Article premier - Conditions de mise en oeuvre et financement de l'allocation de cessation d'activité

Dans le texte initial du Gouvernement, l'article premier insérait deux articles nouveaux dans le code du travail. Le premier, pour les raisons susdites, figure à l'article premier A, le second, désormais non codifié, constitue le présent article. Il transpose dans la loi l'accord du 6 septembre 1995 « préretraites contre embauches », sous réserve de quelques adaptations et précisions justifiant la voie législative. Il comporte trois paragraphes.

Le paragraphe I autorise la cessation anticipée d'activité, précise les conditions et la procédure de financement des allocations, et détermine les effets juridiques de la rupture du contrat de travail.

Le premier alinéa dispose que le fonds prévu à l'article premier A assure le financement d'allocations aux bénéfices des salariés ayant demandé à cesser leur activité par anticipation, dès lors que la demande est acceptée par l'employeur. Celui-ci a un pouvoir d'appréciation souverain. En revanche, le fonds n'a pas ce pouvoir, dès lors que le salarié remplit les conditions fixées par l'accord ; au titre des conditions, on citera notamment la durée des périodes d'assurance, ou reconnues équivalentes (cas des maternités, cf. JO débats AN p. 5351) dans les régimes de base obligatoires d'assurance vieillesse (l'accord fixe 160 trimestres) ( ( * )5) . Il ne peut que vérifier que le dossier est complet et exact. On notera toutefois que le deuxième alinéa, à la suite d'un amendement de précision du Gouvernement, introduit une incertitude car il laisse supposer que le fonds pourrait refuser de prendre en charge le salarié. Il s'agit en fait de renforcer la protection juridique du salarié pour le cas où le fonds ne pourrait plus s'engager à payer d'allocations, sa dotation étant devenue insuffisante.

Il est en outre précisé que le dispositif s'applique dans les conditions déterminées par un accord agréé comme il a été dit à l'article premier A. Il ne s'agit ici que d'un rappel. Cependant, dans la mesure où le texte ne donne aucune indication sur les modalités de calcul de l'allocation, cela signifie que celles-ci sont déterminées par l'accord seul. Ce dernier (art. VI) fixe son montant à 65 % du salaire mensuel brut antérieur de l'intéressé dans la limite de quatre fois le plafond de la sécurité sociale. Le salaire brut de référence est le salaire brut moyen des douze derniers mois précédant la cessation d'activité calculé de la même façon que le salaire de référence de l'allocation unique dégressive. Cela signifie notamment que l'on prend en compte la rémunération habituelle et non celle qui résulterait d'une activité réduite imposée ou d'un salaire réduit en raison de difficultés économiques.

Le deuxième alinéa précise la situation juridique du salarié au regard de la rupture du contrat de travail. Il dispose que l'acceptation par l'employeur de la demande du salarié entraîne la rupture du contrat de travail « du fait du commun accord des parties ». Ce mode de rupture n'entre pas dans les catégories de rupture de droit commun que sont le licenciement et la démission. Il s'apparente à la rupture du contrat de travail d'un salarié ayant accepté de bénéficier d'une convention de conversion (cf. art. L. 321-6 du code de travail) ou à la rupture anticipée par accord des parties d'un contrat de travail à durée déterminée (art. L. 133-3-8). Il s'agit donc d'une procédure spécifique, non soumise aux conditions de délais ou de notifications du licenciement ou de la démission, fixée par l'accord du 6 septembre 1995 (art. III) : demande par lettre recommandée avec accusé de réception, ou récépissé de remise en main propre, réponse par écrit dans le délai d'un mois, date de rupture fixée par l'employeur dans les deux mois de l'acceptation. On notera que cette date n'est effective que si l'ASSEDIC a donné son accord et si le fonds est en mesure de prendre en charge l'intéressé (cf. ci-dessus).

L'alinéa dispose également que l'acceptation de la demande du salarié entraîne l'obligation, pour l'employeur, de procéder à une ou plusieurs embauches compensatrices de demandeurs d'emploi, dans les conditions, notamment de délai, prévu par le présent article (paragraphe II commenté ci-dessous) et par l'accord agréé. C'est ce dispositif de remplacement « heure pour heure » qui justifie de classer l'accord parmi les mesures d'activation des dépenses passives d'indemnisation. L'Assemblée nationale, à l'initiative de son rapporteur, s'est interrogée sur l'opportunité de supprimer le terme de « compensatrices » pour qualifier les embauches effectuées en contrepartie des départs. Mais ayant constaté que ce terme, juridiquement inutile dans le contexte, avait une portée pédagogique, elle a décidé de le garder.

Le troisième alinéa concerne le versement au salarié d'une indemnité de cessation d'activité à la charge de l'employeur. L'accord du 6 septembre prévoit que le montant de cette indemnité est égal à celui de l'indemnité légale de départ à la retraite. Le projet de loi initial modifiait légèrement la formule en prévoyant le versement anticipé de l'indemnité de départ à la retraite à l'initiative de l'employeur. L'Assemblée nationale, sur proposition de son rapporteur, a souhaité revenir au texte de l'accord en précisant que l'indemnité de cessation d'activité est calculée comme l'indemnité de départ à la retraite à l'initiative du salarié, moins coûteuse pour l'employeur. En tout état de cause, les dispositions conventionnelles plus favorables s'appliquent. Le choix de la référence (demande de retraite à l'initiative du salarié ou de l'employeur) a en outre une incidence sur le régime fiscal et social de l'indemnité : l'indemnité de départ à la retraite à l'initiative du salarié est considéré comme un revenu sur lequel sont opérés les prélèvements habituels, alors que l'indemnité de départ à la retraite à l'initiative de l'employeur, qui a un caractère, comme l'indemnité de licenciement, de dommages-intérêts, est exonérée de cotisations sociales et d'impôt sur le revenu. La logique voulait donc que l'indemnité de cessation d'activité soit assujettie à l'impôt (au-delà de 20.000 F) comme aux cotisations. Mais l'Assemblée nationale a précisé que l'indemnité, comme d'ailleurs le prévoyait implicitement le Gouvernement, obéissait au même régime fiscal et social que l'indemnité de licenciement et donc qu'elle était exonérée.

