Rapport n° 289 (2003-2004) de M. Louis MOINARD , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 5 mai 2004

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N° 289

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 5 mai 2004

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sur la conservation des albatros et des pétrels (ensemble deux annexes),

Par M. Louis MOINARD,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. André Dulait, président ; MM. Robert Del Picchia, Jean-Marie Poirier, Guy Penne, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Ernest Cartigny, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Paul Dubrule, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Jean Faure, Philippe François, Jean François-Poncet, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Bernard Mantienne, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Jacques Peyrat, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean Puech, Yves Rispat, Roger Romani, Henri Torre, Xavier de Villepin, Serge Vinçon.

Voir le numéro :

Sénat : 45 (2003-2004)

Traités et conventions.

Pages

Mesdames, Messieurs,

L'accord sur la conservation des albatros et des pétrels, adopté au Cap, en Afrique du Sud, le 2 février 2001, et signé à Canberra, en Australie, le 19 juin suivant, s'inscrit dans une suite d'accords internationaux visant à instaurer une protection des espèces animales migratrices. Le socle de ces textes est la Conférence de l'ONU sur l'environnement humain, réunie à Stockholm en 1972.

Le présent accord, conclu entre sept pays riverains de l'Atlantique sud, ou y possédant des territoires, repose sur un « plan d'action » visant à une meilleure protection de deux espèces migratrices spécifiques, les albatros et les pétrels . Leurs populations sont, en effet, actuellement menacées par plusieurs activités humaines développées dans cette zone géographique. Notre pays, qui est partie à cet accord par les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), s'est pleinement associé à ces négociations préparatoires, et doit donc ratifier rapidement ce texte.

I. LES TRENTE DERNIÈRES ANNÉES ONT ÉTÉ MARQUÉES PAR LA PRISE DE CONSCIENCE DES MENACES PESANT SUR LA DIVERSITÉ BIOLOGIQUE

C'est en 1972 que l'ONU réunit à Stockholm une Conférence consacrée aux enjeux de « l'environnement de l'homme ». Depuis cette date, plusieurs accords internationaux ont visé à protéger diverses espèces animales dont les effectifs diminuent, parmi lesquelles les albatros et les pétrels.

A. UNE SÉRIE D'ACCORDS INTERNATIONAUX SUCCESSIFS ONT ÉTÉ CONCLUS POUR PROTÉGER UN NOMBRE CROISSANT D'ESPÈCES ANIMALES MENACÉES

La déclaration de Stockholm, adoptée à l'issue de la Conférence de 1972 , a notamment conduit à la création d'une nouvelle instance internationale, le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE ).

Puis ont été adoptées les conventions des Nations Unies sur le droit de la mer (1982) et sur la diversité biologique (1992) , qui instaurent l'obligation, pour les Etats-membres, de protéger le milieu marin .

Mais c'est à la Convention réunie à Bonn, en 1979 , qu'a été adopté le principe de la protection des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage . C'est dans ce cadre qu'a été créé un secrétariat qui dépend du PNUE, et qui coordonne les travaux de la CMS (Convention on the Conservation of Migratory Species of Wild Animals).

La Convention de Bonn 1 ( * ) , entrée en vigueur en 1983, est assortie de deux annexes, énumérant, pour la première, les espèces animales en voie d'extinction, et, pour la seconde, les espèces dont le statut de conservation est défavorable.

Ces annexes font l'objet de révisions périodiques lors des conférences des Etats parties, dont sept se sont tenues depuis 1983. La cinquième Conférence, réunie à Genève en 1997, a ainsi intégré plusieurs variétés d'albatros parmi les espèces menacées (1 en annexe I, 12 en annexe II). La sixième Conférence, réunie au Cap en 1999, a intégré 7 variétés de pétrels à l'annexe II, et, au vu des observations faites sur ces populations d'oiseaux en Atlantique sud, a lancé une réflexion sur l'opportunité d'élaborer un accord spécifique pour améliorer la protection de ces deux familles d'oiseaux de mer.

