Avis n° 189 (2014-2015) de M. Jérôme BIGNON , fait au nom de la commission du développement durable, déposé le 16 décembre 2014

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N° 189

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 décembre 2014

AVIS

FAIT

au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l' amendement au protocole de Kyoto du 11 décembre 1997 ,

Par M. Jérôme BIGNON,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Hervé Maurey , président ; MM. Guillaume Arnell, Pierre Camani, Gérard Cornu, Ronan Dantec, Mme Évelyne Didier, M. Jean-Jacques Filleul, Mme Odette Herviaux, MM. Louis Nègre, Rémy Pointereau, Charles Revet , vice-présidents ; Mme Natacha Bouchart, MM. Jean-François Longeot, Gérard Miquel , secrétaires ; MM. François Aubey, Jérôme Bignon, Mme Annick Billon, M. Jean Bizet, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Patrick Chaize, Jacques Cornano, Michel Fontaine, Alain Fouché, Benoît Huré, Mmes Geneviève Jean, Chantal Jouanno, MM. Jean-Claude Leroy, Philippe Madrelle, Didier Mandelli, Jean-François Mayet, Pierre Médevielle, Louis-Jean de Nicolaÿ, Hervé Poher, David Rachline, Michel Raison, Jean-Yves Roux, Mme Nelly Tocqueville, MM. Michel Vaspart, Paul Vergès .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

1880 , 2096 , 2202 et T.A. 436

Sénat :

138 , 168 et 169 (2014-2015)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La 20 ème conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique, qui s'est tenue à Lima du 1 er au 14 décembre 2014, a conduit à l'adoption d'une feuille de route devant guider les négociations internationales sur le climat pour l'année 2015.

L'enjeu est simple : aboutir à un accord universel et contraignant à la conférence de Paris en décembre, permettant de maintenir le réchauffement climatique mondial sous le seuil fatidique des 2° C et ayant vocation à s'appliquer pour la période 2020-2030.

Dans le même temps, le présent projet de loi vise à ratifier l'amendement adopté à Doha en 2012 afin de prolonger l'application du Protocole de Kyoto pour une deuxième période d'engagement, de 2013 à 2020. Il ne s'agit donc que d'une solution transitoire, nécessaire mais insuffisante pour faire face aux enjeux alarmants du dérèglement climatique à nouveau mis en lumière par le cinquième rapport du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. L'amendement permettra de faire la jonction avec l'entrée en vigueur du futur accord qui doit être conclu à la COP 21 à Paris en décembre 2015.

Le présent projet de loi est aussi et surtout l'occasion de faire un point sur l'état d'avancement des négociations internationales en cours, en particulier sur deux points cruciaux qui seront à l'ordre du jour de Paris 2015 : le calendrier et le contenu des contributions nationales des États, d'une part, la question de la responsabilité différenciée et du financement des politiques d'adaptation, d'autre part.

Lors de sa réunion du 16 décembre 2014, la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire a émis un avis favorable à l'adoption du présent projet de loi.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LE PROTOCOLE DE KYOTO, PREMIER ACCORD INTERNATIONAL CONTRAIGNANT POUR LA RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE

A. LA CONVENTION CADRE DES NATIONS UNIES SUR LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES DE 1992

La Conférence-cadre des Nations Unies sur l'environnement et le développement de Rio en 1992 a marqué la première étape dans la mise en place d'une politique internationale de lutte contre les dérèglements climatiques. À cette occasion, la communauté internationale a reconnu unanimement, dans une Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), la nécessité de « stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique » .

La CNUCC a été ratifiée à ce jour par 196 parties. Elle ne contient toutefois que des obligations générales. Un de ses apports est de distinguer les États parties à la convention en application du principe de responsabilité commune mais différenciée. Les pays sont répartis en trois groupes (parties de l'annexe I, parties de l'annexe II, parties non annexe I) auxquels sont rattachés des engagements différents.

Cette responsabilité commune mais différenciée est encore à ce jour un des piliers de la politique internationale de lutte contre le changement climatique. Elle est affirmée dans le Principe 7 de la convention : « les États ont des responsabilités communes mais différenciées. Les pays développés admettent la responsabilité qui leur incombe dans l'effort international en faveur du développement durable, compte tenu des pressions que leurs sociétés exercent sur l'environnement mondial et des techniques et des ressources financières dont ils disposent » .

B. L'ADOPTION DU PROTOCOLE DE KYOTO EN DÉCEMBRE 1997

La CNUCC a été complétée par un protocole d'application, le Protocole de Kyoto, adopté en décembre 1997 et entré en vigueur en 2005 après la ratification de la Russie. Là où la convention ne comportait que des objectifs généraux, le Protocole fixe des objectifs précis de réduction ou de limitation des émissions de gaz à effet de serre, exclusivement aux pays développés et aux économies en transition (annexe I). Le Protocole a marqué une étape importante juridiquement : il s'agit du premier accord international juridiquement contraignant en matière climatique.

1. Des objectifs à atteindre

Le Protocole fixe des objectifs de réduction ou de limitation des émissions de gaz à effet de serre aux pays développés et aux économies en transition. Les parties à l'annexe I s'engagent sur des objectifs individuels légalement contraignants, objectifs individuels définis à l'annexe B du Protocole.

