TITRE III - RÉHABILITER L'IMMOBILIER DE LOISIR PAR UN URBANISME ADAPTÉ

Le titre III du présent projet de loi traite des règles d'urbanisme applicables en zone de montagne .

L'objectif de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 172 ( * ) était de concilier le développement des stations de sport d'hiver, d'une part, et la protection des espaces naturels, d'autre part 173 ( * ) .

Par conséquent, le code de l'urbanisme fixe un régime propre aux territoires de montagne (articles L. 122-1 à L. 122-25), régi par le principe « d'urbanisation en continuité » . Des dérogations à ce principe sont toutefois prévues, notamment pour les unités touristiques nouvelles (UTN) .

La plupart des dispositions du présent titre III ne modifie qu'à la marge ce régime d'urbanisme, à l'exception de l'article 19 qui réforme en profondeur le droit applicable aux UTN.

CHAPITRE IER - RÉNOVER LA PROCÉDURE DES UNITÉS TOURISTIQUES NOUVELLES

Article 19 (art. L. 104-1, L. 121-13, L. 122-15 à L. 122-27, L. 141-23, L. 143-20, L. 143-25, L. 143-26 [abrogé], L. 143-28, L. 151-4, L. 151-6, L. 151-7, L. 153-16, L. 153-25, L. 153-27, L. 472-2 et L. 472-4 du code de l'urbanisme, art. L. 333-2, L. 341-16 et L. 563-2 du code de l'environnement, art. L. 342-6 du code du tourisme et art. 74 bis [nouveau] de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne) - Modification de la procédure des unités touristiques nouvelles (UTN)

La procédure des unités touristiques nouvelles (UTN) a été créée en 1977 174 ( * ) pour faciliter la construction d'ouvrages touristiques en montagne (lieux d'hébergement, remontées mécaniques, bâtiments touristiques, etc .) .

Son principal intérêt est de déroger au principe « d'urbanisation en continuité » fixé par les articles L. 122-5 à L. 122-7 du code de l'urbanisme et selon lequel, en montagne, les nouvelles constructions doivent être situées en continuité des bâtiments existants 175 ( * ) .

D'après les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, ont été recensées entre 2007 et 2014 :

- trente-quatre unités touristiques nouvelles d'échelle régionale ou interrégionale , dont vingt-huit dans les Alpes, quatre dans les Pyrénées et deux dans le Massif central ;

- une trentaine d'UTN de niveau local , dont vingt-quatre dans les Alpes et cinq dans les Pyrénées.

Les UTN correspondent à des projets structurants qui peuvent représenter plusieurs millions d'euros d'investissement, comme le démontre l'exemple d'Avoriaz.

Un exemple d'UTN :
la restructuration de la station d'Avoriaz

En 2008, la commune de Morzine (Haute-Savoie) a eu recours à la procédure UTN pour restructurer la station d'Avoriaz, créée dans les années 60.

L'objectif était notamment de construire plus de 400 logements de tourisme , de rénover le centre aquatique et d'agrandir le parking souterrain du quartier de la Falaise.

L'UTN a été autorisée par le préfet coordonnateur de massif le 27 janvier 2009.

La commune a investi plus de 13 millions d'euros de fonds propres dans ce projet pour financer plusieurs équipements publics (création d'un bâtiment d'accueil des touristes, d'une nouvelle maison médicale, d'une déchetterie, etc .).

Elle a confié la réalisation des autres bâtiments à la société Pierre et Vacances dans le cadre d' un « contrat d'opérateur touristique » d'une durée de vingt ans . À ce titre, la société a par exemple financé la restructuration du centre aquatique (environ 11,5 millions d'euros), équipement dont elle restera gestionnaire jusqu'à l'issue du contrat.

L'article 106 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques 176 ( * ) habilitait le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour réformer les UTN 177 ( * ) .

Face aux réserves exprimées par plusieurs acteurs sur le contenu du projet d'ordonnance, le Gouvernement a renoncé à son habilitation et a introduit la réforme des UTN au sein du présent projet de loi .

L'article 19 réforme de manière substantielle les UTN , notamment en distinguant les opérations de grande ampleur, « UTN structurantes » , de celles de taille plus modeste, « UTN locales » .

