Rapport n° 168 (1990-1991) de M. Claude BELOT , fait au nom de la commission des finances, déposé le 13 décembre 1990

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N° 168

SÉNAT

PREMIÈRE SESSION ORDINAIRE DE 1990-1991

Annexe au procès-verbal de la séance du 13 décembre 1990

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur la proposition de résolution de MM. Ernest CARTIGNY, Daniel HOEFFEL, Marcel LUCOTTE et Charles PASQUA , tendant à la création d'une commission de contrôle chargée d'examiner la gestion administrative, financière et technique de l'entreprise nationale Air France et des sociétés de toute nature comme des Compagnies aériennes, qu'elle contrôle, puis d'en informer le Sénat,

Par M. Claude BELOT,

Sénateur.

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(1) Cette commission est composée de : MM. Christian Poncelet président ; Geoffroy de Montalembert, v ice - président d'honneur , Tony Larue, Jean Cluzel, Paul Girod, Jean Clouet, vice-présidents ; Maurice Blin, Emmanuel Hamel, Louis Perrein, Robert Vizet, secrétaires , Roger Chinaud, rapporteur général , Philippe Adnot, Jean Arthuis, René Ballayer, Bernard Barbier, Claude Belot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Raymond Bourgine, Paul Caron, Ernest Cartigny, Auguste Cazalet, Jacques Chaumont, Henri Collard, Maurice Couve de Murville, Pierre Croze, Jacques Delong, Marcel Fortier, Mme Paulette Fost, MM. Henri Goetschy, Yves Guena, Paul Loridant, Roland du Luart, Michel Manet, Jean-Pierre Masseret, René Monory, Michel Moreigne, Jacques Oudin, Bernard Pellarin, René Regnault, Henri Torre, François Trucy, Jacques Valade et André-Georges Voisin

Voir le numéro :

Sénat : 135 (1990-1991)

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Transports aériens

Mesdames, Messieurs,

La proposition de résolution n°135 tend à la création d'une commission de contrôle sur la gestion administrative, financière et technique de l'entreprise nationale AIR FRANCE et des sociétés qu'elle contrôle.

1. Les conditions de création et de fonctionnement d'une commission de contrôle sont fixées par l'article 6 de l'ordonnance n° 58 1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et l'article 11 du règlement du Sénat. L'essentiel de ces dispositions est rappelé ci-après :

" Les commissions de contrôle sont formées pour examiner la gestion administrative, financière ou technique, de services publics ou d'entreprises nationales en vue d'informer l'assemblée qui les a créées du résultat de leur examen.

« Les membres des commissions d'enquête et des commissions de contrôle sont désignés au scrutin majoritaire.

« Les commissions de contrôle ont un caractère temporaire. Leur mission prend fin par le dépôt de leur rapport et, au plus tard, à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la date de l'adoption de la résolution qui les a créées.

« L'article 10 (alinéas 2 et 3) de la loi n° 67-483 du 22 juin 1967 relative à la Cour des comptes est applicable aux commissions d'enquête et de contrôle dans les mêmes conditions qu'aux commissions des finances.

« Les rapporteurs des commissions de contrôle exercent leur mission sur pièces et sur place. Tous Les renseignements de nature à faciliter cette mission doivent leur être fournis. Ils sont habilités à se faire communiquer tous documents de service, à l'exception de ceux revêtant un caractère secret et concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l'État, et sous réserve du respect du principe de la séparation de l'autorité judiciaire et des autres pouvoirs.

« Toute personne, dont une commission d'enquête et de contrôle a jugé l'audition utile, est tenue de déférer à la convocation qui lui est délivrée, si besoin est, par un huissier ou un agent de la force publique, à la requête du président de la commission. »

2. Selon les auteurs de la résolution, la prise de contrôle par Air France de la compagnie U.T.A., entraînant, par voie de conséquence, celle de la compagnie Air Inter "a sans doute accru, et en tout, cas, mis en lumière les difficultés de gestion rencontrées par la compagnie Air France, notamment sur le plan financier alors qu'elle doit faire face à une concurrence internationale de plus en plus impitoyable".

Cet argument doit être discuté.

Dans le contexte d'une concurrence internationale sévère et de l'avancée progressive de la libéralisation des transports aériens au sein de la Communauté européenne, un regroupement des compagnies apparaissait inéluctable.

La situation avant 1990 semblait totalement bloquée dès lors que l'État renonçait à accorder des autorisations de nouvelles dessertes internationales à U.T.A. et que les statuts d'Air Inter, d'une part limitaient l'activité de la compagnie au seul territoire métropolitain, et, d'autre part la protégeaient de toute concurrence internationale. Cette situation, en contradiction tant avec les ambitions et le potentiel d'Air Inter qu'avec les exigences de la libéralisation du transport aérien en Europe ne se réglait que par des demi-mesures, telles la solution ambiguë des "dessertes croisées" entre Air France et Air Inter.

Ainsi, il apparaît à votre Commission que le principe du regroupement des compagnies ne peut être raisonnablement critiqué.

3. En revanche, il est incontestable que ce regroupement fait naître des difficultés majeures.

a) La première concerne les conséquences sur la structure même du transport aérien national, dont toutes les composantes apparaissent entre les mains d'une seule compagnie, ou plutôt de son principal actionnaire : l'État. La réaction de la Commission des Communautés européennes et les négociations tendues qui ont eu lieu, jusqu'à la conclusion de l'accord du 30 octobre dernier, révèlent des difficultés.

