EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LA TRANSFORMATION DES ARMÉES DE TERRE BELGE ET FRANÇAISE

A. LA GENÈSE DU PROGRAMME « CAMO »

L'accord intergouvernemental du 7 novembre 2018, dont il est demandé à votre Haute Assemblée d'autoriser l'approbation, ne peut être compris sans un rapide rappel du contexte dans lequel s'inscrivent les forces terrestres françaises, d'une part, et belge, d'autre part.

1. Le programme SCORPION de l'armée de terre française
a) Les différents éléments du programme SCORPION

Du fait d'une diminution continue de l'effort de défense entre la fin de la Guerre froide et 2015, et du sous-investissement chronique qui en a résulté, les matériels de l'armée de terre française ont été progressivement atteints de vétusté et d'obsolescence.

Le programme SCORPION (Synergie du contact renforcée par la polyvalence et l'infovalorisation), conçu et préparé dès la fin du siècle dernier, vise à la fois à moderniser ces matériels, et à mettre en place une nouvelle approche du combat terrestre, par la valorisation et le partage de l'information et par l'aide à la prise de décision, au travers du Système d'information du combat SCORPION (SICS). Le SICS relie tous les acteurs de la bulle opérationnelle aéroterrestre (BOA) de combat SCORPION (engins, véhicules et hélicoptères, infanterie, génie, artillerie, commandement). Il permet à la fois une détermination en temps réel des troupes amies ( blue tracking ) et ennemies, et la prise en compte en commun des troupes ennemies.

SCORPION est donc un système de systèmes, dans lequel les éléments du matériel prennent leur valeur non plus seulement par leurs performances propres, mais aussi et surtout par leur capacité à participer au combat collaboratif.

L'effort principal porte, en matière de matériel, sur le segment des blindés médians, et plus particulièrement sur :

- l'engin blindé de reconnaissance et de combat (EBRC) Jaguar . Ce char à 6 roues à vocation à remplacer à la fois les AMX10 RC et les ERC-90 Sagaie . Il est équipé d'un canon télescopé de 40 mm 2 ( * ) , de missiles moyenne-portée (MMP) et d'un tourelleau téléopéré portant une mitrailleuse de calibre 7,62 mm ;

- le véhicule blindé multi-rôles (VBMR) Griffon , qui remplacera les véhicules de l'avant blindés (VAB) en service depuis les années 1970. Le Griffon devrait exister en quatre versions : transport de troupes ; sanitaire ; commandement ; et observation d'artillerie. Dans sa configuration principale de transport de troupes, il emporte, en plus du pilote et du tirer, huit soldats. Il est équipé d'un tourelleau téléopéré équipé d'une mitrailleuse 12,7 mm ou MAG 58 de 7,62 mm ou d'un lance-grenades automatique de 40 mm, ainsi que du système de lance-grenades multifonction GALIX.

Il existe une synergie industrielle importante entre ces deux véhicules, puisque le Jaguar et le Griffon possèdent environ 70 % de pièces en commun, ce qui permet de simplifier et de rendre moins coûteux le MCO et l'approvisionnement en pièces détachées.

Il faut rappeler enfin, même si cela n'entre pas dans l'objet du présent rapport, que le programme Scorpion s'étendra aussi aux blindés lourds Leclerc de l'armée française. La LPM prévoit ainsi d'ici 2025 la modernisation aux standards Scorpion de 122 des 200 chars Leclerc prévus dans l'ambition opérationnelle 2030.

b) La commande de l'armée de terre française

L'ambition opérationnelle pour 2030, précisée par la LPM précitée, prévoit que l'armée de terre française compte, en 2030, 300 chars Jaguar et 1872 VBMR Griffon .

Sur la LPM actuelle (2019-2025), les livraisons devraient représenter très exactement la moitié de cette cible, soit 150 Jaguar et 936 Griffon .

2. La décision belge de transformer sa composante terrestre

La structure de l'armée belge est profondément marquée par le fort attachement de ce pays à l'OTAN. C'est ainsi que l'armée de terre belge est régulièrement désignée par le terme en usage à l'OTAN de Land Componant (LC), l'équivalent du chef d'état-major de l'armée de terre étant le Land Component Commander (LCC), conformément à la terminologie OTAN.

L'OTAN définit régulièrement les exigences capacitaires de l'Alliance envers chacun des alliés, dans un processus de planification dénommé NATO Defence Planning Process (NDPP). Le NDPP est ensuite décliné au sein d'un Blue Book (Livre bleu) par pays et par force goals (objectifs de forces). Ces objectifs sont à la fois quantitatifs et qualitatifs, ce qui impose des efforts de modernisation des forces.

C'est dans le cadre de ces objectifs fixés par l'Alliance que la Belgique a formulé, le 29 juin 2016 , une Vision stratégique pour la défense belge , dont un extrait est cité en pré ambule du présent rapport. Ce document exprime de façon très claire l'analyse des autorités belges : la Belgique n'est pas en mesure d'atteindre, en agissant seule, l'ensemble des objectifs capacitaires qu'elle se fixe et qui correspondent également aux exigences du NDPP. Dans ces conditions, « les perspectives capacitaires plaident en faveur d'économies d'échelle pour le soutien [des] capacités de Défense [belges]. Cette politique ne peut se réaliser que par une intégration poussée avec les capacités militaires des pays partenaires stratégiques » 3 ( * ) .

La nécessité de moderniser l'armée belge, analysée dans ce document, découle de la conscience de la montée des menaces, selon une démarche similaire à celle qu'a connue la France à partir de 2015, et pour les mêmes raisons (attitude de la Russie en Géorgie, Syrie, Ukraine et Crimée ; attentats terroristes en France et en Belgique ; nouvelles orientations de la politique américaine, se traduisant notamment par une exigence forte de « partage du fardeau » ; conséquences des mouvements migratoires sur tout le pourtour méditerranéen...).

Cette modernisation d'ampleur concerne les trois armées, avec des programmes à effets majeurs : le renouvellement de la chasse, traduit par l'achat de F-35 américains, pour 3,6 milliards de dollars ; la modernisation de la flotte, en partenariat avec les Pays-Bas, les marines des deux pays étant intégrées au sein d'un commandement unique. Pour la marine, la modernisation se traduit par l'achat, par les Pays-Bas, de nouvelles frégates pour les deux pays ; et par la Belgique, de nouveaux chasseurs de mines et drones, ces équipements de guerre des mines représentant un montant de 2 milliards d'euros. Enfin, pour l'armée de terre, la modernisation de la capacité motorisée, pour l aquelle est prévu 1,5 milliard d'euros. Cette modernisation correspond également à un redressement du niveau d'intensité auquel les matériels devraient pouvoir faire face.

La Belgique s'est donc lancée dans un effort de défense très important, qui contribue ainsi à la sécurité collective européenne.


* 2 Identique au canon de 40 mm britannique. L'utilisation simultanée de cette même solution par la France et le Royaume-Uni pourrait favoriser la diffusion de ce calibre au sein de l'OTAN.

* 3 Vision stratégique pour la défense belge, p. 37.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page