Rapport n° 363 (1995-1996) de M. Louis SOUVET , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 15 mai 1996

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N° 363

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 15 mai 1996.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE, tendant à favoriser l'expérimentation relative à l 'aménagement et à la réduction du temps de travail et modifiant l'article 39 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle,

Par M. Louis SOUVET,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean-Pierre Fourcade, président ; Jacques Bimbenet, Mme Michelle Demessine, MM. Claude Huriet, Charles Metzinger, Bernard Seillier, Louis Souvet, vice-présidents ; Jean Chérioux, Charles Descours, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Jacques Machet, secrétaires ; José Balarello, Henri Belcour, Jacques Bialski, Paul Blanc, Mme Annick Bocandé, MM. Louis Boyer, Jean-Pierre Cantegrit, Francis Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Philippe Darniche, Georges Dessaigne, Mme Joëlle Dusseau, MM. Guy Fischer, Alfred Foy, Serge Franchis, Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis, MM. Alain Gournac, Roland Huguet, André Jourdain, Pierre Lagourgue, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain, Simon Loueckhote, Jean Madelain, Michel Manet, René Marques, Serge Mathieu, Georges Mazars, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM. Louis Philibert, André Pourny, Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (l0ème législ.) : Première lecture : 2325, 2360 et T.A. 417.

Deuxième lecture : 2567, 2670 et T.A. 513.

Sénat : Première lecture : 94 , 205 et T.A. 76 (1995-1996).

Deuxième lecture : 301 (1995-1996).

Travail.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 15 mai 1996, sous la présidence de M. Jacques Bimbenet, vice-président, la commission a procédé à l'examen en deuxième lecture du rapport de M. Louis Souvet sur la proposition de loi n° 301 (1995-1996), adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, tendant à favoriser l'expérimentation relative à l'aménagement et à la réduction du temps de travail et modifiant l'article 39 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle.

M. Louis Souvet, rapporteur, a tout d'abord observé que la proposition de loi revenait en deuxième lecture presque dans les mêmes termes qu'en première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant tenu aucun compte des positions du Sénat.

Il a rappelé qu'elle visait à assouplir le dispositif de l'article 39 de la loi quinquennale instituant sur un « aménagement-réduction » du temps de travail en contrepartie d'embauches et que la commission avait manifesté certaines réserves sur cette proposition de loi, au point de la modifier en profondeur.

M. Louis Souvet, rapporteur, a alors énuméré les divergences entre les deux Assemblées : 10 % de réduction de la durée initiale de travail pour le Sénat, 15 % pour l'Assemblée nationale, pourcentage d'embauches de 5 % de l'effectif initial pour le Sénat, de 10 % pour l'Assemblée ; modulation du taux d'exonération de charges sociales entre 30 et 50 % pour la première année et 20 et 30 % les années suivantes pour le Sénat ; taux fixe de 50 % la première année et de 30 % les années suivantes pour l'Assemblée nationale.

Le Sénat souhaitait en outre que ce dispositif s'accompagne d'une réduction des salaires, l'Assemblée nationale préférant laisser une telle initiative aux partenaires sociaux. Enfin, le Sénat avait prévu une durée d'exonération de cinq ans, alors que l'Assemblée nationale avait opté pour une durée de dix ans.

Le rapporteur a alors indiqué que pour tenter d'aplanir ces divergences, les présidents Jean-Pierre Fourcade et Gilles de Robien avaient pris l'initiative de provoquer une réunion avec les rapporteurs et plusieurs de leurs collègues sénateurs et députés pour tenter de dégager une position commune.

Ce groupe de travail, après avoir constaté la nécessité d'une intervention législative, a trouvé un accord sur les bases suivantes : 10 % de réduction de temps de travail, 10 % d'augmentation des effectifs, pas d'augmentation de la masse salariale, maintien du nouvel effectif pendant deux ans et poursuite du droit à exonération pendant encore cinq ans, les taux de l'exonération étant fixés à 40 % la première année et 30 % les années suivantes.

M. Louis Souvet, rapporteur, a toutefois précisé que ses propositions d'amendements dépassaient le cadre de cet accord, d'une part pour tenir compte des incidences financières du dispositif telles qu'elles apparaissaient après simulation des effets sur sept ans, d'autre part, pour tenir compte d'informations d'origine gouvernementale relatives à l'état des négociations de branche en cours sur l'aménagement du temps de travail. De nombreux projets d'accord écartent, par exemple, la notion d'annualisation pour s'en tenir à des modulations plus souples.

Par ailleurs, il semblerait souhaitable de permettre au dispositif de s'appliquer hors accord d'entreprise à condition qu'il existe un accord de branche, afin de tenir compte des nombreuses entreprises qui n'ont pas de délégués syndicaux.

Enfin, un problème se pose à propos du cumul des exonérations de charges sociales prévues dans le présent texte avec celles portant sur les bas salaires, dans la mesure où le total peut dépasser, ainsi que l'a montré la mise en oeuvre des aides au secteur textile, 100 % des charges sociales patronales. Plutôt qu'un écrêtement des exonérations, difficile à mettre en oeuvre, la solution consisterait à permettre l'imputation du montant total des exonérations sur l'ensemble des cotisations sociales patronales.

Le rapporteur a alors indiqué que ces informations l'avaient conduit à proposer une série d'amendements complétant l'accord du groupe de travail Assemblée nationale - Sénat.

Il a ensuite présenté les simulations des coûts financiers de ce dispositif réalisées à partir des critères retenus par le groupe de travail, ainsi que sur une hypothèse de 15 % de réduction du temps de travail, 15 % d'embauché, 50 % d'exonération de charges sociales la première année et 40 % les années suivantes ; cette hypothèse reprend certaines préoccupations des députés et se rapproche du dispositif de modulation adopté par le Sénat en première lecture. De ces simulations, il ressort notamment que l'hypothèse « 15-15-50-40 » reste acceptable pour l'entreprise dès lors que le salaire d'embauché est inférieur au salaire moyen de l'effectif initial. En conséquence, le rapporteur a annoncé un amendement permettant aux partenaires sociaux de choisir entre cette formule et la formule retenue par le groupe de travail (« 10-10-40-30 »).

