Modalités de détention par l'Etat du capital social de France Telecom

HERISSON (Pierre)

RAPPORT 222 (2002-2003) - COMMISSION DES AFFAIRES ECONOMIQUES

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Table des matières




N° 222

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 mars 2003

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1), sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, modifiant l'article 1 er -1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l' organisation du service public de la poste et des télécommunications ,

Par M. Pierre HÉRISSON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Gérard Larcher, président ; MM. Jean-Paul Emorine, Marcel Deneux, Gérard César, Pierre Hérisson, Bernard Piras, Mme Odette Terrade, vice-présidents ; MM. Bernard Joly, Jean-Paul Émin, Patrick Lassourd, Jean-Marc Pastor, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Philippe Arnaud, Gérard Bailly, Bernard Barraux, Mme Marie-France Beaufils, MM. Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Jean Besson, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Marcel-Pierre Cleach, Yves Coquelle, Gérard Cornu, Roland Courtaud, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, Yves Detraigne, Mme Evelyne Didier, MM. Michel Doublet, Bernard Dussaut, Hilaire Flandre, François Fortassin, Alain Fouché, Christian Gaudin, Mme Gisèle Gautier, MM. Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Charles Guené, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Joseph Kergueris, Gérard Le Cam, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Jean-Yves Mano, Max Marest, Jean Louis Masson, Serge Mathieu, René Monory, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Claude Saunier, Bruno Sido, Daniel Soulage, Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, André Trillard, Jean-Pierre Vial.

Voir les numéros :

Assemblée nationale
( 12 e législ.) : 677, 691 et T.A. 103

Sénat : 219
(2002-2003)

Postes et télécommunications.

INTRODUCTION

« A moi, Comte, deux mots ! »...

Le Cid (Acte II, scène 2),Corneille

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi qui nous est soumis ne vise qu'à aménager les modalités de la détention majoritaire par l'Etat du capital de France Télécom. Paradoxalement, sa concision appelle quelques commentaires.

Il s'agit d'un article unique, quasi chirurgical, tendant à compléter l'article 1-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications. Les deux mots « ou indirectement » que cet article prévoit d'insérer assouplissent le mode de détention par l'Etat de la majorité du capital de France Télécom : ils permettent ainsi de transférer à un établissement industriel et commercial, que le gouvernement a annoncé être l'ERAP, l'intégralité de la participation de l'Etat dans France Télécom. Cet établissement, bénéficiant de la garantie de l'Etat, participera ensuite au renforcement des fonds propres de France Télécom, qui a été approuvé le 4 décembre 2002 et auquel l'Etat actionnaire majoritaire a indiqué vouloir contribuer pour sa part, en « investisseur avisé ».

Ce texte technique a donc pour objet exclusif la contribution au redressement de France Télécom. Votre rapporteur salue, à cet égard, la grande transparence de la démarche du gouvernement, qui a choisi de présenter un texte de loi spécifique pour cette légère modification de la loi de 1990. Ce choix offre au Parlement l'occasion de marquer son soutien à l'entreprise France Télécom, qui a su déjà engager son redressement. Il offre également l'occasion d'un débat sur la procédure retenue pour financer ce redressement.

Votre rapporteur tient enfin à souligner, à l'attention de l'ensemble de ses collègues, que ce projet de loi ne met pas en cause la majorité de l'Etat au capital de France Télécom et n'affecte en rien le statut du personnel de l'opérateur historique.

CHAPITRE IER -

LE SOUTIEN PARLEMENTAIRE AU REDRESSEMENT
DÉJÀ ENGAGÉ DE FRANCE TÉLÉCOM

I. UN NOUVEL ÉLAN MANAGÉRIAL A D'ORES ET DÉJÀ PERMIS D'ENCLENCHER LE REDRESSEMENT

A. UN NOUVEAU MANAGEMENT POUR SORTIR DE LA CRISE

Votre rapporteur ne juge pas nécessaire de revenir sur le passé 1( * ) et l'enchaînement malheureux qui a conduit France Télécom à la crise de liquidités de septembre 2002 , révélée lors de la présentation des résultats du premier semestre 2002. A ce moment-là, France Télécom affichait une perte de 12,2 milliards d'euros sur le premier semestre 2002 ainsi qu'une dette colossale atteignant 69,7 milliards d'euros au 30 juin 2002, si bien que les fonds propres consolidés de la société se trouvaient négatifs (de 440 millions d'euros). Cette dette a fini par focaliser l'attention des marchés et des agences de notation -notamment Moody's qui, en juillet avait rabaissé la notation de France Télécom au rang spéculatif-. La conjonction de fonds propres négatifs, d'une telle dette et d'une note très dégradée a précipité la crise de septembre 2002.

Afin de remettre l'opérateur à flot et d'équilibrer son bilan, un nouveau président a été élu par le conseil d'administration de France Télécom le 2 octobre dernier et élaboré un plan de redressement, en concertation avec son actionnaire majoritaire, l'Etat. C'est sur cette nouvelle dynamique en marche que votre rapporteur souhaite s'attarder.

B. LE PLAN « AMBITION FRANCE TÉLÉCOM 2005 »

Selon l'expression même de M. Thierry Breton, président, l'entreprise veut « reprendre son destin en main ». Pour ce faire, un plan a été approuvé le 4 décembre 2002 par le conseil d'administration de l'entreprise, dont le titre « Ambition France Télécom 2005 » fixe l'échéance d'un redressement possible de l'opérateur historique français et le sous-titre, « 15+15+15 », détermine les modalités :

- 15 milliards d'euros de disponibilités devraient être dégagés par un programme d'amélioration opérationnelle;

- 15 milliards d'euros de dette sont prévus d'être refinancés auprès des marchés;

- 15 milliards d'euros doivent venir renforcer les fonds propres de l'entreprise, l'Etat actionnaire participant à hauteur de sa part au capital, soit à hauteur d'environ 9 milliards d'euros.

