2. Les difficultés d'épandage

Malgré les constats et analyses globalement rassurants, une certaine inquiétude demeure, illustrée par ce qu'on peut appeler la « technique du parapluie gigogne ».

a) Constats et conclusions « rassurantes »

Première conclusion : la nécessité de l'épandage est globalement admise. Pour l'ADEME, « la volonté politique affichée dans la plupart des pays européens est la pérennisation de la filière de l'épandage ».

Il n'y a pas d'opposition manifeste et organisée à l'encontre de l'épandage, même s'il existe des réticences et des obstacles locaux. Les groupes les plus impliqués ont des motivations diverses.

Il existe, d'une part, les agriculteurs, mais qui ne présentent pas un front uni. Certains sont tout à fait hostiles (Autriche, Danemark, Finlande), d'autres sont favorables, en raison de l'intérêt agronomique des boues et « resteraient même prêts à payer pour en recevoir » (Royaume-Uni, Portugal...). Entre ces deux extrêmes, toutes les situations sont possibles. Les agriculteurs, en France et en Allemagne, demandent de meilleures garanties. Les menaces de « la grève des boues » restent isolées.

Le second groupe est celui de la grande distribution et des industries agro-alimentaires qui mettent en avant « les attentes du consommateur » qui, en l'espèce, est plutôt muet. Il s'agit en vérité avant tout d'un choix de marketing, permettant de se positionner sur le « marché bio » ou équivalent. La Fédération nationale des industries agro-alimentaires a pris position en faveur de l'épandage sans exclure de prévoir des contraintes autres que celles imposées par la réglementation.

Le consommateur est, pour le moment, indifférent. Comme l'indique l'ADEME « d'une manière générale, le grand public n'a pas pris part au débat sur l'épandage des boues. Cette faible mobilisation s'explique par la technicité des débats et le manque d'informations disponibles pour le grand public sur le sujet. Les associations de consommateurs ne se sont apparemment pas manifestées sur ces questions, sauf pour des cas très localisés liés en particulier aux nuisances olfactives ».

Les consommateurs, comme d'autres associations, font d'ailleurs partie du « Comité national sur les boues d'épuration » -CNB- mis en place en février 1998, qui a rendu un avis favorable à l'épandage.

Deuxième conclusion : la qualité des boues s'est fortement améliorée depuis dix ans et des marges de progrès demeurent.

Les boues sortant des stations d'épuration en Europe et en France en particulier, respectent les valeurs définies au niveau réglementaire national ou communautaire et ont même des marges de sécurité importantes. En outre, quelques améliorations sont encore possibles , soit en développant la collecte séparée et le tri sélectif sur les produits sensibles (solvants, acides, peintures...), soit en définissant une politique de labels, correspondant aux différentes qualités de boues.

Le « débat boues » est un débat purement européen. Les boues aux États-Unis, par exemple, ayant des teneurs en métaux lourds et en autres contaminants, considérablement supérieures aux teneurs constatées en Europe :

Teneurs moyennes des boues de stations d'épuration en métaux lourds

(en mg/kg)

Valeur limitée pour épandage

(Union Européenne)

Teneur constatée dans les trois premiers pays

(ordre décroissant)

France

États-Unis

Rapport entre les Etats Unis et le premier pays de l'U.E.

Cadmium

20

Autriche : 3 ; Finlande : 2,9 ; Royaume-Uni : 3,2

2,5

26

8,6

Chrome

1 000

Espagne : 208 ; France : 134 ; Finlande : 102

134

432

2,1

Cuivre

1 000

Royaume-Uni : 473 ; Pays-Bas : 424 ; Suède : 394

371

712

1,5

Mercure

16

Royaume-Uni : 3,2 ; France : 2,3 : Autriche : 1,8

2,3

3,3

1,03

Nickel

300

Portugal : 66 ; Finlande : 54 ; Espagne : 46

45

167

2,5

Plomb

750

Royaume-Uni : 217 ; Espagne : 200 ; Portugal : 200

95

303

1,4

Zinc

2 500

Portugal : 1 555 ; Autriche : 1 320 ; Irlande : 1 150

789

1 526

0,98

Source : ADEME - Situation du recyclage des boues d'épuration urbaine en Europe - 1999 - Annexe 4 - Traitement OPECST

Nota 1) Les « mauvais résultats » constatés dans ce tableau pour les pays du Nord, malgré leur vigilance sur les métaux lourds s'explique par les contraintes réglementaires de l'épandage qui sont tellement strictes que les stations d'épuration, sachant qu'elles ne pourront les respecter, ne traitent qu'imparfaitement les effluents.

2) Les « mauvais résultats » constatés dans ce tableau pour les États-Unis s'expliquent en partie par leur ancienneté (1987). Il y a dix ans d'écart entre les résultats américains et européens.

Troisième conclusion : bien maîtrisé, l'épandage des boues n'induit aucun impact connu sur les sols et les produits agricoles.

De très nombreuses études ont été menées pour mesurer l'incidence de l'épandage des boues sur les sols et les produits agricoles. Les analyses ne montrent pas de différence significative entre les parcelles ayant reçu des boues de station d'épuration et les parcelles sans boues.

D'autres études vont même plus loin, et montrent même une diminution des apports de certains métaux dans les plantes, notamment le cadmium ! Ce phénomène serait dû à deux facteurs. D'une part, l'apport des boues entraîne non seulement un apport de cadmium, mais aussi un apport de zinc : zinc et cadmium étant antagonistes, l'absorption de cadmium est ralentie. D'autre part, la plupart des analyses comparent un sol avec boues avec un sol « vierge » sans boues, alors qu'une comparaison plus pertinente consiste à comparer un sol avec boues et un sol amendé avec des engrais phosphates. On constate alors que les boues n'apportent pas plus de cadmium que les engrais, voire même dans certains cas, en apportent moins.

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