Il a également indiqué que, dans la mesure où la masse salariale ne variait pas dans des proportions notables, il lui paraissait préférable de ne plus poser d'obligation de maintien du niveau de cette masse salariale ou de réduction de salaire et qu'il appartiendrait aux partenaires sociaux de se prononcer sur cette question.

M. Louis Souvet, rapporteur, a ensuite exposé les coûts de ce dispositif pour le budget de l'État dans différentes hypothèses. Il a indiqué que le coût annuel de chaque emploi créé oscillait entre 105.652 francs et 161.040 francs, coût correspondant sensiblement à celui d'un chômeur.

Il a cependant observé que ces coûts pouvaient augmenter de façon importante au cas où les emplois créés ne seraient pas maintenus pendant les sept ans. C'est pourquoi il a proposé un dispositif de suppression progressive de l'exonération au cas où les emplois nouvellement créés seraient supprimés.

Enfin, il a précisé que les amendements qu`il proposait ne portaient que sur les articles premier et premier bis ; les autres articles modifiés par l'Assemblée nationale, dans un but de coordination, pouvant être adoptés sans modification.

M. Jean Chérioux, jugeant intéressantes les simulations de coût, a souhaité savoir si les cotisations payées sur les créations d'emplois avaient été prises en compte dans le coût public, ce que lui a confirmé le rapporteur.

M. André Jourdain a observé que ce dispositif allait renchérir de façon importante les coûts de production de l'entreprise et s'est interrogé sur son applicabilité.

M. Louis Souvet, rapporteur, a rappelé que les auteurs de la proposition de loi escomptaient de ce dispositif des gains de productivité afin de compenser les heures de travail supprimées.

M. Charles Metzinger s'est inquiété de la disparition du caractère expérimental du dispositif et a indiqué que les modifications proposées à la suite du compromis élaboré par le groupe de travail supposeraient que l'on prenne le temps de les étudier. Il a également considéré que cette proposition de loi arrivait trop tôt alors que les partenaires sociaux étaient en cours de négociations.

M. Louis Souvet, rapporteur, a précisé que le caractère expérimental de l'article 39 de la loi quinquennale avait été supprimé par les députés et que le groupe de travail avait maintenu cette suppression, mais que l'article 3 de la proposition de loi prévoyait un bilan du dispositif après deux ans. Il a également rappelé que les négociations en cours semblaient s'enliser, alors que les entreprises étaient fortement demanderesses d'incitations à la réduction du temps de travail.

M. Guy Fischer s'est inquiété de voir les emplois créés dans ces conditions consommer plus de richesse qu'ils n'en produisaient, ce qui n'était sans doute pas opportun au moment où certains songent à remettre en cause les aides à l'emploi. Pour lui, la proposition de loi s'appuie sur un constat d'échec en matière de lutte contre le chômage, et il considère qu'elle ne résoudra en aucune façon ce problème. Il s'y est donc déclaré opposé.

M. Louis Souvet, rapporteur, a rappelé que, pour évaluer le coût réel de ces créations d'emplois, il fallait prendre en considération, d'un côté, les effets négatifs induits du chômage et, de l'autre, ceux positifs d'une reprise d'emplois.

M. Serge Franchis s'est félicité de la précision du dispositif proposé et de la réintroduction de la modulation de l'exonération en fonction des efforts de l'entreprise en matière d'emplois. Pour lui, ce texte permettra de sortir les négociations de l'enlisement. Puis, constatant que l'effort de l'État était considérable, il a souhaité que les entreprises, d'une part, et les salariés, d'autre part, fassent eux-mêmes des efforts pour favoriser la création d'emplois et lutter ainsi contre les risques de fracture sociale.

M. Jean Madelain, soulignant l'intérêt des simulations chiffrées, a rappelé que ce texte favoriserait une relance des négociations d'autant plus nécessaire que la réduction du temps de travail, accompagnée d'embauches, constituait l'une des rares solutions encore envisageables au problème du chômage.

M. Louis Souvet, rapporteur, a rappelé qu'il convenait cependant d'avancer dans cette voie avec prudence pour ne pas mettre les entreprises et l'économie en difficulté.

La commission a alors procédé à l'examen des articles et des amendements suggérés par le rapporteur.

À l'article premier (exonération des cotisations sociales patronales en contrepartie d'une réduction collective du temps de travail et d'embauches), la commission a adopté sept amendements.

Le premier, sur lequel M. Charles Metzinger a manifesté un accord de principe, vise à reprendre les conclusions du groupe de travail Assemblée nationale-Sénat, à instaurer une alternative : accord de branches ou accord d'entreprises et à supprimer la référence obligatoire à l'annualisation du temps de travail.

Le deuxième amendement permet, d'une part, le cumul des exonérations et le report des excédents sur le total des cotisations sociales patronales, d'autre part, fixe les taux d'exonération de cotisations sociales patronales à 40 % la première année, et à 30 % les années suivantes.

Le troisième amendement abaisse la durée de l'exonération de 10 à 7 ans, M. Jean Madelain jugeant cette disposition essentielle et M. André Jourdain considérant la durée de 7 ans encore trop importante.

Le quatrième amendement offre aux partenaires sociaux une alternative en proposant des taux d'exonération de 50 % la première année, et de 40 % les années suivantes, en cas de réduction de la durée collective du travail de 15 % et d'augmentation de l'effectif également de 15 %. M. Charles Metzinger s'est inquiété de voir, à cette occasion, députés et sénateurs négocier à la place des partenaires sociaux.

Le cinquième amendement ramène de 3 ans à 2 ans la durée de l'obligation de maintenir le nouvel effectif.

Le sixième amendement prévoit un dispositif de suppression progressive de l'exonération au cas où le nouvel effectif ne serait pas maintenu, M. André Jourdain jugeant cette disposition essentielle.

Le septième amendement est de coordination.

La commission a alors adopté cet article ainsi modifié.

