit du fait de sa santé, de sa profession, voire d'obligations inoppinées auxquelles il ne peut se soustraire. A cet égard, la lecture de l'article L. 71 du code électoral, qui énumère limitativement les catégories de citoyens autorisées à avoir recours au vote par procuration, traduit bien cette doctrine. 3. On ne saurait dire que, pour les retraités, la date de leurs vacances - c'est-à-dire la date à laquelle ils choisissent de s'éloigner de leur domicile habituel - constitue une contrainte puisqu'elle ne dépend finalement que d'eux-mêmes. 4. Il résulte de ce qui précède qu'autoriser les " retraités vacanciers " à voter par procuration reviendrait à accorder le droit de vote par procuration pour convenances personnelles. 5. Dès lors, on ne voit pas pourquoi seuls les retraités pourraient bénéficier de ce droit, et non, par exemple, les inactifs ou les chômeurs qui se trouvent objectivement dans une situation exactement identique. Et si ce droit devait être accordé à ceux qui n'ont pas - ou qui n'ont plus - d'activité professionnelle, on ne voit pas non plus pourquoi il serait dénié à ceux qui en ont une. Un tel " privilège " accordé aux retraités constituerait une rupture du principe constitutionnel d'égalité entre les citoyens. 6. Respecter ce principe constitutionnel en la circonstance aboutirait donc automatiquement à faire du vote par procuration une procédure ordinaire d'expression du suffrage, en contradiction avec un autre principe fondamental de la démocratie, celui rappelé au 1. ci-dessus. 7. Il s'ensuivrait en outre de multiples possibilités de fraudes. En effet, actuellement, parce qu'elle résulte de circonstances impératives, la procuration n'est délivrée que sur présentation de pièces justificatives précises, que le juge de l'élection peut ultérieurement contrôler. Dans l'hypothèse du vote par procuration pour convenances personnelles, il ne peut plus y avoir de contrôle, ni a priori, ni a posteriori. Au surplus, les officiers de police judiciaire auxquels l'établissement des formulaires de procuration donne déjà bien du travail, seraient excessivement sollicités et ne pourraient donc matériellement procéder à aucune vérification sérieuse. Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est opposé à l'extension suggérée du champ d'application de la procédure de vote par procuration. Au demeurant, lors de la discussion de la loi n° 88-1262 du 30 décembre 1988, la question de la modification du 23 du paragraphe I de l'article L. 71 du code électoral pour permettre aux retraités de voter par procuration a été abordée. Il ressort sans ambiguïté des débats que le législateur n'a pas voulu donner suite à la suggestion qui lui était faite. L'amendement déposé en ce sens a été rejeté par la commission des lois et a été ensuite retiré en séance publique par son auteur (JO, Débats, AN, 2e séance du jeudi 24 novembre 1988, pages 2754 et suivantes). ; procédure ordinaire d'expression du suffrage, en contradiction avec un autre principe fondamental de la démocratie, celui rappelé au 1. ci-dessus. 7. Il s'ensuivrait en outre de multiples possibilités de fraudes. En effet, actuellement, parce qu'elle résulte de circonstances impératives, la procuration n'est délivrée que sur présentation de pièces justificatives précises, que le juge de l'élection peut ultérieurement contrôler. Dans l'hypothèse du vote par procuration pour convenances personnelles, il ne peut plus y avoir de contrôle, ni a priori, ni a posteriori. Au surplus, les officiers de police judiciaire auxquels l'établissement des formulaires de procuration donne déjà bien du travail, seraient excessivement sollicités et ne pourraient donc matériellement procéder à aucune vérification sérieuse. Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est opposé à l'extension suggérée du champ d'application de la procédure de vote par procuration. Au demeurant, lors de la discussion de la loi n° 88-1262 du 30 décembre 1988, la question de la modification du 23 du paragraphe I de l'article L. 71 du code électoral pour permettre aux retraités de voter par procuration a été abordée. Il ressort sans ambiguïté des débats que le législateur n'a pas voulu donner suite à la suggestion qui lui était faite. L'amendement déposé en ce sens a été rejeté par la commission des lois et a été ensuite retiré en séance publique par son auteur (JO, Débats, AN, 2e séance du jeudi 24 novembre 1988, pages 2754 et suivantes).

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