Au total, ces engagements constituent une réduction d'émissions de gaz à effet de serre d'environ 5 % par rapport aux niveaux de 1990. La réduction doit s'opérer dans la période 2008-2012.

2. Des mécanismes de flexibilité

En plus des objectifs chiffrés assignés aux États, le Protocole de Kyoto a prévu des mécanismes de flexibilité afin d'atteindre les résultats. Les pays parties ont le droit d'y avoir recours, en plus des mesures mises en oeuvre au niveau national. Il existe trois mécanismes de flexibilité : les permis d'émissions, le mécanisme de développement propre et la mise en oeuvre conjointe.

Les permis d'émissions visent à inciter à l'amélioration des systèmes de production les plus polluants dans le cadre d'un marché carbone international. Chaque pays de l'annexe B a reçu en 2008 un nombre de quotas (les unités de quantité attribuées, UQA) correspondant à ses objectifs d'émissions entre 2008 et 2012. Les pays réalisant des efforts et dépassant leurs engagements peuvent revendre leurs UQA à d'autres États. Plusieurs marchés de permis d'émissions ont été créés, dont le système européen d'échange de quotas. Le marché mondial est supervisé par le secrétariat de la CCNUCC via son registre, le Journal international des transactions.

Le mécanisme de développement propre permet aux pays industrialisés de réaliser leurs objectifs de réduction en investissant dans des projets dans les pays en développement. Les pays ou entreprises réalisant ces investissements bénéficient du transfert à leur compte des réductions d'émissions de gaz à effet de serre obtenues. L'idée est de contribuer à la réduction des émissions tout en contribuant à un développement économique plus respectueux de l'environnement dans les pays en développement.

La mise en oeuvre conjointe implique la participation de deux pays de l'annexe B. Les projets négociés dans ce cadre permettent le transfert d'unités de réduction des émissions de gaz à effet de serre d'un pays vers l'autre.

Le Protocole de Kyoto a également créé un Fonds d'adaptation visant à financer des programmes d'adaptation dans les pays en développement. Ce fonds est notamment financé par un prélèvement de 2 % sur les investissements du mécanisme de développement propre.

3. Des engagements juridiquement contraignants

Le Protocole comprend des engagements juridiquement contraignants. Un contrôle du respect des engagements assorti de sanctions est donc prévu dans le cadre du Protocole. Ce contrôle est assuré par un « comité d'observance ».

Les parties visées à l'annexe I ont cent jours après l'examen de l'inventaire final des émissions annuelles par les experts pour signaler d'éventuels manquements aux obligations prévues dans le Protocole. Si les émissions d'une partie sont supérieures à la quantité attribuée à l'annexe, la différence est reportée sur la période d'engagement suivante, avec une pénalité de 30 %. La partie en cause ne peut alors plus vendre de quotas d'émissions et doit, sous trois mois, proposer un plan d'action détaillant les mesures à prendre pour atteindre l'objectif.

L'inventaire de la première période d'engagement est prévu fin 2014. Les États auront alors jusqu'à mai 2015 pour se mettre en conformité, le cas échéant.

Plusieurs pays qui n'ont pas rempli leurs engagements sur la première période ont choisi de se fixer des objectifs hors Protocole pour la période 2013-2020. Il s'agit notamment du Canada, du Japon et de la Nouvelle-Zélande. Cela signifie concrètement que les dispositions juridiques contraignantes et les sanctions prévues par le Protocole de Kyoto ne s'appliqueront pas.

C. LES NÉGOCIATIONS DE L'APRÈS-KYOTO

1. Bilan de la première période d'engagement 2008-2012

Le bilan de la première période d'engagement 2008-2012 est mitigé . Les États-Unis n'ont jamais ratifié le protocole de Kyoto, qu'ils avaient pourtant signé en 1998. En outre, le Canada s'est retiré du protocole fin 2012, juste avant la fin de sa première période d'engagement, pour ne pas avoir à répondre du non-respect de ses obligations.

Au total, les émissions des 36 pays de l'annexe B du protocole de Kyoto ont diminué de 24 % par rapport à 1990, soit un résultat six fois meilleur que les objectifs définis initialement.

Pour autant, dans le détail, seuls les pays d'Europe, dont la France, ont réussi à la fois à se conformer à leurs engagements et à diminuer leurs émissions sur toute la période considérée, de 1997 à 2012. Huit des 36 pays de l'annexe ont dû recourir aux mécanismes de flexibilité pour se conformer à leurs engagements.

Le respect des engagements de Kyoto résulte en premier lieu de la tertiarisation des économies des pays en transition, et seulement dans une moindre mesure des adaptations apportées au mix énergétique.

Au niveau mondial, malgré le protocole de Kyoto, les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 30 % entre 1990 et 2010, avec par exemple une hausse de 18,5 % pour le Canada et de 9,5 % pour les États-Unis.