A l'article premier bis (exonération des cotisations sociales patronales en cas de réduction collective du temps de travail destinée à éviter des licenciements économiques), la commission a adopté un amendement destiné à permettre le cumul des différentes exonérations de charges sociales et de fixer les taux de réduction du temps de travail et de charges sociales dans la loi plutôt que dans un décret.

Cet article a donné lieu à un large débat.

M. Charles Metzinger s'est inquiété des effets d'aubaine que pouvait susciter ce dispositif destiné à éviter des licenciements.

M. Louis Souvet, rapporteur, a rappelé qu'il ne pouvait être mis en oeuvre que dans le cadre d'une convention conclue avec l'État, ce qui constituait une garantie.

Mme Joëlle Dusseau s'est déclarée réticente, dans la mesure où l'article risquait de faire passer au second plan le dispositif d'annualisation-réduction du temps de travail accompagnée d'embauches, objet essentiel de la proposition de loi.

M. Jean Madelain a considéré que les difficultés économiques d'une entreprise se mesuraient d'une façon objective et que l'inspection du travail était là pour veiller à ce que les aides de l'État ne soient pas détournées de leurs objectifs. Pour sa part, il a considéré que le dispositif proposé pouvait constituer un remède efficace aux licenciements. Il a également précisé que le Gouvernement, en proposant cette mesure, pensait aux difficultés du secteur de l'armement.

M. Louis Souvet, rapporteur, a rappelé que les chefs d'entreprise vivaient mal, en général, les difficultés de leur entreprise ; ils ne les évoqueraient donc pas si elles n'étaient pas réelles.

M. Roland Huguet a rappelé que les directions départementales du travail et de l'emploi manquaient d'effectifs et ne pouvaient contrôler toutes les entreprises. Les risques de détournement des aides étaient donc réels.

La commission a alors adopté cet article, M. Charles Metzinger se prononçant contre.

Elle a ensuite adopté les articles 2 (cumul des exonérations), (bilan) et 4 bis (dispositions transitoires) sans modification.

Puis, elle a adopté un amendement modifiant l'intitulé de la proposition de loi pour tenir compte des ajouts successifs au texte.

Enfin, après intervention de M. André Jourdain, déclarant accepter le texte avec circonspection, la commission a adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La proposition de loi tendant à favoriser l'expérimentation relative à l'aménagement et à la réduction du temps de travail, que le Sénat avait examinée en première lecture le 12 février dernier, revient en deuxième lecture, après avoir fait l'objet d'un nouvel examen à l'Assemblée nationale le 28 mars. Sous réserve de quelques ajouts, son contenu est celui qui nous avait été transmis la première fois ; nos collègues députés n'ont tenu aucun compte de nos positions. A la lecture des deux versions, les divergences entre nos deux Assemblées apparaissent donc profondes.

Il convient de rappeler que l'objet de la proposition de loi, due à une initiative de nos collègues députés Marie-Thérèse Boisseau et Denis Jacquat visait à assouplir le dispositif de l'article 39 de la loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 : cet article encourage, à titre expérimental, les réductions conventionnelles du temps de travail, en contrepartie d'un aménagement annualisé de ce temps de travail et de créations d'emplois. Mais l'article n'a pas rencontré le succès escompté et les entreprises qui s'y sont engagées souhaiteraient que les avantages consentis par l'État soient prolongés au-delà de trois ans, car, semble-t-il, le nouvel aménagement du temps de travail ne peut être consolidé sur une période aussi courte, surtout dans une conjoncture économique difficile. D'où la proposition de loi de l'Assemblée nationale qui supprime le caractère expérimental du dispositif et le pérennise, écarte toute mention de diminution des salaires, transforme l'aide de l'État en une exonération partielle de charges sociales et porte de trois à dix ans la durée de l'avantage d'exonération consentie à l'employeur. Pour l'Assemblée, il s'agissait d'accompagner les négociations ouvertes le 31 octobre 1995 par les partenaires sociaux.

La proposition de loi, lors de son examen en première lecture par votre commission des Affaires sociales, avait été accueillie avec une certaine réserve. Il en avait été de même en séance publique. Cette réserve s'expliquait notamment par la nécessité de laisser les partenaires sociaux poursuivre leurs négociations sur la réduction et l'aménagement du temps de travail avant d'intervenir par la voie législative, par les risques d'interférence avec le temps partiel, par la charge financière que constituait ce dispositif pour les caisses de sécurité sociale et par son coût pour le budget de l'État qui resterait sollicité combien même les nouveaux emplois ne seraient pas maintenus.

Après un débat très riche, votre commission avait accepté la proposition, mais largement amendée, afin de rechercher de façon constructive de nouvelles voies pour lutter contre le chômage. Les orientations retenues, encore affinées au cours du débat en séance publique, visaient essentiellement à réduire les ambitions du texte -tout en lui conservant son caractère expérimental- afin de le rendre plus réaliste et compatible avec la situation économique des entreprises.

En s'en tenant aux points fondamentaux, c'est-à-dire essentiellement à l'article premier, les divergences entre les deux Assemblées sont les suivantes :

Les hypothèses retenues par le Sénat

Les hypothèses retenues par l'Assemblée


10 % de réduction minimum du temps de travail ;


15 % de réduction du temps de travail ;


une modulation du taux d'exonération fixée entre 30 et 50 % la première année et 20 et 40 % les années suivantes en fonction des efforts de l'entreprise en matière de réduction du temps de travail et de création d'emploi ;


taux de réduction non modulable, de 50 % la première année et de 30 % les années suivantes ;


durée d'exonération de 5 ans (sauf si les engagements de l'entreprise ne sont plus respectés) ;


durée d'exonération de 10 ans :


pourcentage minimum d'embauché de 5 %.


pourcentage d'embauché de 10 %.

Pour s'opposer à la modulation, l'Assemblée a mis en avant la « lisibilité » du dispositif.

Par ailleurs, pour le Sénat, l'avantage d'exonération ne pouvait être accordé que si les salariés acceptaient une baisse de leur rémunération, même symbolique. L'Assemblée nationale a considéré en revanche qu'il s'agissait d'un élément de la négociation entre les partenaires sociaux, dans laquelle le législateur n'avait pas à intervenir, sauf à prendre le risque de bloquer ces négociations.

