Question de M. MASSERET Jean-Pierre (Moselle - SOC) publiée le 31/10/2001

M. Jean-Pierre Masseret souhaite obtenir de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche des précisions concernant deux des 23 mesures décidées par le Gouvernement en faveur des éleveurs de bovins, malmenés par la crise qui frappe leur profession : des précisions concernant la mesure n° 9 sur le dégagement de marché sur les jeunes veaux ; des précisions sur la mesure n° 22 relatives aux aides financières directes favorisant le maintien du troupeau de vaches allaitantes.

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Réponse du ministère : Agriculture publiée le 07/11/2001

Réponse apportée en séance publique le 06/11/2001

M. Jean-Pierre Masseret. Monsieur le ministre, le 17 octobre dernier, vous avez pris une série de mesures complémentaires pour faire face à la crise bovine.
Je dois vous dire que ces mesures ont été unanimement appréciées, en tout cas dans mon département, la Moselle, par les organisations syndicales, les fédérations départementales et le centre des jeunes agriculteurs. Elles témoignent, en effet, de l'engagement qui est le vôtre sur ce dossier depuis plus d'un an déjà, et de votre détermination tout à fait exemplaire.
Vos initiatives, qui sont soutenues par le Gouvernement, ont donné des résultats. Il restait cependant du chemin à faire, et c'est l'objet des mesures du 17 octobre.
Permettez-moi de vous interroger plus particulièrement sur la mesure n° 22, relative aux initiatives prises en faveur du secteur de la vache allaitante.
Evitons, sur ce dossier, toute « discrimination territoriale ». En effet, quand on évoque le bassin allaitant, on pense naturellement, et légitimement, au centre de la France. Mais j'appelle votre attention sur le fait que la Moselle compte 55 000 vaches allaitantes, les producteurs ayant, depuis des années, organisé une filière complète et cohérente avec, outre les vaches allaitantes et les broutards à l'engraissement, quatre abattoirs concentrés sur son territoire qui desservent l'ensemble de la région Lorraine, une industrie de transformation, de découpe, de conditionnement et de charcuterie ainsi qu'un label de certification de la qualité de la filière « viande bovine ».
Je souhaite donc que, pour éviter toute « discrimination territoriale », vos services et vous-même, monsieur le ministre, preniez en considération l'ensemble des situations.
Permettez-moi de vous interroger également sur la restauration hors domicile, qui représente 20 % du marché. Il serait important que l'ensemble des administrations, qui sont des grosses consommatrices de viande du fait de leurs différentes formules de restauration collective, fassent évoluer leurs cahiers des charges pour y introduire des conditions tenant au sérieux de la traçabilité. Aujourd'hui, l'approvisionnement vient, pour beaucoup, de l'extérieur ; cela n'est pas condamnable en soi, mais n'offre que peu de garanties sur la sécurité alimentaire.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, c'est à la fois avec plaisir et intérêt que je réponds ce matin à vos deux questions.
Cette crise bovine, par sa longueur même - elle dure depuis près d'un an - est beaucoup plus grave que celle que nous avions connue en 1996 et qui avait déjà causé beaucoup de dommages à la filière bovine française.
Donc, cette crise dure, et ses effets sur les revenus des éleveurs sont de plus en plus préoccupants.
Je l'ai dit à plusieurs reprises, le Gouvernement veut prendre en compte la difficulté de la situation et l'angoisse des éleveurs. Je suis frappé de constater, dans mes rencontre avec les éleveurs, qu'à la colère a succédé une sorte de résignation déprimée. Les éleveurs vont même jusqu'à se demander s'il y a encore un avenir pour l'élevage bovin dans notre pays.
Il est de notre devoir tout à la fois de répondre à leur détresse, dans l'immédiat, et de fixer un cap pour l'avenir, en montrant quelles perspectives s'offrent à la production de bovins dans notre pays.
S'agissant de la restauration hors domicile, j'ai d'ores et déjà pris différentes initiatives. Ainsi, j'ai rencontré le syndicat des entreprises de restauration hors domicile et j'ai encouragé mes interlocuteurs à privilégier autant que faire se peut - je n'ai pas les moyens d'interdire les importations - les viandes françaises pour nous aider à passer ce mauvais cap. En effet, dans ces périodes de difficultés, nous avons des stocks et des surplus à la fois dans les frigos et sur pieds, dans les exploitations.
