Rapport n° 328 (2019-2020) de M. Richard YUNG , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 19 février 2020

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N° 328

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 février 2020

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l' approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative à la reconnaissance réciproque des poinçons officiels apposés sur les ouvrages en métaux précieux et les ouvrages multimétaux (procédure accélérée),

Par M. Richard YUNG,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Bernard Cazeau, Olivier Cigolotti, Robert del Picchia, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Cédric Perrin, Gilbert Roger, Jean-Marc Todeschini , vice-présidents ; Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, M. Olivier Cadic , secrétaires ; MM. Jean-Marie Bockel, Gilbert Bouchet, Michel Boutant, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Mme Hélène Conway-Mouret, MM. Édouard Courtial, René Danesi, Gilbert-Luc Devinaz, Jean-Paul Émorine, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, MM. Jean-Louis Lagourgue, Robert Laufoaulu, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Rachel Mazuir, François Patriat, Gérard Poadja, Ladislas Poniatowski, Mmes Christine Prunaud, Isabelle Raimond-Pavero, MM. Stéphane Ravier, Hugues Saury, Bruno Sido, Rachid Temal, Raymond Vall, André Vallini, Yannick Vaugrenard, Jean-Pierre Vial, Richard Yung .

Voir les numéros :

Sénat :

199 et 329 (2019-2020)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi du projet de loi n° 199 (2019-2020) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative à la reconnaissance réciproque des poinçons officiels apposés sur les ouvrages en métaux précieux et les ouvrages multimétaux.

Cette convention se substituera à celle conclue entre la France et la Suisse le 2 juin 1987, qui ne concerne que les ouvrages en métaux précieux. Modifiée à la demande de la partie suisse, la convention couvrira ainsi les ouvrages « multimétaux », constitués d'un métal précieux et d'un métal commun, et jusqu'à présent exclus de son champ d'application.

Les fédérations professionnelles des secteurs de l'horlogerie et de la bijouterie-joaillerie ont accueilli favorablement cette révision. Elle facilitera leurs exportations vers la Suisse qui constitue leur principal marché étranger.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a adopté ce projet de loi , dont le Sénat est saisi en premier.

I. LA GARANTIE DES MÉTAUX PRÉCIEUX EN FRANCE

A. UNE ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE ENCADRÉE PAR UNE RÉGLEMENTATION STRICTE

Compte tenu de leur valeur marchande, les ouvrages en métaux précieux font l'objet d'une règlementation spécifique, dite de la « garantie des métaux précieux », qui s'impose à toute personne détenant des métaux précieux, ouvrés ou non ouvrés, dans le cadre de son activité professionnelle.

Les professionnels du secteur sont en effet soumis à plusieurs obligations :

- s'enregistrer auprès de l'administration avant le démarrage de l'activité, en déposant une déclaration de profession auprès d'un bureau de garantie ;

- tenir un registre des achats, ventes, réceptions et livraisons (« livre de police ») ;

- marquer les ouvrages détenus d'un poinçon de maître (pour les fabricants) ou de responsabilité (pour les importateurs) ;

- faire apposer - ou apposer soi-même, à condition d'y être habilité - le poinçon de garantie sur les ouvrages.

Le cadre juridique applicable en France à la fabrication, au commerce et au contrôle des ouvrages en métaux précieux, est défini aux articles 521 à 553 du code général des impôts (CGI), 204 à 220 de l'annexe I du CGI, 275 bis B à 275 ter P de l'annexe II du CGI, 183 à 214 de l'annexe III du CGI et 56 J bis à 56 J vicies de l'annexe IV du CGI.

Cette réglementation s'applique à tous les ouvrages contenant des métaux précieux, y compris aux ouvrages multimétaux tels que définis à l'article 4 du décret n° 84-624 du 16 juillet 1984 portant suppression et création de poinçons utilisés en matière de garantie des métaux précieux. Son dernier alinéa précise à cet égard que : « Les ouvrages dans lesquels le poids du métal précieux ne représente pas plus de 2 % ne reçoivent aucun poinçon de garantie et l'appellation du métal précieux utilisé est interdite pour leur commercialisation. »

B. LE MARQUAGE ET LE CONTRÔLE DES OUVRAGES

La législation française 1 ( * ) impose la présence de deux poinçons sur les ouvrages en métaux précieux : celui du fabricant et celui du titre de l'ouvrage indiquant sa teneur en métal précieux.