C'est ainsi qu'a été négocié l'accord de Canberra , dont les dispositions sont plus larges que celles contenues dans la Convention de Bonn. Ainsi, la protection des oiseaux s'étendra à l'ensemble de leurs itinéraires de migrations, et des mesures concrètes de protection pour les espèces d'albatros et de pétrels les plus menacées seront mises en oeuvre .

Sept Etats l'ont signé, et six d'entre eux l'ont déjà ratifié : Australie (4 octobre 2001), Nouvelle-Zélande (1 er novembre 2001), Equateur (18 février 2003), Espagne (12 août 2003), Afrique du Sud (6 novembre 2003), Grande-Bretagne (2 avril 2004).

L'accord est entré en vigueur le 1 er février 2004, après les cinq ratifications requises.

B. LES PÉTRELS ET ALBATROS DE L'ATLANTIQUE SUD SONT TOUCHÉS PAR DES MENACES SPÉCIFIQUES QUI JUSTIFIENT QU'UN ACCORD INTERNATIONAL LEUR SOIT CONSACRÉ

Deux résolutions avaient spécifiquement été consacrées aux espèces migratrices, sur ce point, lors de la sixième réunion de la CMS, tenue au Cap, en 1999.

L'une évoque la nécessité de réduire les « prises accidentelles » d'espèces migratrices protégées, tels les oiseaux marins, lors des activités de pêche . L'autre résolution porte sur la conservation des albatros dans l'hémisphère sud, et invite les Etats où sont situées leurs aires de répartition à élaborer un accord en vue d' une meilleure protection .

Deux activités humaines menacent particulièrement la pérennité d'espèces comme les albatros et les pétrels, marquées par une faible fécondité : d'une part, la pêche à la palangre, d'autre part, le manque de tranquillité et de sécurité entretenu par la présence de l'homme sur les aires traditionnelles de nidification.

* La pêche à la palangre utilise de longues lignes munies chacune de nombreux hameçons. Cette forme de pêche, pratiqués par des bateaux « palangriers » est écologiquement protectrice pour les ressources halieutiques, à la différence, par exemple, des pêches au chalut qui capturent, de façon indiscriminée, de nombreuses espèces non visées par l'activité de pêche. Elle est très répandue en Atlantique sud pour capturer des espèces de grand fond comme le thon, le marlin ou la légine.

Cependant, l'attrait que suscite pour les oiseaux de mer la présence, à l'air libre, le temps de leur mise à l'eau, des lignes porteuses des hameçons appâtés par des poissons, représente une réelle menace pour la survie des albatros et pétrels. Ces oiseaux se caractérisent, en effet, par une aptitude à couvrir de longues distances (ils peuvent parcourir jusqu'à 15 000 km) qui leur rend accessibles les bateaux pêchant en haute mer. Les spécialistes estiment ainsi que les palangriers capturent involontairement plus de 300 000 oiseaux marins par an, dont 100 000 albatros.

Par ailleurs, ces captures involontaires nuisent fortement à la rentabilité des pêches , du fait de la disparition des appâts, et de l'encombrement des lignes par les cadavres d'oiseaux qui s'y sont pris.

Ces répercussions économiques sont suffisamment importantes pour avoir conduit la FAO à élaborer, en 1999, un « Plan d'action international visant à réduire les captures accidentelles d'oiseau de mer par les palangriers ».

Ce document s'adresse à tous les Etats possédant des flottes de palangriers. Il n'a pas de valeur contraignante, mais établit un bilan des méthodes utilisables , à titre volontaire, pour réduire les captures accidentelles , avec une appréciation de leur efficacité et de leur coût.

Parmi les solutions envisagées, et dont certaines sont d'ores et déjà mises en oeuvre, figure le lestage des palangres, pour accélérer la vitesse d'immersion des hameçons, et réduire ainsi leur temps d'exposition aux oiseaux de mer. Il est également proposé de filer les palangres sous l'eau grâce à une glissière, ou encore d'utiliser des méthodes pour effaroucher les oiseaux durant la manoeuvre, par des banderoles ou des flotteurs. En revanche, la dissuasion par méthodes acoustiques ou magnétiques semble sans effet.