1. Effort de l'entreprise : le programme de mobilisation opérationnelle TOP chiffré à 15 milliards d'euros

Selon le constat réalisé par la mission « Etat des lieux » confiée par M. Thierry Breton à un groupe d'experts, l'entreprise France Télécom peut, selon une comparaison systématique de la productivité des différents pôles de son organisation avec ceux de ses principaux concurrents, améliorer significativement sa capacité à engendrer des liquidités dans les 3 ans. Pour cette raison a été lancé le programme TOP, programme d'amélioration des performances opérationnelles de l'entreprise, qui devrait permettre sur 3 ans de créer 15 milliards d'euros de disponibilités supplémentaires consacrées totalement à la réduction de la dette .

Selon l'opérateur, « environ 20 % à 25 % des disponibilités générées par cette amélioration des performances opérationnelles sont attendus en 2003, 35 % à 40 % en 2004 et 35 % à 40 % en 2005. Sur la période 2003-2005, l'amélioration des performances devrait provenir principalement de la réduction et de l'optimisation des investissements (à hauteur de 40 % à 45 % des économies du programme TOP), de la réduction des coûts opérationnels (35 % à 40 % des économies) et de l'optimisation du besoin en fonds de roulement et divers (20 % à 25 % des économies). En 2003, l'impact sera surtout lié à la réduction et l'optimisation des investissements, compte tenu des délais nécessaires pour la mise en oeuvre des programmes d'économies sur les coûts opérationnels. Cette génération de disponibilités supplémentaires en 2003-2005 devrait être réalisée principalement par l'activité fixe en France (pour 40 % à 45 %) et par Orange (pour 35 % à 45 %). La contribution du segment Service Fixe Voix et Données Hors de France serait de l'ordre 12 % à 17 % et celle de Wanadoo de moins de 3 % ».

2. Le refinancement obligataire : les marchés obligataires et bancaires sollicités pour 15 milliards d'euros

Par ailleurs, le plan de redressement prévoit d'organiser, sur la période 2003-2005, un rééchelonnement des financements obligataires et bancaires qui portera sur 15 milliards d'euros. Ce rééchelonnement est déjà largement engagé, comme il sera détaillé plus bas.

3. L'effort des actionnaires : pour un renforcement des fonds propres de l'entreprise de 15 milliards d'euros

Un renforcement des fonds propres de France Télécom s'avère indispensable 2( * ) . L'Etat, actionnaire majoritaire 3( * ) , contribuera, pour sa part, à ces opérations et, comme les actions que France Télécom détient en autocontrôle ne souscrivent pas à l'augmentation de capital, ce sont environ 9 milliards de fonds propres (soit près de 64 % et non 56 % des 15 milliards annoncés) qui seront apportés par l'actionnaire majoritaire . Cet apport représente un montant tout à fait considérable, mais votre rapporteur croit utile de rappeler, en comparaison, les importantes recettes que l'Etat a retirées de France Télécom depuis la loi de sociétisation de 1996 : 14 milliards d'euros, au titre des recettes de cession de participations et au titre des dividendes 4( * ) .

En recapitalisant France Télécom, l'Etat agit en « investisseur avisé », comme l'a souligné le Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, lorsqu'il a confirmé le soutien de l'Etat au plan d'action approuvé par le Conseil d'administration de France Télécom le 4 décembre dernier. En effet, cette décision d'investissement dans l'opérateur historique est fondée sur la conviction qu' un tel investissement vaut la peine, étant donné l'ambition et le réalisme du plan d'action adopté par l'entreprise et les perspectives de retour sur investissement.

On peut ici rappeler que France Télécom, un des principaux opérateurs de télécommunications du monde, sert plus de 111 millions de clients sur les cinq continents et a réalisé un chiffre d'affaires consolidé de 46,6 milliards d'euros en 2002. Au travers de marques d'envergure internationale comme Orange, Wanadoo, Equant et GlobeCast , France Télécom est un opérateur intégré, qui offre toute la gamme de services de télécommunications : téléphonie locale et internationale, téléphonie mobile, Internet et multimédia, transport de données, télévision par câble. France Télécom est ainsi le second opérateur mobile et fournisseur d'accès Internet en Europe et parmi les leaders mondiaux des services de télécommunications aux entreprises multinationales. Son potentiel opérationnel ne fait pas de doute et justifierait, de la part de tout investisseur privé agissant à moyen et long terme, une attitude équivalente à celle de l'Etat actionnaire.

Pour que les conditions financières de la recapitalisation de France Télécom soient satisfaisantes et que l'opération ne soit pas fortement dilutive, il convient que celle-ci n'intervienne qu'au moment le plus opportun, c'est-à-dire qu'elle ne doit pas être effectuée dans l'urgence ou sous la pression des marchés.

C'est pourquoi l'Etat a indiqué qu'il était prêt à anticiper sa participation au renforcement des fonds propres en fournissant à l'entreprise une avance d'actionnaire , temporaire, aux conditions de marché.

Enfin, le plan « Ambition France Télécom 2005 » implique de manière inévitable une recentrage des activités de l'entreprise sur ses secteurs les plus rentables et une gestion prudente de ses effectifs, l'affectation de fonctionnaires de France Télécom dans d'autres fonctions publiques étant notamment favorisée mais reposant sur la base du volontariat.

C. DES RÉSULTATS DÉJÀ PROBANTS

1. Un plan crédible : l'étau financier est desserré

La reprise en mains de France Télécom a d'ores et déjà permis à l'entreprise de retrouver la confiance des marchés, ce qui atteste de la crédibilité du plan « Ambition FT 2005 » . Le soutien temporaire à la liquidité, que l'Etat s'était dit prêt à apporter, n'a même pas été sollicité par l'entreprise.

