B. LA NÉCESSAIRE REFONTE DES REDEVANCES

La réforme des redevances perçues par les agences de l'eau constitue un point important de la réforme menée par le présent projet de loi.

Cette modification des dispositions applicables aux redevances était nécessaire et attendue. En effet, le système actuel n'était pas suffisamment encadré par le législateur et, depuis la décision du Conseil constitutionnel du 23 juin 1982 7 ( * ) reconnaissant à ces redevances le caractère d'impositions de toute nature, se trouvait figé.

Dans ce cadre, l'article 37 du présent projet de loi procède à une réforme nécessaire , qui conduit à des simplifications, dans la mesure où les assiettes seront désormais communes pour l'ensemble des redevances, quelle que soit l'agence prise en considération. Toutefois, le dispositif reste très complexe puisque les agences percevront à l'avenir sept catégories de redevances différentes : redevances pour pollution de l'eau, pour prélèvements sur la ressource en eau, pour modernisation des réseaux de collecte, pour pollutions diffuses, pour protection du milieu aquatique, pour stockage d'eau en période d'étiage et pour obstacles sur les cours d'eau. Le dispositif retenu s'applique également aux départements d'outre-mer, sous réserve de certaines adaptations prévues par l'article 39 du présent projet de loi.

De manière schématique, la réforme proposée ne paraît pas de nature à modifier réellement les grands équilibres actuels entre les différents contributeurs, ni à rendre le dispositif des redevances très incitatif.

L'étude d'impact du présent projet de loi est au demeurant assez claire de ce point de vue, puisqu'elle précise qu'« une différence importante par rapport au texte de 2002 est le choix de solutions pragmatiques et concertées, en abandonnant l'illusion de bâtir, avec une fiscalité compliquée et punitive, un système d'incitation forte pour changer les comportements individuels des redevables ».

L'élément le plus net de cette conception est l'absence de taxation spécifique des engrais , pour inciter à une réduction des excédents d'azote. Le ministre de l'écologie et du développement durable, M. Serge Lepeltier, a toutefois indiqué devant la commission des affaires économiques du Sénat 8 ( * ) que le gouvernement n'avait pas retenu le principe d'une redevance sur les engrais, considérant que son efficacité économique et écologique était loin d'être démontrée et qu'elle pourrait même être perçue comme un « droit à polluer ». Il a estimé que la conditionnalité des aides de la politique agricole commune exigée depuis le 1 er janvier 2005 constituait le meilleur outil environnemental afin de favoriser le respect des règles communautaires sur les nitrates. Votre commission des finances portera une attention particulière à cette réforme et à ses effets.

La réforme proposée maintient donc la conception selon laquelle les redevances sont, avant tout, des moyens de financement des agences de l'eau et pas tant des moyens d'incitation. Votre commission des finances vous proposera deux amendements tendant à renforcer le caractère incitatif de la redevance pour pollutions diffuses et à rééquilibrer la répartition de la redevance pour prélèvements sur la ressource en eau en faveur de l'usage « alimentation en eau potable ».

Le fait que la réforme proposée ne bâtisse pas un système d'incitations fortes ne signifie pas que des transferts de charges entre telle ou telle catégorie d'acteurs ne seront pas observés. On notera que les habitants des communes de moins de 400 équivalents-habitants ne seront désormais plus exonérés du paiement de la redevance pour pollution de l'eau. L'étude d'impact du présent projet de loi montre également que certaines entreprises pourraient connaître des variations extrêmement importantes de leurs redevances : les industries chimiques les plus touchées pourraient, par exemple, voir leurs redevances multipliées par trois, certaines industries de métallurgie par six. D'autres connaîtraient une baisse sensible. C'est la raison pour laquelle l'article 48 du présent projet de loi prévoit un dispositif de lissage des effets de la réforme de 2007 à 2010, afin de ne pas entraîner de conséquences trop brutales pour les différents acteurs.

Il faut également indiquer que les effets de la réforme dépendront des choix effectués localement par les agences de l'eau, qui fixeront les taux des redevances sur avis conforme des comités de bassin.

Votre commission des finances estime que les équilibres qui seront retenus devront être étudiés avec soin, afin de ne pas pénaliser des entreprises qui rencontrent parfois de réelles difficultés. Les agences de l'eau devront ainsi examiner les moyens d'accompagner les changements induits par cette réforme.

* 7 Décision n° 82-124 L du 23 juin 1982.

* 8 Bulletin des commissions du Sénat du 26 mars 2005, n° 21, session ordinaire 2004-2005, pp. 3957 et suivantes.

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