Rapport n° 194 (2005-2006) de M. Nicolas ABOUT , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 2 février 2006

Disponible au format Acrobat (126 Koctets)

Tableau comparatif au format Acrobat (44 Koctets)

N° 194

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 2 février 2006

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de loi de M. Nicolas ABOUT, relative au partage de la réversion des pensions militaires d' invalidité,

Par M. Nicolas ABOUT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Claire-Lise Campion, Valérie Létard, MM. Roland Muzeau, Bernard Seillier, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Daniel Bernardet, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Francis Giraud, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Christiane Kammermann, MM. Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente, Patricia Schillinger, M. Jacques Siffre, Mme Esther Sittler, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Vasselle, François Vendasi, André Vézinhet.

Voir le numéro :

Sénat : 144 (2005-2006)

Pensions civiles et militaires de retraite.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi a pour objectif d'organiser la réversion des pensions militaires d'invalidité entre les anciens conjoints et le conjoint survivant du titulaire de la pension.

Avant de présenter les justifications de cette initiative, il convient d'évoquer en quelques mots la vocation et l'évolution générale du système des pensions militaires d'invalidité.

Les pensions militaires d'invalidité

Elles sont destinées à indemniser :

- les infirmités résultant de blessures causées par des événements de guerre ou des accidents survenus du fait ou à l'occasion du service ;

- les infirmités résultant de maladies contractées du fait ou à l'occasion du service ;

- l'aggravation, du fait ou à l'occasion du service, d'infirmités étrangères au service ;

- les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents survenus entre le début et la fin d'une mission opérationnelle.

Le montant de la pension est déterminé par un nombre de points d'indice fixé en fonction du taux d'invalidité. La valeur du point d'indice évolue dans les mêmes conditions que les rémunérations publiques. Par ailleurs, le montant tient compte du grade du pensionné et peut être complété par des allocations spécifiques pour les invalidités les plus graves.

Pour compléter ce panorama, il faut signaler qu'au 31 décembre 2004, plus de 280.000 pensions militaires d'invalidité étaient servies à des ayants droit, pour un coût de 1,23 milliard d'euros. Le montant moyen d'une pension en année pleine s'élevait à 4.377 euros, et le montant médian à 1.856 euros. A la même date, 126.069 pensions étaient servies aux veuves et aux orphelins, et 7.253 à des ascendants. Toutes catégories confondues, les crédits des pensions militaires d'invalidité représentent, en 2006, 2,143 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

Il convient enfin de mentionner que, suivant l'évolution démographique naturelle de cette catégorie de la population, l'effectif des bénéficiaires est en diminution continue : 4,75 % en 2003, - 3,56 % en 2004, - 2,80 % en 2005, la prévision étant de - 3 % en 2006.

Les objectifs de la proposition de loi

Le premier objectif de la proposition de loi est de réparer une entorse à l'équité.

En effet, le droit n'accorde pas aux anciens conjoints divorcés de titulaires de pensions militaires d'invalidité le droit à réversion que, de leur côté, le code de la sécurité sociale et le code des pensions civiles et militaires de retraite reconnaissent aux anciens conjoints divorcés des pensionnés.

Actuellement, en application des articles L. 1 er ter et L. 43 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, seuls les conjoints ou partenaires liés à un ayant droit, au moment de son décès, par le mariage ou par le pacte civil de solidarité, ont droit à une pension de réversion . Les anciens conjoints ou partenaires sont écartés. Pour s'en tenir au cas du mariage, sans doute le plus fréquent, seule la veuve est ainsi en droit de demander la réversion de la pension, quand bien même la première épouse aurait assisté le défunt pendant de très longues années, quand bien même, ayant été empêchée d'exercer une activité professionnelle du fait de sa présence auprès d'un mari invalide, elle se trouverait seule et sans ressources, après le décès de son ancien mari.

Le code de la sécurité sociale et le code des pensions civiles et militaires de retraite mettent en oeuvre des solutions plus adaptées aux réalités de la vie :

- l'article L. 353-3 du code de la sécurité sociale dispose que le conjoint divorcé est assimilé à un conjoint survivant pour l'application des dispositions relatives à la pension de réversion, et que lorsque l'assuré est remarié la pension de réversion est partagée entre le conjoint survivant et le précédent conjoint divorcé, au prorata de la durée de chaque mariage ;

- le code des pensions civiles et militaires de retraite prévoit, en son article L. 44, que le conjoint séparé de corps et le conjoint divorcé ont droit à la pension de réversion. L'article L. 45 dispose que lorsqu'il existe plusieurs conjoints, divorcés ou survivants, ayant droit à la pension de réversion, celle-ci est répartie entre eux au prorata de la durée de chaque mariage.

