Rapport n° 564 (2018-2019) de M. Joël GUERRIAU , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 12 juin 2019

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INTRODUCTION

N° 564

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 juin 2019

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE) autorisant l'approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Arménie portant application de l'accord signé à Bruxelles le 19 avril 2013 entre l' Union européenne et la République d' Arménie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier ,

Par M. Joël GUERRIAU,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Bernard Cazeau, Robert del Picchia, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Cédric Perrin, Gilbert Roger, Jean-Marc Todeschini , vice-présidents ; M. Olivier Cigolotti, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont , secrétaires ; MM. Jean-Marie Bockel, Gilbert Bouchet, Michel Boutant, Olivier Cadic, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Mme Hélène Conway-Mouret, MM. Édouard Courtial, René Danesi, Gilbert-Luc Devinaz, Jean-Paul Émorine, Bernard Fournier, Jean-Pierre Grand, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, MM. Jean-Louis Lagourgue, Robert Laufoaulu, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Rachel Mazuir, François Patriat, Gérard Poadja, Ladislas Poniatowski, Mmes Christine Prunaud, Isabelle Raimond-Pavero, MM. Stéphane Ravier, Hugues Saury, Bruno Sido, Rachid Temal, Raymond Vall, André Vallini, Yannick Vaugrenard, Jean-Pierre Vial, Richard Yung .

Voir les numéros :

Sénat :

523 et 565 (2018-2019)

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi du projet de loi n° 523 (2018-2019) autorisant l'approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Arménie portant application de l'accord signé à Bruxelles le 19 avril 2013 entre l'Union européenne et la République d'Arménie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier.

Un accord de réadmission des personnes en séjour irrégulier a été conclu, en 2013, entre l'Union européenne (UE) et l'Arménie dans un contexte de hausse des flux de ressortissants arméniens vers l'UE. Il a pour objet principal d'établir, sur une base de réciprocité, des procédures rapides et efficaces d'identification et de rapatriement en toute sécurité des personnes en séjour irrégulier, qu'il s'agisse des propres ressortissants des deux parties ou de ressortissants de pays tiers ou bien encore d'apatrides, pour autant que les personnes appartenant à ces deux dernières catégories aient un lien clair avec la partie requise, comme un visa ou un titre de séjour. Son article 20 rend possible la conclusion d'un protocole bilatéral d'application. L'Arménie en a déjà conclu plusieurs avec respectivement les Etats du Bénélux et l'Estonie. D'autres protocoles d'application sont en cours de négociation.

À l'instar des protocoles précités, ce protocole signé entre la France et l'Arménie, le 27 octobre 2016, se présente comme la déclinaison de l'accord de réadmission de 2013. C'est un instrument de portée essentiellement technique qui vient préciser un certain nombre de règles propres aux parties telles que la désignation des autorités compétentes dans la procédure de réadmission, les points de passage frontaliers, les moyens supplémentaires de preuve de nationalité, les conditions de la réadmission, d'escorte dans le cadre des procédures de réadmission ou de transit.

Au sein de l'UE, La France est, de longue date et selon les années, le premier ou le deuxième pays de destination de l'immigration irrégulière en provenance d'Arménie. Depuis 2012, elle se classe également au 1 er rang des pays de l'Union européenne, en termes de mesures d'éloignement prononcées à l'encontre de ressortissants arméniens. 1 822 mesures d'éloignement ont été prononcées en 2017 et 2 340 en 2018.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a adopté ce projet de loi, dont le Sénat est saisi en premier. Ce Protocole de réadmission, qui a simplement pour objet de préciser certaines stipulations de l'accord de réadmission UE-Arménie, permettra de de pérenniser la coopération consulaire avec l'Arménie, qui est déjà excellente, et de renforcer l'efficacité des procédures de retour contraint.