Tout en souscrivant au principe de cette réforme, votre commission propose de simplifier le texte adopté par l'Assemblée nationale pour garantir l'efficacité de cette procédure UTN et ne pas perturber les projets correspondants .

Il convient, en effet, de garantir l'adéquation entre cette procédure, d'une part, et les enjeux économiques, d'autre part. La procédure UTN doit rester suffisamment souple pour permettre aux stations de montagne de s'adapter rapidement aux nouvelles demandes de leurs clients.

1. Les UTN : une procédure dérogatoire au droit commun pour faciliter le développement économique des communes de montagne

1.1. Les projets concernés et les différentes catégories d'UTN

En l'état du droit, les unités touristiques nouvelles (UTN) peuvent concerner trois types d'opérations (actuel article L. 122-16 du code de l'urbanisme) :

a) la construction d'hébergements touristiques (hôtels, logements, centres d'accueil et d'orientation des touristes, etc .) ;

b) la création de remontées mécaniques ;

c) la réalisation d'aménagements touristiques dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État.

Ce décret en Conseil d'État précise la liste de ces opérations (pistes de ski, golfs, campings, terrains de sport, etc .) 178 ( * ) . En l'état du droit, il exclut du champ UTN les petits projets. À titre d'exemple, accroître un domaine skiable de moins de 100 hectares n'entre pas dans le cadre des UTN mais répond aux règles d'urbanisme de droit commun. Sa construction demande alors d'établir une étude de discontinuité dans les conditions prévues par l'article L. 122-7 du code de l'urbanisme.

Les projets UTN poursuivent les objectifs fixés par l'actuel article L. 122-15 du code de l'urbanisme : prise en compte de la « communauté d'intérêt » des collectivités concernées, contribution à l'équilibre des activités économiques et de loisirs, utilisation rationnelle du patrimoine bâti, préparation de formules de gestion locative des constructions nouvelles, respect de la qualité des sites et des grands équilibres naturels.

En complément, certaines UTN peuvent imposer la réalisation de logements pour les salariés des stations de montagne et comporter des prescriptions pour l'accès aux pistes des skieurs non résidents (actuel article L. 122-21 du code de l'urbanisme) 179 ( * ) .

Le régime applicable aux UTN dépend de deux facteurs (actuel article L. 122-19 du même code) :

- la couverture - ou non - de la zone de l'opération par un schéma de cohérence territoriale (SCoT) . D'après l'étude d'impact du projet de loi, 25 % des communes de montagne sont couvertes par un tel schéma et 34 % sont en train d'en élaborer un 180 ( * ) ;

- l'échelle du projet , les UTN départementales correspondant à des opérations de niveau local et les UTN de massif à des opérations régionales ou interrégionales.

Les quatre catégories d'unités touristiques nouvelles (UTN)

Zones couvertes par un SCoT

Zones non couvertes par un SCoT

Projets d'échelle régionale ou interrégionale

UTN de massif couvertes par un SCoT

UTN de massif non couvertes par un SCoT

Projets d'échelle locale

UTN départementales couvertes par un SCoT

UTN départementales non couvertes par un SCoT

Source : commission des lois du Sénat.

1.2. La procédure d'élaboration et de modification des UTN

La procédure prévue pour élaborer ou modifier une unité touristique nouvelle (UTN) varie selon que l'opération est - ou non - couverte par un schéma de cohérence territoriale (SCoT)

• Zones couvertes par un SCoT

L'UTN doit être mentionnée dans le SCoT lorsque celui-ci existe (actuel article L. 122-18 du code de l'urbanisme).

S'il s'agit d'une UTN départementale, le SCoT présente les principes d'implantation de l'unité touristique et la nature des équipements correspondants. Le schéma doit être plus précis s'il s'agit d'une UTN de massif : il doit définir la localisation exacte, la consistance et la capacité d'accueil des équipements.

L'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent pour élaborer le SCoT réalise une enquête publique sur l'ensemble de ce document, UTN incluses, conformément à l'article L. 143-22 du code de l'urbanisme.

