Rapport n° 85 (2020-2021) de M. Olivier CADIC , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 28 octobre 2020

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N° 85

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 octobre 2020

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'État du Qatar et de l'accord portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine,

Par M. Olivier CADIC,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Olivier Cigolotti, Robert del Picchia, André Gattolin, Guillaume Gontard, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Cédric Perrin, Gilbert Roger, Jean-Marc Todeschini , vice-présidents ; Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Philippe Paul, Hugues Saury , secrétaires ; MM. François Bonneau, Gilbert Bouchet, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, Yves Détraigne, Philippe Folliot, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-Pierre Grand, Mme Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Ludovic Haye, Alain Houpert, Mme Gisèle Jourda, MM. Alain Joyandet, Jean-Louis Lagourgue, Sébastien Lecornu, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Panunzi, Gérard Poadja, Mme Isabelle Raimond-Pavero, MM. Stéphane Ravier, Bruno Sido, Rachid Temal, Mickaël Vallet, André Vallini, Yannick Vaugrenard, Richard Yung .

Voir les numéros :

Sénat :

717 (2019-2020) et 86 (2020-2021)

L'ESSENTIEL

Le dispositif français d'échange des permis de conduire repose, pour l'essentiel, sur de simples arrangements administratifs, voire sur le seul principe de réciprocité - c'est-à-dire sans que les modalités ne soient formalisées par écrit. Cette pratique concerne aujourd'hui une centaine d'États ou territoires n'appartenant pas à l'Espace économique européen.

La fragilité juridique de ce dispositif a été soulignée par le Conseil d'État qui, dans sa décision n° 382484 du 21 novembre 2016, a rappelé la nécessité de fonder la reconnaissance et les échanges de permis de conduire sur des accords intergouvernementaux. Or, à ce jour, un seul accord de ce type a été conclu, avec la principauté de Monaco. Les ministères de l'intérieur et de l'Europe et des affaires étrangères ont donc engagé une révision du dispositif en ce domaine, qui poursuit principalement deux objectifs :

- sécuriser juridiquement la reconnaissance et les échanges par la conclusion d'accords bilatéraux ;

- renforcer la sécurité routière en France en concluant de tels accords uniquement avec les États répondant à des critères élevés en matière de sécurité routière, de formation des conducteurs et des formateurs, de conditions de délivrance des permis de conduire et de lutte contre la fraude documentaire.

Sur la base de ces critères, il a été mis fin à la reconnaissance et l'échange avec une dizaine d'États. Par ailleurs, deux accords ont été signés, en 2018, avec le Qatar et la Chine, dont l'approbation fait l'objet du présent projet de loi .

La réglementation française prévoit la reconnaissance unilatérale de tout permis de conduire étranger (hors Espace économique européen), à la condition qu'il soit régulièrement délivré, pour une durée d'un an à compter de l'établissement par son titulaire de sa résidence normale en France, soit dix-huit mois au maximum. Les présents accords permettront d'étendre la durée de reconnaissance des permis français dans ces États, en particulier en Chine où les permis de conduire français et international ne sont pas reconnus.

Compte tenu, d'une part, du besoin de réviser le dispositif afin de le renforcer sur le plan juridique, et d'autre part, de l'intérêt que présentent ces accords pour la mobilité de nos compatriotes établis au Qatar et en Chine, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a adopté ce projet de loi , dont le Sénat est saisi en premier.

I. LA NÉCESSAIRE RÉVISION DU DISPOSITIF FRANÇAIS DE RECONNAISSANCE ET D'ÉCHANGE DE PERMIS DE CONDUIRE

A. UN DISPOSITIF JURIDIQUEMENT FRAGILE

1. Le cadre en vigueur

La reconnaissance est le mécanisme par lequel un État autorise le détenteur d'un permis de conduire étranger à conduire des véhicules sur son territoire. La durée de reconnaissance est généralement assez courte et fixée par chaque État dans sa réglementation. Elle est souvent assortie d'une obligation d'accompagnement du titre étranger par un permis de conduire international ou d'une traduction dans sa langue.

L'échange des permis de conduire intervient quant à lui lors d'une installation durable dans un autre État. Il permet d'obtenir un permis de l'État d'installation sans avoir à repasser l'examen du permis local, sur présentation d'une attestation de droits à conduire obtenue auprès des autorités compétentes de l'État d'origine. En l'absence d'accord d'échange des permis ou de pratique réciproque, il est nécessaire d'obtenir le permis local par examen avant l'expiration de la période de reconnaissance du permis étranger pour pouvoir continuer à conduire.

Le dispositif français d'échange des permis de conduire est défini aux articles R. 222-1 et suivants du code de la route.

Article R. 222-1

Tout permis de conduire national régulièrement délivré par un État membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, est reconnu en France sous réserve d'être en cours de validité.

Dans le cas où ce permis a été délivré en échange d'un permis de conduire d'un État n'appartenant pas à l'Union européenne ou à l'Espace économique européen et avec lequel la France n'a pas conclu d'accord de réciprocité en ce domaine, il n'est reconnu que pendant un délai d'un an après l'acquisition de la résidence normale en France de son titulaire.

Tout titulaire d'un des permis de conduire considérés aux deux alinéas précédents, qui établit sa résidence normale en France, peut le faire enregistrer par le préfet du département de sa résidence selon les modalités définies par arrêté du ministre chargé des transports, après avis du ministre de l'intérieur et du ministre chargé des affaires étrangères.

