B. LES BOUES D'ÉPURATION

1. Présentation générale

a) La production de boues

Les boues sont les sous produits recueillis au cours des différentes étapes de la dépollution des eaux usées . Les boues sont constituées d'eau et de matières minérales et organiques sous forme de matières en suspension ou de matières dissoutes. Les boues sont un sous- produit de l'assainissement. Les traitements des eaux usées en station d'épuration génèrent plusieurs sortes de sous-produits. Il y a, d'une part, les refus de dégrillage, les matières de dessablage, les matières grasses du déshuilage qui sont éliminés dans le circuit des déchets municipaux, et, d'autre part, les boues qui résultent des dépôts de la pollution particulaire et des matières organiques dissoutes traitées.

Une station d'épuration génère trois catégories de boues. Les boues de traitement primaires produites par décantation des matières un suspension ; les boues de traitement physique ou chimique composées de matières organiques solubles ou colloïdales agglomérées dans les eaux traitées par addition d'un réactif coagulant (sels de fer ou d'aluminium) ; les boues issues du traitement biologique formées par les bactéries qui se sont nourries de matières organiques contenues dans les eaux usées.

1 m 3 d'eaux usées domestiques donne, après traitement, 350 à 400 grammes de boues de matières sèches.

On mesure la quantité de boues par leur siccité c'est à dire par la part des matières sèches qu'elles contiennent : 1.000 habitants génèrent 73.000 m 3 /an d'eau usées qui produisent après dépollution 15 à 25 tonnes de matières sèches. Une usine de 500.000 équivalents/habitants/produit environ 30 tonnes de matières sèches par jour. Elle doit donc évacuer chaque jour 100 tonnes de boues à 30% de siccité.

En application de la directive européenne sur les eaux résiduaires urbaines, les collectivités locales vont être amenées à renforcer la collecte et le traitement des eaux usées. Tous les indicateurs montrent que la production de boues va augmenter dans des proportions significatives : la collecte des eaux usées et le rendement des stations d'épuration vont progresser, le taux de dépollution devrait passer de 42 % à 65 %. Avant que les recherches sur le traitement eaux usées sans boues n'aboutissent, l'importance des volumes ira en s'amplifiant avec les techniques de traitement des eaux usées de plus en plus poussées. On estime ainsi que la déphosphatation produit une masse de boues de 20 à 30 % supérieure à une filière sans déphosphatation.

Selon les industriels, entre la publication de la directive sur les eaux résiduaires urbaines de 1991 et l'échéance de 2005, la production de boues devrait augmenter de 50 % en France et doubler en Europe En France, le volume à traiter de l'ordre de 1 million de tonnes de matières sèches en 1998 passerait à 1,3 million de tonnes en 2005. Le volume à traiter en Europe serait de 15 à 20 millions de tonnes en 2005.

Face à cette évolution ; les possibilités d'utilisation des boues se restreignent. Jusqu'en 1998, les boues étaient dirigées vers trois filières : la mis en décharge pour 20 à 25 %, la valorisation agricole, pour 60 % et l'incinération pour 15 à 20 %. Ces options sont remises en cause.

D'une part, la mise en décharges -requalifiées de centres d'enfouissement techniques- est normalement réservée aux déchets ultimes c'est-à-dire aux déchets qui ne sont plus susceptibles d'être valorisés dans les conditions techniques et économiques du moment. La mise en décharge devrait donc être réservée aux seuls centres munis de dispositifs de récupération de biogaz mais cette technique n'émerge pas.

D'autre part, malgré les recherches concordantes sur l'intérêt de l'épandage agricole, les garanties sur le contenu des boues et sur leur traçabilité, l'épandage des boues en agriculture est de plus en plus contesté.

Ainsi, la réglementation amène à produire de plus en plus de boues tandis que dans le même temps, pour des raisons politiques et sociales, les possibilités d'utiliser ces boues sont de plus en plus limitées. Alors même que les besoins seraient croissants et que les techniques pour améliorer la qualité des boues produites sont connues et fiables, la réglementation des usages des produits issus des boues reste figée. Le dossier boues est un exemple des difficultés mais aussi des incohérences des politiques publiques en matière environnementale. Le dossier boues est probablement l'un des plus grands défis des prochaines années.

b) Les caractéristiques des boues

Les boues se composent d'eau et de matières organiques et minérales qui séchées produisent des matières sèches (MS). Les boues sont ensuite dirigées vers trois filières : la mise en décharge, l'élimination (incinérations), la valorisation agricole (87 ( * )) .