1. Le poinçon de maître ou de responsabilité

Les poinçons de maître, comme les poinçons de responsabilité, doivent être insculpés sur une plaque de cuivre auprès du bureau de garantie dont dépendent les professionnels. Ces poinçons renferment une lettre initiale du nom de son propriétaire, ainsi que le symbole qu'il a choisi et qui lui est propre.

Le poinçon de maître revêt la forme :

- d'un losange pour tous les ouvrages en métaux précieux aux titres légaux 2 ( * ) ;

- d'un carré pour les ouvrages « plaqués » fabriqués en France ou en provenance d'un État membre de l'Union européenne ;

- ou d'un pentagone, dit « obus », pour les ouvrages fabriqués à tous titres non légaux destinés à être exportés.

Le poinçon de responsabilité revêt quant à lui la forme :

- d'un ovale pour les ouvrages en métaux précieux importés ;

- ou d'une borne pour les ouvrages plaqués fabriqués dans les pays tiers et importés en France.

2. Le poinçon de garantie

Les métaux précieux sont extrêmement malléables et doivent être associés à des métaux communs, dans des proportions variables en fonction de la couleur recherchée de l'alliage 3 ( * ) . L'apposition d'un poinçon de garantie sur les ouvrages en métaux précieux permet donc de garantir la teneur en or, en argent ou en platine des pièces de bijouterie, de joaillerie, d'orfèvrerie et d'horlogerie, commercialisées sur le territoire national. Ce poinçon est destiné à protéger les consommateurs contre les risques de tromperie et à lutter contre le recel dont les ouvrages en métaux précieux peuvent faire l'objet. Il prend la forme d'un poinçon figuratif, utilisé en France depuis le XIII e siècle 4 ( * ) ( cf. annexe 1).

La marque des ouvrages en métaux précieux est assurée :

- gratuitement, par les bureaux de garantie 5 ( * ) . Ces bureaux sont des services douaniers composés d'agents spécialement formés au poinçonnage ;

- moyennant paiement, par les organismes de contrôle agréés (OCA). Il s'agit de sociétés d'affinage de métaux précieux disposant de laboratoires internes, agréées par la douane pour pouvoir analyser la composition des ouvrages en métaux précieux et, le cas échéant, y apposer un poinçon de garantie. Quatre sociétés sont aujourd'hui agréées en tant qu'OCA en France ;

- par le professionnel lui-même s'il est agréé en tant que délégataire de poinçon, statut prévu par le code général des impôts. À la suite d'un audit conduit par un service douanier, le professionnel se voit délivrer un agrément sur la base d'un cahier des charges, et confier un poinçon de garantie lui permettant de marquer lui-même les ouvrages en métaux précieux qu'il détient. Des audits de suivi sont régulièrement programmés par les services douaniers afin de s'assurer de son respect du cahier des charges.

Leur mission principale est donc d'assurer la conformité du titre des ouvrages en métaux précieux et de les marquer du poinçon de garantie s'ils sont aux titres légaux. Le poinçon peut être apposé de manière mécanique ou gravé au laser.

En application de l'article 524 bis du code général des impôts, certains ouvrages sont néanmoins dispensés de poinçon de garantie, ou peuvent l'être sous certaines conditions :

- les ouvrages antérieurs à 1838 6 ( * ) et ceux postérieurs à cette date déjà revêtus d'anciens poinçons de garantie français ;

- les ouvrages en or ou en platine d'un poids inférieur à 3 grammes et les ouvrages en argent d'un poids inférieur à 30 grammes. Ces ouvrages doivent néanmoins être aux titres légaux et marqués du poinçon de maître ou de responsabilité ;

- certains ouvrages que l'apposition d'un poinçon de garantie pourrait détériorer, sous réserve de produire un justificatif attestant de leur fragilité 7 ( * ) ;

- les ouvrages introduits en France en provenance d'un État membre de l'Union européenne, ou importés d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de Turquie, déjà marqués d'un poinçon de fabricant d'une part, et d'un poinçon de garantie d'autre part.

3. Le contrôle des ouvrages

Le contrôle de l'apposition du poinçon de garantie est assuré par l'administration douanière et, dans une moindre mesure, par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui est compétente au regard de sa mission de protection des consommateurs.

