Question de M. PASQUA Charles (Hauts-de-Seine - RPR) publiée le 30/07/1992

M. Charles Pasqua attire l'attention de M. le Premier ministre sur les événements dramatiques qui viennent de se dérouler en Sicile, manifestant l'impuissance des autorités italiennes à maîtriser le phénomène de la criminalité organisée. L'assassinat, à quelques semaines d'intervalle, des deux principaux magistrats chargés de la lutte contre la criminalité organisée, outre qu'il a suscité la consternation et la compassion de tous les amis de l'Italie, ne doit-il pas amener à reconsidérer l'opportunité de mettre en vigueur la convention d'application de l'accord de Schengen dès le 1er janvier 1993 ? Il lui demande si, alors que les criminels défient toutes les autorités politiques, judiciaires et policières en Italie, l'heure lui semble bien être au démantèlement de tout contrôle frontalier. Enfin, compte tenu de l'aisance avec laquelle les criminels, manifestement bien renseignés, ont déjoué toutes les protections censées défendre la vie de Giovanni Falcone et Paolo Borsellino, il lui demande s'il lui paraît opportun de mettre en commun dans le " système d'information Schengen ", au 1er janvier 1993, toutes les informations judiciaires et policières concernant le crime organisé, et ce sans véritable contrôle sur les utilisations frauduleuses qui pourraient en être faites au plus grand bénéfice des criminels.

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Réponse du ministère : Premier ministre publiée le 22/10/1992

Réponse. - Comme le sait, l'honorable parlementaire, la convention d'application de l'accord de Schengen comporte des dispositions qui, en contrepartie de la suppression des contrôles aux frontières intérieures, permettront la mise en commun des moyens des Etats parties pour lutter contre le terrorisme, l'immigration clandestine, le trafic de stupéfiants et la grande criminalité. Ces dispositions s'articulent autour de trois axes : la coopération policière et judiciaire, l'harmonisation des législations sur les armes, les stupéfiants... et l'échange de données informatisées. En matière de coopération entre les polices, deux dispositions principales ont été mises au point qui sont : d'une part, l'échange de fonctionnaires de liaison qui assureront des missions d'information, d'assistance et de conseil et, d'autre part, un droit d'observation et de poursuite transfrontalière, étroitement réglementé. Ce dernier ne peut s'appliquer qu'à des cas de flagrants délits pourdes faits graves, limitativement énumérés, et n'est pas assorti, pour la France, du droit d'interpellation qui reste de la compétence des policiers français. En matière de coopération judiciaire, la convention d'application renforce, en les simplifiant et en étendant leur champ d'application, les mécanismes d'extradition et d'entraide pénale. En ce qui concerne l'échange de données informatisées par le biais du SIS créé par la convention d'application, il convient de rappeler trois données de base : tout d'abord, l'exploitation du SIS, et notamment des données à caractère personnel qu'il contient, obéit à des normes de protection et à des obligations de sécurité matérielles et logiques du système, conformes aux normes édictées par les autorités de contrôle des Etats parties. De plus, la convention a créé une autorité de contrôle commune, composée de représentants de chaque autorité nationale de contrôle et l'adoption de dispositions légales en matière de protectiondes données à caractère personnel constitute d'ailleurs une condition préalable à la mise en vigueur de la convention. Deuxièmement, les catégories de données susceptibles d'être intégrées dans le SIS sont limitativement énumérées en fonction de l'usage qui doit en être fait, conformément aux signalements précisés dans les articles 95 à 100 de la convention d'application de l'accord de Schengen. Enfin, leur accès est réservé aux seules autorités, ou services, qui en ont besoin connaître pour les contrôles frontaliers et les vérifications de police et de douane effectuées à l'intérieur du pays. Par ailleurs, la suppression des contrôles aux frontières intérieures ne signifie, ni l'abandon de tout contrôle - bien au contraire, les contrôles mobiles seront renforcés - ni la suppression des frontières, comme l'a rappelé le conseil constitutionnel dans sa décision du 25 juillet 1991. Enfin, la libre circulation des personnes est assortie, outre des mesures compensatoires décrites ci-dessus, d'une clause de sauvegarde puisque, au terme de l'alinéa 2 de l'article 2 de la convention d'application, chaque Etat peut rétablir les contrôles à ses frontières " lorsque l'ordre public ou la sécurité nationale l'exigent ". C'est pourquoi, la convention d'application de l'accord de Schengen ne doit faire craindre aucun recul en matière de lutte contre le grand banditisme et le crime organisé en général. Bien au contraire, cette lutte repose de plus en plus aujourd'hui sur la coopération et les échanges entre les polices, dont cette convention permet et organise le développement.

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