2. Les incertitudes sur le plan financier

Le projet de loi ne contient aucune disposition relative au financement, tant des réseaux de surveillance de la qualité de l'air que des mesures induites par les orientations des plans de déplacements urbains notamment. Il faut se reporter à l'exposé des motifs du projet de loi qui apporte les éléments de réponse suivants.

Le dispositif des réseaux de surveillance de la qualité de l'air est financé selon le principe pollueur-payeur, dans les conditions suivantes :

- une partie du produit de la taxe parafiscale sur la pollution atmosphérique perçue sur les émissions polluantes des industries et des installations de combustion est affectée à la surveillance de la qualité de l'air ;

- la loi de finances déterminera, en outre, chaque année une fraction, plafonnée à 0,4 centime par litre, du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers perçue sur les carburants identifiés aux articles 11,11 bis, 12 et 22 du tableau B du 1 de l'article 265 du code des douanes, et dont le produit est utilisé pour la surveillance de la qualité de l'air. En 1996, un montant de 200 millions de francs sera redéployé à partir des budgets des ministères chargés de l'industrie et de l'équipement et affecté au ministère de l'environnement pour la surveillance de la qualité de l'air.

Force est de constater, en se référant aux observations émanant de l'ensemble des interlocuteurs entendus par votre rapporteur, que ce dispositif suscite des réserves.

a) La non-pérennité du dispositif

Il est permis de regretter que le montant des sommes affectées aux réseaux de surveillance soit fixé chaque année lors du vote de la loi de finances. Ceci nuit, selon les commentateurs, à la pérennité du financement des réseaux de surveillance et compromet leurs capacités à gérer des investissements à moyen ou long terme.

Cette caractéristique aléatoire du financement apporté par l'État aura des conséquences d'autant plus graves que la part prépondérante du financement assurée par les industriels n'est assortie d'aucune garantie quant à son montant et à sa permanence dans le temps. Ceci est largement le fait de l'assise directe et indirecte des financements sur le fond dégagés par la taxe parafiscale sur la pollution de l'air. Ainsi entre 1993 et 1995, le produit de la taxe a diminué en raison d'une réduction importante (30 %) des émissions de composés soufrés et azotés. Elle est due à des conditions climatiques favorables, à une moindre activité économique et, paradoxalement - mais qui songerait à s'en plaindre -, aux efforts de dépollution menés par les industriels avec l'aide de la taxe.

Le tableau ci-dessous permet alors de mesurer les enjeux qu'un tel dispositif fait peser indûment sur les collectivités locales si l'État n'assume pas ses responsabilités.

RÉPARTITION DES FINANCEMENTS DES RÉSEAUX DE SURVEILLANCE
DE L'AIR

État

Collectivités locales

Industriels

Autres

Total

Fonctionnement

16,1

11,4

21,4

5,7

54,6

Investissement

48,2

19,5

51,8

0,7

120,2

Total

64,3

30,9

73,2

6,4

194,8

L'incertitude qui pèse sur les engagements financiers est aggravée par l'insuffisance des montants envisagés au regard des projections à moyen terme pour la généralisation du dispositif existant.

b) L'insuffisance de la participation financière de l'Étal

? Selon les informations fournies à votre rapporteur, les sommes dégagées par l'État pourraient ne pas permettre d'assumer le coût financier de la généralisation des réseaux de surveillance à l'ensemble du territoire. Le chiffrage des investissements et des coûts de fonctionnement entraînés par l'extension du dispositif aux agglomérations de plus de 250.000 habitants puis à celles ayant de 100.000 à 250.000 habitants induit des coûts importants pour les années à venir.

- L'équipement d'une agglomération de plus de 250.000 habitants (analyseurs, cabines, instruments de calibrages automatiques, balise de radioactivité) s'élève à 5,090 millions de francs soit 20,36 millions de francs pour les quatre agglomérations encore à équiper.

- L'équipement d'une agglomération de plus de 100.000 habitants est évalué à 2,65 millions de francs soit 58,3 millions de francs pour les 22 agglomérations restant à couvrir.

- La couverture du reste du territoire est évalué à 39,16 millions de francs (stations multipolluants et dispositif de modélisation).

À cela s'ajoute la nécessaire amélioration du dispositif actuel, notamment la mise en place d'une astreinte par région, ainsi que le renouvellement des matériels. Pour les années à venir les besoins de financement - fonctionnement et investissements - strictement entendus s'élèvent à environ 350 millions de francs par an.

Si donc le financement en provenance de l'État n'était pas assuré dans sa pérennité ni adapté dans son montant aux besoins induits par l'application du présent projet de loi et que le financement en provenance des industriels, à travers une affectation d'une partie du produit de la taxe parafiscale sur la pollution atmosphérique, tendait à diminuer pour les raisons évoquées plus haut, tout laisse à penser que les collectivités territoriales seraient incitées à participer de façon plus importante au financement des réseaux de surveillance de la qualité de l'air, alors même que l'article 3 du projet affirme que « l'État assure la surveillance de la qualité de l'air ».

Une telle évolution est d'autant plus prévisible, si l'on se reporte au rapport de notre collègue M. Philippe Richert sur la surveillance de la qualité de l'air qui souligne que « les subventions de l'État ont fortement chuté entre 1992 et 1994, ce qui a freiné la réalisation des plans d'équipement prévus ».

Il s'agirait, ni plus ni moins, que d'une charge nouvelle pour les collectivités locales sans compensation, ce qui semble difficilement acceptable dans le contexte de rigueur budgétaire qui, on ne le rappellera jamais assez, s'impose autant à l'État qu'aux collectivités locales, avec le « contrat de stabilité ». Ce projet de loi induit donc potentiellement un désengagement de l'État au détriment des collectivités locales et le Sénat ne peut pas l'accepter. C'est pourquoi, votre commission vous proposera un dispositif qui renforce les compétences de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie en lui donnant la gestion d'un prélèvement spécifique sur les recettes de l'État d'un montant équivalent à un certain pourcentage au produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers. Une telle disposition devrait contribuer à une meilleure lisibilité de l'action de l'État.

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