Les services de contrôle peuvent décider de réaliser des essais par épreuves 8 ( * ) . Des échantillons sont alors adressés au service commun des laboratoires d'Île-de-France 9 ( * ) , spécialement habilité et équipé pour analyser les métaux précieux.

II. UN CADRE CONVENTIONNEL À ACTUALISER

A. LE CADRE EN VIGUEUR SE LIMITE AUX OUVRAGES EN MÉTAUX PRÉCIEUX

La France et la Suisse sont liées par une convention, signée le 2 juin 1987, relative à la reconnaissance réciproque des poinçons officiels apposés sur les ouvrages en métaux précieux. Cette convention poursuit deux objectifs :

- d'une part, faciliter les échanges de ce type d'ouvrages en dispensant le détenteur du poinçon du fabricant de s'enregistrer dans les deux pays à la fois ;

- et d'autre part, protéger le consommateur en lui garantissant la teneur en métal précieux (or, argent ou platine) de l'ouvrage.

La convention de 1987 est sui generis , la France n'ayant, à ce jour, conclu aucun accord similaire. Au sein de l'Union européenne, la reconnaissance mutuelle des poinçons officiels trouve à s'appliquer en vertu du principe de libre circulation des marchandises qui est l'une des « quatre libertés » constitutives du marché unique ; par conséquent, la signature de conventions bilatérales entre États membres serait superfétatoire. Une telle reconnaissance est également accordée aux États parties à l'accord sur l'Espace économique européen (Islande, Liechtenstein et Norvège) ainsi qu'à la Turquie. Il faut néanmoins relever que tous les ouvrages en provenance d'Allemagne, d'Autriche, de Belgique, de Grèce, du Luxembourg et de Turquie doivent être revêtus du poinçon de garantie français pour pouvoir circuler sur le territoire national.

B. L'EXTENSION DU CHAMP CONVENTIONNEL RÉPOND AUX INTÉRÊTS FRANÇAIS

Les poinçons apposés sur les ouvrages multimétaux, constitués à la fois d'un métal précieux et d'un métal ordinaire (acier, fer, etc. ), ne font pas l'objet d'une reconnaissance mutuelle entre la France et la Suisse. Aussi un repoinçonnage systématique de ces ouvrages doit-il intervenir à l'arrivée dans l'un de ces pays, générant des coûts pour les opérateurs de même qu'un ralentissement du flux des échanges.

Pour pallier ces difficultés, la convention de 1987 a fait l'objet d'une modification visant à couvrir également les ouvrages multimétaux 10 ( * ) .

Auditionnées dans le cadre de l'examen du présent projet de loi, la fédération de l'horlogerie ainsi que l'union française de la bijouterie, joaillerie, orfèvrerie, des pierres & des perles (UFBJOP) accueillent favorablement cette révision. Avec 13,5 % des exportations françaises vers la Suisse en 2018, leur secteur économique représente une part significative de nos échanges commerciaux avec ce pays. La balance commerciale du secteur était d'ailleurs excédentaire au cours des trois dernières années ; en 2018, elle était même supérieure à la balance commerciale tous secteurs confondus.

ÉCHANGES COMMERCIAUX AVEC LA SUISSE (EN MDS €)

Exportations

Importations

Solde commercial

Montant total

Part du secteur HBJO

Montant total

Part du secteur HBJO

Tous secteurs confondus

Secteur HBJO

2016

25,700

13,1 %

22,169

8,1 %

+ 3,532

+ 1,573

2017

27,043

11,9 %

22,055

8,5 %

+ 4,988

+ 1,322

2018

25,852

13,5 %

24,524

8,0 %

+ 1,328

+ 1,519

Source : douanes françaises

La Suisse est notre 9 e partenaire commercial (et même le 3 e hors Union européenne). La France est quant à elle son 3 e partenaire commercial.

Le marché suisse constitue le principal marché pour l'horlogerie et la bijouterie-joaillerie françaises avec près de la moitié des exportations du secteur 11 ( * ) .