PREMIÈRE PARTIE : UN PROTOCOLE D'APPLICATION DE L'ACCORD EUROPÉEN DE RÉADMISSION AVEC L'ARMÉNIE

I. L'ARMÉNIE, UN PAYS RELATIVEMENT PAUVRE À LA DIASPORA IMPORTANTE

L'Arménie est engagée depuis le printemps 2018 dans une période de transition politique, marquée par le mouvement de manifestations - « la révolution de velours » - qui a conduit, le 23 avril 2018, Serge Sarkissian à démissionner de son poste de Premier ministre auquel il venait d'être élu par le Parlement, après avoir été Président de la République de 2008 à 2018. Le 9 mai 2018, le Parlement a désigné au poste de Premier ministre la figure emblématique de la contestation Nikol Pachinian. Celui-ci a constitué un gouvernement largement rajeuni, qui s'est fixé pour objectif de moderniser la vie politique et de combattre la corruption, sans modifier les orientations géostratégiques du pays. Les élections législatives de décembre 2018 ont confirmé la position du Premier ministre. Le principal défi des autorités arméniennes est de combattre la corruption et d'améliorer le climat des affaires afin d'attirer les investissements étrangers.

On rappelle que l'Arménie est un petit pays d'une superficie de 29 800 km 2, peuplé d'un peu plus de 3 millions d'habitants dont 64 % vit en ville et dont 17 % a moins de 15 ans. La diaspora estimée à environ 7 millions de personnes est implantée en Russie (environ 2 millions de personnes), aux États-Unis et en France (20 246 personnes) ainsi que dans les pays voisins de l'Arménie comme l'Iran.

L'Arménie est aussi un pays sans accès à la mer et enclavé. Ses frontières avec la Turquie et l'Azerbaïdjan sont fermées en raison du « conflit gelé » du Haut-Karabagh et seules ses frontières avec la Géorgie et l'Iran restent ouvertes. Ce contexte d'enclavement a considérablement favorisé l'émigration. Jusqu'à « la révolution de velours » de 2018, l'Arménie perdait jusqu'à 50 000 habitants par an.

C'est aussi un pays relativement pauvre dont 30 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et où le taux de chômage de 18,5 % est élevé et persistant. En 2017, le PIB s'est élevé à 11,6 Mds de dollars américains, soit un PIB par habitant de 3 861 dollars. L'indice de développement humain est de 0,743, ce qui place l'Arménie au 84ème rang mondial selon ce critère . L'industrie représente 29 % du PIB et l'agriculture (produits céréaliers) 19 %. L'économie repose largement sur l'exploitation des matières premières (cuivre, diamants) qui représentent près de 60 % des exportations.

En outre, l'Arménie est fortement dépendante des transferts de la diaspora (15 % du PIB en 2017). Entre 2010 et 2017, près de 90 % des transferts de migrants provenaient de migrants situés en Russie , pays dont l'Arménie est fortement dépendante.

II. LA FRANCE, LA DESTINATION EUROPÉENNE PRIVILÉGIÉE DES FLUX MIGRATOIRES EN PROVENANCE D'ARMÉNIE

1. L'Arménie, un pays source d'immigration mais sans risque majeur

S'agissant de l'immigration régulière , les informations transmises par les services du ministère de l'Europe et des affaires étrangères 1 ( * ) font apparaître que 20 246 ressortissants arméniens résidaient en France (sans compter les binationaux et les séjours irréguliers) au 31 décembre 2018.

Depuis plusieurs années, la France est le premier pays de destination de la migration légale arménienne dans l'Union européenne , juste devant l'Allemagne.

L'admission au séjour des ressortissants arméniens est obtenue en premier lieu sur des motifs familiaux (56 % des premiers titres délivrés en 2017, 19 ème rang de cette cause d'admission au séjour), puis humanitaire (26 %, 21 ème rang). L'immigration étudiante et l'immigration économique sont faibles (respectivement 4% environ).

Le nombre de titres ou autorisations valides détenus par des ressortissants arméniens est en hausse constante depuis 2013. Il a augmenté de 55 % entre 2013 et 2018, passant de 13 042 à 20 246. Toutefois, si le nombre de titres ou autorisations valides a augmenté de 15 % entre 2015 et 2016 et de 14 % entre 2016 et 2017, il n'a augmenté que de 5 % entre 2017 et 2018. La croissance de la communauté arménienne a donc connu un ralentissement l'année dernière.

