PROJET DE LOI RELATIF A L'ARCHEOLOGIE PREVENTIVE

LEGENDRE (Jacques)

RAPPORT 15(2000-2001) - Commission mixte paritaire

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N° 2630

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

 

N° 15

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale
le 13 octobre 2000

 

Annexe au procès-verbal de la séance
du 10 octobre 2000

Document mis en distribution le
18 octobre 2000

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE (1) CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DU PROJET DE LOI relatif à l'archéologie préventive.

PAR M. Marcel ROGEMONT, PAR M. Jacques LEGENDRE,

Député. Sénateur.

( 1) Cette commission est composée de : M. Adrien Gouteyron, sénateur, président ; M. Jean Le Garrec, député, vice-président ; M. Jacques Legendre, sénateur, M. Marcel Rogemont, député, rapporteurs.

Membres titulaires :
MM. Philippe Richert, Philippe Nachbar, Jean-Pierre Fourcade, Serge Lagauche, Ivan Renar, sénateurs ; MM. Serge Blisko, Pierre Morange, Pierre Albertini, Bernard Outin, André Aschieri, députés.

Membres suppléants : MM. James Bordas, Jean-Louis Carrère, Jacques Donnay, Daniel Eckenspieller, Roger Hesling, Jean-Paul Hugot, André Maman , sénateurs ; MM. Jean Rouger, Marcel Dehoux, Alfred Recours, Bruno Bourg-Broc, Jacques Pelissard, Christian Kert, Pierre Cardo, députés.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : Première lecture : 1575 , 2167 et T.A. 453

Deuxième lecture : 2303 , 2393 et T.A. 513

Troisième lecture : 2620

Sénat :
Première lecture : 239 , 276 et T.A. 110 (1999-2000)

Deuxième lecture : 357 , 482 (1999-2000) et T.A. 5 (2000-2001)


Patrimoine.

Mesdames, Messieurs,

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de M. le Premier Ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'archéologie préventive s'est réunie le mardi 10 octobre 2000 au Sénat.

La commission a d'abord procédé à la nomination de son bureau qui a été ainsi constitué :

- M. Adrien Gouteyron, président ;

- M. Jean Le Garrec, vice-président ;

La commission a ensuite désigné :

- M. Jacques Legendre, sénateur, rapporteur pour le Sénat ;

- M. Marcel Rogemont, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale.

*

* *

La commission mixte a ensuite procédé à l'examen du texte.

M. Jacques Legendre, rapporteur pour le Sénat , a constaté qu'au terme de son examen en deuxième lecture par le Sénat, l'ensemble des articles du projet de loi relatif à l'archéologie préventive restaient en navette, à l'exception de l'article 3.

Il a indiqué que ce résultat statistique décevant ne rendait pas compte des positions respectives des deux assemblées, qui sur certains points étaient en réalité assez proches.

Il a rappelé que le Sénat approuvant la nécessité de réformer la loi du 27 septembre 1941, ne remettait en cause ni la nécessité de créer un établissement public ni le principe du financement par l'impôt des opérations d'archéologie préventive.

Il a souligné que le principal sujet de désaccord entre les deux assemblées concernait le monopole reconnu à l'établissement public, qui n'est pas apparu au Sénat de nature à assurer l'efficacité du système proposé par le projet de loi.

La logique du monopole favorise une confusion des genres entre l'Etat, dans son rôle de gardien du patrimoine archéologique, et l'établissement public, chargé de réaliser les fouilles. Ce système ne peut que renforcer le déséquilibre qui prévaut actuellement entre les services de l'Etat faiblement dotés et un acteur de terrain disposant d'un personnel important et déboucher sur une consanguinité aux conséquences fâcheuses. Dans cette situation, les prescriptions archéologiques risquent d'être dictées moins par des impératifs de protection du patrimoine que par des considérations financières, dans la mesure où l'établissement a vocation à s'autofinancer.

