Rapport n° 252 (2000-2001) de M. Lucien LANIER , fait au nom de la commission des lois, déposé le 4 avril 2001

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N° 252

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 4 avril 2001

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE, relative à la répression des rejets polluants des navires ,

Par M. Lucien LANIER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Larché, président ; M. Patrice Gélard, Mme Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Robert Bret, vice-présidents ; Jean-Pierre Schosteck, Jean-Patrick Courtois, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, Jean-Pierre Bel, Laurent Béteille, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Guy-Pierre Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Edmond Lauret, François Marc, Bernard Murat, Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : Première lecture : 2371 , 2445 et T.A. 537

Deuxième lecture : 2859 , 2878 et T.A. 630

Sénat : Première lecture : 415 (1999-2000), 163 et T.A. 56 (2000-2001)

Deuxième lecture : 207 (2000-2001)

Environnement.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Réunie le 4 avril 2001 sous la présidence de M. Jacques Larché, président, la commission des Lois a examiné, sur le rapport de M. Lucien Lanier, la proposition de loi relative à la répression de la pollution par les navires, adoptée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture le 30 janvier 2001.

Après avoir rappelé l'importance de ce texte qui vise à réprimer plus efficacement les actes de déballastages sauvages, et à en dissuader leurs auteurs, M. Lucien Lanier, rapporteur, a souligné la convergence de vues entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Il a constaté que les modifications apportées par l'Assemblée nationale en deuxième lecture avaient avant tout visé à clarifier le dispositif sans altérer l'esprit du texte voté par le Sénat en première lecture.

Il s'est également prononcé en faveur de la disposition nouvelle introduite par l'Assemblée nationale en deuxième lecture étendant les pouvoirs de contrôle des agents des douanes aux navires de plus de 1000 tonneaux de jauge brute dans la zone contiguë comprise entre 12 et 24 milles marins.

Suivant les propositions de son rapporteur, la commission propose d'adopter la proposition de loi sans modifications.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est appelé à examiner en deuxième lecture la proposition de loi réprimant la pollution par les navires, adoptée en deuxième lecture par l'Assemblée nationale le 30 janvier 2001.

Tout d'abord, il convient de souligner que, face au problème de la pollution maritime provoquée par les déballastages sauvages, les positions du Sénat et de l'Assemblée nationale sont fortement convergentes.

Cette pollution par hydrocarbures, d'origine intentionnelle, et d'autant plus insidieuse qu'elle se produit quotidiennement, appelle un durcissement des mesures de répression.

Les travaux des assemblées ont donc tendu à clarifier ainsi qu'à compléter le dispositif, afin de le rendre plus effectif.

Néanmoins, il convient de souligner qu'au-delà des initiatives parlementaires, aussi souhaitables soient-elles, ce problème appelle avant tout une coordination aux niveaux communautaire et international (la réglementation en matière de sécurité maritime dépendant dans une large mesure de l'Organisation Maritime Internationale), ainsi qu'un renforcement considérable des moyens affectés à la sécurité maritime 1 ( * ) .

1. les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Le Sénat a tout d'abord tiré la conséquence de l'abrogation de la loi n° 83-583 du 5 juillet 1983 réprimant la pollution par les navires et de son intégration dans le code de l'environnement, intervenues après l'examen de la proposition de loi par l'Assemblée nationale en première lecture.

Par ailleurs, il a durci et complété les sanctions tout en clarifiant les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale.

a) un durcissement des sanctions applicables

Lors de l'examen en première lecture de la proposition de loi réprimant la pollution par les navires, le Sénat a renforcé les sanctions encourues par les capitaines des navires ayant procédé à des déballastages sauvages, en quadruplant (alors que l'Assemblée nationale avait prévu un simple triplement) le montant maximal des amendes pouvant être prononcées à leur encontre.

b) une clarification des règles de compétence juridictionnelle

Par ailleurs, le Sénat a clarifié les règles de compétence juridictionnelle en matière de poursuite, d'instruction et de jugement de ces infractions, tout en adhérant à la volonté exprimée par l'Assemblée nationale de spécialiser certaines juridictions en matière de déballastage afin de parvenir à une meilleure sensibilisation des magistrats et à une unification de la jurisprudence.