Les opérations correspondantes sont soumises aux évaluations environnementales prévues par le droit commun : études d'impact en cas d'incidences notables sur l'environnement (article L. 122-1 du code de l'environnement), procédure de protection des espèces animales (article L. 411-2 du même code), autorisation de défrichement (article L. 214-13 du code forestier), etc .

Faire évoluer ou créer une nouvelle UTN nécessite de modifier ou de réviser le SCoT , procédure qui demande au moins trois années selon les informations recueillies par votre rapporteur pour avis.

Les procédures d'évolution d'un SCoT

Quatre cas de figure doivent être distingués concernant l'évolution d'un SCoT :

a) la révision du document (articles L. 143-29 à L. 143-31 du code de l'urbanisme). Procédure la plus lourde, elle nécessite des démarches administratives identiques à celles réalisées lors de l'élaboration du SCoT ;

b) la modification de droit commun (articles L. 143-34 à L. 143-36), qui vise à corriger le document d'orientation et d'objectifs (DOO) du SCoT 181 ( * ) . Moins lourde que la révision, elle demande toutefois l'organisation d'une enquête publique dans la plupart des cas ;

c) la modification simplifiée (articles L. 143-37 à L. 143-39), qui permet d'éviter l'organisation d'une enquête publique mais qui est réservée à la correction d'éléments moins importants du DOO ;

d) la mise en compatibilité avec une opération d'utilité publique ou d'intérêt général (articles L. 143-44 à L. 143-50 du code de l'urbanisme), une nouvelle procédure intégrée qui permet de faire évoluer plus rapidement le SCoT. À la différence de la révision, elle agrège en une seule procédure toutes les démarches nécessaires (enquête publique, études d'impact environnementales, etc. ).

Dans la plupart des cas, l'évolution ou la création d'une UTN nécessite une révision du SCoT ou une mise en compatibilité . Les hypothèses de « simple » modification du schéma sont peu fréquentes selon les informations recueillies par votre rapporteur pour avis.


Zones non couvertes par un SCoT

Si la zone n'est pas couverte par un schéma de cohérence territoriale, l'UTN répond à un régime d'autorisation préfectorale : le projet est autorisé par l'État, à la demande de la commune ou de l'EPCI compétent pour établir le plan local d'urbanisme (actuels articles L. 122-19 et L. 122-20 du code de l'urbanisme).

Aucune enquête publique n'est nécessaire mais les responsables du projet doivent procéder aux évaluations environnementales de droit commun (Cf. supra) et remplir un « dossier UTN » 182 ( * ) . Ce dernier est ensuite mis à la disposition du public pendant au moins huit jours.

Le droit applicable distingue les UTN de massif (d'échelle interrégionale ou régionale) des UTN départementales (d'échelle locale).

Dans le cas des UTN de massif, l'autorisation est accordée par le préfet coordonnateur de massif 183 ( * ) , après avis de la commission UTN du comité de massif 184 ( * ) .

Dans le cas des UTN départementales, l'autorisation est accordée par le préfet de département, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS) 185 ( * ) .

Faire évoluer ou créer une nouvelle UTN non couverte par un SCoT nécessite de modifier l'autorisation préfectorale en suivant la même procédure que lors de sa création (constitution d'un dossier UTN, avis du comité de massif ou de la CDNPS, etc .).

1.3. Les conséquences des UTN

Les unités touristiques nouvelles (UTN) permettent de déroger au principe d'urbanisation en continuité (Cf. supra) pour créer des équipements touristiques.

Une fois l'UTN créée, les porteurs de projets doivent solliciter une autorisation d'occupation du sol dans les conditions de droit commun (permis de construire, déclaration préalable, autorisation de travaux pour les remontées mécaniques, etc .).

Lorsque la zone n'est pas couverte par un SCoT, les travaux ne peuvent démarrer qu'une fois le PLU ou la carte communale élaboré (actuel article L. 122-23 du code de l'urbanisme). Les UTN ne sont donc pas autorisées dans les zones dépourvues d'un document d'urbanisme et régies par le règlement national d'urbanisme (RNU) 186 ( * ) .

