EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 13 décembre 2023, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Ludovic Haye sur le projet de loi n° 815 (2022-2023) autorisant l'approbation de l'avenant entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg au protocole d'accord du 20 mars 2018 relatif au renforcement de la coopération en matière de transports transfrontaliers et à la convention du 23 octobre 2020 relative au financement d'aménagements visant à renforcer la desserte ferroviaire et favoriser les mobilités durables.

M. Ludovic Haye, rapporteur. - Quelque 123 000 Français vivent aujourd'hui dans notre pays et travaillent au Luxembourg où ils occupent près du quart des emplois salariés du pays. Leur nombre, qui croît d'environ 3 000 personnes chaque année, devrait atteindre les 135 000 travailleurs frontaliers d'ici 2030.

Ces frontaliers, de plus en plus nombreux, font le trajet quotidiennement entre l'Hexagone et le Grand-Duché, ce qui pose d'inévitables problèmes de transport : l'autoroute A31 est régulièrement congestionnée aux heures de pointe, et l'axe ferroviaire Metz-Thionville-Luxembourg est confronté à des incidents fréquents ainsi qu'à des irrégularités de service liés à la saturation de la ligne.

En tant que sénateur du Haut-Rhin - département frontalier avec l'Allemagne et la Suisse -, et conseiller régional du Grand Est - qui est la première région frontalière de France, avec près de 750 kilomètres de frontières communes avec les pays européens voisins -, je suis particulièrement sensible à ces questions.

Pour répondre à ces difficultés, le Parlement a autorisé, il y a quatre ans, l'approbation du protocole d'accord entre la France et le Luxembourg relatif au renforcement de la coopération en matière de transports transfrontaliers. Ce texte visait à mettre en oeuvre, aux horizons 2024 et 2030, une politique de transports multimodale et concertée entre les deux parties, s'inscrivant dans une perspective de développement durable. Cette politique tendait à répondre aux besoins de mobilités préalablement identifiés, à travers des projets ferroviaires et routiers.

Dans le domaine ferroviaire, une série d'aménagements visaient à tripler le nombre de voyageurs quotidiens et pallier ainsi la saturation de l'axe attendue pour cette année, afin d'anticiper les besoins de capacité à l'horizon 2030. À cet effet, la création de parkings relais était envisagée, ainsi que l'allongement des quais de certaines gares, le doublement des places assises dans les trains express régionaux (TER) aux heures de pointe, et la suppression des passages à niveau entre Thionville et la frontière.

Dans le domaine routier, l'objectif était de développer des lignes de cars transfrontaliers ainsi que le covoiturage, grâce à la création de voies dédiées, de parkings de regroupement et de gares routières. Les infrastructures routières existantes devaient être adaptées en conséquence : côté français, l'autoroute A31 devait être élargie à trois voies entre le nord de Thionville et la frontière franco-luxembourgeoise, et un contournement de Thionville par l'ouest devait être créé ; côté luxembourgeois, le projet prévoyait une troisième voie de circulation sur l'autoroute A3, et l'aménagement de sa bande d'arrêt d'urgence en voie réservée pour la circulation de cars.

La solution retenue est donc multimodale puisqu'elle s'appuie sur les transports collectifs, et qu'elle est complétée, sur le territoire luxembourgeois, par le développement de moyens de transport plus propres comme le vélo électrique. Le coût total de ces travaux était estimé à 220 millions d'euros pour le volet ferroviaire, et à près de 20 millions d'euros pour le volet routier, financés à parité par la France et le Luxembourg.

Quatre ans après l'adoption de ce premier accord, quel bilan peut-on dresser ? Les aménagements ferroviaires prévus pour 2024 ont été réalisés pour une partie d'entre eux, ou sont en voie de l'être pour les autres, avec un léger retard. Pour mémoire, ces projets consistaient à allonger les quais de huit gares, à renforcer l'alimentation électrique et à aménager des parkings relais en gares de Thionville et de Longwy. La région Grand Est devra ensuite acquérir des trains à trois unités mobiles - contre deux actuellement -, puis revoir la fréquence de passage des trains, en lien avec la SNCF, pour passer de cinq à huit TER par heure en période de pointe.