Il apparaissait donc avec évidence que les positions des deux Assemblées n'étaient pas compatibles, l'Assemblée nationale soupçonnant le Sénat d'avoir voulu réduire au maximum l'intérêt de la proposition de loi, le Sénat considérant au contraire que l'Assemblée nationale était trop ambitieuse et risquait de déstabiliser les dispositifs d'aménagement du temps de travail déjà existants.

Vers un rapprochement des positions des deux Assemblées

Dans ces conditions, il a paru opportun au président Jean-Pierre Fourcade et au président Gilles de Robien, plutôt que de laisser perdurer ces divergences au fil des navettes, navettes que le Gouvernement n'aurait sans doute pas interrompues par la réunion d'une commission mixte paritaire puisqu'il s'agit d'une proposition de loi, de provoquer une réunion de concertation, le 17 avril, avec les rapporteurs et plusieurs collègues députés et sénateurs intéressés, dont l'un des co-auteurs de la proposition de loi, Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Le premier point de convergence a été immédiat : puisque les partenaires sociaux tardaient à respecter les objectifs qu'ils s'étaient eux-mêmes fixés le 31 octobre 1995 et que seul un nombre restreint de négociations de branche étaient parvenues à leur terme, alors que les entreprises étaient de plus en plus demanderesses, l'intervention du législateur était justifiée.

Sur le reste, le débat a été assez vif mais, finalement, un accord a pu être trouvé : 10 % de réduction du temps de travail, 10 % d'augmentation des effectifs, pas d'augmentation corrélative de la masse salariale, maintien du nouvel effectif pendant deux ans, mais poursuite du droit à exonération pendant encore cinq ans, enfin exonération de charges patronales de 40 % la première année et de 30 % les années suivantes. Chacun avait donc fait un pas vers l'autre.

De nouvelles informations conduisent à enrichir le dispositif élaboré par le groupe de travail

Mais deux séries d'informations sont venues enrichir le débat en cours et incitent à aller au-delà du dispositif retenu, que votre rapporteur se disposait à vous soumettre sous forme d'amendements :

- la première série d'informations a pour origine le ministère du travail : celui-ci a communiqué à votre rapporteur les premières conclusions portant sur les négociations en cours sur l'aménagement du temps de travail, d'une part, et sur les problèmes liés à la mise en oeuvre des aides au secteur textile dans le cadre de l'article 99 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, d'autre part.

Il ressort essentiellement des premières conclusions que les négociations en cours s'orientent vers d'autres types de modulation que l'annualisation, comme le semestre par exemple : dans ces conditions, le dispositif de la proposition de loi ne pourrait leur être appliqué puisqu'il repose obligatoirement sur une modulation annuelle. Il conviendrait donc de l'assouplir sur ce point, faute de quoi il risquerait de manquer son objectif.

Quant à la mise en oeuvre du dispositif d'aide au secteur textile, elle révèle deux types de difficultés : le premier concerne le cumul des exonérations diverses, qui pourrait à l'avenir atteindre plus de 100 %. La proposition de loi autorise en effet le cumul de l'incitation à l'aménagement du temps de travail avec la ristourne dégressive et l'exonération de cotisations d'allocations familiales. Un écrêtement serait donc nécessaire, mais la mise en oeuvre de cet écrêtement, qui devrait se faire feuille de paie par feuille de paie, apparaît particulièrement lourde et compliquée : c'est pourquoi le ministère du travail suggère de ne pas procéder à l'écrêtement mais d'imputer l'exonération globale non plus salarié par salarié, mais sur l'ensemble des cotisations sociales versées à l'URSSAF, dans la limite des cotisations patronales. Cela permettrait de réduire un peu plus le coût du travail pour les emplois peu qualifiés, tout en évitant de compliquer encore davantage la tâche des employeurs. Ce dispositif jouerait dès maintenant pour le secteur textile et à l'avenir dans d'autres secteurs, si la ristourne dégressive était augmentée.

La mise en oeuvre du système d'aide au secteur textile, qui repose sur des négociations de branche, a également montré qu'il serait inopportun et inutile de subordonner exclusivement l'application de la présente incitation à l'aménagement et à la réduction du temps de travail à une convention ou à un accord d'entreprise. Sans doute serait-il plus efficient pour le succès de l'incitation de laisser le choix entre l'application d'un accord ou d'une convention de branche étendu et une convention ou un accord d'entreprise.

Ces considérations ont emporté la conviction de votre rapporteur, puis de votre commission qui y ont vu une justification a posteriori de leurs réticences de première lecture à légiférer, puisque les longs délais d'examen de la proposition de loi permettent de prendre aujourd'hui en considération certaines orientations dégagées par les partenaires sociaux. Votre commission vous proposera donc des amendements dans ce sens.

- la seconde série d'informations concerne le coût financier du dispositif pour l'État, tel qu'il apparaît après simulation de ses effets.

Ces simulations prennent en compte d'une part les paramètres retenus par le groupe de travail Assemblée-Sénat : 10% de réduction du temps de travail, 10% de création d'emplois, avec 40% la première année et 30% ensuite d'exonération de charges sociales. Une deuxième série d'hypothèses a également fait l'objet d'une simulation pour voir ce que donneraient les chiffres retenus par l'Assemblée nationale, dans la perspective d'une alternative donnée aux partenaires sociaux, comme l'avait souhaité le Sénat en proposant une modulation et comme l'a de nouveau suggéré à votre rapporteur le ministère du travail : « 15-15-50-40 ».

Les salaires retenus sont :

1° Salaire moyen mensuel de l'entreprise : 10.000 F, salaire d'embauche : 10.000 F ;

2° Salaire moyen mensuel de l'entreprise : 10.000 F, salaire d'embauche : 7.500 F ;

3° Salaire moyen mensuel de l'entreprise diminué de 3 % : 9.700 F, salaire d'embauché : 7.500 F.

Les principaux résultats 1 ( * ) sont regroupés dans le tableau suivant (pour un effectif initial de 100 personnes) :

Hypothèses :

10- 10-40-30

15- 15-50-40

(1) Après réincorporation des cotisations sociales correspondant aux emplois créés.