A l'heure actuelle, c'est la pêche de nuit qui est la plus inoffensive pour les oiseaux, mais certaines flottes de pêche, surtout celles de faible tonnage, ne sont pas économiquement rentables dans ces conditions.

* Les menaces pesant sur les aires de nidification

Les pétrels et albatros ont un modèle démographique unique marqué par une grande longévité et une très faible fécondité. Ils sont caractérisés par une espérance de vie élevée (de 10 à 43 ans selon les espèces) et une maturité sexuelle tardive (au plus tôt, à 6 ou 9 ans). Plusieurs espèces ne pondent qu'un seul oeuf tous les deux ans, et n'élèvent avec succès qu'un jeune tous les 4 ou 5 ans. Ces éléments impliquent une fragilité extrême de leurs populations à tout événement extérieur (prédateur terrestre, dérangement pendant les périodes de reproduction ...).

Ces espèces se reproduisent durant le printemps austral et sont particulièrement vulnérables en février et mars, lorsqu'elles vont pêcher dans les eaux avoisinantes pour nourrir leurs poussins. Leurs prospections alimentaires touchent des domaines marins très vastes, pouvant aller jusqu'à plusieurs milliers de kilomètres pour le Grand Albatros, mais situés pour la plupart sur les plateaux continentaux des îles. Ces oiseaux sont très bien adaptés à la vie marine, et peuvent rester jusqu'à sept années en mer ; un albatros peut y passer plus de 92 % de sa vie et, au cours d'un voyage alimentaire en mer, peut parcourir jusqu'à 15 000 kilomètres.

Ces oiseaux consomment poissons, calmars, crustacés, vivant ou flottant à la surface, d'où leur vulnérabilité à certaines pêcheries, dont la pêche à la palangre.

II. L'ACCORD COMPORTE UNE SÉRIE DE DISPOSITIONS CONCRÈTES DE NATURE À PERMETTRE UNE AMÉLIORATION RAPIDE DES EFFECTIFS D'ALBATROS ET DE PÉTRELS

L'ampleur de « l'aire de répartition » des oiseaux de mer nécessite la conclusion d'un accord international pour instaurer une protection efficace de ces espèces. Des mesures générales de conservation, accompagnées d'un plan d'action, composent le dispositif du texte. La France a déjà pris en ce domaine des mesures spécifiques dans les TAAF, dont la pérennité sera renforcée par la ratification de l'accord.

A. UN ENSEMBLE DE MESURES CONCRÈTES ASSORTIES D'UN PLAN D'ACTION

En préambule, l'accord évoque les principales menaces pesant, de façon croissante, sur les albatros et les pétrels ; il s'agit de la détérioration et la perturbation de leurs habitats, la pollution, la réduction des ressources alimentaires, l'utilisation et l'abandon en mer d'engins de pêche non sélectifs, la mortalité accidentelle dans les activités de pêche commerciale.

L'article premier est consacré au champ d'application de l'accord, qui s'applique à « l'air de répartition » des albatros et pétrels, c'est-à-dire « l'ensemble des surfaces terrestres ou aquatiques que ces oiseaux habitent, fréquentent, traversent ou survolent lors de leur itinéraire habituel de migration. Les états de conservation « favorable » ou « défavorable » de ces espèces sont définies par une série de critères cumulatifs, comme le maintien de la dynamique des populations à long terme, la pérennité de leur aire de répartition et la suffisance des habitats.

L'article 2 pose l'objectif de l'accord, qui consiste dans le « maintien d'un état de conservation favorable » à ces deux espèces.

L'article 3 décrit les mesures de conservation auxquelles s'engagent les Etats parties à l'accord : restauration des habitats, élimination des espèces non indigènes qui les menaces (rats et lapins, principalement), prévention et réduction des activités humaines pouvant menacer ces oiseaux.