Article R. 222-2

Toute personne ayant sa résidence normale en France, titulaire d'un permis de conduire national délivré par un État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, en cours de validité dans cet État, peut, sans qu'elle soit tenue de subir les examens prévus au premier alinéa de l'article D. 221-3, l'échanger contre le permis de conduire français selon les modalités définies par arrêté du ministre chargé des transports, pris après avis du ministre de la justice, du ministre de l'intérieur et du ministre chargé des affaires étrangères.

L'échange d'un tel permis de conduire contre le permis français est obligatoire lorsque son titulaire a commis, sur le territoire français, une infraction au présent code ayant entraîné une mesure de restriction, de suspension, de retrait du droit de conduire ou de retrait de points. Cet échange doit être effectué selon les modalités définies par l'arrêté prévu à l'alinéa précédent, aux fins d'appliquer les mesures précitées.

Le fait de ne pas effectuer l'échange de son permis de conduire dans le cas prévu à l'alinéa précédent est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe.

Article R. 222-3

Tout permis de conduire national, en cours de validité, délivré par un État ni membre de la Communauté européenne, ni partie à l'accord sur l'Espace économique européen, peut être reconnu en France jusqu'à l'expiration d'un délai d'un an après l'acquisition de la résidence normale de son titulaire. Pendant ce délai, il peut être échangé contre le permis français, sans que son titulaire soit tenu de subir les examens prévus au premier alinéa de l'article D. 221-3 Les conditions de cette reconnaissance et de cet échange sont définies par arrêté du ministre chargé des transports, après avis du ministre de la justice, du ministre de l'intérieur et du ministre chargé des affaires étrangères. Au terme de ce délai, ce permis n'est plus reconnu et son titulaire perd tout droit de conduire un véhicule pour la conduite duquel le permis de conduire est exigé.

En outre, les dispositions de la directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 relative au permis de conduire, sont applicables aux permis délivrés par les États membres de l'Union européenne et États parties à l'accord sur l'Espace économique européen (EEE), notamment en matière de reconnaissance des permis de conduire étrangers, de conditions de délivrance et de format des titres. Ce cadre international laisse cependant toute latitude à chaque État pour déterminer sa politique en matière de reconnaissance et d'échange.

Les permis délivrés par des États tiers sont quant à eux soumis aux dispositions de l'arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les États n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen. L'instruction des demandes d'échange qui les concerne se fonde sur la liste des pays avec lesquels la France pratique l'échange des permis de conduire.

2. La fragilité juridique du dispositif a été soulignée par le Conseil d'État

La réglementation française en vigueur prévoit la reconnaissance unilatérale de tout permis de conduire étranger (hors EEE) à la condition qu'il soit régulièrement délivré, pour une durée d'un an à compter de l'établissement par son titulaire de sa résidence normale en France, soit 18 mois au maximum. Des dispositions plus avantageuses s'appliquent néanmoins aux étudiants, diplomates et fonctionnaires internationaux.

L'échange des permis de conduire se fonde, pour l'essentiel, sur de simples arrangements administratifs, voire sur le seul principe de réciprocité - c'est-à-dire sans que les modalités ne soient formalisées par écrit. Cette pratique concerne aujourd'hui 113 États ou territoires n'appartenant pas à l'Espace économique européen.

Aux termes de l'article 14 de l'arrêté du 12 janvier 2012 précité, « Une liste des États dont les permis de conduire nationaux sont échangés en France contre un permis français est établie conformément aux articles R. 222-1 et R. 222-3 du code de la route. Cette liste précise pour chaque État la ou les catégories de permis de conduire concernée(s) par l'échange contre un permis français. Elle ne peut inclure que des États qui procèdent à l'échange des permis de conduire français de catégorie équivalente et dans lesquels les conditions effectives de délivrance des permis de conduire nationaux présentent un niveau d'exigence conforme aux normes françaises dans ce domaine. Les demandes d'échange de permis introduites avant la date de publication au JORF de la liste prévue au premier alinéa du présent article sont traitées sur la base de la liste prévue à l'article 14 de l'arrêté du 8 février 1999 modifié fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les États n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen. »

Ainsi qu'en dispose l'article R. 222-1 du code de la route, la liste susmentionnée doit être fixée « par arrêté du ministre chargé des transports, après avis du ministre de l'intérieur et du ministre chargé des affaires étrangères » . Or, dans sa décision n° 382484 du 21 novembre 2016 1 ( * ) , le Conseil d'État relève que cette liste n'a jamais été établie par le ministre des transports en application de ces dispositions.

Une liste des États avec lesquels la France procède ou non à l'échange réciproque des permis de conduire a pourtant été fixée par circulaire du ministre des transports en date du 22 septembre 2006 2 ( * ) . La haute juridiction souligne toutefois que l'annexe de cette circulaire fixant la liste n'a pas été mise en ligne sur le site internet relevant du Premier ministre prévu au premier alinéa de l'article 1 er du décret du 8 décembre 2008 relatif aux conditions de publication des instructions et circulaires ; dès lors, la liste est considérée comme abrogée.

En outre, le Conseil d'État considère l'existence d'un accord de réciprocité comme seul critère juridiquement valable pour permettre l'échange d'un permis de conduire étranger.

3. Pour répondre à cet écueil, l'exécutif a entamé des négociations ciblées

Une liste de 113 États et autorités dont les permis de conduire nationaux sont susceptibles de faire l'objet d'un échange contre un permis de conduire français, est publiée sur le site du ministère de l'Europe et des affaires étrangères 3 ( * ) .

À ce jour, la France n'a conclu qu'un seul accord bilatéral en la matière, avec la principauté de Monaco.