Ainsi, la première année, dans l'hypothèse « 10-10-40-30 » la baisse du coût annuel d'un emploi initial, grâce à l'exonération, entraîne une économie de 122.000 F par mois sur les 100 personnes. Cette économie permet de financer 9,4 emplois nouveaux et cela sans diminution de salaire.

Les années suivantes, avec un taux d'exonération de 30 %, la réduction de charges sur les 100 emplois finance encore 6,89 emplois nouveaux. Le complément (49.620 F) doit donc être rajouté par l'entreprise, qui devra le financer en se réorganisant.

Si le salaire des nouveaux embauchés est de 7.500 F, l'entreprise fait des économies la première année, puisque la réduction de charges permet de financer 12.53 emplois nouveaux. Les autres années, la réduction de charges lui permet de financer 9,18 emplois. Chaque emploi nouveau créé lui coûtera alors 9.765 F par an.

Une réduction de salaire de 3 % permet à l'entreprise de financer tous les nouveaux emplois avec un « gain » substantiel. Elle pourrait dans ces conditions embaucher plus de 10 salariés sans augmentation de la masse salariale.

Dans l'hypothèse « 15-15-50-40», les mêmes simulations montrent que l'entreprise peut financer grâce à l'exonération 12,03 emplois sur 15 la première année et 9,40 les années suivantes pour un salaire d'embauche de 10.000 F équivalent au salaire moyen de l'effectif initial, et 16,04 puis 12,53 si le salaire d'embauche est de 7.500 F. Si les salaires initiaux diminuent de 3 %, les emplois financés par l'exonération sont de 20,04 la première année pour un salaire d'embauche de 7.500 F et de 16,53 les années suivantes.

Il apparaît donc, à travers ces simulations que les critères de 15 % de réduction du temps de travail, 15 % de création d'emploi et 50 puis 40 % d'exonération, plus créateurs d'emploi, se révèlent acceptables pour l'entreprise dès lors que le salaire d'embauche est inférieur au salaire moyen ; les gains de productivité attendus de l'accord d'aménagement et de réduction du temps de travail devraient absorber sans difficulté les surcoûts et combler la réduction du nombre d'heures annuelles de travail (équivalentes à 1 % des emplois dans l'hypothèse 10-10 et à 4 % dans l'hypothèse 15-15). Dans ces conditions, il semble opportun de permettre aux partenaires sociaux de choisir entre les deux formules. En outre, dans la mesure où la masse salariale ne varie pas dans des proportions notables 2 ( * ) -du moins dans l'hypothèse la plus probable, celle d'un salaire d'embauche inférieur au salaire moyen-, on peut sans doute laisser le soin aux partenaires sociaux de régler l'évolution de cette masse salariale. Il leur reviendra donc de décider dans le cadre de la négociation, s'il y a lieu de diminuer les salaires. Il convient en outre de noter que l'effort des salariés en faveur des créations d'emploi peut prendre d'autres formes qu'une réduction de salaire, comme par exemple, ainsi que le prévoient déjà les projets d'accord, une renonciation à certains avantages conventionnels. Il faut d'ailleurs souligner que toute diminution de salaire a un coût public (non pris en compte dans le tableau ci-dessus), puisqu'elle se traduit par une baisse des cotisations sociales. Votre commission vous proposera donc d'insérer l'hypothèse « 15-15-50-40 » dans la proposition de loi et de ne plus mentionner l'exigence de stabilisation de la masse salariale. Ces propositions devraient satisfaire nos collègues députés, car elles sont très proches des leurs.

Les simulations permettent également d'évaluer le coût pour le budget de l'État de ces incitations à la réduction du temps de travail. On rappellera en effet que l'État doit compenser les pertes de recettes des caisses de sécurité sociale consécutives aux dispositifs d'exonération de charge relevant de la politique de l'emploi.

Le coût annuel de chaque emploi créé s'échelonne de 161.040 F par an à 114.741 F dans les hypothèses 10-10 et de 140.300 F à 105.652 F dans les hypothèses 15-15. Le dispositif, certes incitatif, est donc aussi très coûteux. Il l'est moins dans l'hypothèse 15-15 3 ( * ) . Il faut en outre avoir à l'esprit que l'État s'engage pour 7 ans aux termes de l'accord du groupe de travail Assemblée nationale-Sénat, les députés s'étant prononcés initialement pour 10 ans et le Sénat, pour 5 ans.

La question de la durée semble en effet cruciale si l'on croise l'objectif recherché (le partage du travail) et l'effort budgétaire de l'État. Le cumul sur 7 ans des coûts annuels pour l'État rapporté au nombre d'emplois et au nombre d'années pendant lesquelles les emplois ont été conservés permet de connaître le coût d'une année-emploi : lorsque les emplois sont conservés pendant 7 ans le coût de l'année-emploi est, pour un salaire des nouveaux embauchés de 7.500 F, de 123.656 F dans l'hypothèse «10-10» et de 112.458 F dans l'hypothèse « 15-15». Ce coût est légèrement inférieur au coût moyen d'un chômeur.

De ce coût doivent en outre être déduits les effets positifs d'une reprise d'emploi, en termes de cotisations, de consommation et de cohésion sociale.

Il est cependant évident que si les emplois n'étaient pas maintenus pendant les 7 ans, les coûts de l'année-emploi augmenteraient considérablement, ce qui ne serait pas tolérable, surtout en période d'austérité budgétaire.

Les cas où l'entreprise ne jouerait pas le jeu et continuerait à bénéficier d'une exonération de charges sociales sans contrepartie de maintien des nouveaux emplois devraient être rares : on voit mal en effet une entreprise négocier un accord de réduction-annualisation, ce qui suppose une réorganisation de ses modes de fonctionnement, pour ne plus l'appliquer au bout de deux ans. Ces situations devraient plutôt se rencontrer en cas de graves difficultés économiques entraînant des licenciements. L'exonération -au même titre que celle de l'article 39-1- interviendrait alors comme un moyen de permettre à l'entreprise de passer un cap difficile.