Le fait-même, pour France Télécom, d'avoir retrouvé la possibilité de choisir ce moment opportun (printemps 2003, automne 2003 ou printemps 2004, selon les déclarations de son président) est en lui-même une première réussite du plan de redressement. Le conseil d'administration et son Président retrouvent ainsi une autonomie et un réel pouvoir de décision vis-à-vis des marchés. Cela devrait permettre de tenir compte, au mieux, des intérêts des actionnaires individuels, de ceux des salariés actionnaires de l'entreprise ainsi que des légitimes préoccupations des contribuables.

Surtout, France Télécom est désormais en mesure de couvrir le financement des emprunts venant à échéance d'ici fin 2004 , alors qu'il y a encore quelques mois, M. Michel Bon, ancien président du groupe, estimait que les problèmes de financement de France Télécom pourraient devenir cruciaux voire « inextricables » à l'horizon juin 2003. En effet, lorsque les marchés financiers ont pris conscience, à la fin de l'été 2002, que France Télécom se trouvait devant un « mur de liquidités », les échéances de remboursement auxquelles devaient faire face le groupe étaient évaluées à 15 milliards d'euros sur l'année 2003, et autant en 2004. En 2005, les montants des remboursements étaient évalués à 20 milliards d'euros.

Entre temps, France Télécom a retrouvé l'accès aux marchés : depuis le mois de décembre 2002, France Télécom a réalisé le refinancement de plus de 14 milliards d'euros de dette grâce à l'émission de plus de 9 milliards d'euros d'obligations et au refinancement de la ligne syndiquée pour un montant de 5 milliards d'euros. En outre, France Télécom prévoit de générer plus de 3 milliards de cash-flow disponible 5( * ) en 2003 et de dégager des produits de cessions d'actifs non stratégiques 6( * ) de plus d'1 milliard d'euros.

2. Un plan réaliste : la dynamique du plan TOP est déjà à l'oeuvre.

Le volet interne du plan de redressement repose sur l'amélioration de la rentabilité de l'entreprise et l'optimisation des flux d'investissements et des flux d'exploitation. A cette fin, une nouvelle organisation du groupe a été mise en place : plus ramassée, plus rationnelle, cette nouvelle équipe managériale a pour objectif d'accroître les performances opérationnelles. Une centaine de chantiers ont été identifiés dans cette perspective, leurs responsables désignés et les indicateurs de performance définis. Les chantiers les plus significatifs concernent le domaine des achats et approvisionnements, qu'il est prévu de rationaliser et de centraliser, le domaine des investissements, dont la gestion sera rendue plus rigoureuse, et le domaine des coûts opérationnels, notamment ceux afférant au marketing et à la communication, qui devraient diminuer à la faveur d'une meilleure coordination, aux systèmes d'information et aux frais généraux.

La dynamique positive engagée dans l'entreprise fonctionne et est déjà partiellement visible dans les résultats annuels pour 2002, publiés par France Télécom le 5 mars 2003: si le résultat net est négatif 7( * ) , comme prévu, les chiffres révèlent surtout une accélération de la rentabilité et du free cash flow opérationnel 8( * ) au second semestre 2002 .

Ainsi, la progression du résultat d'exploitation est, en pro forma , de 44,8 % sur le second semestre 2002 par rapport au second semestre 2001, au lieu de 15,8 % de croissance constatée entre le premier semestre 2001 et celui de 2002, grâce à une maîtrise des charges sur le quatrième trimestre 2002. Le free cash flow opérationnel réalisé au second semestre 2002 représente plus de trois fois le free cash flow opérationnel produit au second semestre 2001.

La forte amélioration du cash flow disponible au cours du second semestre a notamment permis d'enclencher le désendettement du groupe , qui est au coeur du plan « Ambition FT 2005 ». Au 31 décembre 2002, la dette nette de France Télécom s'établit à 68 milliards d'euros, ce qui représente une baisse de 1,7 milliard d'euros par rapport au 30 juin 2002 .

Pour 2003, France Télécom affirme un objectif de croissance de 3 à 5 % du chiffre d'affaires et une croissance à deux chiffres de son résultat d'exploitation, sous l'impulsion des mobiles et de l'Internet. Le haut débit devrait notamment se positionner comme un relais de croissance face au recul maîtrisé des revenus de la téléphonie fixe en France.

II. LE PARLEMENT ACCOMPAGNATEUR DU PLAN DE REDRESSEMENT

A. LE PREMIER ACTE DE CET ACCOMPAGNEMENT LÉGISLATIF A EU LIEU

La décision de l'Etat actionnaire de participer à une augmentation de capital doit être accompagnée. Au plan communautaire, les mesures prévues ont été, dès le 3 décembre 2002, communiquées à la Commission européenne. Au plan national, la contribution du Parlement à l'opération a trouvé sa première expression en décembre dernier, après un premier pas réglementaire fait par le Gouvernement sous forme d'un décret.

1. Le préalable réglementaire : le changement d'objet de l'ERAP

Avant d'envisager de confier à l' ERAP, anciennement Entreprise de recherches et d'activités pétrolières, un rôle dans la recapitalisation de France Télécom, il était nécessaire d'élargir l'objet de cet établissement public, dont la mission première est étrangère au secteur des télécommunications.

Cet établissement public à caractère industriel et commercial, doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière, a été créé par le décret n°65-1117 du 17 décembre 1965, à l'origine pour mettre en oeuvre la politique pétrolière nationale. Selon les termes originels de l'article 2 du décret de 1965, l'ERAP pouvait en effet intervenir dans les domaines pétroliers ou, minoritairement, pharmaceutiques.