Le nombre annuel de premiers titres de séjour délivrés à des ressortissants arméniens est relativement constant depuis 2012, autour de 1 800 . Il a augmenté de 20 % entre 2012 et 2013, passant de 1 570 à 1 893, et a connu une baisse en 2015 (1 667). En 2017, 1 835 premiers titres de séjour ont été délivrés à des ressortissants arméniens primo-demandeurs. La croissance de la communauté arménienne en France n'est donc pas due à une augmentation du nombre de premiers titres de séjour délivrés à ces ressortissants, mais s'explique notamment par le fait que la migration arménienne s'inscrit dans la durée. En effet, en 2018, les titulaires arméniens de titres de séjour d'une durée supérieure à 1 an sont quatre fois plus nombreux que ceux titulaires d'un titre d'une durée inférieure ou égale à 1 an (13 114 contre 2 965). L'immigration arménienne est donc une immigration d'installation.

Par ailleurs, il est notable que le nombre de ressortissants arméniens ayant accédé à la nationalité française a fortement augmenté entre 2017 et 2018 (+107 %), passant de 268 à 556 (29 ème rang mondial en 2018).

La communauté arménienne est principalement installée en région Grand Est (3 687, soit 18 % des ressortissants arméniens ayant un titre ou document valide au 31 décembre 2018), en Auvergne Rhône-Alpes (3 240, soit 16 %) et en Ile-de-France (2 496, soit 12 %). Viennent ensuite les régions Provence-Alpes-Côte d'Azur (2 170, soit 11 %) et Occitanie (1 859, soit 9 %).

S'agissant de l'immigration irrégulière , et malgré une tendance à la baisse ces quatre dernières années, l'Arménie demeure un pays dont la pression migratoire à destination de la France est importante même si elle ne présente pas de risque majeur. Au sein de l'UE, La France est le premier ou le deuxième pays de destination de l'immigration irrégulière en provenance d'Arménie.

Depuis 2012, la France se classe également au premier rang des pays de l'Union européenne, en termes de mesures d'éloignement prononcées à l'encontre de ressortissants arméniens : 1 822 mesures d'éloignement prononcées en 2017 et 2 340 prononcées en 2018.

2014

2015

2016

2017

2018

Nombre d'interpellations de ressortissants présumés arméniens

896

639

579

524

536

Nombre de mesures d'éloignement

2308

1912

1690

1822

2340

Nombre de mesures exécutées

231

161

138

110

178

Vers le pays tiers

220

154

120

94

144

Vers un pays de l'UE

11

7

18

16

34

Source MEAE

Depuis cette même année, l'Arménie se maintient également parmi les vingt nationalités à l'encontre desquelles la France prononce le plus de mesures d'éloignement. En 2016 et 2017, l'Arménie occupait la vingtième place.

Le taux d'exécution des mesures d'éloignement prononcées est peu satisfaisant. Hors départs volontaires et spontanés, il était de 7 % en 2018 (178 mesures d'éloignement exécutées sur les 2 340 prononcées) et de 6 % en 2017 (110 mesures d'éloignement exécutées sur les 1 822 prononcées) contre 8 % en 2016 (138 mesures exécutées sur les 1 690 prononcées) et 8,4 % en 2015 (avec 161 mesures exécutées sur les 1 912 prononcées).

2. Une coopération consulaire bilatérale jugée satisfaisante

La coopération consulaire arménienne est jugée très satisfaisante. Le taux de délivrance des laissez-passer consulaires (LPC) dans les délais utiles à l'éloignement s'élevait ainsi à 78 % en 2016, largement au-delà du taux moyen national de délivrance de 46 % cette même année. Il était de 83 % en 2017 contre une moyenne nationale de 51 %. On constate une relative hétérogénéité des pratiques consulaires entre les trois représentations arméniennes de Paris, Lyon et Marseille.

Par ailleurs, si le nombre de demandes de LPC a fortement baissé depuis 2014, passant de 232 demandes en 2014 à 112 en 2017, en parallèle des volumes de mesures d'éloignements prononcées à l'encontre d'Arméniens passant de 2 308 en 2014 à 1 822 en 2017 et 2 340 en 2018, cela n'a pas eu d'incidence sur la qualité de la coopération consulaire, qui se maintient très au-delà de la moyenne toutes nationalités confondues.