Les articles 4 et 5 instaurent dans ces buts une coopération entre les parties et, s'il y a lieu, un renforcement de leurs capacités d'action.

L'article 6 , dont le contenu est précisé par l'annexe 2 à l'accord, décrit les modalités principales du « plan d'action » mis au point pour restaurer les populations d'oiseaux, et l'article 7 en décrit les modalités de mise en oeuvre et de financement. La répartition des dépense est effectuée par la réunion des Etats-parties, et les articles 8 à 10 mettent en place les institutions gestionnaires de l'accord .

Celles-ci sont composées de :

- la réunion des Parties , qui est l'instance de décision, et se réunit au moins tous les trois ans ;

- le Comité consultatif , composé d'experts désignés à raison d'un par Etat-membre, est chargé de donner des avis à la réunion des Parties ;

- enfin, le Secrétariat , chargé de la gestion des décisions.

L'article 11 décrit les modalités des relations avec les autres organes internationaux compétents, notamment la FAO.

L'article 12 établit la procédure d'amendement éventuel de l'accord, qui doit être adopté à la majorité des deux-tiers des Parties présentes.

Les articles 13 à 18 évoquent les relations entre l'accord et les autres réglementations existantes dans le domaine qu'il évoque, les modalités de règlement des différends, d'adhésion, d'entrée en vigueur, de réserves et de dénonciation.

Enfin, l'article 19 constitue le gouvernement australien dépositaire de l'accord.

L'annexe 1 énumère les espèces d'albatros et de pétrels visées par l'accord, l'annexe 2 , contenant, comme on l'a vu, le plan d'action.

B. L'ACTION PARTICULIÈRE DE NOTRE PAYS DANS LES TAAF

La France a, d'ores et déjà, pris des mesures en faveur de la préservation de ces oiseaux dans ces territoires.

Les Terres Australes et Antarctiques Françaises sont constituées de 3 groupes d'îles :

- les îles Amsterdam et Saint-Paul, d'une superficie de 7 km 2 sont balayées par des vents violents et des pluies régulières, mais bénéficient d'un climat tempéré (13°) avec une faible amplitude saisonnière. Amsterdam est ceinturée de falaises. Le cratère de St-Paul est envahi par la mer.

- l'archipel du Crozet, d'une superficie de 500 km 2 , est composé de 5 îles volcaniques, dont la plus élevée est à 1 200 mètres d'altitude. La végétation y est réduite à une strate herbacée. Le climat est venteux et pluvieux.

- l'Archipel des Kerguelen, d'une superficie de 7 000 km 2 , est composé de 300 îles, dont la végétation est proche de celle de Crozet.

Par ailleurs, les TAAF comprennent également la Terre Adélie (432 000 km 2 ) secteur du continent Antarctique régi par le Traité de l'Antarctique. Le climat est caractérisé par une température hivernale basse (- 40°C) et des vents violents soufflant fréquemment à plus de 250km/h. La végétation est limitée à quelques lichens et mousses.

La communauté des oiseaux marins nichant dans ces terres australes françaises est unique par sa diversité et sa richesse : on y compte 44 espèces d'oiseaux dont 37 pour le seul archipel de Crozet. Parmi ces oiseaux, on dénombre au moins 19 espèces de pétrels et 8 d'albatros. Excepté le Grand Albatros, toutes les espèces d'Albatros nichent dans les falaises.

Ces espèces se reproduisent durant le printemps austral et sont particulièrement vulnérables en février et en mars, lorsqu'elles vont pêcher dans les eaux avoisinantes pour nourrir leurs poussins.