La simple équité justifierait ainsi d'aligner le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre sur ces dispositions.

Mais des raisons plus urgentes que l'objectif d'alignement juridique justifient une initiative du législateur. Année après année, les rapports budgétaires sur le budget des anciens combattants rappellent la situation précaire dans laquelle se trouvent de nombreuses veuves auxquelles la réversion des pensions du code et les aides de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (Onac) apportent une ressource indispensable.

Face à l'étendue des besoins, la loi de finances pour 2004 a augmenté de quinze points d'indice toutes les pensions de veuves à compter du 1 er juillet 2004. La mesure représentera en 2006 un coût budgétaire de 25,5 millions d'euros.

Précédemment, l'article 127 de la loi de finances pour 2002 avait augmenté la majoration des pensions servies aux veuves des grands invalides de 120 points. La mesure concernait 1.200 veuves pour un coût budgétaire de 2,29 millions d'euros.

Enfin, ressortissantes de l'Onac depuis 1991, les veuves sont bénéficiaires de près de la moitié de ses interventions sociales individuelles, devant les anciens combattants eux-mêmes. C'est ainsi qu'en 2004, les services départementaux de l'Office ont dispensé une aide financière à 16.000 veuves pour un montant global de plus de 5 millions d'euros, que 244 veuves ont reçu la même année un secours d'urgence pour un montant total de 86.200 euros, et que 4,12 millions d'euros ont été versés à plus de 9.400 veuves connaissant des difficultés financières temporaires ou exposées à des frais médicaux importants ou encore aux frais d'obsèques de leur conjoint.

S'il en est ainsi pour les veuves, que dire des conjoints divorcés, qui ne bénéficient d'aucun droit, alors que rien ne permet de supposer que leur situation soit plus favorable que celle des veuves.

Ces différents éléments justifient manifestement un alignement, dans ce domaine, du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre sur les dispositions des autres codes.

Un amendement avait été déposé à la loi de finances pour 2006 pour intégrer le principe du partage de la réversion entre conjoints et anciens conjoints au code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. C'est parce que cet amendement a été retiré en séance, à la demande du Gouvernement et pour expertise, que la présente proposition de loi a été élaborée, afin de régler, enfin, des situations humainement difficiles.

EXAMEN DES ARTICLES

Article unique - Ouverture d'un droit à pension de réversion au profit des conjoints divorcés non remariés des titulaires de pensions militaires d'invalidité

Objet : Cet article tend à fixer les conditions dans lesquelles les conjoints divorcés non remariés de titulaires de pensions militaires d'invalidité eux-mêmes non remariés auront droit à une part de la pension de réversion.

I - Le dispositif proposé

L'article unique de la proposition de loi ajoute au chapitre premier, relatif aux droits à pension, du titre III, relatif aux droits des conjoints survivants et des orphelins, du livre premier du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, un article nouveau qui ouvre un droit à la pension de réversion au profit du conjoint divorcé non remarié d'un pensionné lui-même remarié.

Ce texte comporte les dispositions suivantes :

- au premier alinéa, est prévue la condition de l'absence de remariage pour l'ouverture et le maintien du droit à pension de réversion. Cette disposition est habituelle. Elle est énoncée à l'article L. 48 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. La même condition est énoncée à l'article L. 46 du code des pensions civiles et militaires de retraite : « le conjoint divorcé, qui contracte un nouveau mariage ou vit en état de concubinage notoire, perd son droit à pension ». Il est vrai, cependant, que la condition d'absence de remariage a été supprimée, depuis le 1 er juillet 2004, du code de la sécurité sociale. La proposition de loi ne propose pas d'étendre cet assouplissement au code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans la mesure où son objectif est de répondre aux besoins des ex-conjoints les plus isolés et les plus démunis, c'est-à-dire a priori ceux qui ne sont pas remariés ;