Par ailleurs, les droits exclusifs reconnus à l'établissement public ne garantissent pas que d'autres organismes puissent réaliser des fouilles. Si la navette a fait apparaître la nécessité d'ouvrir cette possibilité, le maintien du monopole prive de portée les aménagements introduits en ce sens par l'Assemblée nationale. Les services archéologiques des collectivités territoriales ne peuvent être cantonnés à un rôle subsidiaire. Afin d'encourager leur développement, il convient de leur donner pleine compétence pour intervenir sur les chantiers des fouilles qui se déroulent sur leur territoire, lorsque les collectivités en font la demande. Ces services n'ont pas vocation à marginaliser l'établissement public mais devront, dans la plupart des cas, recourir à ses moyens pour mener à bien les opérations de terrain.

L'efficacité économique du monopole proposé par le projet de loi n'est pas assurée dans la mesure où le rendement de la redevance s'avère aléatoire.

Sans souscrire au dispositif financier, le Sénat a toutefois accepté les modalités de la redevance proposées par le gouvernement dans leurs deux versions successives sous la seule réserve de la création d'un taux majoré pour les terrains les plus riches en vestiges. Cependant, compte tenu des incertitudes pesant sur le produit de l'impôt, le Sénat a estimé que la suppression du monopole, assortie de la réaffirmation des prérogatives de l'Etat, constituait le seul moyen de se prémunir contre l'asphyxie du système.

M. Jacques Legendre, rapporteur pour le Sénat , a indiqué que le second motif de désaccord entre les deux assemblées résidait dans les dispositions relatives au régime de propriété des découvertes immobilières.

Il a indiqué que, s'il a estimé équitable de reconnaître des droits à l'inventeur d'un vestige immobilier comme à celui d'un vestige mobilier, le Sénat n'a pas retenu le dispositif proposé par l'Assemblée qui créait une exception à l'article 552 du code civil ayant pour effet d'opérer un transfert de propriété sans indemnité. Le Sénat a estimé qu'un mécanisme plus simple mais également plus respectueux des droits du propriétaire était envisageable et a prévu à l'article 5 ter A (nouveau) que, dans le cas où un vestige fait l'objet d'une exploitation commerciale, l'inventeur bénéficie d'une indemnité forfaitaire versée par la personne qui assure cette exploitation.

Il a considéré qu'il serait possible d'aboutir à une position commune sur cette question, rappelant que les deux assemblées étaient déjà parvenues à une solution satisfaisante pour les objets mobiliers, en adoptant un texte qui concilie les droits des propriétaires et l'exploitation scientifique des vestiges.

En conclusion, M. Jacques Legendre, rapporteur pour le Sénat , a formé le souhait que, si la commission mixte paritaire devait constater un désaccord, le dialogue entre les deux assemblées puisse se poursuivre au cours des lectures ultérieures.

S'il s'est félicité que les deux assemblées aient convenu de la nécessité de donner à l'archéologie préventive un cadre législatif adapté, M. Marcel Rogemont, rapporteur pour l'Assemblée nationale , a constaté que les positions des deux assemblées divergaient sur les moyens à mettre en oeuvre pour atteindre cet objectif. Alors que l'Assemblée nationale souhaite confier la réalisation des opérations d'archéologie préventive à un établissement public administratif doté de droits exclusifs, le Sénat a préféré la formule d'un établissement public industriel et commercial et supprimé les droits exclusifs.

L'archéologie préventive est avant tout une discipline scientifique, qui s'inscrit dans l'exercice d'une mission de service public dont l'Etat se doit de garantir la pleine réalisation. Les contraintes spécifiques qui pèsent sur l'établissement public chargé de cette mission conduisent à lui conférer le statut d'établissement public à caractère administratif. Les droits exclusifs qui lui sont reconnus résultent de l'obligation qui lui est faite d'assurer en tout temps et en tout lieu les opérations d'archéologie préventive dans le respect du principe d'égalité de traitement et de son financement par une redevance destinée à assurer une mutualisation du coût des fouilles, et non pas par des paiements pour service fait.

L'attribution de droits exclusifs à l'établissement public confère donc à ce dernier une responsabilité majeure en matière d'archéologie préventive, mais ne signifie pas qu'il aura vocation à réaliser l'ensemble des opérations. Ainsi, le texte adopté par l'Assemblée nationale précisait que l'établissement public associe les services archéologiques des collectivités territoriales et d'autres personnes morales de droit public -l'indicatif valant, comme on le sait, impératif- et qu'il peut également faire appel, par voie de convention, à des archéologues relevant d'autres personnes morales, françaises ou étrangères.