Deux hypothèses doivent être distinguées concernant la durée de validité des unités touristiques nouvelles :

- les UTN sont prévues par un SCoT . Elles restent valides jusqu'à l'élaboration d'un nouveau schéma et peuvent être prolongées par ce dernier ;

- les UTN concernent une zone non couverte par un SCoT et ont donc été autorisées par le préfet. Le porteur de projets dispose alors de quatre ans pour démarrer la construction de l'ouvrage. Une fois démarrés, les travaux peuvent être interrompus pendant quatre ans maximum, délai que le conseil municipal peut renouveler sans limite (actuel article L. 122-22 du code de l'urbanisme).

Synthèse du régime applicable
aux différentes catégories d'UTN (état du droit)

Zones couvertes par un SCoT

(25 % des communes de montagne)

Zones non couvertes par un SCoT

(75 % des communes de montagne)

UTN
de massif

UTN départementales

UTN
de massif

UTN départementales

Projets concernés

Création d'hébergements touristiques, de remontées mécaniques ou d'aménagements touristiques dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État (golfs, campings, etc .)

Échelle

Interrégionale ou régionale

Locale

Interrégionale ou régionale

Locale

Dérogation au principe d'urbanisation en continuité

Oui

Zones couvertes par un SCoT

(25 % des communes de montagne)

Zones non couvertes par un SCoT

(75 % des communes de montagne)

UTN
de massif

UTN départementales

UTN
de massif

UTN départementales

Procédure de création

Dans le document d'orientation et d'objectifs (DOO) du SCoT

Autorisation préfectorale après demande d'une commune ou d'un EPCI compétent pour le PLU

Création par l'EPCI

Création par le préfet coordonnateur de massif

Création par le préfet de département

Précisions sur la localisation, la consistance et la capacité d'accueil de l'équipement

Précisions sur les principes d'implantation et la nature de l'équipement

Nécessité de

remplir un « dossier UTN »

Éléments pris en compte lors de la création

Communauté d'intérêt des collectivités territoriales, équilibre des activités économiques et de loisirs, utilisation rationnelle du patrimoine bâti et formules de gestion locative des constructions nouvelles

Contenu

Défini par l'EPCI

Défini par le préfet, avec la possibilité d'imposer la réalisation de logements pour les salariés de la station et l'accès aux pistes pour les skieurs non-résidents

Évaluations et avis

Évaluations environnementales de droit commun (étude d'impact environnementale, autorisation de défrichement, protection du milieu aquatique, etc .).

Enquête publique sur le SCoT

Dossier mis à la disposition du public

Avis de la commission UTN du comité de massif

Avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS)

Procédure de modification

Modification, révision ou mise en compatibilité du SCoT

Modification

de l'autorisation préfectorale

Modalités pour débuter les travaux

Nécessité d'une autorisation d'occupation du sol (permis de construire, déclaration préalable, autorisation de travaux pour les remontées mécaniques et l'aménagement de pistes de ski, etc .)

Être couvert par un PLU

Être couvert par un PLU ou par une carte communale

Caducité

Durée du SCoT

Si les travaux n'ont pas été démarrés : quatre ans à compter de la notification de l'UTN

Si les travaux ont commencé : quatre ans d'interruption, délai renouvelable sans limite par le conseil municipal

Mesures de démantèlement

Non prévues

Prise en compte des UTN dans le bilan des documents d'urbanisme

Non prévue

Source : commission des lois du Sénat.

2. Une réforme substantielle des UTN et les simplifications proposées par votre commission

L'article 19 du projet de loi propose une réforme substantielle des UTN et procède, de manière plus marginale, à différentes coordinations synthétisées au sein de l'annexe 1 du rapport. Cette réforme entrerait en vigueur six mois après la publication de la loi 187 ( * ) .

Si elle comprend les objectifs de cette réforme, votre commission a adopté neuf amendements visant à simplifier la procédure UTN ainsi que l'amendement COM-289 de précision rédactionnelle.

Les différences entre le projet de loi et la position de votre commission sont synthétisées à l'annexe 2 du présent rapport.

2.1. Les objectifs de la réforme des UTN

L'objectif principal de cette réforme est ainsi de « simplifier les procédures existantes et d'alléger le contrôle préalable exercé par l'État sur les projets d'équipements touristiques » 188 ( * ) . Il s'agit d' harmoniser les différentes procédures - notamment en réduisant le champ de l'autorisation préfectorale 189 ( * ) - et d'inciter les collectivités territoriales et leurs groupements à insérer les UTN dans leurs démarches de planification urbaine.