EXPORTATIONS ET IMPORTATIONS FRANÇAISES
D'HORLOGERIE-BIJOUTERIE-JOAILLERIE-ORFÈVRERIE (HBJO) (EN MDS €)

Exportations

Importations

Montant total

Vers la Suisse

Part de la Suisse

Montant total

En provenance de Suisse

Part de la Suisse

2016

7,671

3,366

43,9 %

6,769

1,793

26,5 %

2017

7,403

3,205

43,3 %

6,424

1,883

29,3 %

2018

7,776

3,485

44,8 %

6,638

1,966

29,6 %

Source : douanes françaises

III. LES STIPULATIONS DE LA CONVENTION

Les règles d'importation des ouvrages, quelle que soit leur composition, sont définies à l' article 2 . Aux termes de cet article, les poinçons apposés sur les ouvrages multimétaux bénéficieront d'une reconnaissance mutuelle, au même titre que les ouvrages en métaux précieux. Les opérateurs français n'auront donc plus à faire poinçonner leurs produits à l'entrée sur le territoire helvète, sous réserve qu'ils l'aient déjà été en France (poinçons de maître et de garantie). Cette disposition leur permettra de réaliser des économies - le poinçonnage étant taxé en Suisse -, mais aussi de fluidifier les exportations vers ce pays. L'extension du champ d'application de la convention bénéficiera principalement au secteur horloger qui produit davantage d'ouvrages multimétaux que le secteur de la bijouterie-joaillerie, en particulier des montres dites « bicolores », composées d'or et d'acier.

Aux termes de l' article 3 , le détenteur d'un poinçon de fabricant est dispensé d'enregistrement de sa marque sur le territoire de l'autre partie lorsque cet enregistrement a déjà été effectué, soit auprès d'un bureau de garantie en France, soit auprès du bureau central du contrôle des métaux précieux en Suisse. Aucun système spécifique d'échange d'informations n'est en revanche prévu entre les parties ; la dispense sera accordée sur présentation aux autorités douanières de la preuve de l'enregistrement auprès d'un bureau de garantie français 12 ( * ) ou du bureau central suisse.

Ainsi qu'en dispose l' article 4 , la reconnaissance mutuelle des poinçons n'interdit pas aux parties d'effectuer des essais par épreuves sur les ouvrages visés par la convention et revêtus d'un poinçon, dans les conditions fixées à l' article 5 . Si ces ouvrages ne sont pas conformes à la législation du pays, l' article 6 permet leur renvoi motivé à l'exportateur ; l'administration douanière de l'autre partie en est alors informée.

Aux articles 7 et 8 , les parties s'engagent à :

- s'échanger leurs législations nationales en vigueur pour la fabrication, le commerce et le contrôle des ouvrages en métaux précieux et des ouvrages multimétaux, ainsi que l'illustration des poinçons officiels ;

- informer l'autre partie de toute modification de sa législation ;

- interdire, sous peine de sanctions, toute contrefaçon, tout usage abusif ou toute oblitération des poinçons officiels ;

- engager des poursuites en cas de contrefaçon ou usage abusif des poinçons officiels signalé par l'autre partie.

Enfin, de manière classique, les articles 9 à 11 traitent de règlement des différends, d'entrée en vigueur et de dénonciation de la convention.

IV. LES PISTES POUR FACILITER LES ÉCHANGES COMMERCIAUX DU SECTEUR

A. RATIFIER LA CONVENTION DE VIENNE N'AURAIT QU'UNE PORTÉE LIMITÉE

La convention sur le contrôle et le poinçonnement des ouvrages en métaux précieux, signée à Vienne le 15 novembre 1972, poursuit les mêmes objectifs que la convention franco-suisse. Bien que la France n'ait pas ratifié la convention de Vienne, elle participe aux réunions entre les parties depuis 1988, en qualité d'observateur.

À ce jour, vingt États l'ont ratifié. Il s'agit, pour l'essentiel, de membres de l'Union européenne 13 ( * ) ; seuls quatre pays extracommunautaires en sont parties :

- Israël ;

- la Norvège, qui est partie à l'accord sur l'Espace économique européen ;

- la Suisse, avec laquelle la France a conclu une convention bilatérale ;

- et, depuis le 1 er février 2020, le Royaume-Uni. Pendant la période de transition, instaurée jusqu'au 31 décembre 2020, le pays conserve néanmoins ses droits d'accès au marché unique européen et continue d'appliquer l'ensemble du droit de l'Union. À l'issue de cette période, les conditions de circulation des marchandises entre la France et le Royaume-Uni seront définies par l'accord commercial que le pays devrait conclure avec l'Union européenne.

