Question de M. AUTHIÉ Germain (Ariège - SOC) publiée le 05/08/1993

M. Germain Authié appelle l'attention de M. le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation de l'entrepreneur. De tous les intervenants à l'acte de construire, ce dernier est le seul à ne bénéficier d'aucune garantie de paiement. En effet, les fournisseurs peuvent avoir la réserve de propriété, les banquiers l'hypothèque, etc. Certes, l'entrepreneur peut inscrire le privilège des architectes et entrepreneurs visé par l'article 2103 (4o) du code civil ; mais sa mise en oeuvre est d'une lourdeur telle qu'elle ne peut être envisagée dans le cadre normal des relations entrepreneur-maître d'ouvrage, comme l'atteste le fait que le privilège est pratiquement inutilisé. En outre, en cas de défaillance du maître de l'ouvrage, non seulement l'entrepreneur ne sera pas payé, mais c'est l'ouvrage qu'il a construit et pour lequel il n'est pas encore payé qui servira à régler les créanciers privilégiés (URSSAF, banques, etc.) du maître d'ouvrage, au prix d'une véritable spoliation de l'entreprise du fruit de son travail. En effet, l'article 551 du code civil dispose : "Tout ce qui s'unit et s'incorpore à la chose appartient au propriétaire ... " de cette chose. En application de cet article, les ouvrages réalisés par l'entrepreneur en exécution d'un contrat d'entreprise deviennent, au fur et à mesure de cette exécution, la propriété du propriétaire du sol, qu'ils soient payés ou non. Ainsi, le risque d'insolvabilité est en fait supporté pratiquement par les seules entreprises qui, en exécutant des travaux, ont cependant apporté une plus-value au patrimoine du maître de l'ouvrage et ont ainsi accru l'assiette sur laquelle repose la garantie des créanciers privilégiés. Il s'agit incontestablement d'une iniquité et d'un facteur de disparition des entreprises, dont la structure financière ne permet pas de supporter la multiplication des impayés et de destruction des emplois correspondants. Afin de rétablir l'équité économique qui doit prévaloir dans les marchés de travaux, comme d'ailleurs dans toute relation contractuelle, il convient, par conséquent, que l'entrepreneur puisse rester propriétaire de ses travaux, à titre de garantie, jusqu'à complet paiement des sommes dues au titre du marché. Il lui demande quelles sont ses intentions pour remédier à cette difficulté.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 02/09/1993

Réponse. - Comme le remarque l'honorable parlementaire, bien que les entrepreneurs et artisans du bâtiment et des travaux publics disposent d'un privilège spécial sur les immeubles qu'ils édifient, construisent ou réparent (art. 2103-4 du code civil), ils l'invoquent rarement parce que son exercice leur paraît compliqué et préfèrent avoir recours à d'autres sûretés. Néanmoins, l'attention de la chancellerie a été attirée à plusieurs reprises sur les difficultés que rencontrent ceux-ci quand, en cas de défaillance du maître de l'ouvrage, ils sont primés par les créanciers disposant de sûretés ou de privilèges inscrits et se trouvent en concours avec les créanciers chirographaires. C'est pourquoi elle a décidé de mettre à l'étude les problèmes de concours de créanciers dans de telles hypothèses.

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