Conformément au rapport sur l'acte II de la loi « montagne » de Mmes Annie Genevard et Bernadette Laclais, les objectifs des UTN seraient étendus à la réhabilitation de l'immobilier de loisir 190 ( * ) alors qu'ils concernent principalement, en l'état du droit, les opérations de construction.

2.2. Une nouvelle classification des UTN

L'article 19 propose, tout d'abord, d' élargir la définition des unités touristiques nouvelles (article L. 122-16 du code de l'urbanisme).

Serait ainsi qualifiée d'UTN « toute opération de développement touristique effectuée en zone de montagne et contribuant aux performances socio-économiques de l'espace montagnard » 191 ( * ) .

Les objectifs fixés aux UTN par l'article L. 122-15 du même code seraient étendus au traitement de la vulnérabilité de l'espace montagnard au changement climatique et à la diversification des activités touristiques.

En outre, toutes les UTN auraient l'obligation de prendre en compte les besoins de logements destinés aux salariés de la station (nouvel article L. 122-23 du code de l'urbanisme).

Le projet de loi distingue deux catégories d'UTN qui remplaceraient les quatre catégories en vigueur (nouveaux articles L. 122-17 et L. 122-18 du même code) :

- les UTN locales , qui seraient inscrites dans les plans locaux d'urbanisme (PLU) élaborés par les communes ou les EPCI ;

- les UTN structurantes , de plus grande ampleur, qui seraient intégrées aux SCOT élaborés par les EPCI.

2.3 La nouvelle procédure de création des UTN

L'article 19 définit une nouvelle procédure de création des unités touristiques nouvelles.

Les UTN resteraient soumises aux évaluations actuellement prévues (évaluations environnementales de droit de commun, enquête publique sur le document d'urbanisme et mise à disposition du dossier au public dans le cas contraire 192 ( * ) ).

Toutes les UTN devraient désormais être « prises en compte » dans les études de discontinuité menées par les communes et EPCI pour déroger au principe « d'urbanisation en continuité » 193 ( * ) (nouveaux articles L. 122-20 et L. 122-21 du code de l'urbanisme).

Par souci de simplification, votre commission propose la suppression de cette nouvelle exigence ( amendement COM-285 ). En effet, les UTN permettent, par définition, de déroger au principe « d'urbanisation en continuité » en montagne et un régime très strict est prévu en contrepartie (exigences de planification, enquêtes publiques, etc .). Il n'apparaît donc pas nécessaire de créer une nouvelle démarche administrative pour cette procédure déjà très encadrée.

La liste des catégories d'UTN (hôtels, remontées mécaniques, golfs, campings, etc .) serait fixée par décret en Conseil d'État, ce qui correspond à l'état du droit. Cette liste pourrait toutefois être complétée par le SCoT ou le PLU (nouveaux articles L. 122-17 et L. 122-18 du code de l'urbanisme).

Concrètement, un SCoT ou un PLU pourrait qualifier d'UTN la construction d'une piscine municipale alors même que cet ouvrage ne figure pas dans le décret en Conseil d'État fixant la liste des opérations UTN.

Suivant son rapporteur pour avis, votre commission propose de laisser à ce décret en Conseil d'État le soin de fixer la liste des UTN et donc de supprimer la disposition relative aux SCoT et PLU (amendement COM-284).

Il s'agit en effet :

- d' assurer une application uniforme du régime UTN sur l'ensemble du territoire ;

- d' éviter d'éventuels blocages au niveau local. En pratique, le texte transmis au Sénat permettrait à une intercommunalité de qualifier un projet d'UTN (la construction de la piscine municipale dans l'exemple précédent) pour exclure l'application du droit commun de l'urbanisme et compliquer la tâche de la commune portant le projet 194 ( * ) .

L'article 19 fixe, enfin, le principe selon lequel la création des UTN doit être prévue dans le PLU pour les UTN locales et le SCoT pour les UTN structurantes .

Deux exceptions sont toutefois prévues.