Les services du MEAE 2 ( * ) ont tenu à souligner que, depuis la conclusion de l'accord de réadmission UE-Arménie, la coopération consulaire avait encore progressé, passant de passant de 60,3 % de LPC délivrés dans les délais utiles à l'éloignement en 2014 à 91,9 % au premier trimestre 2019.

III. LA DÉCLINAISON DE L'ACCORD EUROPÉEN DE RÉADMISSION AVEC L'ARMÉNIE DE 2013

À titre liminaire, il faut rappeler que, depuis une vingtaine d'années, l'Arménie et l'Union européenne (UE) ont développé leur coopération. Les deux pays sont liés par un accord de Partenariat et de Coopération, signé le 22 avril 1996 et entré en vigueur le 1 er juillet 1999, qui prévoit une coopération dans de nombreux domaines (politique, juridique, économique, social et culturel) et qui fixe le cadre du dialogue politique UE-Arménie.

L'Arménie a également signé un plan d'action dans le cadre de la politique européenne de voisinage en novembre 2006, plan révisé en 2015. Des négociations ont débuté en janvier 2017 afin d'adopter un nouveau projet de priorités de partenariat UE-Arménie, en vue de remplacer le plan d'action UE-Arménie.

L'Arménie est aussi membre du Partenariat oriental de l'Union Européenne depuis 2009, qui fixe comme objectifs la conclusion d'un accord d'association incluant la création d'une zone de libre-échange complet et approfondi et la libéralisation, à terme, du régime des visas de court séjour.

Plus récemment, le 24 novembre 2017, elle a signé un nouvel accord de partenariat global et renforcé avec l'UE, qui est compatible avec ses engagements dans le cadre de l'Union économique euro-asiatique (UEE). Cet accord inspiré de l'accord conclu entre le Kazakhstan et l'UE a vocation à remplacer l'accord de partenariat et de coopération signé en 1996. Il est appliqué, à titre provisoire, depuis le 1 er juin 2018 pour la partie de l'accord relevant de la compétence exclusive de l'UE.

Depuis l'adoption du Traité d'Amsterdam en 1999, la Commission européenne peut négocier et conclure des accords communautaires de réadmission avec des pays tiers, en vertu de l'article 79 § 3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

Aux termes de deux séances de négociation, l'UE et l'Arménie ont signé, le 19 avril 2013, un accord de réadmission des personnes en séjour irrégulier, qui est entré en vigueur le 1 er janvier 2014.

Cet accord de réadmission, qui sécurise les relations bilatérales en matière de mouvements migratoires, a été négocié dans un contexte de hausse des flux de ressortissants arméniens vers l'UE. Selon les informations transmises par les services du MEAE 3 ( * ) , 1 110 refus d'entrée étaient prononcés aux frontières extérieures en 2012, puis 1 760 en 2013. Les Arméniens interpelés en situation illégale à l'intérieur de l'espace Schengen étaient au nombre de 2 135 en 2012 et 2 330 en 2013.

En 2017, les refus d'entrée en France s'élevaient à 585 et les interpellations à 3 170, sur un total de 618 775 situations détectées pour l'année 2017, tous pays de l'UE confondus.

L'Arménie représente encore actuellement un enjeu migratoire certain, sans que l'on puisse l'identifier comme un pays à risque majeur. Pour autant, s'agissant d'un pays de voisinage proche et dans une perspective de renforcement des liens UE-Arménie, il convenait d'agir en vue de renforcer la réadmission, d'autant plus que la France est un pays de destination privilégié.

Cet accord de réadmission UE-Arménie a pour objet de permettre l'approfondissement des relations bilatérales dans le cadre du partenariat oriental - il devrait notamment favoriser une plus grande libéralisation des visas - dans un contexte de hausse de l'immigration arménienne vers l'UE. Il est similaire aux accords de réadmission conclus par l'UE avec l'Albanie, la République de Macédoine du Nord, l'Azerbaïdjan, la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo, le Cap-Vert, Macao, la Moldavie, le Monténégro, le Pakistan, la Russie, la Serbie, le Sri-Lanka, la Turquie et l'Ukraine.

