Rapport n° 183 (1995-1996) de M. Lucien LANIER , fait au nom de la commission des lois, déposé le 30 janvier 1996

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N° 183

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 30 janvier 1996

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1)sur la proposition de loi organique, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, relative à la date de renouvellement des membres de l 'assemblée territoriale de la Polynésie française,

Par M. Lucien LANIER,

Sénateur.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (l0ème législ.) : 2437. 2462 et TA 448

Sénat : 172 (1995-1996).

Départements et territoires d'outre-mer.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, François Giacobbi, vice-présidents ; Robert Pagès, Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, Pierre Biarnès, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Charles Jolibois, Lucien Lanier, Paul Masson, Daniel Millaud, Georges Othi1y, Jean-Claude Peyronnet, Claude Pradille, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Jean-Pierre Tizon, Alex Türk. Maurice Ulrich.

CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Réunie le 30 janvier 1996 sous la présidence de M. Jacques Larché, la commission des Lois a examiné en première lecture, sur le rapport de M. Lucien Lanier, la proposition de loi organique relative à la date de renouvellement des membres de l'Assemblée territoriale de la Polynésie française présentée par le Président Pierre Mazeaud et adoptée par l'Assemblée nationale le 17 janvier 1996.

Elle a adopté conforme cette proposition de loi organique tendant à différer de deux mois la date des élections territoriales en Polynésie française.

Mesdames, Messieurs,

La proposition de loi soumise à votre examen tend à déroger au Calendrier des élections territoriales tel qu'il résulte de la mise en oeuvre de l'article premier de la loi n° 52-1175 du 21 octobre 1952 relative à la composition et à la formation de l'Assemblée territoriale de la Polynésie française, modifiée par la loi n° 85-1337 du 18 décembre 1985.

En vertu de ce texte, la durée du mandat des quarante et un membres de l'Assemblée territoriale est fixée à cinq ans, le renouvellement étant intégral à chaque échéance. Le mandat des représentants actuels, élus au mois de mars 1991, expire donc en mars prochain.

Aussi le décret n° 96-2 du 3 janvier 1996 a-t-il fixé la date de ces élections au 17 mars 1996, le délai limite pour le dépôt des candidatures étant arrêté au 8 février.

La proposition de loi organique présentée par le Président Pierre Mazeaud, adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 17 janvier 1996, a pour objet de différer de deux mois les élections territoriales afin d'éviter les interférences entre la campagne électorale et le processus législatif en vue de l'adoption d'un nouveau statut de la Polynésie française. Le projet de loi portant réforme statutaire n'ayant été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale que le 20 décembre 1995, ce processus ne devrait en effet pas pouvoir aboutir avant le mois de mars compte tenu de la saisine du Conseil constitutionnel, obligatoire en raison du caractère organique de ce texte.

Le mandat des membres de l'Assemblée territoriale semble être de nature statutaire. Une loi simple, la loi du 21 octobre 1952 précitée, fixe actuellement sa durée, mais l'article 74 de la Constitution dans sa rédaction résultant de la révision constitutionnelle du 25 juin 1992 prévoyant que « les statuts des territoires d'outre-mer sont fixées par des lois organiques », la prorogation du mandat des conseillers territoriaux ne peut résulter que d'une loi organique.

L'Assemblée territoriale de la Polynésie française, consultée sur la proposition de loi, s'est déclarée favorable au report de deux mois préconisé, sous réserve que cela ne conduise pas à amputer d'autant la durée du mandat des futurs membres de cette assemblée. L'avis du 14 décembre 1995 observe qu'« i / n'y a pas d'échéance normale pour les élections à l'Assemblée territoriale, celle de mars découlant simplement de la décision de dissolution de 1986 » et que de surcroît, les conseils municipaux devant être renouvelés en mars 2001, un décalage de deux mois pour les élections territoriales permettrait de « bien distinguer les deux périodes électorales » .

Répondant à un souhait des autorités territoriales, le report des élections territoriales, en évitant la coïncidence chronologique entre la campagne électorale et le débat sur la réforme statutaire, est propice à un meilleur exercice du droit de suffrage.

La réforme du statut, qui renforce l'autonomie de la Polynésie française, modifie sensiblement la répartition des compétences institutionnelles : il serait donc singulier que les électeurs polynésiens soient conduits à choisir leurs représentants territoriaux sans connaître l'étendue des pouvoirs qui seront les leurs.

En outre, il convient de tenir compte des spécificités d'un territoire tel que la Polynésie française : son éloignement géographique de la métropole ne permettrait pas aux élus nationaux d'assumer leurs responsabilités politiques locales en participant à la campagne électorale et, dans le même temps, de prendre part à un débat parlementaire fondamental pour l'avenir du territoire.

