Question de M. HAMEL Emmanuel (Rhône - RPR) publiée le 28/11/2002

M. Emmanuel Hamel signale à l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, l'opposition au principe de la grâce présidentielle du 14 juillet exprimée par le président de l'Association française de criminologie, parue à la page 8 du quotidien Le Figaro du 12 octobre 2002. Ce directeur de recherche au CNRS, spécialiste des questions pénales, explique les raisons pour lesquelles il est opposé au principe de la grâce présidentielle du 14 juillet : " elle est déresponsabilisante pour les détenus... cette mesure est contraire à une politique pénale transparente... elle décourage l'exécution des condamnations à des courtes peines déjà prononcées mais susceptibles de bénéficier de la grâce ". Il souhaiterait connaître son opinion à l'égard de cette analyse, si elle est conforme à son jugement ou si, au contraire, il estime ne pas devoir suggérer qu'il soit mis fin à la grâce présidentielle du 14 juillet, tradition de la République.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 02/01/2003

Le garde des sceaux, ministre de la justice, a l'honneur de faire connaître à l'honorable parlementaire que la grâce, qui dispense la personne condamnée de subir en totalité ou en partie la peine prononcée, est une prérogative traditionnelle du chef de l'Etat. Elle est prévue par l'article 17 de la Constitution du 4 octobre 1958 et est fondée sur une longue tradition coutumière, consacrée en France par les constitutions républicaines successives. Le garde des sceaux souligne que la grâce est un droit régalien et, à ce titre, constitue une prérogative exclusive du chef de l'Etat, qui l'exerce personnellement. Il apprécie seul l'opportunité des mesures de grâce et n'a jamais à rendre compte des motifs qui inspirent sa décision. La grâce est le plus souvent individuelle, mais peut également être collective et s'applique alors en même temps à de nombreux condamnés, libres ou détenus, qui ne sont pas identifiés. S'il est exact que des critiques ont été formulées à l'adresse de la pratique des décrets de grâces collectives promulgués à l'occasion de la fête nationale, au motif, essentiellement, que ces décisions de clémence seraient beaucoup trop générales pour venir réellement au soutien de la réinsertion de condamnés méritants, le garde des sceaux souligne que le décret paru le 10 juillet 2002 a allongé la liste des infractions emportant exclusion du bénéfice de la grâce. En conséquence, nulle mesure de clémence n'est accordée aux auteurs des faits considérés comme les plus graves. Ainsi, aux exclusions existant depuis plusieurs années (trafic de stupéfiants, terrorisme, crimes contre l'humanité, infractions commises contre les mineurs, violences sur personnes dépositaires de l'autorité publique, corruption, ingérence, trafic d'influence), ont été ajoutées les infractions d'évasion, de violences sur personnes chargées d'une mission de service public, de rébellion envers une personne dépositaire de l'autorité publique ainsi que les homicides involontaires aggravés commis à l'occasion d'accidents de la circulation routière. Enfin, s'agissant des incidences possibles des décrets de grâces collectives sur la mise à exécution des courtes peines d'emprisonnement, le garde des sceaux souligne que ce problème ne peut être résolu que par une réduction significative du délai de mise à exécution des peines. C'est pourquoi la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice a prévu une augmentation importante des effectifs de fonctionnaires et de magistrats, afin de permettre de diminuer ce délai dans l'ensemble des juridictions. Par ailleurs, la réforme opérée par la loi du 15 juin 2000, qui a juridictionnalisé les décisions d'aménagement de peine, en instaurant un débat contradictoire devant le juge de l'application des peines, a entraîné un allongement supplémentaire du délai de mise à exécution pour les peines d'emprisonnement inférieures ou égales à un an. C'est la raison pour laquelle l'article 44 de la loi du 9 septembre 2002 a modifié l'article 722 du code de procédure pénale et prévoit que, désormais, les mesures d'aménagement de peine pourront être ordonnées par le juge de l'application des peines sans qu'il soit nécessaire de procéder à un débat contradictoire, lorsque la demande faite par la personne condamnée aura reçu l'accord du ministère public.

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