Par conséquent, la ratification de la convention de Vienne n'aurait qu'une portée très limitée puisqu'à ce jour, seuls les échanges d'ouvrages avec Israël, relativement faibles au demeurant, ne bénéficient pas d'un régime de reconnaissance réciproque des poinçons officiels avec notre pays.

En outre, cette convention impose l'apposition du poinçon de la convention de Vienne, représenté par une balance et l'indication du titre en chiffres 14 ( * ) . À défaut d'une révision profonde de notre législation en la matière, les professionnels français devraient alors juxtaposer ce nouveau poinçon à ceux du fabricant et du titre. Or, le secteur semble réticent à marquer leurs ouvrages de trois poinçons pour des questions de place 15 ( * ) et de coût, mais aussi parce que le bénéfice qui en résulterait est incertain 16 ( * ) .

Enfin, certaines parties à la convention, comme le Royaume-Uni par exemple, ne reconnaissent pas notre système délégataire, ce qui implique de repoinçonner les ouvrages français une fois arrivés sur leur territoire national.

B. SIMPLIFIER ET MODERNISER LE SYSTÈME EXISTANT

Lorsque la nouvelle convention franco-suisse aura été ratifiée, les articles 524 bis , 548 et 549 du code général des impôts devront, par coordination, être modifiés afin d'inclure la Suisse dans la liste des pays bénéficiant d'une reconnaissance mutuelle de leurs poinçons officiels avec la France. À cette occasion, des mesures de simplification du cadre juridique pourraient utilement être proposées.

1. Renforcer le système délégataire pour l'apposition du poinçon de garantie

La loi de finances pour 2019 17 ( * ) a supprimé dix-sept taxes à faible rendement, dont la contribution aux poinçonnages et essais des métaux précieux. L'estimation de son coût était en effet supérieure à son rendement.

Ainsi que l'a souligné le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, « la suppression de cette taxe doit se comprendre comme la première étape d'une évolution importante des règles sectorielles applicables aux fabricants de métaux précieux. [...] La disparition de la taxe prélevée par la DGDDI lorsqu'elle est en charge de cette mission semble annoncer la prochaine dévolution complète de cette mission aux acteurs privés, qui en assument déjà une partie. » 18 ( * )

Dans le cadre de l'examen du projet de loi pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), l'Assemblée nationale avait adopté un amendement visant notamment à :

- modifier les obligations déclaratives des fabricants et des marchands ou personnes assimilées ;

- remplacer le livre de police par une comptabilité matière ;

- rendre facultatif l'apposition du poinçon de fabricant ( cf. infra ) ;

- renvoyer à un décret le soin de fixer les autorités et organismes compétents pour assurer la gestion des poinçons de garantie ; dès alors, l'administration des douanes pourrait être dessaisie de cette mission, comme le préconisait l'inspection générale des finances dans son rapport de 2014 sur les taxes à faible rendement 19 ( * ) . Cette évolution lui permettrait d'allouer davantage de ressources à ses missions de contrôle.

Ces dispositions, introduites à l'article 104 de ladite loi, ont toutefois été censurées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2019-781 DC du 16 mai 2019, au motif qu'il s'agissait d'un cavalier législatif ; le Sénat avait d'ailleurs supprimé cet article en première lecture pour les mêmes raisons.

Le poinçon de garantie est un gage de protection du consommateur qu'il n'est nullement question de remettre en cause. Les professionnels du secteur le jugent d'ailleurs indispensable, mais souhaiteraient que certains produits, comme les montres « bicolores », puissent en être explicitement exemptés afin de ne pas dénaturer la partie en métal précieux qui est la plus visible du consommateur - ou, à défaut, de pouvoir apposer le poinçon sur une partie plus discrète.

Enfin, la concentration géographique des OCA, situés aujourd'hui à Paris, Lyon, Marseille et Besançon, constitue un point d'attention : elle contraindrait les professionnels n'ayant pas le statut de délégataire à transporter, de manière sécurisée, leurs marchandises sur des distances plus importantes afin de les faire poinçonner. Une meilleure répartition des OCA sur le territoire est donc indispensable, en particulier dans les départements ultramarins 20 ( * ) , de même qu'une incitation des fabricants à devenir délégataires.

Il convient néanmoins de relever qu'un tel renforcement du système délégataire serait contraire aux dispositions de la convention de Vienne et empêcherait donc sa ratification. En effet, son article 5 précise que : « dans l'accomplissement des tâches requises par la Convention, le personnel administratif et technique du bureau de contrôle agréé ne doit dépendre d'aucun cercle ou groupe de personnes directement ou indirectement concernées par le sujet » .