- le même premier alinéa réserve par ailleurs le bénéfice de la réversion aux conjoints divorcés d'un pensionné remarié. Cette dernière précision, inhabituelle, est justifiée par le seul souci d'éviter l'irrecevabilité financière au titre de l'article 40 de la Constitution. En effet, les pensionnés non remariés ne sont pas, actuellement, susceptibles d'ouvrir un droit à pension de réversion, puisque celle-ci est réservée aux conjoints survivants. En écartant les pensionnés non remariés de son champ d'application, la proposition de loi évite de créer une charge nouvelle pour les finances publiques : elle se contente de répartir différemment la charge existante. Le résultat est indubitablement discutable, mais ce détour est sans doute nécessaire pour favoriser l'adoption de la proposition ;

- le deuxième alinéa de l'article unique organise le partage de la réversion entre les conjoints successifs, au prorata de la durée de chaque mariage calculée à compter de la date d'origine de l'invalidité indemnisée. Il s'agit de rendre justice au conjoint ou ex-conjoint qui a assisté le plus longuement le pensionné ;

- enfin, le dernier alinéa prévoit, en s'inspirant de la solution adoptée par le code de la sécurité sociale en son article L. 353-3, que lors du décès d'un des bénéficiaires, sa part de la réversion accroît celle de l'autre bénéficiaire ou des autres bénéficiaires, tout en réservant les droits des éventuels orphelins mineurs du bénéficiaire décédé, conformément à la solution adoptée par l'article L. 46 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, auquel il est fait renvoi, pour les orphelins du conjoint survivant.

II - La position de votre commission

L'article unique de la proposition de loi doit être complété sur plusieurs points :

- l'article 124 de la loi de finances pour 2006 a modifié le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre afin d'ouvrir le droit à pension, dans les conditions jusqu'alors réservées aux veuves, au conjoint masculin du pensionné ou au partenaire lié à lui par le pacte civil de solidarité. Il convient que la rédaction de l'article unique tienne compte de cette novation en faveur de l'égalité de traitement entre les sexes.

Compte tenu de la complexité rédactionnelle qu'implique la prise en compte du pacte civil de solidarité, votre commission estime en conséquence nécessaire d'alléger la formulation de l'article unique ;

- une deuxième précision concerne le cas des anciens conjoints vivant en état de concubinage notoire, situation qui doit être, conformément au droit en vigueur, assimilée au remariage ou à la conclusion d'un pacte civil de solidarité, et exclure le droit à réversion ;

- une troisième précision, plus importante et posant de délicats problèmes de rédaction et de coordination, doit aussi être introduite. Le texte de la proposition de loi ne tient pas compte du fait que les droits des enfants nés d'un premier lit sont actuellement régis par l'article L. 56 du code. Celui-ci accorde aux enfants de moins de vingt et un ans issus d'un mariage antérieur un droit sur la réversion, concurremment avec la veuve. Ces dispositions doivent être adaptées. En effet, si l'ancien conjoint survivant devient attributaire d'un droit sur la réversion, il convient de le substituer à ses enfants mineurs, ceux-ci n'acquérant dorénavant un droit que dans le cas où l'ancien conjoint survivant meurt ou devient inéligible du fait d'un remariage, d'un nouveau pacte civil de solidarité ou d'un concubinage notoire. Il faut aussi, en fonction de la modification des conditions dans lesquelles les enfants du premier lit acquièrent le droit à une part de la réversion, modifier par coordination l'article L. 46 du code, qui fait actuellement passer à l'ensemble des enfants du pensionné décédé les droits détenus par le conjoint survivant, lorsque celui-ci meurt ou est inhabile à recueillir la pension.

En fonction de ces différentes nécessités, votre commission a décidé, sur la proposition de son rapporteur, de regrouper dans l'article L. 46 du code les dispositions fixant, cas par cas, les droits de l'ensemble des orphelins mineurs.

Pour rendre l'ensemble du texte plus lisible, elle a retiré les dispositions concernant les enfants mineurs des anciens conjoints de l'article L. 48-1 créé par l'article unique, afin de les inscrire dans un article premier nouveau de la proposition de loi, modifiant l'article L. 46 du code.

L'article unique devient en conséquence l'article 2, recentré sur l'ouverture du droit à réversion aux anciens conjoints et sur les modalités du partage de la pension entre l'ensemble des conjoints ayants cause.

