2. L'inadaptation du cadre communal

La gestion de l'eau dans la France d'aujourd'hui est articulée autour de deux structures : une compétence locale au niveau des communes, et une réflexion et une planification régionale au niveau du bassin versant. La première a deux siècles et vient de la Révolution française. La seconde est issue de la première grande loi sur l'eau de 1964. Ces deux niveaux sont aujourd'hui intouchables.

Et pourtant...

Il est délicat et même audacieux de revenir sur cette situation, aujourd'hui solidement appuyée sur des milliers de syndicats intercommunaux des eaux, c'est-à-dire aussi des milliers de présidents de syndicats, des milliers de secrétaires, des milliers de parts de pouvoir constituant autant de réticences aux changements et d'occasions de blocage.

Une situation d'autant plus embarrassante que ces structures constituées au coup par coup s'enchevêtrent (syndicats de pompage des eaux, de barrage, de distribution , d'assainissement) sans rapport avec les autres structures intercommunales plus ambitieuses que sont les communautés de communes par exemple.

C'est même avec appréhension et peine que votre rapporteur, élu local depuis trente ans, ose avancer quelques propositions contre ses propres amis et tout ce qui fit sa vie, mais il ne semble pas que l'échelon communal soit aujourd'hui l'échelon le mieux adapté à la gestion des eaux.

Comment avoir des attentes du XXIème siècle avec des technologies du XXème et des mentalités du XIXème siècle ? Comment ne pas voir que l'action de préservation de la ressource exige des moyens qu'une commune, qu'un petit groupement de communes, ne peut avoir ? Comment ne pas admettre que les traitements des eaux exigent des techniques sophistiquées et surtout un entretien qui ne sont plus accessibles à la plupart des communes. ? Comment ne pas craindre que les communes rurales en particulier, ne soient les plus vulnérables parce que les plus fragiles aux pollutions bactériologiques et les moins contrôlées ?

La France ne gagnera pas la bataille de l'eau si elle ne parvient pas à réduire le nombre d'acteurs. En matière d'environnement et dans le domaine de l'eau en particulier, il faut reconnaître que la commune est probablement un maillon faible dans l'organisation.

Votre rapporteur considère qu'entre les communes et le bassin versant, il y a place pour une structure intermédiaire : le département. Le département, sur ce sujet, a deux atouts : c'est à la fois une structure de proximité qui a les moyens de conduire une véritable stratégie territoriale de préservation de la ressource. La planification doit rester au niveau du bassin versant et les agences de l'eau sont aujourd'hui des outils irremplaçables dans l'élaboration de stratégies globales mais le département est probablement l'un des meilleurs niveaux opérationnels.

Cette action du département doit aller bien au-delà des schémas d'aménagement des eaux (SAGE), simple déclinaison des Schémas directeur d'aménagement des eaux (SDAGE). Elle doit aller bien au-delà des services d'assistance mis en oeuvre pour aider les communes à élaborer leurs schémas d'assainissement (SATESE...).

Cette implication des départements peut se faire dans trois directions.

D'une part, la volonté politique pourrait passer par la définition dans chaque département, de ressources stratégiques préservées, « sanctuarisées » même, dans le cadre de « zones de protection des eaux ». Cela implique une solidarité intercommunale, et une péréquation des charges et des coûts que seul le département peut assurer.

D'autre part, le département peut devenir une véritable structure de gestion ou, à défaut, de coordination des instruments de gestion de la ressource en eau et de la potabilisation des eaux (l'assainissement restant dans le domaine communal, essentiellement pour des raisons techniques). L'une des missions serait de regrouper les structures communales, et peut-être parvenir à créer, dans les 10 ans, un syndicat départemental de l'eau sur le modèle des syndicats départementaux des déchets  Cela ne sera pas possible partout mais si cela est possible, cela doit être fait.

Enfin, ce mouvement doit s'inscrire dans un vaste mouvement de décentralisation dans le domaine environnemental qui suppose une redistribution des moyens, financiers et humains, entre l'Etat, auquel incombe la police de l'eau, et les départements et les régions.

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