Il a pour objet de rappeler l'obligation de réadmission de leurs ressortissants par les deux parties, de préciser le format de la demande de réadmission, d'établir les moyens de preuve de nationalité (annexe 1) et ceux qui constituent un commencement de preuve (annexe 2), de fixer les délais dans lesquels une réponse doit être apportée à toute demande de réadmission (5 jours pour la réalisation d'une audition dans les cas d'existence de commencement de preuve de nationalité ; délai de principe de réponse de 12 jours à une demande de réadmission ; laissez-passer consulaires délivrés dans les 3 jours suivant la reconnaissance). Il assure en outre le suivi par la mise en place de comités réguliers et précise le cadre juridique du transfert de données.

Son article 20 rend possible la conclusion d'un protocole bilatéral d'application. L'Arménie a ainsi conclu des protocoles d'application avec les Etats du Bénélux et l'Estonie. À ce jour, seul le protocole d'application avec l'Estonie est entré en vigueur. Le protocole d'application signé entre la France et l'Arménie, le 27 octobre 2016, s'inscrit dans le prolongement de ceux-ci. Des négociations sont engagées entre l'Arménie et la République Tchèque, la Bulgarie, l'Allemagne, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne et la Suède.

Par ailleurs, un accord visant à faciliter la délivrance de visas, signé le 17 décembre 2012, est également entré en vigueur le 1 er janvier 2014. Lors de la 2 ème réunion du comité mixte de réadmission UE/Arménie à Erevan, en avril 2019, la Partie arménienne a indiqué qu'elle avait pour objectif de mettre en place toutes les dispositions pertinentes demandées par l'UE dans le cadre de la lutte contre l'immigration irrégulière, afin de convaincre les Etats membres et l'UE de la possibilité d'étendre la libéralisation des visas. Ainsi, elle a annoncé que la plateforme « RCMS », qui a vocation à fluidifier les demandes de réadmissions et l'identification, était opérationnelle depuis février 2019.

SECONDE PARTIE : DES STIPULATIONS DE PORTÉE ESSENTIELLEMENT TECHNIQUE

I. LES AUTORITÉS CHARGÉES DE LA MISE EN oeUVRE DE L'ACCORD

L'article 1 er définit les autorités compétentes en France et en Arménie qui seront chargées de la mise en oeuvre du protocole. Il précise, pour la partie française et la partie arménienne, les autorités chargées de formuler les demandes de réadmission, du traitement de ces demandes, de la délivrance des laissez-passer consulaires et de l'organisation des auditions ; les autorités chargées de la réception et du traitement des demandes pour les opérations de transit ainsi que les autorités compétentes pour le règlement des difficultés d'interprétation du protocole.

II. LA PROCÉDURE DE RÉADMISSION

1. Les points de passage frontalier

Les points de passage frontaliers pour chaque Partie sont mentionnés à l'article 2. Il s'agit de l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle et de l'aéroport international de Zvarnots-Erevan.

Les changements concernant les points de passage frontaliers font l'objet d'une information immédiate, par voie diplomatique, entre les autorités compétentes.

2. La procédure de réadmission (preuve, demande, délais de réponse, audition)

La procédure relative à la demande de réadmission est précisée à l'article  3 qui fixe les conditions de l'établissement et de la transmission des demandes de réadmission, ainsi que les délais de réponses à la demande de réadmission (douze jours) et à la délivrance des laissez-passer consulaires (trois jours).

S'agissant des ressortissants de pays tiers et des apatrides, l'article 4 complète l'accord de réadmission conclu entre l'UE et l'Arménie par une liste de documents supplémentaires considérés comme un commencement de preuve des motifs de la réadmission.