Le protocole de Kyoto ne reflète plus aujourd'hui la réalité des émissions de gaz à effet de serre. Il a été conçu pour retranscrire les engagements des pays développés qui représentaient en 1997 plus de la moitié des émissions mondiales. La défection des États-Unis a réduit la couverture de la première période d'engagement à 39 % des émissions. La deuxième période d'engagement du protocole qui a débuté en 2013 n'en couvre qu'un peu plus de 15 %.

2. L'enjeu de l'après-Kyoto
a) La COP 15 de Copenhague

La 15 ème conférence des parties (COP) organisée à Copenhague en décembre 2009 avait pour but de permettre l'adoption d'un nouvel accord contraignant pour remplacer le Protocole de Kyoto à l'issue de la première période d'engagement. Copenhague n'a pas permis l'adoption d'un tel accord. La conférence a même marqué un recul, dans la mesure où la logique est devenue une logique d'engagements volontaires individuels, non contraignants juridiquement : le pledge and review .

b) La relance des négociations par l'Union européenne

Lors des COP suivantes, à Cancun en 2010 mais surtout à Durban en 2011, à l'initiative de l'Union européenne et à la demande des pays en développement, a été validé le principe d'une deuxième période d'engagement.

Cette deuxième période d'engagement 2013-2020 est l'objet de l'amendement au Protocole de Kyoto adopté à Doha en décembre 2012.

II. L'AMENDEMENT AU PROTOCOLE DE KYOTO DE DÉCEMBRE 2012

A. LA DEUXIÈME PÉRIODE D'ENGAGEMENT, PROLONGATION ACTÉE LORS DE LA CONFÉRENCE DE DOHA

Le présent projet de loi porte sur la ratification de l'amendement de Doha, prolongeant le Protocole de Kyoto pour une deuxième période d'engagement s'étalant de 2013 à 2020.

Lors des négociations de l'amendement, les pays de l'annexe B ont dû annoncer leur volonté de prendre part ou non à cette deuxième période. Deux groupes de pays sont apparus :

- l'Union européenne, l'Australie, la Biélorussie, la Croatie, l'Islande, le Kazakhstan, la Norvège, la Suisse et l'Ukraine se sont réengagés pour la deuxième période ;

- le Japon, la Russie, la Nouvelle-Zélande restent parties au Protocole de Kyoto mais ne se réengagent pas de manière contraignante pour la deuxième période, au motif que le Protocole ne rassemble plus qu'une faible partie des émetteurs de gaz à effet de serre.

B. LES PRINCIPALES DISPOSITIONS DE L'AMENDEMENT DE DOHA

1. De nouveaux objectifs en matière d'atténuation

L'article 1 er de l'amendement de Doha comporte les modifications apportées au protocole et à ses annexes A et B.

Le point A du premier article de l'amendement est une nouvelle version du tableau contenu dans l'annexe B du protocole, qui le complète avec les engagements chiffrés de limitation ou de réduction des émissions pour la période 2013-2020 . L'objectif de l'Union européenne est fixé à -20 % sur l'ensemble de la période.

OBJECTIFS DE RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE
FIXÉS PAR L'AMENDEMENT

Pays

Année de référence

Engagement de réduction des émissions

Australie

2000

- 0,5 %

Biélorussie

1990

- 12 %

Croatie

1990

- 20 %

Islande

1990

- 20 %

Kazakhstan

1990

- 5 %

Liechtenstein

1990

- 16 %

Monaco

1990

- 22 %

Norvège

1990

- 16 %

Suisse

1990

- 15,8 %

Union européenne

1990

- 20 %

Ukraine

1990

- 24 %

Total

1990

- 18 %

Source : Note de décryptage de l'Institut de la francophonie pour le développement durable, Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, conférence de Lima

Il est important de noter que compte tenu de l'année de référence, fixée en général à 1990, il faut retrancher les réductions d'émissions déjà réalisées en première période d'engagement. Les nouveaux objectifs ne sont donc pas extrêmement ambitieux, la plupart des États ayant déjà largement réduit leurs émissions. L'Union européenne, par exemple, avait déjà réduit de 19,2 % fin 2013 ses émissions par rapport à 1990. L'Europe a ainsi quasiment atteint son objectif 2020 au titre de la deuxième période.

Le Canada, qui a décidé de se retirer du protocole de Kyoto le 15 décembre 2011, avec prise d'effet au 15 décembre 2012, la Russie, le Japon et la Nouvelle-Zélande n'ayant pas souhaité s'engager dans une deuxième période, seul leur engagement pour la période 2008-2012 est rappelé par l'amendement, dans la partie inférieure du tableau.

De manière générale, le point C, qui amende l'article 3 du Protocole, indique que l'objectif de la deuxième période d'engagement est de réduire les émissions globales des gaz à effet de serre de l'ensemble des Parties concernées d'au moins 18 % par rapport aux niveaux de 1990 dans la période allant de 2013 à 2020 .

2. Une meilleure prise en compte des gaz à effet de serre

Le point B du premier article de l'amendement concerne l'annexe A du protocole de Kyoto, qui contient la liste des gaz à effet de serre pris en compte.

L'amendement ajoute le trifluorure d'azote (NF 3 ) comme septième gaz à effet de serre pris en compte à compter du début de la deuxième période d'engagement.