ARTICLE 2 DU DÉCRET N° 65-1117 DU 17 DÉCEMBRE 1965

« L'Entreprise de recherches et d'activités pétrolières a pour objet la recherche, la production, le stockage, le transport, le traitement, la transformation, la distribution, la commercialisation des hydrocarbures liquides ou gazeux et des autres substances minérales ou fossiles et de leurs dérivés, ainsi que généralement toutes opérations concernant ces activités et s'y rattachant directement ou indirectement.

A cet effet, l'Entreprise de recherches et d'activités pétrolières peut, soit de son initiative propre, soit à la demande du ministre de l'industrie, étudier toutes questions, engager toutes opérations se rapportant à son objet, directement ou par l'intermédiaire des entreprises dans lesquelles elle détient une participation ou dont elle évoque, au besoin, la création.

L'Entreprise de recherche et d'activité pétrolières est, en outre, habilitée à prendre des participations dans le secteur de la pharmacie. Ces participations doivent demeurer minoritaires. »

Même en interprétant avec souplesse l'adverbe « indirectement » à la fin du premier alinéa, il était juridiquement impossible d'inclure les opérations relatives aux télécommunications dans le champ réglementaire d'intervention de l'ERAP !

A la veille de l'approbation du plan de redressement de France Télécom, le Gouvernement a donc procédé à la modification de l'objet de l'ERAP par décret. En choisissant d'élargir l'objet d'une structure juridique déjà existante, l'Etat gagnait du temps, le décret pouvant être pris en quelques jours, à la différence de la loi qui aurait été nécessaire pour créer une nouvelle catégorie d'établissement public. En effet, l'article 34 de la Constitution dispose que la loi « fixe les règles concernant la création de catégories d'établissements publics ».

Le décret n° 2002-1409 du 2 décembre 2002 définit dorénavant en ces termes l'objet de l'ERAP : « prendre, à la demande de l'Etat, des participations dans des entreprises appartenant aux secteurs de l'énergie, de la pharmacie et des télécommunications » au lieu de « la recherche, la production, le stockage, le transport, le traitement, la transformation, la distribution, la commercialisation des hydrocarbures liquides ou gazeux et des autres substances minérales ou fossiles et de leurs dérivés, ainsi que généralement toutes opérations concernant ces activités et s'y rattachant directement ou indirectement ». Le conseil d'administration de l'ERAP reste en revanche marqué par le passé : y figure ainsi un représentant du ministère des affaires étrangères...

COMPOSITION DU CONSEIL D'ADMINISTRATION DE L'ERAP

L'ERAP est administré par un conseil, nommé pour trois ans, composé de douze membres:

- un haut fonctionnaire ou une personnalité ayant exercé des fonctions de haute responsabilité économique, industrielle ou financière au service de l'Etat, président ;

- deux représentants du ministre de l'industrie ;

-deux représentants du ministre des finances et des affaires économiques ;

- un représentant du ministre des affaires étrangères ;

- six personnalités de nationalité française choisies en raison de leur compétence.

Le Président est nommé en Conseil des Ministres, les onze autres membres par décret. L'ERAP est soumis au contrôle d'un Commissaire du Gouvernement désigné par le Ministre de l'Industrie et d'un Contrôleur d'Etat.

2. La première expression législative du soutien au plan de redressement : l'octroi à l'ERAP de la garantie de l'Etat

C'est au travers du vote de la loi de finances rectificative n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 9( * ) que le Parlement a d'abord accompagné le plan de redressement de France Télécom. En effet, l'article 80 du collectif budgétaire dispose que : « Les emprunts contractés par l'ERAP, dans le cadre de son soutien d'actionnaire à France Télécom, bénéficient, en principal et intérêts, de la garantie de l'Etat dans la limite de 10 milliards d'euros en principal ».

Ainsi, en octroyant à l'ERAP la garantie de l'Etat, le Parlement fait de cet établissement un « bras armé » de l'Etat pour le refinancement de France Télécom. Cette garantie de l'Etat permet d'une part à l'ERAP de bénéficier d'un emprunt auprès de la Caisse des dépôts et consignations aux meilleurs taux 10( * ) , dans la limite de 10 milliards d'euros en principal. Il marque d'autre part l'engagement de l'Etat, dès la mise en place d'une ligne de crédit par l'ERAP, d'accompagner l'entreprise France Télécom dans la réussite de son plan de redressement.

B. CE TEXTE CONSTITUE LE DEUXIÈME ACTE DE SOUTIEN LÉGISLATIF AU REDRESSEMENT DE L'OPÉRATEUR HISTORIQUE

Le projet de loi qui est soumis ici par le Gouvernement à votre Commission conditionne la réalisation de l'augmentation de capital de France Télécom.

Selon les termes actuels de l'article 1-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, l'Etat détient « directement » la majorité du capital social de France Télécom. Le législateur avait alors tenu à préciser le mode de détention par l'Etat de la majorité de l'établissement public France Télécom, devenu depuis société anonyme à capitaux majoritairement publics en vertu de la loi 96-660 du 26 juillet 1996. Pourtant, comme le précisait l'avis du Conseil d'Etat du 18 novembre 1993, la détention « directe ou indirecte » était, pour l'Etat, sans incidence sur son statut d'actionnaire majoritaire.

La décision gouvernementale de participer au renforcement des fonds propres de France Télécom par le truchement d'un établissement public, que le Conseil d'Etat validait implicitement en 1993, nécessite donc aujourd'hui un assouplissement du cadre législatif. En ouvrant la possibilité d'un mode de détention indirect de la part de l'Etat au capital, le texte soumis à votre commission libère le Gouvernement du dilemme entre son désir de soutenir France Télécom et sa soumission à diverses contraintes.

Quelles sont donc les raisons du recours à l'ERAP ?