Ces dernières années, un fléchissement considérable des populations de ces oiseaux a été constaté et une proportion significative d'entre elles pourrait être en déclin. Selon les critères de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), 3 espèces sont considérées comme vulnérables, avec un déclin supérieur à 20% de leurs effectifs en trois générations et un risque d'extinction à moyen terme (Pétrel à menton blanc, Grand albatros et Albatros à tête grise). L'Albatros d'Amsterdam est considéré comme fortement en danger avec un haut risque d'extinction dans un avenir proche (population réduite à 40 couples). Pour cette espèce, les spécialistes estiment que la perte de 5 individus pourrait conduire à son extinction avant 10 ans. Le fort taux de mortalité adulte, principale cause de déclin des populations, apparaît principalement imputable aux morts accidentelles liées à la pêche à la palangre.

1. à terre

Ces oiseaux sont également menacés, à terre, par les prédations commises par des espèces animales introduites, volontairement ou non, par l'homme, essentiellement les rats et les lapins.

Pour l'avenir, cette menace a été jugulée par un arrêté du 12 octobre 2001 de l'administrateur des TAAF, qui y réglemente l'introduction d'espèces animales ou végétales non indigènes..

Dans le même temps, des campagnes d'éradication des rats et des lapins ont été menées dans l'île Saint-Paul, en 1997 , et dans deux îles des Kerguelen : Château (250 ha), en 2002 , et Australia (20km) en 2004 .

Le CNRS, chargé du suivi de l'ïle Saint-Paul, y a constaté un retour de pétrels.

2. en mer

D'ores et déjà, un certain nombre de mesures techniques ont été imposées aux armateurs opérant dans les zones économiques de Kerguelen et de Crozet, qui visent à prévenir la mortalité accidentelle d'oiseaux marins : pêche uniquement de nuit, lestage des palangres, mise en place de systèmes d'effarouchement, présence de contrôleur des pêches à bord avec comptage des oiseaux capturés, possibilité d'ordonner à un navire de changer de secteur de pêche en cas de mortalité excessive. Par ailleurs, la pêcherie a été fermée à Kerguelen en février 2004, cette période étant particulièrement sensible pour les oiseaux de mer. Il est prévu de reconduire ces mesures pour les campagnes à venir, car elles ont en effet permis de réduire captures d'albatros et de pétrels. Les efforts doivent cependant continuer.

Cependant, cette zone est marquée par une pêche illégale de grande ampleur, touchant particulièrement la légine, poisson de grand fond à forte valeur économique.

On estime ainsi qu'environ 4 200 tonnes de ce poisson ont été illégalement pêchées au cours de la campagne 2002-2003, alors que le total admissible de capture attribué aux navires français se montait à 6 400 tonnes.

Il va sans dire que les navires pirates ignorent toutes les précautions nécessaires à la protection des oiseaux marins.

La France a entrepris de combattre ce piratage économique et écologique, notamment par la mise en place d'une surveillance de cette vaste zone par satellite.

CONCLUSION

Loin d'être anecdotique, le renforcement de la protection d'espèces menacées comme les albatros et les pétrels est le signe que la diversité biologique constitue un objectif international. Il faut noter qu'en l'occurrence, quelques mesures peu coûteuses et de bon sens aboutissent à un résultat notable, comme en témoigne le retour de ces oiseaux dans des aires de nidification qu'ils avaient désertées.

Par ailleurs, les pays possesseurs de flottes de navires palangriers ont également un fort intérêt économique à ce que cette forme de pêche épargne le plus possible d'oiseaux de mer qui en sont les victimes involontaires.

La France, dont les armateurs agissent dans la zone économique des TAAF respectent déjà ces mesures protectrices, a tout à gagner à se joindre rapidement aux six Etats qui ont déjà ratifié cet accord, et qui ont permis son entrée en vigueur le 1 er février 2004.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a procédé à l'examen du présent rapport lors de sa réunion du 5 mai 2004.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Guy Penne a souligné l'importance que revêtait, tant pour l'image de la France que pour la protection des espèces menacées, la ratification de cet accord.

La commission a alors adopté le projet de loi.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le gouvernement)

Article unique 2 ( * )

Est autorisée l'approbation de l'accord sur la conservation des albatros et des pétrels (ensemble deux annexes), signé à Canberra, le 19 juin 2001, et dont le texte est annexé à la présente loi.