Ce gaz a en effet un fort pouvoir de réchauffement : une tonne de NF 3 équivaut à l'émission de 17 000 tonnes de CO 2 .

3. De plus grandes facultés d'adaptation laissées aux États

Le point D prévoit la possibilité , pour une partie ayant un objectif de réduction de ses émissions inscrit à l'annexe B du Protocole, de l'ajuster afin d'avoir un objectif plus ambitieux . Le secrétariat de la CCNUCC communique alors la proposition d'ajustement aux autres parties, au moins trois mois avant la conférence à laquelle cet ajustement sera proposé pour adoption. L'ajustement est considéré adopté à moins qu'un nombre supérieur aux trois quarts des parties présentes et votantes n'y fasse objection.

Le point F explicite la quantité d'émissions de gaz à effet de serre attribuée à chacune des parties s'engageant dans la deuxième période. La quantité est égale au pourcentage de leurs émissions anthropiques agrégées pour l'année de référence, exprimées en équivalent CO 2 , multiplié par 8, soit le nombre total d'années de la deuxième période.

Le point G vise à garantir que les engagements de deuxième période pris par les parties ne seront pas moins ambitieux que la moyenne de leurs émissions sur les trois premières années de la première période. Dans le cas contraire, des unités de quantité attribuée devront être transférées sur le compte d'annulation de chacune des parties concernées.

Le point I permet aux États de choisir 1995 ou 2000 comme année de référence pour le trifluorure d'azote dans le calcul de leur quantité attribuée.

Le point J garantit que les pays de l'annexe I peuvent utiliser les unités générées par les mécanismes de marché du Protocole de Kyoto pour respecter leurs engagements chiffrés de limitation et de réduction des émissions. Une partie des unités générées par ces mécanismes de marché doit servir à couvrir les dépenses d'administration et à aider les pays en développement à financer le coût de l'adaptation au changement climatique.

C. L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE L'AMENDEMENT

1. L'article 2 de l'amendement

L'article 2 de l'amendement concerne l'entrée en vigueur de l'amendement.

Il précise que cet amendement entre en vigueur conformément à la procédure prévue par les articles 20 et 21 du protocole de Kyoto. Cela signifie que l'amendement entrera en vigueur à l'égard des Parties l'ayant accepté le quatre-vingt-dixième jour qui suit la date de réception, par le secrétaire général des Nations unies, des instruments d'acceptation des trois quarts au moins des parties au Protocole.

2. Point d'étape sur la ratification de l'amendement par les parties

Selon les chiffres annoncés lors de la conférence de Lima, vingt et un États ont déjà transmis leurs instruments d'acceptation aux Nations unies.

De son côté, l'Union européenne travaille à une proposition de décision 1 ( * ) qui traduise l'engagement de l'UE à ratifier l'amendement de Doha avant le 16 février 2015. Une fois que les procédures de ratification de chaque État membre seront achevées, l'Union et les États membres déposeront simultanément leurs instruments d'acceptation auprès des Nations unies, pour une entrée en vigueur simultanée.

III. L'AMENDEMENT DE DOHA : UN ACCORD DE TRANSITION DANS LA PERSPECTIVE DE LA CONFÉRENCE DE PARIS

A. LE CINQUIÈME RAPPORT DU GIEC : L'URGENCE À AGIR

Les conclusions scientifiques du cinquième rapport du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) sont sans appel : le réchauffement du système climatique est sans équivoque et le GIEC qualifie d'extrêmement probable 2 ( * ) le rôle des activités humaines dans l'augmentation des températures moyennes depuis le milieu du XX e siècle.

Le cinquième rapport d'évaluation du GIEC est composé de trois volumes et d'un rapport de synthèse, publié en octobre 2014. Ces trois volumes ont permis de faire le point sur les aspects scientifiques du changement climatique, ses impacts, ainsi que sur les mesures à prendre.

1. Les aspects scientifiques du changement climatique

Entre 2000 et 2010, les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 2,2 % par an, contre 0,4 % en moyenne au cours des trente années passées. À ce rythme, le seuil fatidique des 2° C de hausse de la température globale sera franchi dès 2030. Or cette hausse de 2° C est considérée par de nombreux pays, notamment d'Afrique ou insulaires, comme déjà excessive.

2. Les impacts

Concernant les impacts du changement climatique, le deuxième volet du rapport du GIEC est là aussi très clair.

On constate déjà les impacts des changements climatiques : ils ont été observés sur tous les continents et au niveau des océans. La hausse des températures devrait ralentir la croissance économique mondiale, réduire la sécurité alimentaire et exacerber les inégalités sociales et économiques. Globalement, de plus en plus de populations seront exposées aux inondations et aux pertes économiques qui y sont liées (impacts sur l'agriculture, la pêche, pénuries d'eau, impacts sur la santé, pertes de biodiversité, etc.).

Selon le GIEC, le coût de l'inaction, ou d'une action repoussée dans le temps, sera très important. Les quinze années à venir sont décrites comme une période de « responsabilité climatique » ( climate responsibility ). Les coûts globaux pour l'adaptation pourraient atteindre 70 à 100 milliards de dollars par an.