CHAPITRE II -

LE RECOURS À L'ERAP : UN IMPÉRATIF TECHNIQUE SANS PORTÉE POLITIQUE

Comme un actionnaire privé, l'Etat actionnaire doit veiller à la santé financière, au développement des entreprises et à la juste rémunération des capitaux investis, et, comme lui, il agit sous contraintes, qu'elles soient internes (les sources de financement ne sont pas illimitées) ou externes (contraintes communautaires en matière de concurrence ou d'aides d'Etat).

I. POURQUOI RECOURIR À L'ERAP ?

Le choix d'un établissement public existant a été fait, non pas « de façon (...) à ne pas ouvrir le débat législatif », comme a pu l'écrire un quotidien du soir 11( * ) , mais pour des raisons de simplicité et pour satisfaire aux règles communautaires en matière d'aides d'Etat. Ce texte-même et le débat qu'il occasionne en apportent aujourd'hui la preuve.

A. LE RECOURS OBLIGÉ À UN ÉTABLISSEMENT PUBLIC

1. Contraintes internes : le carcan budgétaire

L'octroi d'avances d'actionnaires ou la dotation en capital aux entreprises dans lesquelles l'Etat est actionnaire passe normalement par le compte d'affectation spéciale des produits de cessions de titres, droits et parts de sociétés n° 902-24. Ce compte est insuffisamment doté en 2002, comme en 2003, pour participer à un refinancement de France Télécom dont le montant à la charge de l'Etat s'élèvera à 9 milliards d'euros.

Dans ce cadre, une solution extra-budgétaire a dû être trouvée qui passe par la mobilisation d'un établissement public existant pour porter les titres détenus par l'Etat dans France Télécom et souscrire à l'augmentation annoncée du capital du groupe.

Cet établissement public s'endettera donc avec la garantie de l'Etat puis souscrira à l'augmentation de capital avant de rembourser son emprunt au gré des échéances, notamment, grâce au produit de la vente d'actions France Télécom 12( * ) .

Le refinancement de France Télécom n'aura donc pas d'incidence directement budgétaire. En revanche, l'opération programmée par le biais de l'ERAP affectera les finances publiques françaises.

D'une part, l'octroi de sa garantie à l'ERAP constitue bien sûr un engagement hors bilan de l'Etat qui figure à ce titre dans le Compte Général de l'Administration des Finances (CGAF).

D'autre part, l'emprunt de l'ERAP, qui devrait être classé en Organisme divers d'administration centrale (ODAC), augmentera sensiblement la dette des administrations publiques . 9 milliards d'euros de dette supplémentaire, qui sont la contrepartie d'un investissement porteur d'avenir et représentent 0,6 point de PIB . La dette des administrations publiques ayant été estimée, dans le rapport économique et social joint au projet de loi de finances pour 2003, à 58,8 % du PIB pour 2003, elle devrait donc être portée à 59,4 % du PIB.

2. Contraintes externes : les obligations communautaires

Les contraintes communautaires ne sont pas d'ordre budgétaire. En effet, les dépenses d'investissement d'un Etat ne sont pas comptabilisées dans le déficit au sens de Maastricht . Un réinvestissement dans France Télécom prélevé sur le budget général n'aurait donc pas eu d'incidence sur le déficit « maastrichtien » et donc sur le respect ou non par la France du Pacte de stabilité.

Les contraintes communautaires qui ont contribué à la décision gouvernementale de recourir à une recapitalisation par le biais d'un établissement public tiennent aux règles communautaires en matière de concurrence. Ce sont précisément les articles 87 et 88 du Traité instituant la Communauté européenne qui encadrent les aides d'Etat.

L'article 87 du Traité dispose ainsi que « sauf dérogations prévues dans le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. » Cette règle ne souffre d'exception que lorsque l'aide peut être considérée comme résultant du comportement d'un « investisseur avisé ».

L'article 88 prévoit la procédure d'examen par la Commission de la conformité à cet article 87 des régimes d'aides existant dans les Etats membres. Il pose notamment l'obligation pour tout Etat membre d'informer la Commission de tout projet tendant à instituer une aide.

Le gouvernement français a respecté cette obligation en informant la Commission de son projet dès le 3 décembre 2002. Le choix de confier à un établissement public la participation de l'Etat au capital de France Télécom et à l'augmentation prévue de ce capital présente en outre toutes les garanties de transparence, ce transfert autorisant une séparation comptable très claire de toutes les opérations entre France Télécom et son actionnaire public et permettant un suivi dans le temps de cette opération patrimoniale pour l'Etat.

La décision de la Commission d'ouvrir le 30 janvier 2003 une procédure au titre de l'article 88 vise à vérifier la conformité à l'article 87 du plan d'action 13( * ) élaboré par France Télécom et reposant sur le soutien de son actionnaire majoritaire. A cet égard, votre rapporteur souligne que la participation de l'Etat au renforcement de France Télécom relève d'une attitude similaire à celle d'un investisseur privé qui aurait été également amené à apporter des capitaux d'un montant équivalent, eu égard aux informations disponibles et aux évolutions prévisibles de l'entreprise à la date de cet apport en capital.

B. LE CHOIX DE L'ERAP, OUTIL AU SERVICE D'UNE MEILLEURE GOUVERNANCE DES ENTREPRISES PUBLIQUES

1. L'ERAP : un outil d'intervention efficace de l'Etat dans les entreprises industrielles

Le choix de l'ERAP ne doit rien au hasard. Son statut d'établissement public industriel et commercial (EPIC), la transparence de son mode de gestion et sa capacité financière -assortie de la garantie de l'Etat- en font aujourd'hui pour l'Etat actionnaire un instrument efficace d'intervention, dans la durée, dans des entreprises industrielles. Au 31 décembre 2002, l'ERAP est une structure sans endettement, qui dispose d'une trésorerie de près de 50 millions d'euros. Ses comptes, établis selon les normes françaises, sont soumis au contrôle et à la certification de deux commissaires aux comptes 14( * ) .

