EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 14 février 2024, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Pierre Grand sur le projet de loi n° 145 (2023-2024) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre concernant la démarcation et l'entretien de la frontière.

M. Jean-Pierre Grand, rapporteur - L'accord que nous examinons aujourd'hui a pour objet la démarcation et l'entretien de la frontière entre la France et la Principauté d'Andorre.

La frontière franco-andorrane, longue de 57 kilomètres, est à la fois la plus ancienne frontière terrestre française et la plus récente. En effet, l'existence de la Principauté d'Andorre remonte à l'an 788, sous le règne de Charlemagne, mais le tracé de sa frontière est demeuré, siècle après siècle, coutumier, et ce n'est qu'en 2012 qu'a été signé le premier accord portant délimitation de la frontière entre les deux pays.

L'origine de cette formalisation juridique remonte à la publication, en 1976, du côté andorran, de cartes faisant apparaître des divergences avec la frontière figurant sur les plans cadastraux français : il en est résulté divers litiges territoriaux, le principal point de discorde concernant l'étang des Abelletes, d'une surface de 46 hectares, qui constitue la réserve en eau de la station andorrane du Pas de la Case, mais aussi celle du projet français, maintenant abandonné, de la station de la Porte des Neiges.

S'en est ensuivie une période de relations pour le moins tumultueuses entre la France et la Principauté d'Andorre, à l'issue de laquelle un compromis sur le tracé de la frontière a été trouvé, partageant par moitié l'étang en question et laissant le chemin des Isards en territoire français. Cet accord, signé le 6 mars 2012, modifié marginalement en 2017, entérine la concession de 24 hectares à la Principauté d'Andorre et garantit l'accès de ce pays à l'eau de l'étang.

Depuis lors, les relations entre les deux pays sont considérées comme apaisées. Une matérialisation numérique de la frontière a été réalisée par les géographes de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) français et de la Principauté d'Andorre, avec le repérage de 6 400 points dans le système commun dit « ETRS89 ». La frontière a en outre été matérialisée physiquement par des repères artificiels tels des bornes, des lignes au sol, des gravures dans la roche.

Cependant, pour prévenir tout contentieux ultérieur, mais aussi dans le contexte de l'important trafic illicite de tabac - environ 6,9 tonnes en 2022 - constaté depuis la partie andorrane vers la partie française, il a paru nécessaire de renforcer la visibilité de la frontière récemment délimitée. C'est sur l'initiative de la France que des négociations ont été engagées dès 2017 afin d'aboutir à un accord relatif à l'entretien de cette frontière ; elles ont abouti au texte qui vous est présenté aujourd'hui.

Par cet accord, les deux parties s'engagent à prendre les mesures nécessaires pour assurer la démarcation et l'entretien de la frontière, et pour prévenir la destruction, la détérioration et l'usage abusif des bornes. À cet effet, l'accord prévoit la création d'une commission mixte composée de deux délégués français et de deux délégués andorrans, qui sera l'instance commune de référence sur les questions relatives à l'entretien de la frontière. Cette commission aura notamment pour missions d'établir des rapports annuels sur les travaux nécessaires et les travaux exécutés, et, d'une manière générale, de veiller à ce qu'aucune construction sauvage ou modification de bornage ne contrevienne à l'accord.

Afin de prévenir les situations kafkaïennes que l'on a connues sur d'autres frontières, notamment à la frontière monégasque, les parties s'engagent également à ce qu'aucune construction ne soit érigée à moins de deux mètres de part et d'autre de la frontière.

Enfin, afin de garantir la parfaite visibilité du tracé frontalier, une bande de deux mètres de part et d'autre, donc de quatre mètres en tout, sera maintenue déboisée en permanence, mais seulement sur les portions de frontière où la commission mixte l'estimera nécessaire. Cette souplesse a été aménagée à dessein, afin de pouvoir prendre en compte la spécificité des sites naturels classés, présents sur une part importante de la frontière franco-andorrane, sur 26 kilomètres : la vallée de l'Aston, et les zones de protection de Capcir, Carlit et Campcardos. Pour ces territoires, une évaluation des incidences Natura 2000 pourra être requise, afin de prévenir tout impact négatif sur la faune et la flore.

Quant aux frais résultant de l'application de cet accord, qui devraient être limités à quelques milliers d'euros par an, ils seront supportés pour moitié par chacune des parties.

Pour mémoire, d'autres accords très comparables ont été conclus par la France concernant certaines frontières avec des pays limitrophes : ils ont notamment permis de clarifier la démarcation et la visibilité de la ligne frontalière entre la Guyane française et le Surinam sur le fleuve Maroni et la rivière Lawa ; et la frontière avec les Pays-Bas sur l'île antillaise de Saint-Martin.

Le Conseil d'État, dans un avis du 30 mai 2023, a émis un avis favorable sur ce texte, avec une réserve concernant l'article 15 de l'accord, qui prévoit que les parties peuvent, sur recommandation de la commission mixte, modifier l'accord par simple échange de lettres : il a rappelé la nécessité de soumettre au Parlement, en vertu de l'article 53 de la Constitution, les modifications relevant d'une ratification par voie législative.

Mes chers collègues, je vous invite à approuver cet accord qui donne satisfaction aux deux signataires et participe à l'approfondissement des liens entre les deux pays. Il permettra d'assurer une parfaite visibilité du tracé frontalier et de prévenir tout contentieux territorial ultérieur. Son examen en séance publique est prévu le jeudi 28 février prochain, selon une procédure simplifiée, ce à quoi la conférence des présidents, de même que votre rapporteur, a souscrit. De son côté, la partie andorrane a accompli les procédures internes de ratification pour son entrée en vigueur depuis le 14 décembre 2022.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté, à l'unanimité, le rapport et le projet de loi précité.

Conformément aux orientations du rapport d'information n° 204 (2014-2015) qu'elle a adopté le 18 décembre 2014, la commission a autorisé la publication du présent rapport synthétique.

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