3. Les mesures à prendre

Le troisième volet du cinquième rapport du GIEC étudie les solutions à même de permettre la diminution des émissions de gaz à effet de serre.

Le rapport relève que les émissions de gaz à effet de serre augmentent de plus en plus vite, en particulier le CO 2 , depuis essentiellement dix ans. Entre 2000 et 2010, dix pays représentaient à eux seuls 70 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre et 75 % de la hausse des émissions étaient dues à la production d'énergie et aux activités industrielles.

Pour maintenir la hausse des températures en-deçà du seuil de 2° C et éviter des dérèglements irréversibles, il convient de réorienter rapidement les modes de production d'énergie, ce qui aura pour effet de diminuer considérablement les émissions de gaz à effet de serre. D'après le GIEC, la condition pour rester en-deçà d'une hausse de 2° C est en effet d'accorder une plus grande place aux énergies renouvelables. L'objectif à viser doit être la réduction des émissions de 40 % à 70 % d'ici 2050, afin de les ramener à un niveau proche de zéro d'ici à 2100.

B. LES ENJEUX DES NÉGOCIATIONS EN COURS

L'amendement de Doha et la deuxième période d'engagement du Protocole de Kyoto s'inscrivent dans une contradiction. L'amendement affirme la nécessité d'une action urgente et globale de tous les États. Pour autant, il a marqué l'échec à rassembler la communauté internationale dans un accord universel et contraignant. La solution transitoire trouvée, avec la cohabitation d'un système contraignant au sein de la deuxième période d'engagement et des engagements libres dans le cadre de la CNUCC, ne permet pas de faire face aux enjeux alarmants du dérèglement climatique.

L'amendement permet de faire la jonction avec le nouvel accord qui doit être conclu à la COP 21 à Paris en décembre 2015, pour une entrée en vigueur en 2020. Seulement 15 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales étant couvertes par la seconde période d'engagement, il est nécessaire d'adopter un nouvel accord, universel et ambitieux.

C'est dans ce contexte difficile que se tiennent les négociations internationales en cours. La COP 20 à Lima devait notamment permettre de faire avancer les discussions sur deux points cruciaux :

- le calendrier de publication et le contenu des contributions nationales des États en vue de l'accord de 2015 ;

- le traitement du sujet de la responsabilité différenciée des États et du financement des politiques d'adaptation.

C. LES CONCLUSIONS DE LA CONFÉRENCE DE LIMA

Un accord a été adopté de justesse le 14 décembre 2014 au Pérou, « l'appel de Lima pour une action sur le climat », après 36 heures de prolongation de la conférence. Le texte de cinq pages, adopté à l'unanimité, fixe la feuille de route pour l'année 2015. Les négociations ont toutefois achoppé sur le principe de la différenciation entre les pays et sur le contenu des contributions à fournir début 2015 par les États, ce qui a conduit en définitive à l'adoption d'un texte a minima . À un an de la conférence de Paris, beaucoup de points restent encore sur la table.

1. La question sensible de la différenciation des États

La notion de responsabilité commune mais différenciée est un principe fondamental de la convention climat de 1992. La convention de Rio avait réparti les pays en deux catégories, pays industrialisés et pays en développement.

Aujourd'hui, les pays émergents et les pays en développement souhaitent un maintien de cette dichotomie, au nom de l'équité et de la responsabilité historique des pays industrialisés. Ils demandent ainsi une distinction entre pays en développement et pays développés, avec une obligation de soutien financier et technologique pour ces derniers.

A l'inverse, de nombreux pays développés, au premier rang desquels les États-Unis, considèrent que le nouvel accord doit refléter plus fidèlement la nouvelle répartition des responsabilités. L'effort de chaque pays ne serait plus seulement déterminé par ses émissions historiques, mais aussi par le niveau des émissions actuelles et prévisibles. Ces pays prônent donc un abandon de la distinction binaire qui prévalait jusqu'alors.

Les pays vulnérables insistent quant à eux sur la nécessité pour les pays émergents de s'engager davantage.

La négociation bute sur la répartition claire des engagements et des contributions entre les États. Après de nombreuses heures de négociations, l'accord de Lima a inclus quelques gages en faveur des pays en développement sur la différenciation : le paragraphe 3 souligne l'engagement pris par les États d'atteindre un accord ambitieux qui reflète la responsabilité commune mais différenciée et les capacités respectives des différentes parties, « à la lumière des circonstances nationales ». La nécessité de renforcer l'adaptation est réaffirmée, sans pour autant se prononcer sur le sujet du financement. L'accord rappelle simplement le rôle des pays développés dans le soutien financier aux pays plus vulnérables.

Au vu de la difficulté à aboutir à un accord à Lima à cause de cette question, et du résultat peu ambitieux inscrit dans la déclaration finale, la différenciation sera au coeur de la préparation de la conférence de Paris si l'on ne veut pas que ces négociations échouent.