Il a ainsi précisé la compétence du tribunal de grande instance de Paris s'agissant du jugement des infractions aux règles sur le déballastage intervenues dans la zone économique exclusive et en haute mer (pour les seuls navires français dans ce dernier cas), ainsi que celle de tribunaux de grande instance spécialisés du littoral maritime s'agissant du jugement des infractions commises dans les eaux territoriales.

Il a par ailleurs prévu une compétence concurrente des ministères publics du tribunal de grande instance de Paris, des tribunaux spécialisés ainsi que des tribunaux territorialement compétents.

En outre, le Sénat a adopté quatre articles additionnels, dont trois avaient reçu l'avis favorable de votre commission des Lois.

c) l'extension de la responsabilité de l'armateur

Trois dispositions ont donc ainsi été adoptées avec l'avis favorable de la commission :

- la reconnaissance de la responsabilité pénale des personnes morales (article additionnel après l'article 5);

- la possibilité d'une incrimination des armateurs à l'origine de la pollution sans qu'il soit besoin de faire la preuve d'un ordre écrit (article additionnel avant l'article 5);

- la précision que les frais d'immobilisation du navire ayant servi à commettre les infractions sont à la charge de l'armateur (article additionnel après l'article 5).

d) la définition d'une nouvelle infraction en matière de pollution maritime

En outre, un amendement présenté par Mme Anne Heinis, et pour lequel votre commission avait donné un avis défavorable, a été adopté par le Sénat. Il proposait d'introduire un nouvel article L.218-31-1 dans le code de l'environnement réprimant ainsi d'une amende de 10.000 francs et en cas de récidive du double de cette peine et d'un emprisonnement de huit jours à six mois le déversement de déchets en mer autres que des hydrocarbures .

2. les travaux de l'Assemblée nationale en deuxième lecture

Lors de l'examen du texte en deuxième lecture, l'Assemblée nationale a majoritairement avalisé les modifications apportées par le Sénat.

- Elle a néanmoins adopté un amendement rédactionnel concernant la compétence des tribunaux de grande instance du littoral maritime spécialisés (article 5).

- En outre, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de suppression de l'article additionnel relatif aux déversements d'ordures introduit par le Sénat à l'initiative de Mme Anne Heinis, au motif que ceux-ci étaient déjà sanctionnés plus durement par l'article L. 218-18 du code de l'environnement en application de la convention MARPOL (article 8).

- Par ailleurs, a été adopté un amendement présenté par M. Gilbert Le Bris, rapporteur de la commission de la Production et des échanges, visant à modifier l'article 62 du code des douanes afin d'étendre les possibilités de contrôle par les agents des douanes aux navires de plus de 1000 tonneaux de jauge brute (TJB) dans la zone contiguë entre 12 et 24 milles marins (article 9).

Restent donc trois articles en discussion.

3. la proposition de votre commission des Lois :adopter sans modifications

Toutes ces modifications paraissent fondées et votre commission vous propose d' adopter conforme cette proposition de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Intitulé

L'Assemblée nationale ayant introduit à l'article 9 (nouveau) une disposition visant à modifier un article du code des douanes, l'intitulé de la proposition de loi, qui se référait exclusivement aux dispositions du code de l'environnement, a été modifié en conséquence.

Votre commission est favorable à cette modification et vous propose de l'adopter sans modification .

Article 5
(art. 12 de la loi du 5 juillet 1983,
devenu les art. L. 218-28 et L. 218-29 du code de l'environnement )
Compétence juridictionnelle

L'Assemblée nationale avait, en première lecture, adopté des dispositions visant à permettre une certaine spécialisation des juridictions afin de simplifier les règles de compétence relatives à l'instruction, à la poursuite et au jugement des infractions de dégazage.