ÉCHANGE DE PERMIS DE CONDUIRE AVEC DES ÉTATS ET TERRITOIRES
HORS ESPACE ÉCONOMIQUE EUROPÉEN

Base juridique

États ou territoires concernés

Accords intergouvernementaux

Monaco

Arrangements administratifs ou échange de notes verbales

Andorre, Australie, Bosnie-Herzégovine, Brésil, Canada (6 provinces 4 ( * ) ), Eswatini, États-Unis (16 États 5 ( * ) ), Iran, Macédoine du Nord et Nouvelle-Zélande

Principe de réciprocité

82 autres États ou territoires

Source : ministère de l'Europe et des affaires étrangères

À titre de comparaison, nos principaux partenaires européens, qui fondent généralement l'échange des permis étrangers sur des accords bilatéraux, ne pratiquent l'échange qu'avec une dizaine d'États tiers en moyenne.

Les ministères de l'intérieur (délégation à la sécurité routière) et de l'Europe et des affaires étrangères (direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire) ont engagé, en 2018, une révision du dispositif en ce domaine, qui poursuit plusieurs objectifs :

- sécuriser juridiquement la reconnaissance et les échanges par la conclusion d'accords bilatéraux ;

- étendre la durée de reconnaissance des permis français dans les États parties ;

- renforcer la sécurité routière en France en concluant de tels accords uniquement avec les États répondant à des critères élevés en matière de sécurité routière, de formation des conducteurs, de conditions de délivrance des permis de conduire et de lutte contre la fraude documentaire.

Les données techniques nécessaires à cette évaluation sont obtenues localement par les représentations diplomatiques et consulaires françaises, et font l'objet d'un examen qualitatif par la délégation à la sécurité routière, au regard des règles du code de la route et divers textes réglementaires pris pour son application et afférents à la sécurité et à la circulation routières. Sont principalement examinés : les données générales relatives à la sécurité routière, les catégories de permis de conduire délivrés, les conditions d'âge ou de contrôle médical requises, les titres de conduite en circulation, leurs caractéristiques et leur sécurisation.

Les États avec lesquels la France échange actuellement ses permis font tous l'objet de cette évaluation et, selon les résultats obtenus, seront sollicités pour la conclusion d'un accord ou informés de l'arrêt de l'échange de leurs permis par la France.

Sur la base de ces critères, il a été mis fin à la reconnaissance et à l'échange de permis de conduire avec une dizaine d'États qui n'y répondaient pas. Des négociations devraient s'ouvrir prochainement avec plusieurs États américains en vue de la conclusion de tels accords. Par ailleurs, d'autres États, avec lesquels la France n'échange pas actuellement les permis de conduire, ont manifesté leur intérêt : c'est le cas notamment du Chili et de l'Inde, dont les demandes sont en cours d'examen. Enfin, il est à noter qu'Israël reconnaît, depuis juillet 2017, les permis délivrés par la France, de manière unilatérale et sous certaines conditions 6 ( * ) .

B. DES SITUATIONS ASYMÉTRIQUES

La priorité est également donnée aux États intéressant la France en raison, notamment, de la présence de nombreux ressortissants français sur place ; c'est le cas du Qatar et de la Chine. Actuellement, les permis délivrés par ces deux États ne sont ni reconnus, ni échangés depuis que le principe de réciprocité a été opposé par l'arrêté du 9 avril 2019 modifiant l'arrêté du 12 janvier 2012.

En février 2020, 4 682 Français étaient établis au Qatar et 15 058 étaient établis en Chine (hors Hong Kong) 7 ( * ) . En décembre 2018, 398 ressortissants qatariens et 118 765 ressortissants chinois étaient titulaires d'un titre de séjour en France.

Ces chiffres ne donnent toutefois aucune indication sur le nombre de personnes potentiellement intéressées par les deux accords soumis à l'examen du parlement. En effet, les ressortissants établis à l'étranger ne sont pas tous titulaires d'un permis de conduire. En outre, la délivrance des permis de conduire est sans rapport avec la nationalité dans la mesure où chaque État peut délivrer un permis à un ressortissant étranger qui, de fait, n'entrerait pas dans les décomptes précités. Enfin, le ministère de l'intérieur ne tient pas de statistiques basées sur la nationalité des titulaires du permis de conduire français ; dès lors, il est impossible de connaître le nombre de Qatariens et de Chinois ayant obtenu un permis de conduire sur le territoire national.

1. La situation des titulaires de permis qatariens et chinois en France

En France, tous les permis de conduire sont valables pour une durée d'un an. Ce délai court à compter de l'entrée sur le territoire pour les ressortissants français, du 186 e jour suivant la date d'entrée en France pour les ressortissants des États membres de l'UE ou de l'EEE, suisses ou monégasques dispensés de titre de séjour, ou à la date de délivrance du premier titre de séjour ou de validation du visa long séjour valant titre de séjour (validation en ligne ou par la vignette OFII) pour les ressortissants des États tiers.

Par conséquent, les permis de conduire qatariens et chinois sont reconnus durant une période d'un an à compter de l'établissement en France de la résidence normale de leurs titulaires, sous réserve qu'ils soient accompagnés d'un permis de conduire international ou d'une traduction en français. Pour pouvoir continuer de conduire en France, les personnes s'établissant doivent repasser l'examen du permis français, sans qu'aucune adaptation linguistique ne soit prévue.

2. La situation des titulaires de permis français au Qatar et en Chine

En revanche, au Qatar, le permis français seul permet la conduite durant 7 jours à compter de l'entrée sur le territoire. Pour conduire à l'issue de ce délai, et dans la limite de 6 mois, les usagers doivent solliciter auprès des services du département des transports qatarien la délivrance d'un permis temporaire, sur présentation notamment du permis français et d'un permis de conduire international. Pour obtenir un permis qatarien, les titulaires de permis français s'établissant au Qatar doivent repasser l'examen du permis sur place, ce qui peut se faire en anglais.