2. Les contributions des États en vue de Paris 2015

L'idée de présenter des contributions nationales au cours de l'année 2015 traduit la volonté de ne pas réitérer l'échec de Copenhague, où les chefs d'État n'avaient pas pu trouver d'accord du fait des trop nombreux points restant en discussion. L'idée est également de rompre avec la logique verticale du Protocole de Kyoto, et de partir des États et de leurs propres engagements.

La conférence de Lima devait permettre de préciser le calendrier de publication des contributions des États, et également leur contenu. Le résultat est en-deçà de ce qui était espéré.

Les contributions nationales que les pays sont invités à communiquer ne devront finalement pas comporter d'informations obligatoires. Il est simplement précisé qu'elles devront représenter une progression par rapport à la situation actuelle, au vu de l'objectif de limitation du réchauffement à 2° C, ce qui n'est pas très contraignant.

Le projet d'accord de Lima prévoyait un examen des contributions nationales par un tiers au cours de l'année 2015, pour s'assurer que les engagements annoncés par les différents pays permettent bien d'atteindre la cible de réduction des émissions. Le document final n'en fait plus mention. Il évoque simplement un rapport de synthèse du secrétariat de la convention, d'ici au 1 er novembre 2015, soit très tardivement par rapport au début de la conférence de Paris.

De manière générale, l'accord de Lima reste très vague sur les actions à mener d'ici à 2020, date d'entrée en vigueur supposée de l'accord de Paris. Le paragraphe 17 encourage uniquement les parties à ratifier et mettre en oeuvre l'amendement au Protocole de Kyoto sur la deuxième période d'engagement.

En annexe de l'accord, un texte de 37 pages est présenté comme le brouillon de l'accord de Paris. Ce texte affirme un certain nombre de principes mais laisse des dizaines d'options ouvertes. Il sera difficile d'obtenir sur cette base une proposition d'accord d'ici à mai 2015 comme cela est pourtant prévu.

Le contenu des contributions à fournir par les États parties à la convention climat, la différenciation de la responsabilité des pays, le financement des politiques d'adaptation sont autant de sujets qui devaient être tranchés, ou tout au moins fortement avancés à la conférence de Lima, pour faire en sorte que la conférence de Paris n'hérite pas de problèmes inextricables. Votre commission regrette que cela n'ait malheureusement pas été le cas. Lima a mis en lumière l'écart entre l'état actuel des négociations et l'ambition d'un accord universel et juridiquement contraignant en 2015.

TRAVAUX EN COMMISSION

Réunie le mardi 16 décembre 2014, la commission a examiné le rapport pour avis sur le projet de loi n° 138 (2014-2015) autorisant la ratification de l'amendement au protocole de Kyoto.

M. Hervé Maurey, président . - Nous examinons le rapport pour avis de Jérôme Bignon sur le projet de loi autorisant la ratification de l'amendement au protocole de Kyoto du 11 décembre 1997. Cet amendement entérine les engagements de limitation des émissions de gaz à effet de serre pris à Doha il y a deux ans. La semaine dernière, à Lima, où se trouvaient des membres de notre commission, le secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon a fortement incité les États à ratifier au plus vite cet amendement. Un tel projet de loi de ratification passe d'ordinaire par la procédure simplifiée ; nous avons souhaité en être saisi et tenir un débat en séance publique compte tenu des enjeux.

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis . - L'actualité de ce texte ne pourrait pas être plus brûlante en effet, quelques jours seulement après l'exhortation de Ban Ki-moon. La question du réchauffement climatique se pose depuis une trentaine d'années. À l'incompréhension a succédé le doute, avant qu'un consensus scientifique se dégage sur la réalité du phénomène. La prise de conscience de l'urgence à agir est désormais collective et largement répandue dans la société civile. La conférence de Paris de l'année prochaine sera la vingt-et-unième conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, initiée à Rio en 1992. Les enjeux actuels sont remarquablement présentés dans la note de décryptage de Pierre Radanne, accessible sur Internet dans plusieurs langues et que nous diffuserons plus largement au Sénat. Je remercie le président Maurey de sa perspicacité : nous montrons l'utilité de la commission du développement durable en nous saisissant de ce texte.

Le protocole de Kyoto, signé en 1997, est entré en vigueur en 2005. C'est le premier accord mondial contraignant sur le climat, et le seul à ce jour. Il fixe des objectifs de limitation des émissions de gaz à effet de serre aux pays développés comme aux économies en transition, et marque le point de départ d'un processus itératif visant à renforcer les contraintes pesant sur 193 pays, éloignés tant par la géographie que par leur niveau de développement... Autant dire que la construction de la tour de Babel était plus aisée ! De manière originale, le protocole de Kyoto ouvre la possibilité aux États d'atteindre leurs objectifs en réduisant directement leurs émissions ou en finançant des projets verts à l'étranger grâce aux systèmes de mise en oeuvre conjointe et au mécanisme de développement propre. La France devait, entre 2008 et 2012, réduire ses émissions de 8 % par rapport à 1990.