ANNEXE I -
ÉTUDE D'IMPACT3 ( * )

I - État du droit et situation de fait existant et leurs insuffisances :

A - État du droit international

En vertu de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 et de la convention sur la diversité biologique de 1992, les États ont l'obligation de protéger le milieu marin et de préserver la diversité biologique, en appliquant, si nécessaire, l'approche de précaution prévue par le principe 15 de la Déclaration de Rio de Janeiro sur l'environnement et le développement.

A la cinquième réunion des Parties à la convention de Bonn de 1979 sur la protection des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage, qui s'est déroulée en avril 1997, il a été décidé d'intégrer toutes les espèces d'albatros de l'hémisphère sud, dans les annexes I ou II de la convention. Lors de la réunion suivante en novembre 1999 ce sont deux espèces de pétrels, particulièrement menacées par les captures accidentelles lors des activités de pêche dans l'océan Antarctique, qui ont été inscrites à l'annexe II de la Convention. Par ailleurs, cette même réunion a lancé la négociation d'un accord sur la conservation des albatros de l'hémisphère sud, dont le champ a été élargi aux pétrels et dont la couverture géographique n'est plus limitée à l'hémisphère sud.

Cet accord constitue une étape supplémentaire pour protéger les oiseaux marins des dangers que comporte la pêche à la palangre. Selon les experts, ce type de pêche tuerait, au niveau mondial, plus de 300000 oiseaux marins, dont 100000 albatros, par an.

Jusqu'alors, le problème avait été traité par la Commission pour la conservation de la flore et de la faune marines de l'Antarctique (CCAMLR), qui s'était attaquée au problème de la mortalité d'animaux marins liée directement ou indirectement à la pêche et avait pris deux mesures essentielles: l'une (mesure 25-03, en 1999) porte sur la réduction de la mortalité accidentelle des oiseaux et des mammifères marins au cours des opérations de pêche au chalut dans la zone Antarctique; l'autre (mesure 25-02, en 2002) concerne la réduction de la mortalité accidentelle d'oiseaux de mer au cours de la pêche à la palangre, expérimentale ou non. Par ailleurs, la CCAMLR a exigé que l'usage des courroies d'emballage en plastique soit progressivement supprimé sur les navires de pêche et que soit tenu un registre des engins de pêche perdus.

Pour sa part, l'Organisation des Nations Unies pour l'Agriculture et l'Alimentation (OAA) s'était elle aussi penchée sur la question, et avait élaboré, en 1999, un plan d'action international visant à réduire les captures accidentelles d'oiseaux de mer par les palangriers. Mais il s'agissait d'un plan n'ayant aucun caractère juridiquement contraignant.

Par rapport à la réglementation internationale centrée sur les pêches, l'accord sur la conservation des albatros et des pétrels, qui a été conclu en application de la convention sur la protection des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage, organise, de manière globale, la protection de ces deux catégories d'oiseaux, à l'intérieur de leur aire dite de" répartition", à la fois en imposant à chaque Partie un "plan d'action" à large spectre et en appelant toutes les Parties à une véritable coopération.

B - Gestion du problème dans les Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF)

La pêche à la palangre de la légine conduisant à la capture accidentelle d'un nombre important de pétrels et d'albatros, l'administration des TAAF avait imposé aux pêcheurs français, diverses mesures :

- Présence d'un contrôleur des pêches sur chaque bateau, en vue de constater les infractions et d'évaluer l'importance de la mortalité;

- Limitation de la période et des horaires de pêche;

- Utilisation de techniques d'effarouchement (notamment des banderoles);

- Interdiction des rejets d'usine, qui attirent les oiseaux.

Pour la campagne 2002-2003, des mesures supplémentaires sont appliquées. Elles sont axées sur la prévention et la répression des activités de pêche illicites, qui sont responsables de la majorité des captures accidentelles.

Outre cet ensemble d'actions afférentes à la pêche, des campagnes d'éradication des rats et des lapins, qui sont deux espèces nuisibles pour les pétrels, ont été conduites avec succès.