En effet, la complexité des règles de compétence actuelles 2 ( * ) rend difficile l'unification de la jurisprudence et la création de pôles de compétence des magistrats en raison du faible nombre de poursuites judiciaires et de leur éclatement.

En première lecture, le Sénat, s'il a approuvé cette démarche qui contribue à une plus grande effectivité de la réglementation, a souhaité y apporter quelques clarifications et précisions.

En effet, l'article 5 tel qu'adopté par l'Assemblée nationale posait un certain nombre de problèmes.

Tout d'abord, s'il était prévu une compétence exclusive du tribunal de grande instance de Paris s'agissant de la zone économique exclusive (ZEE) 3 ( * ) , rien n'était indiqué s'agissant de la haute mer.

Par ailleurs, il y avait contradiction s'agissant des règles de compétence des ministères publics.

Par conséquent, le Sénat a adopté en première lecture un amendement présenté par votre rapporteur, visant à prévoir une compétence exclusive de jugement en faveur du tribunal de grande instance de Paris s'agissant des infractions commises dans la zone économique exclusive et en haute mer (pour les seuls navires français dans ce cas), et la compétence de tribunaux de grande instance spécialisés du littoral s'agissant des infractions commises dans les eaux territoriales.

En revanche, les ministères publics des tribunaux territorialement compétents, du tribunal de grande instance de Paris ainsi que des tribunaux désignés par une liste fixée par décret conservaient une compétence concurrente s'agissant de la poursuite et de l'instruction.

Le dispositif adopté par le Sénat avait donc pour objectif, d'une part, de centraliser le jugement à deux niveaux selon le lieu où avait été commise l'infraction et, d'autre part, de décentraliser les procédures de poursuite et d'instruction, dans un souci de proximité accrue.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a avalisé ce dispositif.

Elle a cependant adopté un amendement rédactionnel présenté par M. Gilbert Le Bris, rapporteur de la commission de la production et des échanges, visant à préciser une nouvelle fois que le dispositif prévu donnait une compétence exclusive aux tribunaux de grande instance du littoral maritime s'agissant du jugement des infractions commises dans les eaux territoriales.

Votre commission est favorable à cette modification, essentiellement motivée par une volonté de clarification, et vous propose par conséquent d'adopter l'article 5 sans modification .

Article 8
(article L. 218-31-1 (nouveau) du code de l'environnement)
Sanctions à l'encontre des capitaines de navires coupables
de déversements de déchets ou résidus

En première lecture, le Sénat a adopté, malgré l'avis défavorable de la commission des Lois, un amendement portant article additionnel présenté par Mme Anne Heinis et visant à introduire dans le code de l'environnement un nouvel article L. 218-31-1, aux termes duquel est puni d'une amende de 10.000 francs et en cas de récidive du double de cette peine et d'un emprisonnement de huit jours à six mois tout capitaine ou responsable à bord d'un navire français s'étant rendu coupable de déversement de déchets ou résidus autres que d'hydrocarbures, de plastiques ou de polluants marins non biodégradables.

Ce dispositif pose deux problèmes :

- En premier lieu, la peine d'amende maximale prévue s'élève à 10.000 francs alors même que l'article 329 de la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 relative à l'entrée en vigueur du nouveau code pénal dispose que " dans tous les textes prévoyant qu'un délit est puni d'une peine d'amende dont le maximum est inférieur à 25.000 francs, l'amende encourue est désormais de 25.000 francs ".

La sanction prévue va donc à l'encontre de cette volonté d'harmonisation des peines et pourrait même laisser à penser que l'infraction constitue une contravention, s'il n'était précisé par ailleurs qu'une peine d'emprisonnement peut être prononcée en cas de récidive.

- Plus fondamentalement, la répression des infractions visées par ce nouveau dispositif existe déjà de façon beaucoup plus rigoureuse.