Enfin, le report envisagé ne crée pas une situation novatrice : cinq précédents de report d'élections locales peuvent être cités sous la Vème République, quatre d'entre eux ayant pour objet de dissocier deux échéance électorales, le cinquième tendant au contraire à organiser leur concomitance. Quatre lois ont ainsi prévu l'échelonnement dans le temps d'élections locales et nationales : les lois du 21 décembre 1966 et du 4 décembre 1972 ont respectivement différé le renouvellement d'une série de conseillers généraux et des élections cantonales pour éviter la coïncidence avec les élections législatives, tandis que les lois du 8 janvier 1988 et du 17 juillet 1994 ont repoussé la première la date de renouvellement des conseillers généraux, la seconde celle des élections municipales, pour échapper à la concomitance avec l'élection présidentielle.

La loi du 11 décembre 1990 a, quant à elle, reporté les élections cantonales afin de les faire coïncider avec les élections régionales.

Les lois de 1990 et 1994 précitées ont été déférées au Conseil constitutionnel qui a pu définir une jurisprudence en matière de report d'échéances électorales. Il a ainsi considéré, dans sa décision n° 90-280 DC du 6 décembre 1990, que « le législateur,, compétent pour fixer les règles concernant le régime électoral des assemblées locales peut, à ce titre, déterminer la durée du mandat des élus qui composent l'organe délibérant d'une collectivité territoriale » mais que, « toutefois, dans l'exercice de cette compétence, il doit se conformer aux principes d'ordre constitutionnel qui impliquent notamment que les électeurs soient appelés à exercer selon une périodicité raisonnable leur droit de suffrage » .

La loi du 11 décembre 1990 avait pour objet de reporter d'un an les élections cantonales alors que la proposition de loi qui vous est soumise prévoit de différer de deux mois seulement la date des élections territoriales. La durée du report prévue par les quatre autres lois précitées a toujours été supérieure à deux mois. La prorogation proposée par la proposition de loi semble donc ne pouvoir être considérée comme excessive ou portant atteinte à l'exercice régulier du droit de suffrage.

Aux termes de sa décision de 1990, le Conseil constitutionnel vérifie que « les choix effectués par le législateur s'inscrivent dans le cadre d'une réforme dont la finalité n'est contraire à aucun principe non plus qu'à aucune règle de valeur constitutionnelle » et que le report a bien « un caractère exceptionnel et transitoire » . Le Conseil constitutionnel a par ailleurs, par sa décision n° 94-341 DC du 6 juillet 1994, confirmé sa jurisprudence de 1990 selon laquelle « la Constitution ne lui conférant pas un pouvoir général d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement, il ne lui appartient donc pas de rechercher si l'objectif que s'est assigné le législateur n'aurait pas pu être atteint par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif poursuivi » .

Le texte soumis à votre examen semble répondre à l'ensemble des critères fixés par la jurisprudence constitutionnelle.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des Lois vous propose d'adopter sans modification la proposition de loi organique relative à la date de renouvellement des membres de l'Assemblée territoriale de la Polynésie française.

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier

Report de la date des élections territoriales

Cet article a pour objet de reporter au mois de mai 1996 et donc à différer de deux mois la date des élections territoriales.

Cette disposition tend à déroger à l'article premier de la loi du 21 octobre 1952 relative à la composition et à la formation de l'Assemblée territoriale de la Polynésie française modifiée et complétée par la loi du 18 décembre 1985, qui prévoit que cette assemblée est composée de quarante et un membres élus pour cinq ans, les sièges correspondants étant répartis entre cinq circonscriptions (22 pour les Iles du Vent, 8 pour les Iles Sous-le-Vent, 3 pour les Iles Australes, 5 pour les Iles Tuamotu et Gambier et 3 pour les Iles Marquises).

L'article 2 de cette loi dispose en outre que, dans chaque circonscription électorale, les élections ont lieu selon le mode de scrutin prévu pour les conseillers régionaux par l'article L. 338 du code électoral, c'est-à-dire selon le scrutin de liste, à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, sans panachage ou vote préférentiel.

Le mandat des membres de l'Assemblée territoriale élus en mars 1991 étant prolongé de deux mois du fait de ce report, la proposition de loi prévoyait, afin de conserver « l'échéance normale du mois de mars pour les futures élections », de raccourcir d'autant celui des membres élus en 1996.