Quelle que soit la destination finale, les boues en sortie de station subissent des traitements préalables consistant à réduire les volumes. Le volume des boues est lié à leur teneur en eau ou, inversement, leur teneur en matières sèches, dite aussi siccité. Une boue brute sans traitement contient 1 % de MS, une boue épaissie contient 5 % de MS. Une boue déshydratée contient 25 % de MS. Une boue sèche contient 90 % de MS.

La pratique la plus simple et la plus courante consiste à épandre les boues sur des terres cultivées. C'est ce qu'on appelle l'épandage agricole. Cet épandage est lié à la valeur agronomique des boues d'épuration. A l'inverse, les boues contiennent aussi des éléments indésirables qui doivent être contrôlés et limités.

- L'intérêt agronomique des boues

En premier lieu, les boues sont utilisées comme engrais. Les plantes fabriquent leurs aliments à partir du carbone et de l'oxygène de l'air par le mécanisme de la photosynthèse. Mais il leur faut aussi de l'eau et des nutriments qu'elles prélèvent dans le sol  (azote, phosphore, potassium...) ainsi que des oligo-éléments qui sont des éléments traces devant être consommés en très petites quantités (fer, manganèse, cuivre...).

La matière sèche contenue dans les boues renferme la plupart de ces éléments nutritifs utiles aux plantes, notamment l'azote, le phosphore, le calcium.

Certaines boues ont ainsi des compositions voisines de celles des engrais achetés pour l'agriculture. Elles présentent un intérêt d'autant plus grand que les boues sont livrées gratuitement par les producteurs des boues (livraison dite « rendue racine »). La valorisation agricole des boues peut même constituer une économie par rapport à l'achat de fertilisant.

En second lieu, les boues sont utilisées comme amendement. Le rôle de l'amendement n'est pas d'apporter des éléments nutritifs aux plantes mais d'améliorer la structure du sol. Les amendements agissent sur les caractéristiques physiques, chimiques et biologiques du sol. Ils permettent de réduire l'acidité du sol (amendement par des boues chaulées), de réduire la battance des sols limoneux (séchage du sol à l'origine de la formation de croûtes). Ils améliorent ainsi la structure du sol et entretiennent la teneur du sol en humus évitant ainsi un phénomène d'érosion.

- Les contaminants chimiques

Les contaminants chimiques sont essentiellement les métaux lourds présents dans les boues sous forme d'éléments traces. Il s'agit essentiellement du cadmium, du mercure, du plomb, du zinc... L'essentiel des contaminations chimiques vient des rejets industriels et dans une moindre mesure des rejets domestiques (utilisation de solvants de déchets de bricolage...). Toutes ces valeurs sont étroitement réglementées avant éventuel épandage et supposent par conséquent un strict contrôle des rejets des eaux usées.

Les transferts d'éléments traces métalliques dépend de leur aptitude à être libérés dans l'eau du sol et leur faculté d'assimilation par la plante. Il existe des grandes différences d'assimilation selon les plantes et selon les sols. L'importance des métaux lourds dans les boues des stations d'épuration a fait l'objet d'une partie du précédent rapport de votre rapporteur (« les effets des métaux lourds sur l'environnement et la santé » - doc. AN 11 ème législature n° 2979 - Sénat 2000-2001 n° 261).

L'étude a notamment été menée sur le cadmium. Il est aujourd'hui établi que les boues n'apportent pas plus de cadmium que les engrais, que les teneurs de cadmium des grains de maïs cultivés sur des boues ne sont pas plus élevées (au contraire !) que sur les parcelles fertilisées par engrais chimiques classiques. Cet effet limité viendrait notamment du fait que les boues contiennent aussi du zinc qui diminue l'absorption du cadmium.

- les microorganismes

Enfin, les boues contiennent des milliards de microorganismes vivants dont une partie est pathogène : virus, bactéries protozoaires, champignons, etc... La plupart viennent des excréments d'origine humaine ou animale.

Il faut cependant noter que l'épandage des boues d'épuration ne constitue pas des circonstances favorables à la survie des microorganismes pathogènes qui sont pour la plupart mal adaptés au milieu extérieur. L'épandage accélère leur destruction en les soumettant aux variations climatiques et aux effets du sol. La plupart des microorganismes ont une durée de vie limitée dans le sol. Seuls certains organismes comme les vers parasites peuvent prendre des formes de résistance

* (87) Annexe 87 - Les procédés de traitement des boues.

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