Néanmoins, votre commission s'est posé la question de savoir s'il ne convenait pas d'éviter les dérapages du dispositif, comme elle l'avait fait en première lecture. Ne souhaitant pas prendre le risque d'engager les finances de l'État dans un tel processus incontrôlé et dispendieux, elle vous proposera un système de sortie progressive du dispositif d'incitation.

Sur les autres dispositions du texte, votre commission ne vous suggérera aucun amendement, l'Assemblée nationale ne les ayant modifiés que dans un but de coordination, si ce n'est à l'article premier bis, relatif aux incitations à la réduction du temps de travail en cas de plans sociaux, par coordination avec la modification de l'article premier.

En revanche, elle vous demandera, en conséquence de l'enrichissement progressif du texte, de modifier le titre de la proposition de loi.

La proposition de loi, telle qu'elle devrait ressortir de nos débats, si vous agréez les conclusions de votre commission, devrait enclencher un processus d'aménagement et de réduction du temps de travail dans un but de partage ou de préservation de l'emploi. Certes, ce dispositif a un coût non négligeable, mais ses effets directs sur l'emploi et indirects sur la cohésion sociale devraient largement justifier l'effort initial qui repose sur la solidarité nationale, ainsi que sur celle des entreprises et des salariés. Ce partage du temps de travail est l'une des rares voies qui n'aient pas encore été véritablement explorées pour obtenir des résultats en matière de lutte contre le chômage.

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier - Incitation à l'aménagement et à la réduction conventionnels du temps de travail en contrepartie d'embauches (Art. 39 de la loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993)

Cet article, qui modifie en profondeur l'article 39 de la loi quinquennale, constitue le coeur de la proposition de loi. C'est essentiellement sur lui qu'ont porté les débats tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Si le mécanisme général était admis par les deux Assemblées, les divergences portaient sur les taux de réduction du temps de travail, de création d'emplois et de réduction de charges sociales, ainsi que sur certaines conditions annexes, telles que l'exigence de réduction des salaires ou le caractère expérimental ou non du dispositif.

Lors de son examen en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, les députés, sur proposition de M. Yves Nicolin, rapporteur de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, ont rétabli leur texte de première lecture.

Ils ont fixé l'exigence de réduction du temps de travail à 15 %, malgré une intervention du ministre du travail favorable aux 10 % du Sénat, considérant que la réduction du temps de travail était secondaire par rapport aux créations d'emploi (2e alinéa du 1°) ; ils ont rétabli les taux d'exonération de charges sociales patronales à 50 % des cotisations la première année et à 30 % les années suivantes (2°, a) ; ils ont supprimé l'exigence de réduction des salaires (2°, a) ; ils ont porté la durée de l'exonération de charges sociales de cinq ans à dix ans, le ministre s'en étant remis à la sagesse de l'Assemblée (2°, b) ; ils ont fixé le pourcentage des embauches à 10 % au lieu de 5 % (suppression du d) du 2°) ; ils ont, sur proposition de M. Jean-Yves Chamard, rejeté le dispositif de suppression de l'exonération en cas de non-maintien des emplois, cette suppression étant justifiée par le fait qu'elle imposerait aux entreprises des conditions qui rendrait l'incitation non opérationnelle (suppression du e) du 2°) ; enfin, ils ont prévu que la convention conclue avec l'État fixerait les taux d'exonération dont bénéficieraient les entreprises pratiquant déjà un horaire inférieur à la durée légale.

En revanche, ils ont maintenu l'allongement de la période au cours de laquelle les entreprises doivent procéder aux embauches, prévu par le Sénat dans un souci de pragmatisme, les employeurs pouvant éprouver des difficultés à recruter leur nouveau personnel dans le délai initial de six mois.

Pour les raisons exposées en première partie de ce rapport, votre commission vous propose sept amendements sur cet article.

Le premier amendement suggère une nouvelle rédaction pour le I de l'article 39 de la loi quinquennale, qui figure au 1° de l'article premier. Cette nouvelle rédaction vise quatre objectifs :

- reprendre le seuil minimum de 10 % d'abaissement du temps de travail qui a fait l'objet d'un accord Assemblée nationale-Sénat ;

- instaurer une alternative accord de branche ou accord d'entreprise, ce qui supprime l'obligation de conclure un accord d'entreprise, afin de permettre aux entreprises qui ne sont pas en mesure de conclure un tel accord de faire application d'un accord de branche étendu ; cela vise essentiellement le cas où il n'y a pas de délégués syndicaux 4 ( * ) ;

- supprimer la référence obligatoire à l'annualisation du temps de travail, afin de permettre une modulation plus souple de l'organisation du travail (sur le semestre par exemple), comme le mentionne d'ailleurs l'article L. 212-2-1 du code du travail qui prévoit une organisation du temps de travail sur « tout ou partie » de l'année ;

- permettre, en évoquant une « incitation » à la réduction collective du temps de travail, de prévoir le cadre juridique autorisant l'imputation de l'exonération de charges sociales patronales sur la masse des cotisations URSSAF patronales afin de permettre le cumul des différentes exonérations (le cumul peut et surtout pourra, lorsque progressera la ristourne dégressive, dépasser les 100 %) : cette disposition permet d'alléger davantage le coût du travail peu qualifié et évite à l'employeur un calcul fastidieux des exonérations, salarié par salarié, en vue de l'écrêtement des exonérations.

Les trois derniers objectifs sont inspirés des négociations en cours sur l'aménagement et la réduction du temps de travail, et de la mise en oeuvre de l'accord d'aide au secteur textile.

Le deuxième amendement, qui porte sur le a) du 2°, vise :

- d'une part, à permettre le cumul des exonérations et des réductions de cotisations patronales et le report des excédents individuels éventuellement constatés sur le total des cotisations sociales patronales versées au titre de l'assurance maladie, des allocations familiales et des accidents du travail. Le calcul se fait salarié par salarié mais le montant global de l'exonération est déduite de la masse des cotisations patronales et dans la limite de celles-ci 5 ( * ) .