Cette disposition, résultant du second alinéa de l'article premier de la proposition de loi organique, n'a pas reçu l'agrément de l'Assemblée territoriale dont la commission des affaires administratives a considéré qu'il n'y avait « pas d'échéance normale pour les élections à l'Assemblée territoriale, celle de mars découlant simplement de la décision de dissolution de 1986 », et que, les conseils municipaux devant être renouvelés en mars 2001, il convenait « de bien distinguer les deux périodes électorales »

Soucieuse de prendre en considération cette réserve de l'Assemblée territoriale, la commission des Lois de l'Assemblée nationale a présenté un amendement tendant à supprimer le second alinéa de l'article premier, adopté le 17 janvier lors de l'examen du texte en séance publique.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article premier sans modification.

Article premier bis (nouveau)

Date de renouvellement du président et des membres du bureau de l'Assemblée territoriale

Cet article a pour objet de proroger le mandat du président et des membres du bureau de l'Assemblée territoriale jusqu'au renouvellement de cette assemblée, différé au mois de mai par l'article premier.

Cette disposition de cohérence, introduite par un amendement de M. Gaston Flosse adopté par l'Assemblée nationale avec l'avis favorable de la commission des Lois et du Gouvernement, doit permettre d'éviter l'organisation d'élections au sein de l'Assemblée territoriale au mois de mars pour désigner un président et un bureau qui exerceraient leurs fonctions pendant quelques semaines seulement.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article premier bis sans modification.

Article 2

Conséquences du report sur les modalités de financement de la campagne électorale

Cet article tire les conséquences du report proposé sur les règles de financement de la campagne électorale pour les élections territoriales.

Il aménage ainsi la durée prévue par l'article L. 52-4 du code électoral, dont le premier alinéa dispose que « pendant l'année précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de l'élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où l'élection a été acquise, un candidat à cette élection ne peut avoir recueilli des fonds en vue du financement de sa campagne que par l'intermédiaire d'un mandataire nommément désigné par lui, qui est soit une association de financement électorale, soit une personne physique dénommée « le mandataire financier ».

Pour tenir compte du report de deux mois de la date des élections territoriales, la durée de la période définie pour la collecte des fonds par un mandataire désigné par chaque candidat est portée de douze à quatorze mois.

Cette disposition, qui adapte les modalités de financement de la campagne au nouveau calendrier électoral, permet de valider les opérations effectuées dès le mois de mars 1995.

Son texte est la reproduction de la première phrase de l'article 2 de la loi du 16 juillet 1994 relative à la date du renouvellement des conseillers municipaux. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 94-341 DC du 6 Juillet 1994, a considéré que le législateur avait entendu « prendre en compte la circonstance que pendant la période séparant le 1er mars 1994 du 1er juin 994, des associations de financement ont pu être constituées ou des mandataires désignés et que ceux-ci on pu collecter des fonds, conformément à la législation alors applicable ». Un raisonnement comparable peut s'appliquer aux opérations de financement effectuées entre le 1er mars 1995 et le 1er mai 1995 dans la perspective des élections territoriales.

Hormis cette nécessaire régularisation, le présent article, à l'instar de la seconde phrase de l'article 2 de la loi du 16 juillet 1994 précitée, précise que « les comptes de campagne établis par les candidats ne retracent que les dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4 » du code électoral, soit les douze derniers mois précédant la date effective de l'élection.

Comme l'indique notre excellent collègue, M. Christian Bonnet, dans son rapport de 1994 sur le projet de loi relatif à la date du renouvellement des conseillers municipaux, le Gouvernement a observé que cette précision, tendant à ne pas appliquer la prolongation à l'établissement des comptes de campagne, « n'était pas absolument indispensable, dès lors que l'article L. 52-4 du code électoral relatif à l'obligation du compte de campagne se réfère déjà à la période mentionnée à l'article L. 52-4 ». Cette disposition a cependant été maintenue par le Parlement dans le but d'éclairer complètement les candidats sur le régime juridique applicable et d'éviter d'éventuels contentieux ultérieurs.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 6 juillet 1994 précitée, a d'ailleurs constaté que le législateur avait décidé, « compte tenu du maintien du montant du plafond prévu par l'article L. 52-11 du code électoral, de ne pas modifier la période durant laquelle sont prises en compte les dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection » et a estimé que le principe d'égalité était respecté, « les différences de situation susceptibles d'être créées répondant à la volonté du législateur d'assurer la mise en oeuvre des objectifs qu'il s'était fixés ».

Il apparaît donc justifié d'appliquer la même disposition aux élections territoriales.

Votre commission des Lois vous propose, en conséquence, d'adopter l'article 2 sans modification.

Elle vous propose d'adopter, dans le texte de l'Assemblée nationale, la proposition de loi organique relative à la date de renouvellement des membres de l'Assemblée territoriale de la Polynésie française.

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