• L es zones concernées par les UTN ne sont pas couvertes par un document d'urbanisme et relèvent donc du règlement national d'urbanisme (RNU)

Dans cette hypothèse, le préfet resterait compétent pour créer l'UTN dans le cadre de la procédure d'autorisation précitée.

Le comité de massif serait compétent pour formuler un avis sur les UTN structurantes 195 ( * ) .

Les UTN locales feraient l'objet d'un avis :

- de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS), comme les actuels UTN départementales ;

- de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) ;

- ou de ces deux commissions.

La commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS)
et la commission départementale de la préservation
des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF)

Placées auprès du préfet, ces deux commissions consultatives présentent un périmètre de compétence et des compositions différentes :

- la CDNPS concourt à la protection de la nature, à la préservation des paysages, des sites et du cadre de vie. Elle contribue également à une gestion équilibrée des ressources naturelles et de l'espace.

Elle est composée de représentants de l'État, des collectivités territoriales et de personnalités qualifiées en matière de sciences de la nature ou de protection des sites ou du cadre de vie 196 ( * ) .

- la CDPENAF est consultée sur toute question relative à la réduction des surfaces naturelles forestières et à vocation ou à usage agricole ainsi que sur les moyens de contribuer à la limitation de la consommation de ces espaces.

Elle est composée de représentants de l'État, des collectivités territoriales, des professions agricole et forestière, des propriétaires fonciers, des notaires, des associations de protection de l'environnement et des fédérations des chasseurs 197 ( * ) .

Par souci de simplification, votre commission a souhaité maintenir le droit en vigueur et prévoir, pour les UTN locales non couvertes par un SCoT, la consultation de la seule commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS) (amendements COM-287 et COM-290).

En effet, les avis de cette commission permettent déjà de concilier les projets UTN, d'une part, et la nécessaire préservation du cadre naturel, d'autre part. En outre, les auditions de votre rapporteur pour avis n'ont pas démontré la nécessité d'ajouter une procédure consultative supplémentaire.


Les projets de faible ampleur

Dans le texte initialement présenté par le Gouvernement, la question des projets de faible ampleur - qui sont exclus de la procédure UTN en l'état du droit et renvoyés aux règles d'urbanisme de droit commun - n'était pas abordée.

Le texte transmis au Sénat comporte une ambiguïté sur ce point : il semble uniquement exclure de la procédure UTN les « extensions limitées » de projets (alinéas 22 et 25 du présent article) même si l'alinéa 79 pourrait suggérer que les « créations limitées » sont également exclues.

L' amendement COM-286 adopté par votre commission vise à simplifier le texte en excluant clairement de la procédure du présent article 19 les projets dont le montant serait inférieur à un seuil fixé par décret en Conseil d'État . Ces projets se verraient appliquer les règles de droit commun du code de l'urbanisme, ce qui apparaît plus commode pour des petits projets.

2.3. La nouvelle procédure de modification d'une UTN

Au regard du présent article 19, deux cas de figure doivent être distingués concernant la modification des UTN :

- la zone n'est pas couverte par un SCoT ou par un PLU. L'autorisation préfectorale devrait alors être renouvelée.

Cette hypothèse serait toutefois moins fréquente qu'en l'état du droit. En effet, actuellement, les zones non couvertes par un PLU font l'objet d'une autorisation préfectorale, ce qui ne serait plus le cas avec la création par le présent projet de loi des UTN locales ;

- la zone est couverte par un document d'urbanisme. Il conviendrait alors de faire évoluer ce dernier, sauf pour les « extensions limitées » 198 ( * ) . Cette exigence rigidifierait le régime des UTN dans la mesure où la procédure d'évolution d'un document d'urbanisme peut prendre plusieurs années.

Un raisonnement identique peut être mené concernant la création d'UTN qui n'étaient pas prévues lors de l'élaboration des documents d'urbanisme. Comme l'a souligné notre collègue député Laurent Wauquiez (Les Républicains), « faut-il prévoir dix ans à l'avance, dans un PLU ou un SCoT, l'installation d'un télésiège ? En cas d'une telle implantation, quelle procédure faut-il adopter et cette procédure est-elle assez souple et réactive pour s'adapter à la réalité d'une structure, à son impact et aux enjeux économiques sous-jacents ? » 199 ( * ) .