Un examen rapide de la composition et la diversité de ce groupe contrôlé par l'État renforce ces inquiétudes (voir ci-après).

b) La seconde concerne la gestion du groupe . D'une part, les entreprises concernées ont des spécificités, des cultures différentes. Les conflits n'ont pas tardé à surgir. Tout indique qu'ils n'en sont qu'à leur début. D'autre part, le groupe Air France, et derrière lui l'État, a décidé de suspendre ou de fermer un grand nombre de dessertes régionales en omettant les impératifs de l'aménagement du territoire et les efforts des collectivités locales intéressées.

Sans doute, faut-il lier ces décisions à l'importance des pertes du groupe au premier semestre 1990, mais ces pertes ne sont-elles pas elles-mêmes liées aux rachats évoqués ? Sans doute s'expliquent-elles aussi par les résultats très insuffisants des lignes intéressées ; mais alors, le manque d'information, l'insuffisance de communication apparaissent de façon criante.

Fût-elle justifiée, sur le fond, cette décision du groupe Air France a été sans doute mal préparée, maladroite dans la forme.

c) La troisième difficulté, et de loin la plus grave, concerne le financement du groupe . Le groupe doit faire face à un programme d'investissement d'une exceptionnelle ampleur au cours des cinq prochaines années. Ce programme est doublé d'une opération financière lourde - le rachat d'U.T.A. - qui a puisé sur les réserves du groupe et amputé son potentiel de financement. Ces deux opérations cumulées peuvent-elles être financées ? La seconde ne risque-t-elle pas de se faire au détriment de la première ?

Votre commission s'interroge en particulier, d'une part sur l'ampleur des cessions d'actifs auxquels l'entreprise a procédé, d'autre part sur l'attitude ambiguë de l'État, actionnaire quasi exclusif de la compagnie Air France. L'État, tuteur et actionnaire, est à la fois juge et partie, et pourtant silencieux. Financera-t-il les flottes, augmentera-t-il ses dotations ?

Trois raisons pour motiver un contrôle parlementaire de l'entreprise Air France.

4. La proposition de résolution tend à englober dans ce contrôle « les sociétés de toute nature comme les compagnies aériennes (que l'entreprise Air France) contrôle ».

Ce champ d'investigation paraît exceptionnellement large, dans la mesure où le groupe Air France est constitué de très nombreuses sociétés aux activités diverses, tant en France qu'à l'étranger.

Ainsi, le groupe inclue-t-il des sociétés aussi diverses que :

- Servair, qui a une activité de restauration de voyage et que l'entreprise contrôle à 94,8 % ;

- Euroberlin, qui a une activité de transports aériens et que l'entreprise contrôle à 51 % ;

- l'école Amaury de la Grange qui forme des pilotes et dans laquelle le groupe Air France détient 44 % du capital ;

- le groupe Méridien ; contrôlé à 100 % ;

- Sesal, Doualair, Air Mauritius, Cameroon Airlines, ..., compagnies de transport aérien du Gabon, du Cameroun, de Maurice, ..., dans lesquelles le groupe Air France a des participations.

L'intérêt principal d'une commission de contrôle sera d'étudier la gestion et le financement du groupe tel qu'il ressort autour de ses trois pôles, Air France, Air Inter, U.T.A. Cependant, pour ne pas être limitée dans son champ d'investigation, la résolution choisit d'englober "les sociétés de toute nature et les compagnies aériennes que contrôle l'entreprise nationale Air France".

Il s'agit là d'une précaution utile afin que la commission ne soit pas entravée dans sa mission par un champ de contrôle trop limité qui l'empêcherait d'appréhender les mécanismes ou les montages financiers auxquels a recouru l'entreprise mère.

Le "contrôle" d'une société ne fait pas l'objet d'une définition générale. Toutefois, les dispositions de la loi n° 85-705 du 12 juillet 1985, codifiant l'article 355-1 du code des sociétés, donnent un faisceau de critères habituellement retenus pour approcher la notion de contrôle. Le contrôle s'applique dès lors qu'une société détient, directement on indirectement, la majorité des droits de vote ou détermine, en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions de l'assemblée générale de la société.

En outre, il y a une présomption automatique de contrôle lorsque la société détient, directement ou indirectement, une fraction des droits de vote supérieure à 40 % et qu'aucun autre associé ou actionnaire détient, directement ou indirectement, une fraction supérieure à la sienne.

La question peut se poser, à la marge, pour la société Air France Partnair-leasing.

Le capital de cette société de location d'avions est détenu à 45 % par la société Air France leasing -elle-même filiale a 100 % de l'entreprise Air France, à 45 % par la société "Partners" qui réunit un groupe d'actionnaires français et étrangers, les 10 % restant étant répartis entre plusieurs autres actionnaires dont la B.N.P. à hauteur de 6 %.

La société Air France Partnair leasing entre bien, par conséquent, dans le champ d'investigation de la commission de contrôle tant en vertu de la règle introduite dans le droit commercial en 1905 de la "présomption automatique" que parce qu'elle fait partie des sociétés dont le capital social est détenu pour 50 % au moins par des entreprises nationales considérées ensemble ou séparément". Or, selon l'alinéa IV de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958, le contrôle des membres du Parlement s'étend aux sociétés ou entreprises dans lesquelles les capitaux publics représentent plus de 50 %.

Ainsi, sur le fond, le champ d'investigation de la commission de contrôle apparaît suffisamment large pour appréhender l'ensemble de la gestion administrative, technique et financière du groupe Air France.

Sous le bénéfice de ces différentes observations, votre commission vous demande d'adopter la proposition de résolution suivante :

PROPOSITION DE RESOLUTION

Article unique

Il est créé une commission de contrôle chargée d'examiner la gestion administrative, financière et technique de l'entreprise nationale Air France et des sociétés de toute nature comme des compagnies aériennes, qu'elle contrôle, puis d'en informer le Sénat.

Cette commission est composée de vingt et un membres.

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