En conséquence de ces modifications, l'alinéa dispose que le montant de l'indemnité de cessation d'activité est égal à celui de l'indemnité de départ à la retraite prévue au premier alinéa de l'article L. 122-14-13 du code du travail (initiative du salarié), calculée sur la base de l'ancienneté acquise au moment de la rupture du contrat de travail, sans préjudice de l'application de dispositions conventionnelles plus favorables.

Aux termes de l'article L. 122-14-13, l'indemnité légale est égale à l'indemnité prévue à l'article 6 de l'accord (du 10 décembre 1977) annexé à la loi n° 78-49 du 19 janvier 1978 relative à la mensualisation et à la procédure conventionnelle : un demi-mois de salaire après 10 ans d'ancienneté, un mois après 15 ans, un mois et demi après 20 ans et deux mois après 30 ans. Le salaire pris en considération est le salaire moyen des trois derniers mois (art. R. 122-2 du code du travail).

Le quatrième alinéa, qui ne figurait pas dans le texte original, a été introduit par le Gouvernement à l'Assemblée nationale. Il vise à soumettre les ruptures de contrat de travail des salariés protégés qui souhaitent cesser leur activité par anticipation à l'autorisation préalable de l'inspecteur du travail : celui-ci effectue un « contrôle restreint » du respect des conditions légales, qui double celui de l'ASSEDIC, et surtout s'assure du consentement du salarié ; les salariés concernés sont les conseillers du salarié (art. L. 122-14-16), les membres d'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (art. L. 236-11), les délégués syndicaux (art. L. 412-18), les délégués du personnel (art. L. 425-1), les représentants du personnel au comité d'entreprise et (sous-amendement de l'Assemblée nationale) les conseillers prud'hommes (art. L. 514-2).

Enfin, le cinquième alinéa dispose que les allocations (dites allocations de remplacement pour l'emploi, ARPE) versées par le fonds paritaire sont soumises aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 352-3 du code du travail, c'est-à-dire qu'elles sont cessibles et saisissables dans les mêmes conditions et limites que les salaires, qu'elles sont exonérées du versement forfaitaire (taxe) de droit commun, car elles sont assujetties à des cotisations spéciales dont le taux est fixé par décret (cf. art. 2), et qu'elles sont imposables au titre de l'impôt sur le revenu.

Le paragraphe II fixe les conditions dans lesquelles l'employeur doit procéder aux embauches compensatrices de demandeurs d'emploi, après le départ anticipé d'un salarié. Deux hypothèses sont retenues.

Le premier alinéa concerne la compensation du départ d'un salarié sous contrat à durée indéterminée ; la ou les embauches (donc, dans ce cas, à temps partiel) doivent être à durée indéterminée et correspondre à un volume d'heures au moins égal à celui qu'aurait pratiqué le partant jusqu'à son soixantième anniversaire. Cela signifie, dans le cas général (contrat à durée indéterminée à temps plein) que la personne embauchée doit avoir un âge égal ou inférieur au partant.

Le deuxième alinéa concerne le départ d'un salarié sous contrat à durée déterminée ; la compensation se fait à volume d'heures de travail au moins égal à celui que le salarié aurait accompli s'il avait poursuivi son contrat jusqu'à son terme, sans que la durée du ou des contrats conclus puisse être inférieure à six mois.

Dans les deux cas, la compensation doit donc être intégrale. L'accord (art. VII) précise que les embauches à plein temps constituent une priorité et qu'elles doivent intervenir dans les trois mois suivant l'acceptation de la demande de départ anticipé. Les contrats d'insertion ou de formation aidés par l'État ou les partenaires sociaux (conventions de coopération) sont exclus. L'accord recommande en outre une attention particulière pour les jeunes de moins de 26 ans.

Le troisième alinéa détermine la sanction de l'inobservation des obligations relatives aux embauches compensatrices : l'employeur doit rembourser au fonds paritaire d'intervention les sommes versées par celui-ci au salarié ayant cessé par anticipation son activité, au prorata du nombre d'heures non accomplies, majoré de 50 %. La sanction peut donc se révéler coûteuse.

L'accord précise en outre qu'en cas de rupture du contrat de travail du ou des salariés embauchés en contrepartie du départ, l'employeur doit procéder dans les deux mois à de nouvelles embauches pour la durée restant à courir.

Enfin, le paragraphe III de l'article premier prévoit une information du comité d'entreprise, ou à défaut des délégués du personnel. Cette information prendra la forme d'un bilan des cessations de travail et des embauches compensatrices, présenté à l'occasion de la réunion sur l'emploi prévue à l'article L. 432-4-1 du code du travail, tous les trimestres dans les entreprises de plus de 300 salariés et tous les semestres dans les autres. Ce paragraphe reprend l'article IX de l'accord.

En plus des modifications déjà évoquées, l'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements de coordination.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

* (5) L'accord impose une durée de cotisation supérieure à ce qu'exige aujourd'hui le code de la sécurité sociale pour avoir droit à une retraite à taux plein : les 160 trimestres ne seront requis qu'à partir de 2003.

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