Après un long débat à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a proposé de créer une nouvelle procédure de modification des documents d'urbanisme , qui s'ajouterait à celles mentionnées ci-dessus (nouvel article 74 bis de la loi « montagne » n° 58-30 du 9 janvier 1985).

Concrètement, si la mise en compatibilité du document d'urbanisme n'était pas réalisée dans un délai donné (quinze mois pour les SCoT et douze mois pour les PLU), le préfet modifierait de lui-même le document pour permettre l'évolution des UTN ou la création d'une UTN non prévue par le code de l'urbanisme.

Cette nouvelle procédure pourrait toutefois soulever des difficultés pratiques dans l'hypothèse où l'évolution du SCoT ou du PLU serait retardée mais où les collectivités territoriales et leurs groupements seraient en voie d'aboutir sans l'intervention du préfet. À l'initiative de son rapporteur pour avis, votre commission a donc limité l'intervention du préfet aux cas où les collectivités territoriales et les groupements concernés la sollicitent (amendement COM-291) .

L'Assemblée nationale a prévu d'évaluer cette nouvelle procédure de mise en compatibilité dans un délai de deux ans. Suivant son rapporteur pour avis, votre commission propose de porter ce délai à trois ans (amendement COM-292) .

2.4. Les nouvelles règles de caducité des UTN et de démantèlement des remontées mécaniques

Les unités touristiques nouvelles (UTN) continueraient de déroger au principe d'urbanisation en continuité (nouvel article L. 122-19 du code de l'urbanisme) et les porteurs de projets devraient toujours solliciter une autorisation d'occupation du sol dans les conditions de droit commun.

Lorsque la zone n'est pas couverte par un SCoT, les travaux ne pourraient démarrer que dans l'hypothèse où un PLU ou une carte communale a été élaboré (nouvel article L. 122-25 du code de l'urbanisme), disposition qui correspond à l'état du droit 200 ( * ) .

Concernant la durée de validité des unités touristiques nouvelles, deux cas sont envisagés :

- les UTN sont prévues par un SCoT (UTN structurantes) ou par un PLU (UTN locales). Elles restent valides jusqu'à l'élaboration d'un nouveau document d'urbanisme et peuvent être prolongées par ce dernier ;

- les UTN structurantes ou locales ne sont pas couvertes par un SCoT ou par un PLU et font donc l'objet d'une autorisation préfectorale.

Dans ce dernier cas, le porteur de projets disposerait de cinq ans pour démarrer les travaux (au lieu de quatre en l'état du droit).

Une fois commencés, ces travaux pourraient être interrompus pendant quatre ans, délai que le préfet pourrait renouveler une seule fois pour une même durée par le préfet (nouvel article L. 122-24 du code de l'urbanisme). Par souci de simplicité, votre commission propose de porter ce délai à cinq ans pour l'aligner sur celui du démarrage des travaux. De même, elle propose de maintenir la compétence du conseil municipal pour renouveler l'UTN ( amendement COM-288 ).

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a prévu un dispositif de démantèlement des remontées mécaniques , qu'elles aient été ou non construites à partir d'une procédure d'UTN (articles L. 472-2 et L. 472-4 du code de l'urbanisme).

Concrètement, l'autorisation de travaux devrait prévoir une obligation de démantèlement et de remise en état des sites dans un délai de trois ans à compter de la mise à l'arrêt définitive des remontées mécaniques. Le préfet pourrait également mettre en demeure l'exploitant d'arrêter définitivement l'installation si celle-ci reste inutilisée pendant plus de cinq ans.

2.5 Les conséquences sur les documents d'urbanisme

L'article 19 propose, enfin, de modifier les règles applicables aux SCoT et aux PLU . Certaines de ces modifications se bornent à tirer les conséquences de la réforme des UTN ; d'autres sont plus profondes.

Le rapport de présentation des SCoT et des PLU devrait désormais inclure un diagnostic sur la réhabilitation de l'immobilier de loisir ainsi que des précisions sur les UTN construites (nouveaux articles L. 141-3 - SCoT - et L. 151-4 - PLU - du code de l'urbanisme). De même, le bilan réalisé par les EPCI et communes sur leurs documents d'urbanisme devrait prendre en compte ces problématiques (nouveaux articles L. 143-28 du code de l'urbanisme - SCoT - et L. 153-27 - PLU).