Les Parties reconnaissent ainsi comme tels : un visa expiré depuis moins de six mois délivré par la partie requise ; un titre de séjour expiré depuis moins d'un an délivré par la Partie requise ; un récépissé de renouvellement de carte de séjour expiré depuis moins d'un an ; un document officiel délivré par les autorités compétentes de l'État requis indiquant l'identité de la personne concernée (permis de conduire, permis de port d'arme, carte d'identification délivrée par des représentations diplomatiques et consulaires etc.) ; un document de voyage de l'Union européenne délivré par un État membre ou un document de voyage pour un ressortissant d'un pays tiers délivré par la Partie arménienne dont la durée de validité a expiré ; la photocopie de l'un des documents précédemment énumérés ainsi que tout document officiel à caractère électronique ou biométrique permettant d'établir la nationalité ou l'apatridie de la personne en séjour irrégulier.

En l'absence de document permettant d'établir la preuve de la nationalité de la personne à réadmettre, l'article 5 permet à la partie requérante de solliciter auprès des autorités diplomatiques ou consulaires de la partie requise l'organisation d'une audition à cette fin, qui doit se tenir dans les cinq jours ouvrables suivant la date de réception de la demande.

Au terme de l'audition, si la nationalité de la personne concernée est établie, les autorités diplomatiques et consulaires de la partie requise délivrent immédiatement ou dans les trois jours le laissez-passer consulaire.

3. La procédure de réadmission accélérée

Une procédure de réadmission accélérée est mise en place à l'article 6 dans le cas où la personne a été appréhendée dans la région frontalière, y compris les aéroports, de l'État requérant, après avoir franchi illégalement la frontière en provenance directe du territoire de l'État requis. Dans ces circonstances, l'État requérant peut alors présenter une demande de réadmission dans le délai de deux jours ouvrables et la réponse à sa demande doit lui être envoyée dans un délai maximum de deux jours ouvrables.

4. Coûts et langue de communication

S'agissant de la prise en charge des frais de transport, l'article 10 précise, d'une part, que la partie requérante règle en euros tous les frais qu'elle doit prendre en charge conformément à l'article 16 de l'accord communautaire, dans les trente jours après présentation par la partie requise d'une facture des frais engagés, et d'autre part, qu'en cas de réadmission par erreur, la partie requérante rembourse à la partie requise les frais de retour engagés.

Pour la mise en oeuvre du protocole, l'article 11 prévoit que les parties ont recours à la langue officielle de leur État, les demandes et informations pouvant être transmises, en cas de nécessité, avec une traduction en anglais.

III. LA MESURE D'ÉLOIGNEMENT DÉCIDÉE PAR L'AUTORITÉ FRANÇAISE

L'article 7 est relatif à l'utilisation du document de voyage de l'Union européenne. Ce document, établi à des fins d'éloignement, figure en annexe du protocole. Il correspond au formulaire type prévu dans la recommandation du Conseil du 30 novembre 1994. L'autorité compétente française mentionnée à l'article 1 du protocole délivre ce document dans le cas où la partie arménienne n'a pas délivré le laissez-passer consulaire dans le délai de trois jours imparti. Il est également délivré dans le cas où la partie arménienne a fait droit à une demande de réadmission pour un ressortissant d'un pays tiers ou un apatride.

IV. LA DEMANDE DE TRANSIT ET LE RETOUR SOUS ESCORTE

1. La demande de transit

Aux termes de l'article 8, la demande de transit d'un ressortissant de pays tiers ou d'un apatride à l'autorité compétente de la partie requise se fait par la transmission du formulaire figurant à l'annexe 6 de l'accord communautaire par voie électronique ou par tout autre moyen technique moderne. Ce formulaire est éventuellement complété par la mention de l'état de santé ou le besoin de soin de l'intéressé, ainsi que par celle de mesures de protection ou de sécurité particulière.

La demande de transit doit être transmise dans un délai minimum de 48 heures avant le transit prévu et la réponse doit être formulée dans un délai minimum de 24 heures avant le transit.

Cet article prévoit en outre que le transit ne doit pas durer plus de 12 heures sauf cas particuliers justifiant une extension exceptionnelle jusqu'à 24 heures et ne doit pas nécessiter de sortie de la zone internationale de l'aéroport.

2. Le retour sous escorte

L'article 9 est relatif aux conditions applicables au retour sous escorte.