Le bilan de la première période d'engagement 2008-2012 est mitigé. Les États-Unis, qui ont cédé à la Chine leur place de plus gros émetteur mondial, n'ont jamais ratifié le protocole de Kyoto ; le Canada s'en est retiré fin 2012 pour ne pas avoir à répondre du manquement à ses obligations. Au total, les États parties ont obtenu un résultat six fois meilleur que les objectifs de départ, mais seuls les pays d'Europe ont dépassé leurs objectifs, huit des 36 États concernés ayant dû recourir aux mécanismes de flexibilité pour se conformer à leurs engagements. Le respect du protocole de Kyoto résulte en vérité moins des adaptations apportées au mix énergétique que de la tertiarisation des économies des pays en développement. Au niveau mondial, entre 1990 et 2010, les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 30 %. Elles ont progressé de 18,5 % au Canada et de 9,5 % aux États-Unis.

C'est le coeur du problème : le protocole de Kyoto, conçu pour établir les engagements de pays développés qui représentaient en 1997 plus de la moitié des émissions mondiales, ne reflète plus la réalité des contributions au réchauffement climatique. La défection des États-Unis a réduit la couverture de la première période d'engagement à 39 % des émissions totales ; la deuxième période d'engagement n'en couvre que 15 %.

Le principe de cette deuxième période a été adopté à la suite de la conférence de Copenhague, qui a marqué un certain recul de la mobilisation collective, en retenant une logique d'engagements volontaires individuels non contraignants. Il a été consacré par l'amendement de Doha, adopté en 2012 à l'initiative de l'Union européenne et à la demande des pays en développement, que nous devons à présent ratifier. Cette deuxième période prolonge l'application du protocole de Kyoto de 2013 à 2020 en fixant un objectif de réduction des émissions d'au moins 18 % par rapport aux niveaux de 1990. De plus, elle prend en compte un septième gaz à effet de serre : le trifluorure d'azote, ou NF 3 . Cet ajout est capital, puisque ce gaz, que l'on a cru bon de substituer aux hydrofluorocarbures après la signature de la convention de Vienne sur la protection de la couche d'ozone, a la caractéristique épouvantable d'être 17 000 fois plus émetteur de gaz à effet de serre que le CO 2 . Enfin, l'amendement de Doha introduit de la souplesse dans le dispositif en laissant à chaque partie la possibilité de se fixer des objectifs plus ambitieux.

Il entrera en vigueur le 90 e jour suivant la date de réception, par les Nations unies, des instruments d'acceptation d'au moins trois quarts des parties. À ce jour, seulement 21 États sur 144 ont déjà transmis les leurs. L'Union européenne prépare l'adoption d'une décision traduisant l'engagement de l'Union européenne à ratifier l'amendement avant le 16 février 2015 et de faire en sorte que tous les instruments d'acceptation des États membres soient déposés simultanément à l'ONU. Lors de la conférence de Lima, Ban Ki-moon et Christiana Figueres, secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, ont appelé à une ratification rapide de l'amendement par tous les États parties. L'amendement de Doha fait ainsi la jonction avec le nouvel accord ambitieux et universel qui doit être conclu à la COP 21 à Paris en décembre 2015.

Un mot sur les négociations en cours. Un accord a été adopté de justesse ce week-end au Pérou, après 36 heures de prolongation de la conférence - Ronan Dantec et Louis Nègre y étaient. Les négociations ont achoppé sur deux points. D'abord, sur le principe de la différenciation, en vertu duquel les pays industrialisés, qui sont les principaux responsables du réchauffement, doivent aider les pays en développement à tenir leurs engagements. Les pays d'Afrique francophone, avec lesquels nous avons des échanges plus aisés, y insistent beaucoup. Or les pays développés restent réticents à contribuer au Fonds vert. Ce serait évidemment plus simple si le taux de croissance mondiale était de 5 % ; malheureusement, ce n'est pas le cas. Si l'accord de Lima rappelle le rôle des pays développés dans le soutien financier aux pays plus vulnérables, il reste muet sur la question du financement. Le principe de différenciation sera au coeur de la préparation de la conférence de Paris.

Deuxième pierre d'achoppement : les contributions nationales. L'idée de présenter de telles contributions au cours de l'année 2015 traduit la volonté de ne pas réitérer l'échec de Copenhague et de rompre avec la logique verticale du protocole de Kyoto. Le résultat de la conférence de Lima est en-deçà des attentes : les contributions que les États sont invités à communiquer seront finalement dépourvues d'informations obligatoires et n'afficheront que la progression par rapport à la situation actuelle. Leur examen par un tiers au cours de l'année 2015 a été envisagé, puis abandonné dans le document final de la conférence. Celui-ci évoque simplement un rapport de synthèse remis au secrétariat exécutif d'ici le 1 er novembre 2015, et non plus au premier trimestre ou au premier semestre comme cela avait été envisagé, soit quelques semaines seulement avant la conférence de Paris...