En Chine 8 ( * ) , ni le permis français, ni le permis international ne sont reconnus ; il est donc nécessaire d'obtenir un permis de conduire chinois pour conduire dans ce pays. Il est néanmoins possible d'obtenir auprès de la police des transports un permis de conduire temporaire chinois permettant de conduire pendant 3 mois à compter de l'entrée sur le territoire, sur présentation d'un permis français et de sa traduction en chinois. Pour obtenir un permis chinois, les titulaires de permis français s'établissant en Chine doivent repasser l'examen du permis sur place, ce qui peut généralement se faire en anglais dans les grandes villes.

Tout usager, y compris de nationalité française, ayant obtenu le permis au Qatar ou en Chine durant une période de résidence normale dans ces pays doit aujourd'hui repasser l'examen du permis de conduire en France.

3. Les exceptions

Les étudiants résidant à l'étranger et titulaires d'un permis de conduire étranger qui viennent étudier en France bénéficient de la reconnaissance de leur permis pendant toute la durée de leurs études. Une fois qu'ils obtiennent un autre titre de séjour, ils disposent d'un an pour échanger leur permis si une pratique existe, ou repasser l'examen du permis de conduire dans notre pays. À l'issue de cette année, ils ne peuvent plus conduire sur notre territoire avec leur permis étranger.

En revanche, l'arrêté du 12 janvier 2012 ne parlant que de reconnaissance durant toute la durée de leurs études pour les « ressortissants étrangers » , les Français résidant à l'étranger et titulaires d'un permis étranger qui viennent étudier en France ne bénéficient pas, en l'état actuel, de cette reconnaissance pendant la durée de leurs études. Ils doivent donc solliciter l'échange dans l'année qui suit leur entrée ou leur retour sur le territoire national, ou repasser l'examen en France si le permis étranger dont ils sont titulaires n'est pas échangeable.

Des exceptions sont également prévues pour les diplomates et les fonctionnaires internationaux, ainsi que pour les réfugiés, bénéficiaires de la protection subsidiaire et apatrides, lesquels ne sont pas concernés par l'exigence de titre en cours de validité ; ces usagers peuvent ainsi bénéficier de l'échange de leur permis même si le titre concerné est expiré. Les protégés internationaux sont également dispensés, compte tenu de leur statut et de leur situation, de produire l'attestation de droits à conduire de moins de 3 mois demandée aux autres usagers.

II. LES STIPULATIONS DES ACCORDS

Comme indiqué précédemment, les accords de réciprocité d'échange, dont l'arrêté du 12 janvier 2012 précité pose le principe, ne sont négociés et conclus qu'avec des États dans lesquels les conditions de délivrance des permis de conduire nationaux présentent, au regard des résultats des enquêtes effectuées, un niveau d'exigence conforme aux normes françaises en ce domaine.

À la différence du Qatar, la Chine n'a pas fait l'objet d'une évaluation qualitative sur la base d'un dossier technique constitué par notre représentation sur place. En effet, les négociations portant sur l'accord franco-chinois ont débuté en 2010, alors que le Premier ministre souhaitait conclure des accords d'échange des permis de conduire avec l'ensemble des pays du G20. Les négociations portant sur l'accord franco-qatarien ont quant à elles débuté en 2017, c'est-à-dire après que la doctrine relative aux accords en matière d'échange des permis de conduire a changé.

A. LA RECONNAISSANCE RÉCIPROQUE DES PERMIS DE CONDUIRE

1. Les conditions de la reconnaissance

Le principe général des accords est énoncé à l' article 1 er , à savoir que « chaque partie autorise le titulaire d'un permis de conduire national en cours de validité et [...] délivré par l'autre partie, à conduire temporairement sur son territoire les véhicules correspondant aux catégories couvertes par son permis de conduire et à échanger celui-ci selon les modalités et conditions prévues aux articles 2, 3, 4 et 5 » desdits accords.

Pour des raisons tenant à la sécurité routière, les parties peuvent soumettre les intéressés à des restrictions en cas d'inaptitude à la conduite ou de retrait de permis par l'État qui le leur a délivré.

Les conditions de la reconnaissance réciproque des permis de conduire sont énumérées à l' article 2 . Les demandeurs doivent notamment justifier de la légalité de leur statut ou de leur droit au séjour sur le territoire de l'État d'accueil, et disposer d'un permis de conduire en cours de validité assorti d'une traduction reconnue officiellement ou, dans le cas du Qatar, d'un permis international 9 ( * ) ou d'un permis contenant des informations écrites en anglais 10 ( * ) .

Le permis international est la traduction du permis national permettant de conduire les mêmes catégories de véhicules à l'étranger ; il n'est valable qu'accompagné du permis national. Sa durée de validité est identique à celle du permis de conduire, limitée à 3 ans.

Les ressortissants français peuvent obtenir un permis international depuis l'étranger à condition qu'ils aient conservé leur résidence normale en France, et qu'ils soient en cours d'installation dans le pays d'accueil, ou qu'ils s'y trouvent pour des études, une formation ou une mission.