M. Marcel Rogemont , rapporteur pour l'Assemblée nationale , a indiqué qu'au-delà de la question des droits exclusifs qui constituait le coeur du désaccord entre les deux assemblées, les divergences portaient également sur la place que la loi devait accorder aux services archéologiques des collectivités territoriales. De façon un peu étonnante, le dispositif adopté par le Sénat aboutit à conférer à ces services des droits quasi exclusifs que, compte tenu de la relative faiblesse de leurs moyens actuels, ils ne pourront en réalité assumer.

Il a fait observer, par ailleurs, que la définition de leur mission relevait non pas de la loi mais des collectivités territoriales elles-mêmes. Il a souligné que loin de négliger leur importance, le texte adopté par l'Assemblée nationale, en précisant qu'ils sont associés à l'établissement public, reconnaissait pleinement leur rôle.

En conclusion de son propos, M. Marcel Rogemont, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a considéré que l'attachement de l'Assemblée à la création d'un établissement public à caractère administratif doté de droits exclusifs et financé par une redevance rendait difficile un rapprochement des points de vue.

M. Adrien Gouteyron, président, a noté que les exposés des deux rapporteurs avaient mis clairement en évidence les points importants sur lesquels portaient les divergences entre les deux assemblées qui restent fortes en dépit des rapprochements dont ils avaient également fait état.

S'associant à ces propos, M. Jean Le Garrec, vice-président , est convenu qu'il existait un désaccord de fond et que, s'il était souhaitable que le dialogue se poursuive au cours des lectures suivantes, il semblait difficile d'espérer résoudre au niveau de la commission mixte paritaire les divergences portant sur le coeur même du dispositif du projet de loi.

M. Jean-Pierre Fourcade, sénateur, s'est étonné qu'en dépit des inconvénients bien connus de la formule de l'établissement public administratif, que la Cour des comptes a maintes fois dénoncés, le projet de loi ait prévu la création d'un EPA pour réaliser des fouilles préventives. Ce choix conduit à mettre en place un système qui ne marchera pas. Il a estimé qu'il aurait été préférable de créer une agence qui aurait permis, tout en garantissant la qualité scientifique des fouilles, de disposer de la souplesse de gestion nécessaire à la conduite des opérations de terrain et de mettre en place un système plus large de conventionnement.

M. Ivan Renar, sénateur, a fait observer qu'une fois de plus apparaissait la nécessité de créer un statut spécifique d'établissement public à caractère culturel qui permettrait d'apporter la souplesse nécessaire à la gestion des services publics culturels, en présentant les avantages d'un statut de droit public.

M. Jean-Paul Hugot, sénateur , a considéré que la science archéologique n'avait pas intérêt à être enfermée dans un système de monopole peu propice à la qualité de la recherche qui doit être ouverte et se nourrit de la confrontation des idées. Estimant que le Sénat avait eu raison de défendre la compétence des services locaux d'archéologie, il a craint en outre que le dispositif proposé ne remette en cause la participation des universités aux opérations d'archéologie préventive. Par ailleurs, il a estimé que les lourdeurs générées par le statut d'établissement public à caractère administratif ne pourraient qu'entraver le progrès scientifique dans cette discipline historique.

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a considéré que la création d'une agence, séduisante dans son principe, était incompatible avec la mission de service public confiée à l'établissement, qui devait répondre en tout lieu et en tout temps à l'ensemble des demandes, comme avec le mode de financement retenu. Il a indiqué que le texte adopté par l'Assemblée nationale garantissait la possibilité pour les universités d'être associées à des fouilles préventives, tout en soulignant que ces dernières intervenaient essentiellement dans le cadre d'opérations programmées. De plus, le système de calcul de la redevance est suffisamment simple pour que chaque aménageur puisse évaluer le coût des fouilles et pour que celui-ci ne puisse pas être assimilé à un prix correspondant à un service fait. Par ailleurs, il a souligné que le dispositif prévu par l'article 5 ter A adopté par le Sénat revenait à priver le propriétaire d'une partie des fruits de son terrain et portait donc atteinte à son droit de propriété.