L'autorité compétente de la partie requérante informe l'autorité compétente de la partie requise de l'identité et des fonctions des membres de l'escorte.

Les membres de l'escorte se trouvant sur le territoire de la partie requise sont tenus de respecter la législation de cette dernière. Ils exécutent leur mission sans arme, en civil et munis des documents de réadmission ou de transit. Leurs prérogatives se limitent à la légitime défense. Ils peuvent répondre à un danger immédiat et grave par une intervention raisonnable et proportionnée, afin d'empêcher la personne concernée de fuir, d'infliger des blessures à elle-même ou à un tiers, ou de causer des dommages matériels.

Le transit par voie aérienne sous escorte est assuré par la partie requérante à condition que cette escorte ne quitte pas la zone internationale de l'aéroport.

V. AUTRES DISPOSITIONS

L'article 12, relatif au rapport avec les autres traités, prévoit que le protocole ne porte pas atteinte aux droits, obligations et responsabilités qui découlent pour les parties d'autres traités internationaux.

L'article 13 prévoit que les difficultés éventuelles d'interprétation et d'application du protocole sont réglées par consultation entre les autorités compétentes des parties, ou, à défaut, par la voie diplomatique.

Aux termes de l'article 14, le protocole entre en vigueur au lendemain de la date à laquelle le comité mixte de réadmission visé à l'article 19 de l'accord communautaire reçoit notification de l'accomplissement par les deux parties des procédures internes requises pour son entrée en vigueur.

Les autorités arméniennes ont notifié, le 12 octobre 2017, leur approbation du présent protocole d'application.

CONCLUSION

Après un examen attentif des stipulations de cet accord, la commission a adopté ce projet de loi autorisant l'approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Arménie portant application de l'accord signé à Bruxelles le 19 avril 2013 entre l'Union européenne et la République d'Arménie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier.

Ce protocole conclu entre la France et l'Arménie permettra la mise en oeuvre effective de l'accord de réadmission UE-Arménie, alors même que la France est depuis plusieurs années la destination privilégiée de l'immigration irrégulière en provenance d'Arménie et que l'Arménie poursuit ses efforts pour améliorer la réadmission de ses ressortissants.

Il s'inscrit également dans le contexte d'un approfondissement des relations entre l'UE et l'Arménie dans le cadre du partenariat oriental, notamment dans la perspective d'une libéralisation du régime des visas.

L'Arménie a notifié, en  octobre 2017, son approbation du présent protocole d'application.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 12 juin 2019, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Joël Guerriau sur le projet de loi n° 523 (2018-2019) autorisant l'approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Arménie portant application de l'accord signé à Bruxelles le 19 avril 2013 entre l'Union européenne et la République d'Arménie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier.

Après l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé.

M. Ladislas Poniatowski . - Pouvez-vous nous confirmer que les 20 000 personnes de la diaspora arménienne en France, chiffre cité, viennent bien exclusivement de l'Arménie et que n'est pas comptabilisé, dans ce chiffre, le reste de la diaspora en provenance par exemple de Turquie ou d'autres pays ?

M. Joël Guerriau , rapporteur - C'est bien cela.

Mme Christine Prunaud . - Je m'interroge sur les mesures d'éloignement car l'Arménie n'est pas un pays considéré comme sûr. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères découpe le pays en zones rouge et orange pour les ressortissants français qui voudraient s'y rendre. Cette question nous gêne et c'est pourquoi le groupe CRCE s'abstiendra.

M. Joël Guerriau, rapporteur . - Il ne s'agit pas d'un texte sur l'asile et le critère du pays d'origine sûr ne s'applique pas.

M. René Danesi . - Je pense surtout que le ministère de l'Europe et des affaires étrangères ne met pas ces zones en vert, en raison du conflit du Haut-Karabagh.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté le rapport et le projet de loi précité, le groupe CRCE s'abstenant.


* 1 Réponses du Gouvernement aux questions de la commission.

* 2 Réponses du Gouvernement aux questions de la commission.

* 3 Réponses du Gouvernement aux questions de la commission.

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