Question de M. KAROUTCHI Roger (Hauts-de-Seine - Les Républicains) publiée le 18/06/2020

M. Roger Karoutchi interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur l'état des négociations avec les pays tiers sur l'immigration. Dans son nouveau rapport, la Cour des comptes rappelle la faible efficacité des mesures d'éloignement des personnes en situation irrégulière, avec un ratio d'exécution des mesures administratives prononcées d'environ 15 % en 2018. Comme le souligne la Cour, ce chiffre s'explique principalement par des difficultés juridiques et notamment la faible réactivité des consulats pour délivrer des laisser-passer consulaires. En octobre 2019, le Président de la République avait indiqué qu'il allait « réarmer le dispositif » face à ce problème et avait rappelé la nomination en 2017 d'un ambassadeur chargé des migrations pour assurer la négociation avec les pays concernés. Il lui demande donc détailler l'avancement des négociations avec les pays tiers et les pistes envisagées par le Gouvernement pour améliorer le dispositif d'éloignement.

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Transmise au Ministère de l'Europe et des affaires étrangères


Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 13/08/2020

Depuis l'été 2017, le Gouvernement s'est engagé à améliorer l'efficacité de la politique d'éloignement en agissant simultanément sur les volets internes, notamment législatifs (qui relèvent du ministre de l'Intérieur), européens et internationaux, notamment par le dialogue et la coopération avec les pays d'origine des étrangers en situation irrégulière. L'effort s'est d'abord concentré sur 7 pays prioritaires (Maroc, Tunisie, Sénégal, Mali, Côte d'Ivoire, Guinée, Algérie) en raison de leur importance en matière d'immigration, notamment irrégulière, mais d'autres pays significatifs ont été aussi concernés. L'action conduite depuis trois ans sur le plan international combine plusieurs moyens, instruments et leviers : - un dialogue régulier mené avec les principaux pays d'origine au plus haut niveau politique ainsi qu'au niveau technique en utilisant les cadres existants (comme les comités de suivi des accords de gestion concertée des flux migratoires avec la Tunisie ou le Sénégal) ou en en créant sur une base ad hoc (comme avec le groupe mixte migratoire permanent avec le Maroc) ; - la conclusion (au niveau bilatéral ou européen) ou la révision d'accords ou arrangements : à ce titre les procédures en matière d'identification, de délivrance de laissez-passer consulaires et de retour ont été améliorées avec le Maroc, le Sénégal et la Tunisie, des discussions sont en cours avec l'Algérie, le Mali et la République démocratique du Congo ; des arrangements sur les procédures ont été conclus par l'Union européenne (UE) avec la Guinée, la Côte d'Ivoire, la Gambie, l'Ethiopie, le Bangladesh et des négociations sont en cours notamment avec le Nigéria et l'Irak ; - un dialogue et une coopération couvrant tout le spectre migratoire (mobilité légale/visas ; migration régulière ; prévention de l'immigration irrégulière ; retour, réadmission et réintégration) ; - l'utilisation de leviers – positifs ou négatifs selon les circonstances – en matière de circulation des personnes (mobilité légale/visas ; migration régulière) pour améliorer la coopération sur les retours ; - l'appui au renforcement capacitaire et la coopération opérationnelle avec les pays d'origine en matière de contrôle des frontières et des territoires ; de lutte contre le trafic de migrants ; d'état civil, biométrie, sécurisation des titres et lutte contre la fraude documentaire – beaucoup de ces actions étant financées par l'UE et les opérateurs français étant très impliqués dans leur mise en œuvre ; - l'appui au traitement des causes profondes de l'immigration irrégulière, y compris en impliquant les communautés immigrées issues de ces pays installées en France. Cette action a donné des résultats tangibles : - Les mesures d'éloignement exécutées (non compris les départs spontanés qui correspondent à la sortie du territoire d'étrangers en situation irrégulière non frappés par une mesure d'éloignement) ont augmenté de 35 % entre 2017 et 2019, passant de 17 567 à 23 746 (+ 28 % pour les seules OQTF – obligation de quitter le territoire français). Si le taux d'exécution a un peu diminué, passant de 16,9 % à 15,6 %, c'est parce que les services territoriaux ont été très mobilisés pour prendre des mesures d'éloignement dès que les circonstances le permettaient et les conditions juridiques étaient remplies pour ce faire, alors que l'exécution de ces mesures dépend de multiples facteurs internes (annulations par les juges, non disponibilité de l'étranger en situation irrégulière pour la mise en œuvre de l'éloignement, limitation du nombre de places disponibles en centre de rétention – qui ont toutefois été accrues). A noter que, pour les 7 pays prioritaires, les retours forcés exécutés ont augmenté de 67 % entre 2017 et 2019. - La coopération des pays d'origine s'est aussi très sensiblement améliorée comme en témoigne l'évolution positive du nombre de laissez-passer consulaires (LPC) demandés (de 5 812 en 2017 à 8 356 en 2019, soit + 43 %) et de LPC délivrés (de 2 968 en 2017 à 5 610 en 2019, soit + 89 %) et du taux de délivrance (passé de 46 % en 2016 à 67 % en 2019). Pour les 7 pays prioritaires ce taux est passé de 42 % en 2017 à 58 % en 2019. Pour conforter cette évolution, il convient de poursuivre avec constance l'action pluridimensionnelle engagée depuis trois ans et en allant plus loin dans certaines directions : - prioriser les pays pour lesquels la conclusion d'un accord ou d'un arrangement européen pourrait aider à améliorer la situation et examiner régulièrement les cas des négociations enlisées afin d'identifier les raisons du blocage et trouver soit des solutions, soit des alternatives ; - utiliser plus résolument les leviers positifs et négatifs, au niveau national et/ou européen, non seulement en matière de circulation des personnes ; la révision du Code Visa de l'UE, entrée en vigueur en février 2019, introduit la possibilité de restreindre les visas à l'égard d'un Etat tiers qui s'avère non ou insuffisamment coopératif en matière de réadmission (communément appelée lien visa-réadmission), mais aussi dans d'autres domaines des relations bilatérales (aide, commerce), en tenant compte du contexte général ; sur le plan bilatéral, le comité interministériel sur l'immigration et l'intégration du 6 novembre 2019 a décidé, notamment, de faire de l'APD un levier au service de la politique migratoire, dans une logique d'engagements réciproques ; - utiliser l'Agence européenne des garde-frontières et garde-côtes (Frontex) pour faciliter les retours et la réintégration et renforcer les capacités des pays tiers concernés dans le cadre du mandat élargi qui lui a été confié.

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