- d'autre part, à fixer le taux de l'exonération en fonction de l'accord exploratoire intervenu entre l'Assemblée nationale et le Sénat : 40 % la première année afin de prendre ainsi en charge les surcoûts du nouvel aménagement du temps de travail et 30 % les années suivantes. On notera que ces exonérations ne portent que sur les cotisations URSSAF, c'est-à-dire sur environ 30,5 % (taux variable en fonction de la cotisation d'accidents du travail) du montant du salaire, et non sur la totalité des charges sociales patronales (environ 42 %).

Par ailleurs, les simulations ayant montré que la réduction de salaire (ou le blocage de la masse salariale) n'était pas toujours nécessaire pour éviter les surcoûts du nouveau dispositif, il n'est plus fait allusion à cette condition que les partenaires sociaux intégreront ou non aux négociations. On peut noter d'ailleurs que celles-ci peuvent prendre en compte, plutôt qu'une diminution de salaire, la suppression d'avantages conventionnels déjà existants.

Le troisième amendement ramène de 10 à 7 ans la durée de l'exonération, en application de l'accord déjà évoqué. Cet amendement a été jugé essentiel par la commission qui considère qu'une entreprise ne peut prendre l'engagement de rester dans ce dispositif pendant une période plus longue (modification du b) du 2°).

Le quatrième amendement qui réintroduit un d) dans le 2° de cet article vise à offrir une alternative à l'entreprise afin qu'elle puisse, si elle le désire, mener une action plus volontaire en faveur de l'emploi. Au dispositif « 10-10-40-30 » s'ajouterait ainsi un dispositif « 15-15-50-40 ». Ce dispositif est en outre moins coûteux pour les finances de l'État, avantage non négligeable en période d'austérité budgétaire. L'amendement s'inscrit dans la dynamique de création d'emploi voulue par l'Assemblée nationale, dont il reprend certaines des propositions chiffrées.

Le cinquième amendement rétablit un e) dans le 2° de cet article. Pour que soit conservé le bénéfice de l'exonération de charges sociales, il faut actuellement que l'effectif augmenté de 10 % soit maintenu au moins trois ans. Par cohérence avec la réduction à sept ans de la durée globale de l'exonération, il est proposé, ainsi que le suggérait le groupe de travail Assemblée nationale-Sénat de ramener cette exigence à deux ans.

Le sixième amendement vise à rajouter un f) dans le 2° de cet article afin d'introduire un dispositif de sortie obligatoire du mécanisme d'incitation en cas de non-maintien du nouvel effectif au cours des cinq dernières années. Il s'agit d'une disposition également jugée essentielle par la commission. En effet, les coûts en année-emploi pour le budget de l'État deviennent très vite prohibitifs si les emplois ne sont pas maintenus au-delà de deux ans. Certes, pour les raisons déjà exposées, leur suppression la troisième année se présente comme un cas d'école, sauf si l'entreprise doit procéder à des licenciements économiques. Toutefois, votre commission ne peut prendre le risque d'un possible dévoiement du système qui permettrait à une entreprise de réduire substantiellement sa masse salariale sans aucune contrepartie d'emploi ; outre qu'elle augmenterait considérablement le coût de la compensation auprès des caisses de sécurité sociale supporté par le budget de l'État, cette situation introduirait de graves distorsions de concurrence entre entreprises. C'est pourquoi elle vous propose cet amendement qui réduit progressivement, puis supprime, l'avantage d'exonération en cas de diminution de l'effectif.

La rédaction retenue autorise néanmoins une fluctuation de l'effectif de plus ou moins 5 %. Il n'y a donc pas d'effet « couperet ».

Enfin le septième amendement vise à supprimer le deuxième alinéa du 3° et à modifier par coordination le premier alinéa. Il s'agit d'écarter tout renvoi à une convention de la fixation des conditions de réduction de l'horaire et d'augmentation de l'effectif quand l'horaire initial est inférieur à la durée légale. En effet, l'article 39 concerne la durée « initiale », qui peut être ou légale ou conventionnelle ; dans ce second cas, fréquent, elle est généralement inférieure à la durée légale ; aussi, maintenir cette disposition viderait l'article 39 de tout sens, puisque la loi ne concernerait que les entreprises appliquant la durée légale, les autres relevant de la convention avec l'État. Dans tous les cas, il sera donc fait application des taux fixés par la présente proposition de loi. L'Assemblée avait procédé à cette suppression dans l'article premier bis, mais omis d'y procéder dans le présent article.

Votre commission vous demande d'adopter le présent article ainsi modifié.

Article premier bis - Incitation à l'aménagement et à la réduction conventionnels du temps de travail en vue d'éviter des licenciements économiques (Art. 39-1 nouveau de la loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993)

Cet article résulte d'un amendement du Gouvernement adopté en première lecture au Sénat. Il insère un article 39-1 dans la loi quinquennale afin, en recourant à un mécanisme d'exonération de cotisations sociales patronales analogue à celui de l'article 39 tel que modifié par l'article premier du présent texte, d'inciter les entreprises ayant engagé une procédure de licenciement économique à procéder, dans le cadre d'une convention ou d'un accord d'entreprise, à une réduction de l'horaire collectif de travail dans le but d'éviter ces licenciements.

La réduction d'horaire était au minimum de 15 % dans le texte du Gouvernement, l'Assemblée nationale a ramené ce seuil à 10 %. Le nombre d'emplois préservés et la durée de maintien des emplois sont fixés par l'accord. L'exonération est accordée par convention avec l'État qui déterminera les taux d'exonération en fonction du niveau de la réduction du temps de travail, dans un cadre défini par décret.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a supprimé l'alinéa concernant les entreprises dont la durée de travail initiale est inférieure à la durée légale (cf. ci-dessus, article premier), afin qu'elles appliquent au minimum la réduction de 10%.

Sur cet article, votre commission vous propose un amendement qui vise :

- d'une part, à permettre le cumul des différentes exonérations de charges sociales selon des modalités qui évitent de recourir à un écrêtement des exonérations ; celui-ci accroîtrait en effet les contraintes administratives de l'employeur ; comme à l'article premier, la déduction des exonérations se fait sur le total des cotisations employeurs, dans la limite de ces cotisations. C'est d'ailleurs la mise en oeuvre du dispositif destiné à préserver l'emploi dans le secteur textile qui a mis en lumière la question des cumuls d'exonérations 6 ( * ) ;

- d'autre part, il fixe les taux de réduction du temps de travail et d'exonération de charges sociales, alors que la version initiale de l'article les renvoyait à un décret. Il s'agit de donner une meilleure « lisibilité » au dispositif, comme c'est déjà le cas pour l'article premier.