En France, à l'occasion d'un contrôle routier, le ministère de l'intérieur fait la part de ce qui relève de la vérification des droits, de la vérification du titre et des autres conditions de reconnaissance :

- s'agissant des droits à conduire associés au titre de conduite étranger, les forces de l'ordre n'ont pas la possibilité de vérifier directement, en temps réel, leur existence et validité dans l'État de délivrance ;

- s'agissant du titre de conduite, un accès aux banques de données comportant les spécimens de permis étrangers peut permettre aux forces de l'ordre de vérifier si le titre présenté est répertorié, s'il est encore en circulation, s'il figure au nombre des titres reconnus par l'accord international et s'il s'agit ou non d'un titre grossièrement contrefait ou falsifié. Toutefois, certaines contrefaçons ou falsifications ne sont pas décelables à l'oeil nu et nécessitent des analyses plus fines, utilisant certaines techniques (grossissement, rayonnement ultraviolet, etc. ) ;

- enfin, s'agissant des conditions de reconnaissance autres que celles liées à la validité proprement dite des droits et du titre, certaines vérifications sont possibles immédiatement (respect de la condition d'âge, régularité du séjour en France, etc. ), alors que d'autres vérifications nécessitent d'interroger les services concernés 11 ( * ) ; ils peuvent porter sur la date de remise du premier titre de séjour 12 ( * ) , sur l'absence de mesure antérieure d'invalidation ou d'annulation en France excluant la reconnaissance, etc.

Si le titulaire du permis étranger est intercepté à l'occasion d'une infraction donnant lieu à rétention immédiate du permis de conduire, le service préfectoral chargé d'instruire l'affaire en vue du prononcé d'une interdiction provisoire de conduire en France sera à même de vérifier la situation du permis au regard de l'ensemble des conditions de reconnaissance 13 ( * ) .

2. La durée de la reconnaissance

La durée de la période de reconnaissance réciproque des permis de conduire est fixée à l' article 3 des accords.

En France, tout titulaire d'un permis de conduire qatarien ou chinois peut conduire un véhicule correspondant aux catégories couvertes par son permis pendant un an à compter de l'établissement de sa résidence normale sur le territoire national, soit pendant 18 mois au total.

Au Qatar, les conditions seront identiques pour les titulaires de permis français.

En Chine, les titulaires de permis français ne pourront pas conduire directement avec celui-ci, et devront solliciter une autorisation temporaire de conduite auprès des autorités chinoises, valable un an.

Au-delà de ce délai, les conducteurs devront solliciter la délivrance d'un permis de conduire local par échange.

À titre dérogatoire, l' article 4 des accords étend la période de reconnaissance des permis de conduire pour les étudiants, diplomates et fonctionnaires internationaux pendant toute la durée de leurs études ou missions.

B. L'ÉCHANGE DE PERMIS DE CONDUIRE

1. Les conditions de l'échange

Les conditions de l'échange de permis de conduire sont fixées à l' article 5 des accords.

Le permis peut être échangé dès lors que le demandeur dispose d'une résidence normale dans l'État d'accueil.

Les permis de conduire de catégories C et D 14 ( * ) sont exclus du champ de l'échange avec le Qatar ; les éléments portés à la connaissance des autorités françaises sur les modalités des épreuves de ces catégories n'ont en effet pas permis de répondre favorablement et de les inclure dans l'accord.

L'accord avec la Chine ne permet l'échange qu'avec les permis au format européen, délivrés à compter du 16 septembre 2013 ; un conducteur français possédant un format de permis plus ancien devra donc solliciter le renouvellement de son permis de conduire avant de bénéficier des dispositions de l'accord et de procéder à son échange.

Le renouvellement d'un permis de conduire français depuis l'étranger est possible à la condition que son titulaire maintienne ou ait encore sa résidence normale en France, ce qui correspond à certaines situations strictement limitées. Ainsi, les usagers qui auront déjà transféré leur résidence normale en Chine à la date d'entrée en vigueur de l'accord ne pourront pas procéder à l'échange de leur permis français.

En France, les administrations en charge du traitement des demandes d'échange de permis de conduire sont le centre d'expertise et de ressources des titres (CERT) de Nantes, et le centre de ressources des échanges de permis de conduire étrangers et des permis internationaux de conduite (CREPIC) de Paris 15 ( * ) . Ces deux centres ont mis en oeuvre, en octobre 2019, un plan de remédiation visant à résorber le stock de dossiers « papier » en attente et à traiter en moins de 3 mois les flux entrants. Par ailleurs, la téléprocédure ouverte le 3 mars 2020 pour les demandes d'échange de permis délivrés au sein de l'Espace économique européen, a été étendue, à compter du 4 août 2020, aux demandes d'échange de permis de conduire délivrés hors de l'EEE.

D'après les informations communiquées par le ministère de l'intérieur, ces mesures ont permis de résorber, dès juillet 2020, la majeure partie du stock « ancien » de dossiers 16 ( * ) . Au CERT de Nantes, le délai moyen de traitement s'élevait à 3,5 mois pour les permis délivrés par un État de l'UE ou de l'EEE, et à 2 mois pour les permis délivrés par un État tiers 17 ( * ) .

Par ailleurs, le conducteur peut, dans certains cas, conserver le permis faisant l'objet de l'échange. Dans le cas contraire, dès lors que cette résidence n'est plus acquise, il est nécessaire que le titre de conduite lui soit restitué.

L'accord avec la Chine déroge ainsi au cadre général des échanges de permis étrangers prévu par l'arrêté du 12 janvier 2012 en permettant que le permis étranger puisse être restitué à l'usager lors de la remise du nouveau permis. En effet, l'arrêté du 12 janvier 2012 à son article 13 indique que l'autorité administrative conserve le titre étranger au moment de l'échange contre un permis de conduire français.