S'agissant du volet routier, aucune avancée ne s'est concrétisée pour le moment. Une séquence de concertation s'est tenue il y a un an sur le secteur nord du projet A31 bis, afin d'éclairer l'État dans le choix du tracé pour le contournement de Thionville. D'après l'observatoire des trafics 2022 de la direction interdépartementale des routes Est (DIR Est), la situation s'est particulièrement aggravée depuis 2017 en certains points de passage, notamment au passage de Metz et Thionville ; ainsi, en l'espace de cinq ans, le temps de parcours s'est allongé de moitié en heure de pointe.

L'avenant au protocole soumis à notre examen vise à prolonger les objectifs du protocole de 2018, c'est-à-dire accompagner l'augmentation des flux entre la France et le Luxembourg, en renforçant les mobilités durables. Le Premier ministre luxembourgeois a annoncé, en juin 2021, une nouvelle contribution financière de 110 millions d'euros pour les infrastructures ferroviaires d'intérêt commun à la France et au Grand-Duché. Cette participation supplémentaire, qui s'accompagne d'une contribution française identique, permettra de compléter le programme d'investissements de l'accord initial par des besoins identifiés à la suite des études de faisabilité pour l'horizon 2028-2030.

Deux projets sont envisagés à ce stade : premièrement, la construction d'un centre de maintenance à Montigny-lès-Metz, nécessaire pour assurer la desserte de l'axe avec une plus grande fréquence et du nouveau matériel roulant ; deuxièmement, la conduite d'études sur l'automatisation ou la semi-automatisation de la conduite des trains, dont la réalisation sera décidée en fonction des résultats.

Au regard de l'augmentation croissante du nombre de frontaliers, on peut légitimement s'interroger sur la capacité de ces différents projets à atteindre les objectifs qui leur ont été assignés. Néanmoins, ce texte est essentiel pour poursuivre l'amélioration de la liaison ferroviaire franco-luxembourgeoise et répondre aux difficultés de mobilité quotidiennes rencontrées par nos concitoyens à l'approche de la frontière. Je précise à cet égard que la région frontalière de la Suisse est confrontée aux mêmes problèmes.

En conséquence, je préconise l'adoption de ce projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale le 29 juin 2023. Son examen en séance publique au Sénat est prévu le mercredi 20 décembre, selon la procédure normale, à la demande du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, et du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Mme Michelle Gréaume. - Mon groupe a en effet demandé le retour à la procédure normale pour pouvoir débattre de ce sujet. Le Luxembourg a une voix prépondérante dans le choix des investissements à réaliser, ce qui nous interroge. Pour nous, la gouvernance devrait être mieux partagée entre nos deux pays.

Par ailleurs, nos concitoyens qui travaillent au Luxembourg payent leurs impôts sur place, alors qu'ils vivent sur notre territoire et qu'ils bénéficient de nos services publics. À cet égard, la France ne bénéficie d'aucune rétrocession fiscale de la part de son voisin.

M. Ludovic Haye, rapporteur. - Une concertation a systématiquement lieu avec les pays frontaliers pour déterminer les projets d'infrastructures à réaliser. Par conséquent, la France ne subit pas les choix de ses voisins en ce domaine.

Des progrès ont été réalisés en faveur des transports en commun, notamment ferroviaires, puisque nous avons privilégié les mobilités douces pour des raisons écologiques. Les travaux d'infrastructures routières mettent en effet plus de temps à aboutir.

M. Olivier Cadic. - Les axes routiers pâtissent à la fois des déplacements des travailleurs transfrontaliers, mais aussi de l'activité de fret de l'aéroport de Luxembourg-Findel qui génère un trafic important de camions.

M. Ludovic Haye, rapporteur. - Comme je l'indiquais précédemment, une séquence de concertation s'est tenue il y a un an sur le secteur nord du projet A31 bis ; la question routière est donc bien prise en compte. Nous constatons en effet une saturation des axes routiers aux heures de pointe, qui n'est pas sans conséquence sur le temps de trajet des usagers. J'évoquais tout à l'heure les solutions envisagées, telles que les voies réservées, pour répondre à ces difficultés qui sont au coeur des préoccupations des territoires frontaliers.

Le projet de loi est adopté sans modification.

Conformément aux orientations du rapport d'information n° 204 (2014-2015) qu'elle a adopté le 18 décembre 2014, la commission a autorisé la publication du présent rapport synthétique.

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