L'ERAP a déjà une longue pratique des participations de l'Etat dans les entreprises, puisque cet établissement a porté et géré, depuis sa création jusqu'en 1996, le capital détenu par l'Etat dans le groupe Elf, puis des participations de l'Etat dans des entreprises du secteur nucléaire comme la Cogema.

L'ERAP a donc accompagné la naissance de la marque Elf et était toujours actionnaire majoritaire en 1984, quand Elf Aquitaine est devenue la première entreprise de France. A partir de 1994, conformément à la décision du gouvernement, l'ERAP a cédé progressivement ses actions du groupe Elf pour en sortir définitivement en 1996. Sur cette période de 30 ans, l'ERAP aura fait remonter à l'Etat plus de 60 milliards de francs de plus values nettes.

L'ERAP est également intervenu à la demande de l'Etat pour accompagner la réorganisation industrielle de la Société Le Nickel, acteur essentiel de l'activité de la Nouvelle-Calédonie et acteur mondial majeur sur le marché de ce métal stratégique. Entré dans la société Le Nickel par le rachat des parts qu'y détenait le groupe Imétal en 1990, l'ERAP a recapitalisé et restructuré cette entreprise, en devenant actionnaire majoritaire du groupe Eramet. L'ERAP a accompagné le développement du groupe Eramet sur de nouveaux métiers, jusqu'à sa privatisation en 1999.

A cette date, l'ERAP a favorisé la mise en oeuvre des « accords de Bercy » qui rééquilibrent au profit des provinces calédoniennes le produit des richesses minières de l'île. Il a alors cédé une partie de ses actions dans Eramet à la SCTPI créée entre les provinces et apporté le reste de sa participation à Cogema.

Depuis la restructuration du secteur nucléaire français en septembre 2001, à laquelle il a participé, l'ERAP détient 3,2 % d'Areva, qui regroupe désormais les anciennes activités de la Cogema, de Framatome et de CEA-Industrie. C'est aujourd'hui l'unique (et petite 15( * ) ) participation dont l'ERAP ait la charge.

Cet historique atteste de l'expérience de l'ERAP en matière d'actionnariat public.

2. Le mécanisme envisagé

Il est prévu que l'ERAP se voie transférer l'intégralité de la participation de l'Etat dans France Télécom et s'endette auprès des marchés financiers pour financer la part de l'Etat dans le renforcement des fonds propres de l'entreprise.

L'avance d'actionnaires que l'Etat avait proposée à France Télécom aux conditions de marché aurait été financée, si le besoin d'y recourir était apparu, par un emprunt de l'établissement public auprès de la Caisse des dépôts et consignations. Celle-ci devait ouvrir une ligne de financement à court terme, mobilisable sous un délai de 48 heures, d'un montant maximal de 9 milliards d'euros, d'échéance le 1er mars 2003, à un taux d'intérêt correspondant à l'EONIA augmenté d'une marge applicable de 0,1 % l'an. Cette avance aurait été convertible en titres France Télécom lors du futur renforcement des fonds propres de l'opérateur historique. Elle n'a, en fait, pas été demandée par l'entreprise.

Désormais, fort des notations que viennent de lui accorder les agences de « rating », l'ERAP peut émettre un ou plusieurs emprunts obligataires, bénéficiant de la garantie explicite de l'Etat. Cet emprunt sera remboursé en temps voulu par l'ERAP à l'aide de ses moyens propres, des dividendes perçus sur les titres France Télécom et, surtout, par la revente progressive des titres de l'entreprise que l'ERAP aura acquis grâce à ces emprunts.

3. L'ERAP, antichambre de l'Agence des participations de l'Etat

Le transfert à l'ERAP de la part de l'Etat au capital de France Télécom (parmi d'autres) peut être interprété comme une première application des recommandations de MM. René Barbier de La Serre, Jacques-Henri David, Alain Joly et Philippe Rouvillois exprimées dans le rapport sur « L'Etat actionnaire et le gouvernement des entreprises publiques » qu'ils ont remis à M. Francis Mer, Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie à la fin du mois de février 2003.

Les auteurs de ce rapport préconisent une clarification des différentes fonctions qu'exerce l'Etat envers les entreprises publiques et, notamment, une identification claire de sa fonction d'actionnaire. Cette identification implique une organisation et des procédures distinctes.

Sur la base des recommandations du rapport, M. Francis Mer a annoncé lundi 3 mars 2003 sa décision de créer une « Agence des participations de l'Etat » chargée d'exercer les missions de l'Etat actionnaire.

Cette agence, qui sera totalement opérationnelle début 2004, a vocation à assurer toutes les responsabilités d'un actionnaire vis-à-vis de l'ensemble des entreprises dans lesquelles l'Etat détient une participation. Interlocuteur unique des dirigeants des entreprises, l'Agence validera et suivra la mise en oeuvre de la stratégie des entreprises, contrôlera les risques et la qualité de gestion, recherchera la valorisation du patrimoine de l'Etat. Elle rendra des comptes au ministre et informera le Parlement de la situation du secteur public et de chacune des entreprises concernées.

Placée sous l'autorité du ministre et rattachée au directeur du Trésor, l'Agence disposera d'une équipe d'une cinquantaine de personnes issues de l'administration et du monde de l'entreprise. Elle s'appuiera sur un conseil d'orientation composé de personnalités reconnues du monde de l'entreprise et des représentants des autres ministères. Son rôle sera notamment de fixer les règles de gouvernement des entreprises et les conditions de délégation et d'information de l'actionnaire.