Enfin, tous les permis de conduire étrangers valablement délivrés sont reconnus durant un an, permettant aux conducteurs ayant échangé leur permis français à l'étranger de conduire sur le territoire national à l'occasion de courts séjours ou à leur retour en France. En conséquence, un conducteur initialement titulaire d'un permis de conduire français disposera d'un délai d'un an à compter du rétablissement de sa résidence normale en France pour solliciter le rétablissement de ses droits à conduire.

2. La procédure d'authentification

L' article 7 des accords détaille la procédure d'authentification des permis présentés à l'échange.

L'arrêté du 12 janvier 2012 précité impose à l'autorité administrative compétente 18 ( * ) de vérifier l'authenticité du titre de conduite ; pour ce faire, celle-ci peut s'adjoindre le concours d'un service spécialisé dans la détection de la fraude documentaire (police aux frontières, gendarmerie, etc. ). Pour vérifier l'existence et la réalité des droits à conduire, l'arrêté susmentionné rend obligatoire la présentation d'une attestation de droits de moins de 3 mois lors du dépôt de la demande, faute de quoi l'échange est rejeté.

En cas de doute, les autorités étrangères peuvent être saisies ; l'absence de réponse de leur part a pour conséquence un refus d'échange. En effet, lors de la procédure d'échange des permis de conduire étrangers, il est systématiquement procédé à la vérification de l'authenticité du titre et de la validité des droits à conduire associés. La vérification des droits se fait, pour les permis délivrés par des États membres de l'Union européenne ou parties à l'accord sur l'Espace économique européen, par interrogation du réseau européen des permis de conduire (RESPER) et, pour les permis délivrés par les États tiers, par la présentation par le demandeur d'une attestation des droits à conduire récente. Une procédure supplémentaire de vérification de l'authenticité par interrogation des autorités locales n'intervient qu'en cas de doute sur les documents présentés.

En France, c'est le bureau national des droits à conduire (BNDC), rattaché à la délégation à la sécurité routière, qui servira de point de contact national au titre des accords ( article 8 de l'accord franco-qatarien et article 7 d) de l'accord franco-chinois).

3. La confidentialité des informations et des techniques d'authentification

L' article 9 de l'accord avec le Qatar et l' article 8 de l'accord avec la Chine prévoient un principe de confidentialité des informations et techniques d'authentification échangées dans le cadre de ces accords.

Les transferts de données à caractère personnel en application de l'article 7 ont une finalité bien circonscrite - à savoir la reconnaissance ou l'échange d'un permis de conduire -, et sont appelés à s'inscrire dans le cadre des dispositions du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (RGPD), et de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

Conformément au premier paragraphe de l'article 46 du RGPD, en l'absence de décision de la Commission européenne constatant que le Qatar ou la Chine assurent un niveau adéquat de protection des données personnelles, un responsable de traitement ne peut transférer des données personnelles vers ces pays que s'il a prévu des garanties appropriées, et à la condition que les personnes concernées disposent de voies de droit effectives.

En application du paragraphe 2 du même article, ces garanties appropriées peuvent être fournies, sans autorisation particulière d'une autorité de contrôle, par un instrument juridiquement contraignant et exécutoire entre les autorités ou organismes publics. Or, les stipulations des accords soumis à l'approbation du parlement revêtent le caractère d'un tel instrument juridiquement contraignant et exécutoire entre autorités publiques.

En outre, les clauses de confidentialité de ces accords, qui limitent les transferts de données exclusivement aux fins de leur application, prévoient que chaque partie s'engage à respecter la confidentialité des informations relatives au permis de conduire fournies par l'autre partie, y compris dans l'hypothèse où l'accord viendrait à prendre fin, et que la divulgation ultérieure de ces données est subordonnée au consentement préalable de l'autre partie.

4. Les infractions

L' article 6 des accords rappelle la compétence punitive de l'État sur le territoire duquel une infraction a été commise par le titulaire d'un permis délivré par l'autre partie.

Suite à l'échange d'un permis étranger pour un permis français, son titulaire est soumis aux règles applicables aux permis français, y compris le permis à points. En cas d'invalidation, il n'y a pas d'information systématique des autorités du pays de délivrance du permis échangé. Cependant :

- au sein de l'Espace économique européen (EEE), le réseau RESPER est mis à jour et elles pourront alors constater l'invalidation du permis français ;

- hors de l'EEE, les autorités locales pourront en être informées en cas de retour de la personne concernée dans le pays, sur demande d'une attestation des droits à conduire française.

C. LES DISPOSITIONS FINALES

Les articles 10 à 13 de l'accord avec le Qatar et les articles 9 à 12 de l'accord avec la Chine traitent, de manière classique, de règlement des différends, de dénonciation et de modification de l'instrument, ainsi que d'entrée en vigueur et d'application dans le temps de ces accords.

Les autorités qatariennes et chinoises ont notifié à la partie française l'accomplissement de leurs procédures internes nécessaires à l'entrée en vigueur des accords, respectivement les 10 avril et 10 mai 2019.

Les annexes formalisent les équivalences de catégories, tant pour la reconnaissance que pour l'échange des permis émis par l'autre partie.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 28 octobre 2020, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Olivier Cadic sur le projet de loi n° 717 (2019-2020) autorisant l'approbation de l'accord portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'État du Qatar et de l'accord portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine.

M. Olivier Cadic, rapporteur . - Monsieur le président, mes chers collègues, nous examinons ce matin le projet de loi autorisant l'approbation de deux accords portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire, conclus avec le Qatar d'une part, et la Chine d'autre part.