En effet, l'article L. 218-18 du code de l'environnement prévoit qu'est puni des peines prévues à l'article L. 218-11 du code de l'environnement (à savoir 1,2 million de francs et deux ans d'emprisonnement si l'on tient compte du quadruplement du montant des amendes par le Sénat) le fait, pour tout capitaine ou responsable à bord d'un navire français, de se rendre coupable d'infractions aux dispositions des règles 3, 4 et 5 de l'annexe V de la convention MARPOL, qui réglementent l'évacuation des ordures en mer.

Sont ainsi interdites les évacuations d'objets en matière plastique à quelque distance que ce soit des côtes, l'évacuation de tout déchet étant interdite à moins de 12 milles.

Par ailleurs, il convient de préciser que ces dispositions s'appliquent à tous les navires quelle que soit leur taille.

L'Assemblée nationale a donc en deuxième lecture adopté un amendement de suppression de cet article présenté par M. Gilbert Le Bris, rapporteur de la commission de la Production et des échanges.

Votre rapporteur est favorable à cette suppression, cet article additionnel pouvant être un facteur d'insécurité juridique et de confusion en raison de l'existence d'un dispositif répressif concomitant.

Il vous propose donc de confirmer la suppression de l'article 8.

Article 9 (nouveau)
(article 62 du code des douanes)
Extension des possibilités de contrôle des navires par
les agents des douanes dans la zone contiguë

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par M. Gilbert Le Bris, rapporteur de la commission de la Production et des échanges, tendant à insérer un article additionnel visant à supprimer, dans l'article 62 du code des douanes, l'impossibilité, pour les agents des douanes, de contrôler les navires de plus de 1.000 tonneaux de jauge brute dans la zone contiguë comprise entre 12 et 24 milles.

Cet amendement reprend une proposition du comité interministériel de la mer du 28 février 2000.

Les agents des douanes sont habilités, en vertu de l'article 11 de la loi du 5 juillet 1983, devenu l'article L. 218-26 du code de l'environnement, à constater certaines infractions à cette loi. Cependant, son champ d'application territorial est limité s'agissant des navires étrangers à ceux se trouvant dans les eaux territoriales françaises 4 ( * ) .

Il est dès lors exclu de contrôler au-delà des eaux territoriales, sur les navires étrangers, les titres de sécurité et les certificats de prévention de la pollution.

Toutefois, l'article 44 bis du code des douanes dispose que le service des douanes peut, dans la zone contiguë comprise entre 12 et 24 milles, et quelle que soit la nationalité du navire, exercer les contrôles nécessaires pour prévenir les infractions aux lois et règlements que l'administration des douanes est chargée d'appliquer sur le territoire douanier.

Cependant, l'article 62 du code des douanes, qui constitue le cadre légal de droit commun d'intervention en mer du service des douanes, stipule que, dans la zone contiguë, l'accès à bord des navires en vue de prévenir les manquements aux lois et règlements est limité aux navires de moins de 1.000 TJB.

Dès lors, la présence d'une limitation de tonnage est préjudiciable à l'efficacité du dispositif de prévention des risques de pollution.

Votre commission est favorable à la suppression de cette limitation de tonnage effectuée par l'Assemblée nationale, qui constitue un gage d'efficacité de l'action de l'Etat en mer en matière de lutte contre les pollutions marines.

Par conséquent, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

TABLEAU COMPARATIF

* 1 La France ne compte ainsi que 54 inspecteurs dans les centres de sécurité.

* 2 L'article L. 218-29 du code de l'environnement dispose ainsi que les infractions sont jugées soit par le tribunal compétent du lieu de l'infraction, soit par celui dans le ressort duquel le bâtiment est attaché en douanes ou immatriculé s'il est français, soit par celui dans le ressort duquel peut être trouvé le bâtiment s'il est étranger, le tribunal de grande instance de Paris étant compétent à défaut d'autre tribunal.

* 3 Les eaux territoriales sont situées dans les 12 milles à partir des côtes, la zone économique exclusive prenant le relais sur 188 milles, la haute mer se situant au-delà.

* 4 hormis les infractions relatives au défaut de compte-rendu détaillé en cas de perte, par dessus bord en mer, de marchandises dangereuses (art. 7-2).

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