Votre commission a par ailleurs inséré, dans la proposition de loi, un article 3 nouveau modifiant le texte de l'article L. 56 du code pour en retirer les dispositions concernant les orphelins mineurs issus du premier lit, figurant désormais dans l'article L. 46.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé, et vous demande d'adopter la présente proposition de loi dans la rédaction qu'elle vous soumet .

CONCLUSIONS DE LA COMMISSION SUR LA PROPOSITION DE LOI

Article premier

L'article L. 46 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre est ainsi rédigé :

« En cas de décès du conjoint survivant ou lorsqu'il est inhabile à recueillir la pension, les droits qui lui appartiennent ou qui lui auraient appartenu passent aux enfants âgés de moins de vingt et un ans issus de son union avec le titulaire de la pension, selon les règles établies par les lois en vigueur en matière de pension. S'il n'existe pas d'enfants âgés de moins de vingt et un ans issus de l'union du conjoint survivant avec le titulaire de la pension, la part correspondante accroît celle des autres ayants cause au titre du premier alinéa de l'article L. 48-1.

« En cas de décès d'un ayant cause mentionné au premier alinéa de l'article L. 48-1 ou lorsqu'il est inhabile à recueillir la pension, les droits qui lui appartiennent ou qui lui auraient appartenu passent aux enfants âgés de moins de vingt et un ans issus de son union avec le titulaire de la pension, selon les règles établies par les lois en vigueur en matière de pension. S'il n'existe pas d'enfants âgés de moins de vingt et un ans issus de l'union de cet ayant cause avec le titulaire de la pension, la part correspondante accroît celle des autres ayants cause au titre de l'article L. 43 ou du premier alinéa de l'article L. 48-1.

« La pension est payée aux orphelins de chaque branche d'ayants cause jusqu'à ce que le plus jeune d'entre eux ait atteint l'âge de vingt et un ans accomplis. La part des enfants ayant atteint vingt et un ans accomplis est réversible sur les autres. Lorsque le droit à pension vient à faire défaut dans l'une des branches, la pension des branches survivantes est fixée d'après les règles prévues à l'article L. 55.

« Il est alloué, en outre, pour chaque enfant, la majoration prévue à l'article L. 54.

« Les enfants adoptés dans les conditions prévues à l'article L. 19 ont les mêmes droits que les enfants légitimes s'ils ont été adoptés par les deux conjoints ; ils ont ceux des enfants naturels s'ils n'ont été adoptés que par le titulaire de la pension. »

Article 2

Il est inséré, après l'article L. 48 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, un article L. 48-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 48-1. - S'il n'est pas remarié ou lié par un nouveau pacte civil de solidarité ou vivant en état de concubinage notoire, le conjoint divorcé ou l'ancien partenaire d'un titulaire de pension lui-même remarié ou lié par un nouveau pacte civil de solidarité a droit à pension dans les conditions prévues à l'article L. 43.

« Lorsque, au décès du titulaire de la pension, plusieurs ayants cause ont droit à pension en application de l'article L. 43 ou de l'alinéa précédent du présent article, le principal de la pension à laquelle aurait droit le conjoint survivant est partagé entre l'ensemble des ayants cause au prorata de la durée de chaque union, calculée à compter de la date à laquelle le titulaire est entré en jouissance de la pension. Le partage est opéré lors de la liquidation des droits du premier ayant cause qui en fait la demande. »

Article 3

L'article L. 56 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre est ainsi rédigé :

« Le transfert aux enfants âgés de moins de vingt et un ans du titulaire de la pension des droits ouverts en application de l'article L. 43 ou du premier alinéa de l'article L. 48-1 est régi par les dispositions de l'article L. 46.

« Dans tous les cas, la part du conjoint survivant, s'il est habile à exercer ses droits, est majorée, s'il est nécessaire, de manière à ce qu'elle ne soit pas inférieure aux chiffres fixés par les articles L. 49 à L. 53, suivant le genre de décès du conjoint et l'état civil du conjoint survivant, remarié ou non) pour la pension du conjoint survivant du soldat. »

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 1 er février 2005 , sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'examen de son rapport sur sa proposition de loi n° 144 (2005-2006) relative au partage de la réversion des pensions militaires d'invalidité.

M. Nicolas About, rapporteur , a indiqué que sa proposition de loi a pour objectif d'organiser la réversion des pensions militaires d'invalidité entre les anciens conjoints et le conjoint survivant du titulaire de la pension.