M. Jean Le Garrec, vice-président , en réponse aux propos de M. Jean-Pierre Fourcade, a indiqué que l'Assemblée nationale avait opté pour le statut juridique le plus conforme à la nature du service public créé par la loi. Il a toutefois admis l'urgence à se doter d'un statut d'établissement public à caractère culturel, estimant nécessaire l'appui du Sénat sur cette question.

M. Adrien Gouteyron, président , a indiqué que M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle, lui avait fait part de sa volonté de voir ce dossier progresser.

M. Jean-Paul Hugot, sénateur , a indiqué que lors de la dernière réunion du conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel, Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication, avait exprimé son intention de présenter un projet de texte sur ce sujet en novembre.

M. Philippe Richert, sénateur , a fait observer que si un consensus se dégageait pour réaffirmer le caractère de service public de l'archéologie préventive, une divergence subsistait entre les partisans d'une solution obligeant les organismes disposant de compétences reconnues à passer par un établissement unique et ceux, dont il était, d'un système permettant à ces compétences de s'exercer directement.

M. Jacques Legendre, rapporteur pour le Sénat , a indiqué qu'il estimait, quitte à surprendre, que les positions de l'Assemblée et du Sénat ne lui paraissaient pas très éloignées sur le fond, mais que le Sénat avait été guidé par plusieurs préoccupations.

Le Sénat, qui a tenu à réaffirmer que l'archéologie est une responsabilité de l'Etat, a d'abord voulu assurer une distinction claire entre le rôle de l'Etat et celui de l'opérateur chargé de la réalisation des fouilles afin d'écarter les risques de suspicion qui pourraient peser sur des fouilles prescrites afin d'assurer l'équilibre financier de l'établissement.

Par ailleurs, le Sénat a estimé que le projet devait répondre très clairement aux interrogations des aménageurs sur le coût des fouilles et leur durée. En ce qui concerne leur coût, en dépit de la perplexité que lui a inspirée leurs modifications successives, le Sénat n'a pas contesté les modalités de calcul de la redevance dans la mesure où il ne pouvait vérifier leur pertinence, laissant la responsabilité de ce dispositif au gouvernement. S'agissant de la durée des opérations, la loi doit comporter des indications précises afin de garantir que les délais supplémentaires seront justifiés par les nécessités de la protection du patrimoine et non par les difficultés rencontrées par l'établissement pour en assurer l'exécution dans des conditions satisfaisantes.

Dans la mesure où les deux assemblées ont reconnu à l'Etat compétence pour désigner le responsable de fouilles, leurs divergences sur le monopole comme sur le rôle des services archéologiques des collectivités territoriales ne doivent pas être exagérées. Le dispositif adopté par le Sénat, qui ne constitue pas une ouverture de l'archéologie à la concurrence, se borne à garantir que, lorsqu'ils seront désignés en qualité de responsable de fouilles, ces services pourront intervenir, et ne comporte aucun risque de différence de traitement en raison de l'existence d'un organisme national. Il a estimé nécessaire de ne pas priver les collectivités territoriales de la possibilité de développer de tels services, essentiels pour assurer la connaissance de l'histoire de leur territoire.

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour l'Assemblée nationale , a souligné que la navette avait permis d'établir entre le prescripteur de fouilles et l'opérateur une distinction très claire, absente du projet de loi initial. Admettant la nécessité d'accroître la prévisibilité du risque archéologique, il a estimé toutefois qu'une sanction trop sévère du non-respect des délais risquait paradoxalement de les allonger. Il a rappelé que le texte adopté par l'Assemblée nationale imposait à l'établissement public d'associer les services archéologiques des collectivités territoriales. Enfin, il a estimé que le rapport prévu par le Sénat, que l'Assemblée dans un premier temps n'avait pas jugé nécessaire, permettrait d'établir un bilan de la loi au terme de trois années d'application et de procéder aux ajustements nécessaires.

A l'issue de ce débat, M. Adrien Gouteyron, président , a constaté que la commission mixte paritaire ne pouvait parvenir à un accord sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'archéologie préventive.

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