2. Assouplir les modalités d'apposition des poinçons de fabricant

Le poinçon de fabricant (poinçon de maître ou de responsabilité) assure la traçabilité de l'origine de l'ouvrage et engage le professionnel à respecter les règles de garantie. Il permet aux services douaniers d'identifier le professionnel responsable de sa commercialisation.

La pertinence des poinçons de maître et de responsabilité peut légitimement interroger. En effet, ces poinçons sont difficilement lisibles et reconnaissables par le consommateur. Dans le secteur de la bijouterie-joaillerie, les grandes maisons mettent en avant leur marque en l'apposant en toutes lettres sur leurs ouvrages - par ailleurs reconnaissables à leurs modèles -, rendant le poinçon de maître superflu. Il en va de même pour le secteur horloger où la marque figure déjà sur le cadran.

Les dispositions de la loi PACTE censurées par le Conseil constitutionnel ( cf. supra ) répondaient à ce besoin de simplification. Ces questions mériteraient d'être réexaminées par le législateur.

CONCLUSION

Après un examen attentif de ses stipulations, la commission a adopté ce projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative à la reconnaissance réciproque des poinçons officiels apposés sur les ouvrages en métaux précieux et les ouvrages multimétaux.

Cette nouvelle convention répond pleinement aux intérêts français car elle permettra, d'une part, aux secteurs de l'horlogerie et de la bijouterie - joaillerie françaises d'exporter plus facilement ses ouvrages multimétaux vers son principal marché étranger, et d'autre part, aux fabricants des deux parties de baisser leurs coûts en évitant un repoinçonnage, ce qui devrait permettre d'augmenter les demandes.

L'activité horlogère est historiquement très importante dans le Jura suisse et français. Dans le département du Doubs, cette industrie représente quelque 2 000 emplois directs, principalement dans les ateliers de fabrication et de montage auxquels sous-traitent des maisons horlogères françaises et suisses. Une augmentation des demandes en ce domaine et une facilitation des échanges entre la France et la Suisse - notamment de composantes horlogères - pourraient avoir des retombées positives sur l'activité économique de la région.

La partie suisse a notifié à la partie française, par note verbale en date du 26 novembre 2018, l'accomplissement des formalités requises par son droit interne pour l'entrée en vigueur de ladite convention.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 19 février 2020, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Richard Yung sur le projet de loi n° 199 (2019-2020) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative à la reconnaissance réciproque des poinçons officiels apposés sur les ouvrages en métaux précieux et les ouvrages multimétaux.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté, à l'unanimité, le rapport et le projet de loi précité.

ANNEXE 1 : LES POINÇONS OFFICIELS FRANÇAIS

ANNEXE 2 : LE POINÇON OFFICIEL SUISSE

La « tête de saint-bernard » est devenue le poinçon officiel suisse à compter du 1 er août 1995, pour tous les métaux précieux et tous les titres légaux. Elle a alors remplacé un système figuratif, proche de celui en vigueur en France pour les ouvrages neufs.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Ministère de l'action et des comptes publics

• M. Christophe Bertani , chef du bureau des contributions indirectes à la direction générale des douanes et droits indirects

• Mme Sandra Lemeunier , adjointe au chef du bureau des contributions indirectes à la direction générale des douanes et droits indirects

Ministère de l'Europe et des affaires étrangères

• M. Laurent Alberti , sous-directeur de l'Allemagne et de l'Europe alpine et adriatique

• M. Werner Laventure , rédacteur à la sous-direction de l'Allemagne et de l'Europe alpine et adriatique

• Mme Lou Brenez , rédactrice à la mission des accords et traités

Union française de la bijouterie, joaillerie, orfèvrerie, des pierres & des perles (UFBJOP)

Mme Laurence Chevillon , déléguée générale

Fédération de l'horlogerie

• M. Jean-Jacques Weber , président

• M. Laurent Baup , délégué général


* 1 Articles 523 et 524 du code général des impôts.

* 2 Article 522 du code général des impôts : « Les titres légaux des ouvrages d'or ainsi que les titres légaux des ouvrages en argent ou en platine sont les suivants :

a) 999 millièmes, 916 millièmes, 750 millièmes, 585 millièmes et 375 millièmes pour les ouvrages en or ;

b) 999 millièmes, 925 millièmes et 800 millièmes pour les ouvrages en argent ;

c) 999 millièmes, 950 millièmes, 900 millièmes et 850 millièmes pour les ouvrages en platine.