Il a rappelé que les pensions militaires d'invalidité sont destinées à indemniser les infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées en service, ainsi que l'aggravation, du fait ou à l'occasion du service, d'infirmités étrangères au service.

Le montant de la pension, déterminé par un nombre de points d'indice tient compte du grade du pensionné et peut être complété par des allocations spécifiques pour les invalidités les plus graves. Au 31 décembre 2004, plus de 280.000 pensions militaires d'invalidité étaient servies à des ayants droit, pour un coût d'1,23 milliard d'euros. Le montant moyen d'une pension en année pleine s'élevait à 4.377 euros, 126.069 pensions étaient servies à des veuves et à des orphelins. Suivant l'évolution démographique naturelle de cette catégorie de la population, l'effectif des bénéficiaires est en diminution continue, la prévision étant de - 3 % en 2006.

M. Nicolas About, rapporteur , a ensuite indiqué les deux objectifs de la proposition de loi : réparer une entorse au principe d'équité en matière de droit d'accès à la réversion et porter remède à la situation précaire de nombreuses anciennes femmes d'invalides de guerre.

En ce qui concerne le principe d'équité, on constate qu'actuellement les anciens conjoints divorcés de titulaires de pensions militaires d'invalidité ne bénéficient pas du droit à réversion. En effet, en application des articles L. 1 er ter et L. 43 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, seuls les conjoints ou partenaires liés à un ayant droit, au moment de son décès, par mariage ou pacte civil de solidarité (Pacs), ont droit à une pension de réversion. Seule la veuve est ainsi en droit de demander la réversion de la pension, quand bien même une première épouse aurait assisté le défunt pendant de très longues années et, ayant été empêchée d'exercer une activité professionnelle du fait de sa présence auprès d'un mari invalide, elle se trouverait seule et sans ressources, après le décès de son ancien mari.

Or, le code de la sécurité sociale et le code des pensions civiles et militaires de retraite mettent en oeuvre des solutions plus adaptées aux réalités de la vie : l'article L. 353-3 du code de la sécurité sociale prévoit en effet que le conjoint divorcé est assimilé à un conjoint survivant pour l'application des dispositions relatives à la pension de réversion, et que lorsque l'assuré est remarié, la pension de réversion est partagée entre le conjoint survivant et le précédent conjoint divorcé, au prorata de la durée de chaque mariage ; le code des pensions civiles et militaires de retraite, contient des dispositions équivalentes en son article L. 44. La simple équité justifierait ainsi d'aligner le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre sur les dispositions de ces deux codes.

Des raisons supplémentaires justifient l'intervention du législateur. M. Nicolas About, rapporteur, a rappelé à cet égard la situation précaire dans laquelle se trouvent de nombreuses veuves auxquelles la réversion des pensions du code et les aides de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (Onac) apportent une ressource indispensable.

Il a mentionné les divers efforts entrepris par l'Etat afin d'apporter des réponses à cette situation. En particulier, la loi de finances pour 2004 a augmenté de quinze points d'indice toutes les pensions de veuves à compter du 1 er juillet 2004, soit un coût budgétaire de 25,5 millions d'euros et demi en 2006. Par ailleurs, les veuves sont bénéficiaires de près de la moitié des interventions sociales individuelles de l'Onac, devant les anciens combattants eux-mêmes.

S'il en est ainsi pour les veuves, a noté M. Nicolas About, rapporteur , que dire des conjoints divorcés, qui ne bénéficient d'aucun droit, alors que rien ne permet de supposer que leur situation soit plus florissante que celle des veuves. Aussi bien l'article unique de la proposition de loi propose-t-il d'ouvrir le droit à la pension de réversion au conjoint divorcé non remarié d'un pensionné lui-même remarié.

La condition de l'absence de remariage pour l'ouverture et le maintien du droit à pension de réversion est habituelle et figure toujours au code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et au code des pensions civiles et militaires de retraite bien qu'elle ait été supprimée depuis le 1 er juillet 2004, dans le code de la sécurité sociale. La proposition de loi ne propose pas d'étendre cet assouplissement au code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans la mesure où son objectif est de répondre aux besoins des ex-conjoints les plus isolés et les plus démunis, c'est-à-dire a priori ceux qui ne sont pas remariés.