II - Bénéfices escomptés en matière :

* d'emploi

En France, la pêche de la légine à la palangre, qui est pratiquée dans les eaux de Crozet et de Kerguelen gérées par l'administration des Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF), est responsable de captures accidentelles d'albatros et de pétrels, en nombre important.

Afin de concilier l'activité de pêche, qui est essentielle pour l'économie et l'emploi des TAAF, avec la nécessité de protéger les albatros et les pétrels menacés par le recours à la technique de la palangre, l'administration des TAAF a pris diverses mesures, telles que: l'obligation, pour les palangriers, d'embarquer un contrôleur des pêches, agent du territoire assermenté et affecté à la détection d'éventuelles infractions et la réglementation des conditions d'utilisation des palangres, inspirée des recommandations de la convention sur les ressources marines de l'Antarctique.

L'harmonisation au niveau international de ce type de contraintes permettra aux opérateurs maritimes français de ne pas subir la concurrence d'États pratiquant le « moins disant écologique » et de défendre ainsi l'emploi.

* d'intérêt général :

Si l'Union européenne a, depuis plus de vingt ans, mis en place une politique harmonisée de protection des oiseaux, celle-ci ne peut atteindre sa pleine efficacité que complétée par des accords internationaux permettant de traiter d'espèces dans le périmètre géographique correspondant aux réalités biologiques.

Dans une perspective de conservation d'espèces pélagiques, l'accord a pour principal intérêt d'organiser une coopération internationale, seule capable de garantir l'efficacité des diverses mesures à mettre en oeuvre :

- L'élaboration et l'harmonisation des stratégies de conservation ;

- La réintroduction, le renforcement et la restauration de populations dans leur aire de répartition naturelle ;

- La lutte contre les espèces envahissantes ;

- La protection des sites de reproduction, par l'élaboration et la mise en oeuvre de plans de gestion pour les sites protégés, en tenant compte de l'importance internationale de ces sites ;

- L'élaboration de plans de gestion pour les secteurs d'alimentation et de migration en hiver ;

- La réduction, voire l'élimination des captures accidentelles ;

- La recherche scientifique et la surveillance (développement de nouvelles techniques) ;

- L'éducation et la sensibilisation du public.

* d'incidences financières :

L'article 7 de l'accord ne fixant pas de barème pour la répartition des dépenses obligatoires (celui-ci devant être revu à chaque adhésion), l'accord aura une incidence financière limitée, mais dont l'ampleur ne peut être précisément chiffrée dès maintenant.

* de complexité de l'ordonnancement juridique :

L'approbation de l'accord n'entraînera pas de modification de l'ordonnancement juridique existant, sachant qu'au cours de ces dernières années la France a pris une série de mesures législatives et réglementaires satisfaisant déjà aux objectifs de l'accord. Il s'agit de:

- L'article L.411 du Code de l'Environnement, qui prohibe la destruction, l'altération ou la dégradation des milieux particuliers des espèces ;

- L'arrêté du 14 août 1998, pris en application de l'article L. 411-1 et 2 du Code de l'Environnement, qui interdit, pour toutes les espèces d'albatros et de pétrels présents dans les TAAF, leur destruction, capture, naturalisation, transport et commerce; des dérogations à ces interdictions sont prévues à des fins scientifiques et dans des conditions définies par l'arrêté du 22 décembre 1999; elles sont délivrées par l'administrateur supérieur des TAAF ;

- L'article L. 411-3 de ce même code, qui interdit l'introduction volontaire ou involontaire, dans le milieu naturel, de tous spécimens d'espèces non indigènes par rapport au territoire d'introduction ;

- L'arrêté du 12 octobre 2001, qui a interdit l'introduction de toutes espèces animales ou végétales dans les TAAF.

* 1 Cette convention comptait 86 Etats parties au 1 er juin 2004 ; on en trouvera la liste en annexe.

* 2 Voir le texte annexé au document Sénat n° 45 (2003-2004)

* 3 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

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