L'iridium associé au platine est compté comme platine.

Aucune tolérance négative de titre n'est admise.

Le titre des ouvrages est garanti par l'État, par les organismes de contrôle agréés par l'État ou par les professionnels habilités par une convention conclue avec l'administration des douanes et droits indirects. »

* 3 À titre d'exemple, l'or jaune 18 carats est composé de 75 % d'or pur, de 12,5 % de cuivre et de 12,5 % d'argent, tandis que l'or rose 18 carats est composé de 75 % d'or pur, de 20 % de cuivre et de 5 % d'argent.

* 4 Le premier poinçon dit « de garantie » apparaît en France en 1275 sur les ouvrages en argent, puis en 1313 sur les ouvrages en or. En 1355, une ordonnance royale de Jean II Le Bon impose à tout orfèvre d'apposer sur les ouvrages de sa fabrication un poinçon spécial représentant une fleur de lys couronnée, muni d'un symbole personnel.

* 5 Six bureaux de garantie sont situés en France métropolitaine (Paris, Lyon, Nice/Monaco, Strasbourg, Toulouse et Saumur) et quatre en outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Guyane et La Réunion).

* 6 Des ouvrages anciens présentant un intérêt artistique ou historique pouvant prétendre à l'application du poinçon « ET ».

* 7 Un état des ouvrages concernés, ainsi que leurs modèles sur catalogue ou autre, sont mis à la disposition du bureau de douane de rattachement. Les règles concernant les dispenses de poinçon de fabricant et de responsabilité restent de la compétence de l'administration.

* 8 Il existe plusieurs techniques d'essai : essai au touchau (test à l'acide et à la pierre de touche), essai par coupellation (isolation par oxydation des différents métaux, qui nécessite le prélèvement d'un échantillon), essai par spectrométrie, etc.

* 9 Ce service est commun à la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) et à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

* 10 Ces ouvrages doivent comporter le nom du métal commun utilisé, sur la partie réalisée en ce métal.

* 11 En l'absence de code tarifaire douanier spécifique, la part des ouvrages multimétaux ne peut toutefois pas être quantifiée.

* 12 Copie de la déclaration d'existence.

* 13 Seize États membres sont parties à la convention de Vienne : l'Autriche, Chypre, la Croatie, le Danemark, la Finlande, la Hongrie, l'Irlande, la Lettonie, la Lituanie, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République tchèque, la Slovaquie, la Slovénie et la Suède.

* 14 L'indication du titre correspond à l'inscription, en chiffres, du titre sur l'ouvrage (par exemple, « 750 » pour de l'or 750 millièmes). Cette indication figure notamment sur les ouvrages en provenance de Suisse, mais pas sur les ouvrages français, notre pays ayant choisi un système figuratif du titre. En France, le consommateur peut connaître le titre de l'ouvrage en regardant le poinçon de garantie apposé et en consultant le tableau des poinçons qui doit obligatoirement être affiché dans chaque point de vente d'ouvrages en métaux précieux ; le poinçon figuratif est corrélé au titre de l'ouvrage.

* 15 La balance étant particulièrement grosse, ce qui pose des difficultés pour les petits ouvrages.

* 16 Réponse de la direction générale des douanes et droits indirects au questionnaire écrit du rapporteur.

* 17 Cf. article 26 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 18 Projet de loi de finances pour 2019 : les conditions générales de l'équilibre financier (article liminaire et première partie de la loi de finances), rapport général n° 147 (2018-2019) de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 novembre 2018, p.214.

* 19 « Dans l'hypothèse où la DGDDI craindrait une augmentation de la demande de poinçonnage du fait d'un effet report depuis la garantie aujourd'hui effectuée par des prestataires privés, elle pourrait soit poursuivre le mouvement de concentration des bureaux de la garantie déjà engagé, soit abandonner cette mission. »

* 20 La convention a vocation à s'appliquer aux collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution, à savoir, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion et Mayotte. Lors du dépôt des instruments, le gouvernement devrait formuler une déclaration interprétative afin de lever toute ambiguïté sur l'expression « départements d'outre-mer » utilisée à l'article 1 er .

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