Votre rapporteur se félicite de ce projet, qui entend donner à l'Etat tous les moyens d'exercer son rôle d'actionnaire dans les meilleures conditions : l'Agence devrait lui permettre de s'appuyer sur des compétences renforcées, des règles de fonctionnement plus claires, et une transparence accrue, autant d'outils au service d'une meilleure gouvernance des entreprises publiques. Votre rapporteur souhaite notamment que le rôle d'actionnaire majoritaire de France Télécom soit désormais assumé par l'Etat avec le plus grand professionnalisme et la plus grande vigilance .

II. LE RECOURS À L'ERAP NE MODIFIE EN RIEN LE STATUT DE FRANCE TÉLÉCOM

A. FRANCE TÉLÉCOM DEMEURE UNE SOCIÉTÉ A CAPITAUX MAJORITAIREMENT PUBLICS...

Votre rapporteur souhaite insister sur la nature technique du texte. La portée politique de ce projet de loi est en effet extrêmement réduite, puisqu'il ne vise qu'à adapter les modalités de l'exercice, par l'Etat, de son rôle d'actionnaire majoritaire. Mais le statut de France Télécom reste bien identique : une société anonyme à capitaux majoritairement détenus par l'Etat.

Or la majorité d'Etat au capital de France Télécom est le socle constitutionnel sur lequel s'appuie le maintien du statut de fonctionnaire des quelque 112.000 salariés du groupe qui y sont assujettis (soit plus des trois quarts des effectifs en France) 16( * ) . Que cette majorité soit détenue de manière directe ou indirecte est en revanche sans importance, selon l'avis rendu en 1993 par le Conseil d'Etat.

En effet, saisi par le Gouvernement de la question de savoir s'il était constitutionnellement possible de placer des corps de fonctionnaires de l'Etat auprès d'une société anonyme, le Conseil d'Etat avait, dans son avis du 18 novembre 1993, répondu par l'affirmative en indiquant que, dans ce cas, il serait nécessaire que la loi qui porterait création de la société anonyme France Télécom :

« - définisse les missions de service public confiées à cette société et les fasse figurer dans son objet social ;

« - prévoie que le capital de cette société anonyme devra demeurer majoritairement détenu, de manière directe ou indirecte, par l'Etat, responsable en dernier ressort du bon fonctionnement de ce service public national. »


Le statut du personnel de France Télécom n'est donc en rien affecté par le présent projet de loi.

B. ET LE RESTERA TANT QUE LE PARLEMENT N'EN AURA PAS DÉCIDÉ AUTREMENT

Le caractère majoritairement public du capital de France Télécom a des avantages conjoncturels, l'Etat étant un pôle de stabilité dans un environnement boursier chahuté, garant de l'indépendance de l'entreprise, socle sur lequel s'appuie le statut public du personnel. Il pourrait même présenter des atouts structurels : pôle d'impulsion -plus potentiel qu'avéré ces dernières années- pour une politique ambitieuse des télécommunications.

Toutefois, il ne fait pas de doute que l'appartenance au secteur public présente des inconvénients, pour l'opérateur (acquisition en cash d'Orange contribuant à alourdir l'endettement, « silence » de France Télécom sur le prix exorbitant un temps exigé par l'Etat pour les licences UMTS -5 milliards d'euros-, impossibilité d'une participation à de grands regroupements sectoriels toujours possibles), mais aussi pour ses concurrents, l'Etat étant en quelque sorte juge et partie du jeu concurrentiel.

L'avenir du groupe exigera peut-être que la question de la place de l'Etat au capital soit posée. Par exemple, le jour où les marchés financiers seront revenus à des niveaux de valorisation plus corrects, cette présence pourrait devenir un obstacle à la réalisation d'un projet stratégique tel qu'une acquisition d'envergure, réalisée par échange de papier. Ce jour là, si la réalisation d'un grand projet d'entreprise en était facilitée, il faudra peut être envisager une évolution, comme l'a suggéré le Ministre de l'Economie lui-même .

Dans ce cas, en tout état de cause, l'ensemble de la Nation -Parlement, salariés, acteurs économiques et politiques- aura à en débattre. De toute façon précédée d'un dialogue social, une loi devrait nécessairement intervenir et, comme le préconisait notre collègue Gérard Larcher 17( * ) , elle devrait prévoir trois conditions impératives :

- respect des exigences constitutionnelles relatives au service public;

- maintien d'une influence significative de l'Etat pour les grandes orientations stratégiques ;

- enfin, poursuite d'un véritable projet social, incluant le respect de la parole donnée aux personnels sous statut public en 1996 -maintien du statut, et en particulier des droits à pension-.

*

Lors de sa réunion du 20 mars 2003, la Commission des Affaires économiques a adopté l'article unique du projet de loi sans modification.

ANNEXE I -

RECETTES QUE L'ÉTAT A TIRÉES
DE FRANCE TÉLÉCOM DEPUIS 1997

A l'heure où s'annonce une recapitalisation de France Télécom par l'Etat à hauteur de 9 milliards d'euros, il peut être utile de rappeler que l'Etat a retiré une manne de 14 milliards d'euros de France Télécom depuis la loi de sociétisation de 1996, au titre des recettes de cession de participations et au titre des dividendes.

I - RECETTES DE SOCIÉTISATION : 12 MILLIARDS D'EUROS

Au total, depuis 1997, les recettes figurant au budget de l'Etat, et plus précisément au compte d'affectation spéciale n° 902-24, intitulé « compte d'affectation des produits de cession de titres, parts et droits de sociétés » au titre des opérations de cessions de capital de France Télécom, s'élèvent à 12,3 milliards d'euros 18( * ) , comme le détaille le tableau ci-après :

RECETTES DE PRIVATISATION DE FRANCE TÉLÉCOM
ENCAISSÉES PAR L'ETAT (EN MILLIONS D'EUROS)

 

Recettes brutes
en euros

Recettes nettes
en euros

1997

6 532

6 271

1998

5 469

5 281

1999

166

166

2000

89

85

2001

119

119

TOTAL

12 375

11 922

Source : Rapport d'information de M. Gérard Larcher, « France Télécom : pour un avenir ouvert », avril 2002 (rapport du Sénat n° 274 2001-2002), à partir de chiffres du Trésor.

