Question de M. OSTERMANN Joseph (Bas-Rhin - UMP) publiée le 21/11/2002

M. Joseph Ostermann attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les dispositions applicables en droit local Alsace-Moselle en matière de déclaration domiciliaire. En effet, trois ordonnances prises par les autorités allemandes en 1883 prévoient l'obligation pour toute personne qui change de domicile d'en faire la déclaration aux autorités locales. Depuis lors, les communes des trois départements concernés tiennent des fichiers domiciliaires. Cette réglementation est toujours en vigueur. Elle a toutefois été modifiée par un décret de 1919 abrogeant les sanctions pénales prévues en cas de non respect de cette obligation. Cette modification a conduit de nombreuses communes à appliquer le droit général en vertu duquel la déclaration domiciliaire est facultative. Certains juristes évoquent une possible caducité du droit local du fait des modifications apportées au décret de 1789 sur lequel reposent les ordonnances de 1883. D'autres évoquent encore son caractère contraire à la liberté d'aller et venir sans toutefois que le Conseil Constitutionnel lui-même ne se soit prononcé sur ce cas d'espèce. Or, selon une loi du 17 octobre 1919 relative au régime transitoire de l'Alsace et de la Lorraine, le droit local doit être considéré comme maintenu s'il n'a pas été abrogé entre 1918 et nos jours. Il en résulte une situation de flou juridique que déplorent les élus de ces trois départements. Aujourd'hui, une majorité d'entre eux se déclare très favorable au maintien de ce système qui facilite la gestion de leurs communes. En outre, l'application de l'obligation de déclaration domiciliaire dans des pays comme l'Allemagne ou la Belgique témoignent de l'intérêt et de l'efficacité de ce système. Il lui demande par conséquent s'il ne conviendrait pas d'entreprendre des démarches en vue de clarifier les dispositions applicables en Alsace-Moselle.

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Réponse du Ministère délégué aux libertés locales publiée le 15/01/2003

Réponse apportée en séance publique le 14/01/2003

M. Joseph Ostermann. Je souhaitais attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les dispositions applicables en droit local d'Alsace-Moselle en matière de déclaration domiciliaire.
En effet, trois ordonnances prises par les autorités allemandes en 1883 prévoient l'obligation, pour toute personne qui change de domicile, d'en faire la déclaration aux autorités locales. Depuis lors, les communes des trois départements concernés tiennent des fichiers domiciliaires.
Cette réglementation est toujours en vigueur. Elle a toutefois été modifiée par un décret de 1919 abrogeant les sanctions pénales prévues en cas de non-respect de cette obligation.
Cette modification a conduit de nombreuses communes à appliquer le droit général, en vertu duquel la déclaration domiciliaire est facultative.
Certains juristes évoquent une possible caducité du droit local du fait des modifications apportées au décret de 1789 sur lequel reposent les ordonnances de 1883. D'autres évoquent encore son caractère contraire à la liberté d'aller et venir, sans toutefois que le Conseil constitutionnel lui-même se soit jamais prononcé sur ce cas d'espèce.
Or, selon une loi du 17 octobre 1919 relative au régime transitoire de l'Alsace et de la Lorraine, le droit local doit être considéré comme maintenu s'il n'a pas été abrogé depuis 1918.
Il en résulte une situation de flou juridique que déplorent les élus de ces trois départements. Aujourd'hui, une majorité d'entre eux se déclarent très favorables au maintien de ce système, qui facilite la gestion de leurs communes. En outre, l'application de l'obligation de déclaration domiciliaire dans des pays comme l'Allemagne ou la Belgique témoigne de l'intérêt et de l'efficacité de ce système.
Ne conviendrait-il pas, par conséquent, d'entreprendre des démarches en vue de clarifier les dispositions applicables en Alsace-Moselle, et, éventuellement, de les étendre au reste du territoire national ?
M. Le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le sénateur, je reconnais bien dans vos propos le tropisme d'une Alsace qui, souvent heureuse de son particularisme, souhaite immanquablement le voir étendu à l'ensemble du territoire ! (Sourires.)
D'une façon générale, les personnes récemment installées dans une commune ne sont pas assujetties à l'obligation de déclarer en mairie leur nouveau domicile, à l'exception, cependant, des ressortissants étrangers et ce en application d'un décret du 31 décembre 1947.
L'article 104 du code civil laisse aux administrés la faculté d'effectuer une déclaration de changement de domicile uniquement à des fins probatoires.
Les nouveaux administrés sont toutefois appelés à se rendre spontanément à la mairie, à l'occasion d'un changement de résidence, pour accomplir diverses formalités, notamment en vue de leur inscription sur les listes électorales, de l'obtention de certificats, fiches ou documents, ou de l'inscription des enfants à la cantine scolaire, par exemple.
Cependant, monsieur le sénateur, des dispositions particulières en matière de déclaration domiciliaire sont effectivement applicables en Alsace-Moselle. Trois ordonnances prises, sous l'Empire allemand, les 15, 16 et 18 juin 1883, par les présidents des trois districts alsaciens-lorrains rendent obligatoires les déclarations de domicile et de changement de domicile auprès de l'autorité de police communale.
Par ailleurs, en application des décrets du 25 novembre 1919 introduisant en Alsace-Lorraine la législation pénale française, les sanctions pénales propres au droit local pour la méconnaissance de ces dispositions ont été abrogées ; celles-ci relèvent désormais de l'article R. 610-5 du code pénal, qui dispose que la « violation des interdictions ou le manquement aux obligations édictées par les décrets et arrêtés de police sont punis de l'amende prévue pour les contraventions de la 1re classe ».
Toutefois, il n'est pas évident du tout, de mon point de vue, que les obligations administratives de déclaration domiciliaire soient aujourd'hui compatibles avec nos principes constitutionnels, notamment avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui consacre la liberté d'aller et de venir comme principe de valeur constitutionnelle. C'est notamment le cas d'une décision du Conseil constitutionnel du 12 juillet 1979.
Il me semble, monsieur Ostermann, que la liberté d'aller et de venir implique le droit de ne pas en rendre compte ou du moins de ne pas y être contraint. Et qu'est-ce qu'une obligation qui ne peut pas être sanctionnée ?
Si, effectivement, monsieur le sénateur, le fait de déclarer le changement de domicile constitue indiscutablement un acte de civisme utile, le rendre obligatoire et assortir le manquement d'une sanction destinée à rendre effective l'obligation serait, je le crois, incompatible avec notre dispositif constitutionnel.
M. le président. La parole est à M. Joseph Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Néanmoins, je crois qu'il est difficile, pour des départements qui ont pris l'habitude d'un certain ordre, d'admettre que l'on ait le droit de se déplacer d'une commune à une autre sans déclarer sa nouvelle domiciliation en mairie.
La question que je viens de poser est le fruit de la dernière réunion de l'association des maires de mon départements, qui, très attentifs à ce problème, souhaitent savoir s'ils peuvent ou non obliger leurs nouveaux concitoyens, qui sont, bien entendu, les bienvenus, à déclarer leur nouveau domicile.
Pour prendre l'exemple de ma commune, il est tout de même assez étrange qu'il faille attendre la rentrée scolaire pour savoir combien d'enfants sont arrivés au cours des deux mois précédents ! Cela pose des problèmes, raison pour laquelle nous souhaitons que cette question soit approfondie, monsieur le ministre délégué.

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