Le II de l'amendement est de simple coordination.

Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.

Art. 2 - Cumul des allégements de charges sociales : coordination (Art. L. 241-6-3 et L. 241-13 du code de la sécurité sociale, art. 113 de la loi de finances pour 1996 n° 95-1346 du 30 décembre 1995)

Le dernier alinéa du II de l'article 39, inséré par le 3° de l'article premier de la présente proposition de loi, autorise le cumul des exonérations de charges sociales en contrepartie de la réduction du temps de travail et des embauches compensatoires avec certaines exonérations existantes. Par symétrie, les articles concernant les exonérations de cotisations familiales (art. L. 241-6-3 du code de la sécurité sociale qui autorise le cumul de ces exonérations avec l'abattement temps partiel et avec la ristourne dégressive) et la ristourne dégressive (art. L. 241-13 qui autorise le cumul avec les différentes exonérations de cotisations familiales et avec l'abattement temps partiel) sont modifiés pour qu'y soit incluse la mention de l'article 39 de la loi quinquennale.

Lors du débat en première lecture, le Sénat a tiré les conséquences du caractère provisoire de la ristourne dégressive fusionnée entre le 1er octobre 1996 et le 31 décembre 1997.

Par coordination avec l'adoption de l'article premier bis, l'Assemblée nationale a également opportunément visé, parmi les cumuls d'exonérations, l'article 39-1 de la loi quinquennale.

Elle a en outre complété ce dispositif en autorisant le cumul de la ristourne dégressive fusionnée avec les allégements de cotisations d'allocations familiales avec les exonérations des articles 39 et 39-1 entre le 1er octobre 1996 et le 31 décembre 1997.

Votre rapporteur observe que les cumuls d'exonérations, par ailleurs limitées dans le temps, finissent par rendre incompréhensibles les dispositifs d'allégement du coût du travail. Il devient urgent de simplifier ces mécanismes.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 3 - Rapport du Gouvernement au Parlement

Cet article prévoit le dépôt d'un rapport du Gouvernement au Parlement dressant un bilan de l'application de la loi, deux ans après sa promulgation.

Le Sénat avait, en première lecture, souhaité que soit mentionné le caractère expérimental de ces dispositifs. L'Assemblée s'est, comme en première lecture, prononcé pour leur pérennité, et a supprimé toute mention du caractère expérimental de l'article 39.

Ayant accepté le compromis suggéré par le groupe de travail déjà évoqué, votre commission ne vous propose pas le rétablissement de cette mention et vous demande d'adopter cet article sans modification.

Art. 4 bis (nouveau) - Dispositions transitoires

Sur proposition de M. Jean-Yves Chamard, l'Assemblée nationale a, avec l'accord du ministre du travail, adopté un article additionnel visant à ce que les négociations en cours sur l'aménagement du temps de travail ne soient pas suspendues dans l'attente de la promulgation de la loi.

Il est donc proposé de permettre la réouverture de négociations en application du présent texte en ne tenant pas compte de la durée de travail qui aurait été fixée dans le cadre d'un accord conclu entre le 1er janvier 1996 et la date de promulgation de la loi, mais en se référant à l'horaire en vigueur avant la mise en oeuvre de l'accord. En effet, renégocier sur la base de l'accord aurait conduit à une réduction d'horaire trop lourde pour l'entreprise et donc inacceptable.

Votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Intitulé

Cet amendement vise à prendre en considération les ajouts successifs au texte de la proposition de loi en vue de renforcer la dynamique des créations d'emploi grâce à l'aménagement et à la réduction du temps de travail (modification de l'article 39 de la loi quinquennale) et de préserver les emplois existants menacés de licenciements économiques (insertion d'un article 39-1 dans la loi quinquennale).

Il vous est donc proposé l'intitulé suivant :

« Proposition de loi tendant à favoriser l'emploi par l'aménagement et la réduction conventionnels du temps de travail », que votre commission vous demande d'adopter.

*

* *

En conséquence, sous réserve de ses observations et des amendements qu'elle vous soumet, votre commission des Affaires sociales vous propose d'adopter la présente proposition de loi en deuxième lecture.

* 1 Ces résultats ne sont qu'indicatifs. Ils ne prennent pas en compte les coûts supportés par l'entreprise pour les emplois nouveaux.

* 2 Variation qui se situe entre - 1 % et + 2 %.

* 3 Par comparaison, un CIE coûte à l'État : 46.800 F par an.

* 4 Le projet de loi relatif au développement de la négociation collective, adopté par le Conseil des ministres du 13 mai 1996, semblerait rendre moins nécessaire cette disposition ; toutefois, la mise en oeuvre de ce texte, non encore examiné par les Assemblées, et qui renvoie à des accords de branche, nécessitera du temps, alors que des entreprises dépourvues de délégués syndicaux sont, dans certains secteurs, demanderesses du dispositif d'incitation.

* 5 Un problème juridique se pose cependant : les exonérations portant sur les cotisations assises sur des rémunérations individuelles, elles ne peuvent dépasser le montant des cotisations car on ne peut être exonéré que de ce qu'on doit. Pour permettre le report des excédents en cas de cumul d'exonérations, il conviendrait de ne pas employer le terme d'exonération. La rédaction initiale de votre commission devrait donc être rectifiée pour autoriser ce report, sans toutefois sortir du mécanisme d'allégement de charges qui conditionne la compensation par l'État de la diminution des ressources des organismes de sécurité sociale et qui a la préférence des entreprises (par rapport à une aide, ou une compensation versée a posteriori, comme le prévoit actuellement l'article 39 de la loi quinquennale).

* 6 Il sera procédé, pour les raisons déjà mentionnées, à la même rectification rédactionnelle de l'amendement qu'à l'article premier.

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