Le dispositif français de reconnaissance et d'échange des permis de conduire repose actuellement, pour l'essentiel, sur de simples arrangements administratifs, voire sur le seul principe de réciprocité - c'est-à-dire sans que les modalités ne soient formalisées par écrit. Cette pratique concerne aujourd'hui 113 États ou territoires n'appartenant pas à l'Espace économique européen.

En novembre 2016, le Conseil d'État a relevé l'insuffisance juridique des pratiques réciproques et des arrangements administratifs existants. Sur la base de cette décision, le gouvernement a engagé une révision de notre dispositif d'échange de permis de conduire afin de conclure des accords intergouvernementaux en bonne et due forme, et ce uniquement avec des États satisfaisant à des critères de sécurité routière, de formation, de sécurisation des titres et de conditions de délivrance des permis de conduire comparables à ceux de la France. À ce jour, nous n'avons conclu qu'un seul accord bilatéral dans ce domaine, en 1964, avec la principauté de Monaco.

L'objectif est donc de consolider juridiquement le dispositif, mais également de renforcer la sécurité routière sur notre territoire. La priorité est donnée aux États intéressant la France au regard, notamment, des difficultés rencontrées par nos ressortissants sur place ; c'est le cas du Qatar et de la Chine. Ce projet de loi va directement bénéficier à quelque 4 700 Français établis au Qatar, et à plus de 15 000 Français établis en Chine, en facilitant leur mobilité.

L'entrée en vigueur de ces accords va mettre fin aux conditions asymétriques de reconnaissance des permis de conduire entre nos trois pays. En effet, en France, tous les permis de conduire étrangers sont reconnus durant une période d'un an à compter de l'établissement sur notre territoire de la résidence normale de leurs titulaires, sous réserve qu'ils soient accompagnés d'un permis de conduire international ou d'une traduction en français.

En revanche, au Qatar, le permis français seul permet la conduite durant 7 jours à compter de l'entrée sur le territoire. Pour conduire à l'issue de ce délai, et dans la limite de 6 mois, les usagers doivent solliciter la délivrance d'un permis temporaire auprès des autorités locales, sur présentation notamment du permis français et d'un permis de conduire international.

Lors de ma visite au Qatar en février dernier, initiée par la conseillère consulaire Rosiane Houngbo Monteverde, notre consul général Jean-Jacques Maizaud m'a demandé de faire de l'entrée en vigueur de cet accord mon action prioritaire pour ce pays ; c'est dire l'importance du sujet pour nos compatriotes vivant au Qatar.

En Chine, la situation est beaucoup plus contraignante puisque ni le permis français, ni le permis international ne sont reconnus ; il est donc nécessaire d'obtenir un permis de conduire chinois pour conduire dans le pays. Un permis de conduire temporaire peut néanmoins être délivré pour une durée de 3 mois à compter de l'entrée sur le territoire chinois, sur présentation d'un permis français et de sa traduction. Des pratiques de réciprocité existent pourtant entre la France et Macao, Hong Kong ainsi que Taïwan, qui permettent à nos ressortissants d'échanger leur permis sur place. Je veux saluer ici l'action opiniâtre de nos services diplomatiques qui ont oeuvré à ce résultat, après une dizaine d'années de négociations.

Les deux accords soumis à notre approbation mettront fin aux pratiques disparates entre nos pays et permettront d'étendre la durée de reconnaissance des permis français dans ces deux États.

En outre, comme je l'indiquais précédemment, ces nouveaux accords sécuriseront juridiquement le dispositif français et amélioreront la sécurité routière et la lutte contre la fraude documentaire. En effet, le ministère de l'intérieur procède à évaluation qualitative sur la base d'un dossier technique constitué par notre représentation sur place ; seuls les États ayant des critères comparables à ceux de la France pourront conclure un accord bilatéral.

Dans le cadre de l'examen de ce projet de loi, j'ai souhaité rencontrer les ambassadeurs du Qatar et de Chine pour m'assurer qu'aucun frein - notamment administratif - n'empêchera la bonne exécution de ces accords. J'ai reçu cette assurance de Son Excellence Sheikh Ali bin Jassim Al-Thani, ambassadeur du Qatar en France, lors d'une entrevue au Sénat. En revanche, l'ambassadeur de Chine en France, M. Lu Shaye, n'a pas daigné répondre favorablement à mes demandes répétées d'audition. J'aurais pourtant souhaité m'entretenir avec lui sur les difficultés de mobilité rencontrées par nos compatriotes établis en Chine, l'interroger sur les différences de pratiques entre nos deux pays, et surtout, l'alerter sur la nécessité de suivre la bonne exécution des dispositions de l'accord.

La Chine subordonne d'ailleurs l'échange de permis de conduire français à la détention d'un permis au nouveau format. Nos postes diplomatiques sur place, ainsi que les services du ministère de l'intérieur en France, devront impérativement veiller à ce que le changement de permis de conduire soit possible depuis l'étranger, dans des délais raisonnables.

Pour conclure, ces nouveaux accords répondent aux intérêts de nos compatriotes installés dans des pays qui, aujourd'hui, ne reconnaissent pas le permis de conduire français. Voilà un parfait exemple du rôle que peut jouer le Sénat dans l'amélioration de leurs conditions de vie hors de nos frontières.

En dépit des interrogations qui demeurent s'agissant de l'accord franco-chinois, je préconise l'adoption de ce projet de loi, dont le Sénat est saisi en premier. Les parties qatarienne et chinoise ont déjà notifié l'achèvement de leurs procédures nationales nécessaires à l'entrée en vigueur des accords, qui bénéficieront également à leurs ressortissants établis sur notre sol.