II - RECETTES D'ACTIONNAIRE : 2 MILLIARDS D'EUROS

A ces produits de cession, s'ajoutent les dividendes annuellement perçus par l'État en tant qu'actionnaire de l'entreprise :

- 743 millions d'euros en 1998 ;

- 647 millions d'euros en 1999 ;

- 645 millions d'euros en 2000 ;

- au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2001, l'Assemblée Générale des actionnaires du 28 mai 2002 a décidé de distribuer un dividende 19( * ) de 1 € par action, payable en numéraire ou en actions France Télécom S.A. au choix de l'actionnaire. L'Etat, détenant 55,4 % du capital à cette date, a choisi le paiement en actions.

NB : on pourrait aussi évoquer la soulte versée pour le paiement des pensions des agents de France Télécom. Dans le cadre du passage au système de contribution libératoire, la loi du 2 juillet 1990 modifiée a imposé à France Télécom de verser une contribution forfaitaire exceptionnelle de 5,72 milliards d'euros à l'Etat en 1997.

ANNEXE II -

EXTRAITS DU TRAITÉ INSTITUANT
LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE :

LES AIDES ACCORDÉES PAR LES ÉTATS

Article 87

1. Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

Article 88

1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. Elle propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché commun.

2. Si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87, ou que cette aide est appliquée de façon abusive, elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu'elle détermine.

Si l'Etat en cause ne se conforme pas à cette décision dans le délai imparti, la Commission ou tout autre Etat intéressé peut saisir directement la Cour de justice, par dérogation aux articles 226 et 227.

Sur demande d'un Etat membre, le Conseil, statuant à l'unanimité, peut décider qu'une aide, instituée ou à instituer par cet Etat, doit être considérée comme compatible avec le marché commun, en dérogation des dispositions de l'article 87 ou des règlements prévus à l'article 89, si des circonstances exceptionnelles justifient une telle décision. Si, à l'égard de cette aide, la Commission a ouvert la procédure prévue au présent paragraphe, premier alinéa, la demande de l'Etat intéressé adressée au Conseil aura pour effet de suspendre ladite procédure jusqu'à la prise de position du Conseil.

Toutefois, si le Conseil n'a pas pris position dans un délai de trois mois à compter de la demande, la Commission statue.

3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale.



1 Pour plus de détails, voir les pages 20 à 23 du rapport pour avis n°70-tome XXI- 2002-2003 de M. Pierre Hérisson, sénateur, au nom de la Commission des Affaires économiques sur le projet de loi de finances pour 2003.

2 Aux termes de l'article L. 225-248 du code de commerce, France Télécom doit rétablir le montant de ses capitaux propres à un niveau au moins égal à la moitié de son capital social avant la clôture du deuxième exercice suivant celui où ont été constatées les pertes ayant conduit les capitaux propres en-dessous de ce niveau.

3 Au 9 juillet 2002, l'Etat détenait 56,57 % du capital de France Télécom. S'y ajoutent 8,27 % de capital détenus en autocontrôle.

4 Pour plus de détails, voir annexe I.

5 Flux de trésorerie provenant de l'exploitation, nets des flux de trésorerie affectés aux investissements, y compris produits de cessions de titres de participation et de filiales, nets de la trésorerie cédée.

6 L'intégrité du groupe étant préservée.

7 Résultat net part du Groupe négatif de 20,7 milliards d'euros pour 2002 en raison de provisions et amortissements exceptionnels, à mettre en rapport avec les 24,6 milliards d'euros de pertes pour 2002 annoncées par Deutsche Telekom, les 9,5 milliards d'euros de perte nette accusée en 2002 par KPN et les 3,6 milliards d'euros de perte nette de l'opérateur TeliaSonera.

8 Résultat d'exploitation avant amortissement des immobilisations et des écarts actuariels du plan de congés de fin de carrière, moins investissements corporels et incorporels hors licences.

9 parue au JO n° 304 du 31 décembre 2002 .

10 D'ailleurs, le 11 mars 2003, les agences de notation Standard and Poor's, Moody's et Fitch ont attribué chacune une note maximale à l'ERAP.

11 Le Monde du 3 décembre 2002.

12 Cette solution n'a rien en commun avec la structure de défaisance à laquelle avait eu recours l'Etat dans le cas du Crédit Lyonnais et qui réunissait des actifs « pourris » en face d'une dette, à charge pour l'Etat de combler le flux annuel à débourser pour financer la dette.

13 Ainsi que du régime particulier de taxe professionnelle qui s'est appliqué à France Télécom du fait de son statut historique.

14 Coopers-Lybrand Audit et Ernst & Young Audit.

15 Inscrite à la valeur comptable de 236 millions d'euros.

16 Exactement 112.400 personnes sur 146.800, soit 76,56 %.

17 Rapport d'information du Sénat n° 274 2001-2002 de M. Gérard Larcher, au nom de la Commission des Affaires économiques et du Groupe d'études « Poste et télécommunications » : « France Télécom : pour un avenir ouvert ».

18 Cette somme équivaut à plus d'un quart du produit de l'impôt sur le revenu en année pleine, ou encore, à près d'un tiers du rendement annuel de l'impôt sur les sociétés.

19 Dividende d'une valeur totale de 1.074.654.829 euros.


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