Le fait de réserver le bénéfice de la réversion aux conjoints divorcés lorsque le pensionné a été remarié s'explique par le souci d'éviter l'irrecevabilité financière au titre de l'article 40 de la Constitution. En effet, les pensionnés non remariés ne sont pas, actuellement, susceptibles d'ouvrir un droit à pension de réversion, puisque celle-ci est réservée aux conjoints survivants. En écartant les pensionnés non remariés de son champ d'application, la proposition de loi évite de créer une charge nouvelle pour les finances publiques : elle se contente de répartir différemment la charge existante. Si le Gouvernement réserve un accueil favorable à la proposition de loi, cette spécificité, difficile à justifier par d'autres arguments que la règle de l'irrecevabilité financière au titre de l'article 40, pourrait être supprimée : le droit à réversion pourra être étendu par amendement aux anciens conjoints dans le cas où le pensionné ne s'est pas remarié.

Le partage de la réversion entre les conjoints successifs s'effectuera au prorata de la durée de chaque mariage calculée à compter de la date d'origine de l'invalidité indemnisée : il s'agit de rendre justice au conjoint ou ex-conjoint qui a assisté le plus longuement le pensionné. Lors du décès d'un des bénéficiaires, sa part de la réversion s'ajoutera à celle des autres bénéficiaires, tout en réservant les droits des éventuels orphelins mineurs du bénéficiaire décédé.

Au texte initial de la proposition de loi, M. Nicolas About, rapporteur, a souhaité apporter plusieurs adjonctions pour tenir compte de la situation, aujourd'hui possible, du conjoint masculin du pensionné ou du partenaire de Pacs ; pour exclure du droit à réversion les anciens conjoints vivant en état de concubinage notoire, donc assimilés aux remariés ; pour adapter les textes au cas des enfants nés d'un premier lit ; pour que leur ascendant, ancien conjoint survivant, soit attributaire en premier lieu du droit à la réversion.

En conclusion, M. Nicolas About, rapporteur, a rappelé qu'il avait déposé un amendement à la loi de finances pour 2006, pour intégrer ce nouveau dispositif de réversion. C'est parce que cet amendement a été retiré en séance, à la demande du Gouvernement pour expertise, qu'il a élaboré la présente proposition de loi pour régler, enfin, des situations humainement difficiles.

M. Michel Esneu a estimé le système actuel simple et injuste. La proposition de loi tend à instituer un système plus juste et d'autant plus complexe. Il a souhaité savoir si l'évocation du concubinage notoire parmi les motifs de suppression du droit à réversion risque de provoquer des contentieux - et parfois des dénonciations - compte tenu de la difficulté de prouver cette situation.

M. Nicolas About, rapporteur, a répondu qu'il n'y aurait suppression de la réversion que si la personne en concubinage notoire se déclare elle-même dans cette situation.

Il a indiqué par ailleurs que le texte actuel de la proposition de loi prévoit la rétroactivité du partage de la réversion entre conjoints et anciens conjoints, mais que la rétroactivité devra être supprimée si elle apparaît, au cours du débat législatif, de nature à provoquer des conflits excessifs entre les ayants cause anciens et nouveaux.

Mme Bernadette Dupont a relevé la modicité des aides servies par l'Onac, a demandé si les orphelins susceptibles de recueillir la réversion seraient nombreux, compte tenu de l'âge des titulaires de pension et a souhaité savoir si la gendarmerie bénéficiait du dispositif.

M. Nicolas About, rapporteur , a noté que les pensions d'invalidité sont accordées en fonction de l'existence d'infirmités liées au service, indépendamment de l'âge. Il a aussi confirmé que les gendarmes étant des militaires, ils bénéficient du système des pensions d'invalidité.

M. Guy Fischer a jugé a priori positif que le conjoint divorcé et non remarié qui a pu assister son ancien mari pendant de longues années puisse prétendre à une part de la réversion et que sa situation soit alignée sur le régime des pensions civiles. Il a souhaité que la proposition de loi soit transmise à l'Union française des associations d'anciens combattants et victimes de guerre (Ufac). Il a enfin confirmé la sensibilité du problème des veuves.

M. Nicolas About, rapporteur , a enfin évoqué l'opportunité d'ouvrir le droit à la réversion aux anciens conjoints de pensionnés non remariés, si la discussion de la proposition de loi montre la possibilité de s'engager dans cette voie de bon sens.

La commission a ensuite adopté la proposition de loi dans le texte proposé par le rapporteur.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page