En outre, les orientations de ces documents devraient définir la localisation, la nature et la capacité globale d'accueil et d'équipement des UTN (nouveaux articles L. 141-23 - SCoT -, L. 151-6 et L. 151-7 - PLU - du même code).

Enfin, l'article 19 propose de soumettre les études de discontinuité prévues à l'article L.  122-7 du code de l'urbanisme à l'avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS) ou de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) ou de ces deux commissions.

Par cohérence avec sa position sur les UTN, votre commission souhaite maintenir le droit en vigueur et soumettre ces études aux seules CDNPS (amendement COM-283) .

Sous réserve de l'adoption de ses amendements , votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 19.


* 172 Loi relative au développement et à la protection de la montagne.

* 173 Cf. l'exposé général pour plus de précisions.

* 174 Décret n° 77-1281 du 22 novembre 1977 approuvant la directive d'aménagement national relative à la protection et à l'aménagement de la montagne.

* 175 Cf. le commentaire de l'article 20 A pour plus de précisions sur le principe d'urbanisation en continuité.

* 176 Loi n° 2015-990, dite « Loi Macron » .

* 177 Le délai d'habilitation était d'un an à compter de la promulgation de la loi, soit jusqu'au 6 août 2016.

* 178 Dispositions aujourd'hui codifiées aux articles R. 122-5 et R. 122-7 du code de l'urbanisme.

* 179 Cette disposition concerne uniquement les UTN des zones non couvertes par un schéma de cohérence territoriale (SCoT).

* 180 Étude d'impact du présent projet de loi, p. 49.

* 181 Cf. le commentaire de l'article 21 A pour plus de précisions sur les différentes parties d'un SCoT, dont le document d'orientation et d'objectifs.

* 182 Dont le contenu est précisé par l'actuel article R. 122-11 du code de l'urbanisme (graphique sur l'état des milieux naturels, conditions générales de l'équilibre financier du projet, etc .).

* 183 Le préfet coordonnateur de massif représente l'État au niveau du massif et coordonne l'action des préfets de région et de département. À titre d'exemple, le préfet coordonnateur du massif des Alpes est le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

* 184 Cf. l'article 6 du présent projet de loi pour plus de précisions sur les comités de massif.

* 185 Cf. infra pour plus de précisions sur la CDNPS.

* 186 Cette disposition a été prévue afin d'inciter les communes de montagne à se doter d'un document de planification en matière d'urbanisme.

* 187 Les UTN créées avant cette date resteraient régies par le droit actuel, tout comme les schémas de cohérence territoriale (SCoT) et les plans locaux d'urbanisme (PLU) élaborés antérieurement (IV du présent article 19).

* 188 Source : étude d'impact de la loi du 6 août 2015 précitée, p. 20.

* 189 Autorisation actuellement requise pour tous les UTN qui ne sont pas couverts par un SCoT (Cf. supra) .

* 190 Rapport au Premier ministre, 27 juillet 2015, p. 52.

(http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/liseuse/5076/master/index.htm).

* 191 La liste actuelle des UTN de l'article L. 122-16 du code de l'urbanisme (hébergement, remontées mécaniques, etc .) serait donc abandonnée.

* 192 Nouvel article L. 122-22 du code de l'urbanisme.

* 193 Cf. le commentaire de l'article 20 A pour plus de précisions sur cette étude de discontinuité.

* 194 De nouvelles études et l'insertion explicite de l'UTN dans les documents d'urbanisme étant alors nécessaires.

* 195 Cette disposition reprendrait donc le droit applicable aux actuelles UTN de massif.

* 196 Articles L. 341-16 et R. 341-16 du code de l'environnement.

* 197 Article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime.

* 198 Définies par décret en Conseil d'État, ces extensions limitées n'auraient pas à figurer dans le SCoT ou le PLU.

* 199 Compte rendu intégral de l'Assemblée nationale, deuxième séance du mercredi 12 octobre 2016.

* 200 Cette disposition a été prévue afin d'inciter les communes de montagne à se doter d'un document d'urbanisme.

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