Certains d'entre vous pourraient s'interroger, à raison, quant à l'opportunité de conclure un accord avec la Chine, dirigée par le parti communiste chinois, dont certains agissements heurtent les démocrates. Mais vous aurez aussi compris que je suis animé par la seule défense des intérêts des Français établis en Chine.

L'examen en séance publique est prévu le mercredi 4 novembre prochain, selon la procédure simplifiée, ce à quoi la conférence des présidents, de même que votre rapporteur, ont souscrit.

Mme Hélène Conway-Mouret . - Nous ne pouvons que nous réjouir de ces accords. Nos compatriotes établis au Qatar et en Chine sont actifs et ont besoin de se déplacer facilement dans ces pays.

Avez-vous une réelle inquiétude quant à la mise en oeuvre des dispositions de l'accord franco-chinois ? Le cas échéant, et compte tenu du principe de réciprocité, les Chinois vivant sur notre territoire seraient eux aussi victimes de sa non-application.

M. Olivier Cadic, rapporteur . - Comme je l'indiquais, la situation actuelle est asymétrique et bien plus défavorable aux Français. J'aurais souhaité poser la question à l'ambassadeur de Chine et avoir des garanties. Je pense néanmoins que les Français vivant en Chine nous alerteront en cas de difficulté.

M. Richard Yung . - L'accord concerne-t-il Hong Kong ?

M. Olivier Cadic, rapporteur . - Hong Kong n'est pas concerné par l'accord, non plus que Macao et Taïwan. Des pratiques de réciprocité existent actuellement avec ces territoires.

M. Pierre Laurent . - Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera en faveur de l'adoption de ce projet de loi. Je salue la constance d'Olivier Cadic qui parvient à critiquer la Chine même lorsque nous discutons d'échange de permis de conduire !

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté, à l'unanimité, le rapport et le projet de loi précité.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ambassade du Qatar en France

Son Excellence Sheikh Ali bin Jassim Al-Thani , ambassadeur du Qatar en France

Ministère de l'intérieur

M. Pierre-Jean Babin , chargé d'études réglementation, bureau de la réglementation du permis de conduire et de l'organisation des examens

Ministère de l'Europe et des affaires étrangères

• M. Louis Belmont , rédacteur, sous-direction d'Extrême-Orient

• Mme Lou Brenez , rédactrice, mission des accords et traités

• Mme Isabelle Cohen , cheffe de pôle, mission des conventions et de l'entraide judiciaire

• Mme Claire Derlon , rédactrice, mission des conventions et de l'entraide judiciaire


* 1 https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000033442749/

* 2 Circulaire n° 2006-78 du 22 septembre 2006 fixant la liste des États avec lesquels la France procède ou non à l'échange réciproque des permis de conduire .

* 3 https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/liste_permis_de_conduire_valables_a_l_echange_20200331_cle89bfda.pdf

* 4 Alberta, Île-du-Prince-Édouard, Manitoba, Ontario, Québec et Terre-Neuve-et-Labrador.

* 5 Arkansas, Caroline du Sud, Colorado, Connecticut, Delaware, Floride, Illinois, Iowa, Kansas, Kentucky, Michigan, New Hampshire, Ohio, Pennsylvanie, Texas et Virginie.

* 6 Source : réponse du ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée au Journal officiel, Sénat, débats parlementaires, questions du 27 février 2020, en réponse à la question écrite n° 13588 de Mme Évelyne Renaud-Garabedian, sénatrice, publiée au Journal officiel, Sénat, débats parlementaires, questions du 19 décembre 2019.

* 7 Source : ministère de l'Europe et des affaires étrangères, sur la base des inscriptions au registre des Français établis hors de France.

* 8 Il convient de préciser qu'une pratique de réciprocité existe entre la France d'une part, et Hong Kong, Macao et Taïwan d'autre part.

* 9 La Chine ne reconnaît pas le permis international.

* 10 En ce sens, l'accord avec le Qatar déroge au cadre général des échanges de permis étrangers prévu par l'arrêté du 12 janvier 2012 en ce qu'il permet la reconnaissance du permis de conduire qatarien sans qu'il soit nécessaire de l'accompagner d'une traduction en français ou d'un permis de conduire international, puisqu'y figurent des informations en anglais.

* 11 Directions des sécurités ou services des étrangers des préfectures.

* 12 Ce qui permet de vérifier si le délai d'un an de reconnaissance est dépassé, ou si le permis a été obtenu postérieurement à ce premier titre de séjour (auquel cas il n'est plus ou pas reconnu).

* 13 Éléments transmis par le ministère de l'intérieur, en réponse au questionnaire écrit.

* 14 Le permis C autorise la conduite des véhicules affectés au transport de marchandises ou de matériel dont le poids total autorisé en charge (PTAC) est supérieur à 7,5 tonnes. Le permis D autorise quant à lui la conduite des véhicules affectés au transport de personnes comportant plus de 8 places assises outre le siège du conducteur.

* 15 Le CERT de Nantes traite les demandes d'échange de permis de conduire sur l'ensemble du territoire national, hors Paris, soit environ 90 % de la demande globale. Les autres demandes sont traitées par le centre de ressources des échanges de permis de conduire étrangers et des permis internationaux de conduite (CREPIC) de Paris.

* 16 À la mi-octobre 2020, le nombre de dossiers en attente était de 43 425 pour le CERT de Nantes, et de 2 520 pour le CREPIC de Paris (ce chiffre ne tient toutefois pas compte du nombre de dossiers électroniques en attente, non communiqué).

* 17 Ce délai risque néanmoins d'évoluer temporairement en raison du volume important de demandes reçues depuis la mise en place de la téléprocédure.

* 18 En France, il s'agit plus précisément des référents fraude des préfectures.

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