L'accord de Lima reste vague sur les actions à mener d'ici 2020, date d'entrée en vigueur supposée de l'accord de Paris. Le paragraphe 17 ne fait qu'encourager les parties à mettre en oeuvre le présent amendement au protocole de Kyoto. Son annexe de 37 pages, qui constitue le brouillon de l'accord de Paris, est bonne tant dans son architecture que sur le fond ; mais des dizaines d'options restent ouvertes. Reste à obtenir sa validation par les États, paragraphe par paragraphe, selon la technique des crochets. Bref, Lima met en lumière l'écart entre l'état actuel des négociations et l'ambition d'un accord universel et juridiquement contraignant en 2015. Si la prise de conscience de la réalité du changement climatique est plus nette et mieux partagée qu'à Copenhague, notamment grâce au dernier rapport du GIEC, la crise économique a conduit à une réduction du soutien financier aux pays en développement. La mobilisation des sociétés civiles sera essentielle pour obtenir un accord ambitieux et équitable. Le slogan de la conférence de Lima, pon tu parte , ou « prends ta part », souligne l'importance de l'action individuelle.

Le temps ne joue pas en notre faveur, a souligné Ban Ki-moon. Les Français ont d'ailleurs été frappés par la météo fictive d'Evelyne Dhéliat annonçant une température de 42 degrés sur les plages niçoises en 2050... Inondations, sécheresses et événements climatiques extrêmes se multiplient en Europe, en Asie et aux États-Unis. Depuis Copenhague, où les erreurs tactiques des diplomates ont conduit à l'échec, la confiance a été quelque peu ébranlée. Espérons qu'elle soit restaurée à Paris où les problèmes financiers resteront incontournables. Résolument optimiste par nature, je veux y croire. Je souhaite bon vent aux négociateurs et vous propose d'émettre un avis favorable au projet de loi de ratification de l'amendement au protocole de Kyoto.

M. Hervé Maurey, président . - Merci pour cette présentation très intéressante et très complète.

M. Ronan Dantec . - Les négociations à Lima ont été assez laborieuses. Nous avons obtenu le vote du paragraphe 17 invitant à ratifier l'amendement au protocole de Kyoto dans la nuit. M'exprimant au nom des collectivités territoriales, j'intervenais en dernier ; je n'ai eu la parole qu'à trois heures du matin.

L'étape était importante : tout notre système européen de quotas d'émissions de gaz à effet de serre est adossé à ce protocole. S'il fonctionne mal à cause de l'abondance de l'offre et de la faiblesse de la demande due à la crise, on peut espérer que le cours de la tonne de CO 2 remonte. Idem pour le mécanisme de développement propre, destiné à orienter des flux financiers vers les pays en développement.

Pourquoi a-t-il été si difficile d'adopter ce qui n'était finalement que le socle de l'accord de Durban ? Parce que les États ont indiqué leurs exigences pour la prochaine COP 21. Somme toute, c'est plutôt bon signe ; la preuve que les parties veulent conclure un accord à Paris.

Fait nouveau, le G77, qui rassemble les pays du Sud et l'ancien bloc des pays non-alignés, n'a pas su parler d'une seule voix. Le groupe africain, emmené par le Soudan, a très clairement fait savoir qu'un accord sur le développement conditionnera la réussite de la conférence. L'Afrique, on s'en souvient, avait joué un rôle-clé dans le cycle de Durban en mettant sur la table des négociations quelque chose de tout à fait nouveau : la contribution des grands émetteurs en contrepartie d'une aide au développement propre. La Chine y avait même perdu un moment la maîtrise des négociations... À Copenhague, on avait arrêté le chiffre de 100 milliards de dollars par an pour alimenter le Fonds vert ; nous n'en sommes qu'à 10 milliards d'engagement pour quatre ans. L'autre groupe, par la voix de la Malaisie, défend entre autres les intérêts de la Chine. Ce groupe a insisté sur le principe de responsabilité commune et différenciée : aux anciens émetteurs d'assumer leurs responsabilités sans entraver le développement des émergents. Autrement dit, nous devrons travailler sur une définition plus précise de l'équité. Pour l'heure, seuls les Suisses se sont attelés à cette tâche.

Les grandes lignes des engagements sur les émissions de gaz à effet de serre qui seront discutées à Paris sont déjà connues. L'hypothèse d'une augmentation moyenne de la température du globe de trois degrés fait consensus, c'est dire le chemin qu'il reste à parcourir pour la limiter à 2°C. La société civile doit y prendre toute sa part. Dans l'entretien qu'il a accordé aux Échos hier, Brice Lalonde appelle de ses voeux la formation de dynamiques transversales, au-delà des frontières - une logique semblable à celle qu'appliquent les collectivités territoriales qui ont malheureusement perdu, dans l'accord final de Lima, le mécanisme de soutien qu'elles espéraient.

M. Jean-Jacques Filleul . - Merci, Monsieur Bignon, pour votre rapport passionnant et, Monsieur Dantec, pour les éclairages que vous avez apportés sur la complexité des enjeux à Lima. Le groupe socialiste soutiendra évidemment l'adoption de ce projet de loi.

La commission émet un avis favorable à l'adoption du projet de loi.


* 1 Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'amendement de Doha au Protocole de Kyoto à la CNUCC et à l'exécution des engagements qui en découlent (COM (2013) 768 final du 06/11/2013)

* 2 Le GIEC évalue la probabilité d'origine anthropique du changement climatique à plus de 95 %, alors que cette probabilité s'élevait à 90 % dans son rapport de 2007 et à 66 % en 2001.

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