J'ai, de même, pris l'initiative d'inciter l'ensemble des maires de notre pays, notamment ceux qui gèrent des cantines scolaires en direct ou par l'intermédiaire d'entreprises concessionnaires, à faire preuve, comme vous le souhaitez, d'une volonté de consommation citoyenne et à modifier en ce sens les cahiers des charges qu'ils fixent à leurs entreprises ou à leurs fournisseurs pour que, les yeux ouverts, chacun puisse savoir quelle viande est consommée dans nos cantines, plutôt que de s'en tenir uniquement au prix de la viande. Je continuerai à agir dans ce sens.
Je le redis devant vous, dans la procédure d'appel d'offres pour ses marchés publics, une collectivité n'est pas contrainte au choix du moins-disant. Elle a simplement obligation, si elle ne retient pas le moins-disant, d'expliquer pourquoi. Un cahier des charges qualitatif peut être et doit être une très bonne raison pour cela.
J'agirai de même, avec mon collègue Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, en direction de l'ensemble de la restauration collective dépendant de l'Etat dans les différents ministères, qu'il s'agisse de la défense ou de la santé, notamment, de sorte que nous puissions donner l'exemple.
Effectivement, il faut que nous puissions faire progresser cette exigence de qualité et promouvoir une consommation citoyenne qui nous permette de privilégier les viandes de qualité d'origine française.
S'agissant maintenant du bassin allaitant, je veux vous rassurer, monsieur Masseret.
Ce bassin allaitant est presque une spécialité française. Seuls deux autres pays européens en ont un je veux parler de l'Irlande, qui connaît, avec ses races à viande, une situation aussi dramatique que la France et, dans une certaine mesure, la Belgique. Le bassin allaitant français est, certes, principalement situé dans le grand Massif central, mais il y a des troupeaux allaitants à peu près dans tous les départements de France.
C'est une grande force pour nous en termes d'élevage extensif, d'élevage de qualité et d'aménagement du territoire, et une grande faiblesse aussi, en cas de crise. En effet, comme ce bassin allaitant produit des « maigres », des broutards destinés à l'engraissement en Italie ou en Espagne, en cas de crise et de fermeture des frontières, des surplus considérables s'accumulent dans nos exploitations. Donc, il faut traiter ce problème.
Nous nous y attelons. Ainsi, s'agissant des aides directes, je veux vous rassurer : nous avions mis en place un premier plan d'aide au mois de février qui privilégiait les éleveurs du bassin allaitant, puisque c'était autour du taux de spécialisation qu'avaient été définis les critères d'éligibilité. Donc, les éleveurs du bassin allaitant, où qu'ils soient en France, avaient tous été traités sans aucune discrimination géographique.
S'agissant du nouveau plan d'aide que je mets en oeuvre, nous faisons, à l'heure actuelle, réaliser une étude dans tous les départements par les directions départementales de l'agriculture, les DDA.
Cette étude fera l'objet d'une négociation, d'une concertation avec les organisations professionnelles à partir du 15 novembre, de sorte que nous puissions, sur la base des statistiques concernant les revenus des éleveurs au mois de décembre, bâtir définitivement ce plan, les fonds étant disponibles au début de l'année 2002. Ce plan sera ciblé sur ceux qui en ont le plus besoin, c'est-à-dire sur les éleveurs de bovins allaitants.
Cela étant, il faudra aussi, et c'est ma conclusion, s'interroger sur l'avenir de ce bassin allaitant. J'ai confié à un ingénieur général du génie rural des eaux et des forêts, M. Mordant, une mission en ce sens. Il convient, en effet, de réfléchir aux nécessaires mesures structurelles qu'il faut prendre pour assurer l'avenir de ce bassin.
Cet ingénieur général s'est déjà mis au travail et sillonne le bassin allaitant au sens large, c'est-à-dire, en fait, tous les départements de France, pour entendre et consulter. Il nous remettra ses propositions avant la fin de l'année, de sorte que nous pourrons fixer un cap pour ce troupeau allaitant français qui est, comme je le disais, une grande force pour nous et, en même temps, une fragilité en cas de crise, raison pour laquelle nous devons être vigilants.
M. Jean-Pierre Masseret. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Masseret.
M. Jean-Pierre Masseret. S'agissant de la restauration hors domicile, je vous remercie, monsieur le ministre, des précisions que vous venez d'apporter. Il me semble que l'on pourrait, sans se placer en contradiction avec les règles de la concurrence, faire évoluer les cahiers des charges - dans nos départements, pour les collèges, dans nos régions, pour les lycées - en introduisant des clauses sur la traçabilité dont la valeur juridique est, à mon sens, évidente. Cela permettrait un meilleur choix, et ce au bénéfice de la production nationale, sans préjudice pour la liberté du commerce international.

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