2. Des dispositions pour encourager les industriels à mettre en place des technologies moins polluantes

Le projet de loi propose un certain nombre de mesures réglementaires afin de lutter contre les sources mobiles d'émission de substances polluantes qui sont aujourd'hui responsables à 80 % de la pollution atmosphérique. Les mesures proposées soulèvent des enjeux importants.

? Un enjeu industriel

Les mesures proposées notamment en matière fiscale ont un caractère très nettement incitatif. Elles vont donc peser à moyen terme sur les filières industrielles adoptées par les constructeurs automobiles. Les différents interlocuteurs entendus par votre rapporteur ont ainsi souligné l'importance des enjeux en cause. À tout le moins, il vaut veiller à la lisibilité des choix opérés et privilégier les solutions qui favorisent des transitions progressives, et éviter de les remettre en cause fréquemment. Il ne faut pas oublier les délais relativement longs de renouvellement des parcs automobiles, délais qui se sont d'ailleurs allongés du fait de la crise économique.

? Un enjeu économique

L'article 22 du projet de loi prévoit l'adoption d'un rapport sur la fiscalité des énergies fossiles. Cette dernière devra tenir compte de l'incidence de leur utilisation sur la compétitivité de l'économie, la sécurité des approvisionnements, mais également de leur impact sur l'environnement. Il s'agit, en réalité, de faire évoluer la fiscalité des combustibles en fonction de leur « contribution négative » sur la qualité de l'air. Votre commission partage ce souhait tout en soulignant la nécessité de ne pas compromettre des équilibres économiques fragiles. Le secteur des transports en est un exemple pertinent. L'inversion d'une politique fiscale, ou tout du moins la remise à niveau des fiscalités pesant sur tel ou tel carburant ne pourra se faire que progressivement.

Le dispositif du projet de loi prévoit un renforcement de la réglementation en vigueur et un dispositif d'incitations fiscales

a) Un renforcement de la réglementation (art. 19, 20 et 21 du projet de loi)

Les articles 19 à 21 du projet de loi confient au pouvoir réglementaire une très large délégation pour fixer des règles correspondant à un double objectif, à savoir la réduction de la consommation d'énergie et la limitation des sources d'émission de substances polluantes.

? Cette réglementation vise, à l'article 19, les sources mobiles ou diffuses de pollution, telles que les appareils, produits, combustibles et carburants ainsi qu'à l'article 20 du projet les appareils consommateurs d'énergie.

? L'article 19 fixe pour l'ensemble des carburants et combustibles liquides une obligation d'incorporation d'un taux minimal d'oxygène avant le 1 er janvier 2000.

L'introduction d'oxygène, dans les carburants, peut s'effectuer de deux manières. Pour l'essence, cette opération a lieu soit par l'ajout direct d'alcools d'origine agricole (éthanol) ou industrielle (méthanol), soit par l'incorporation de leurs dérivés obtenus à partir d'isobutène (produit obtenu en raffinerie), le MTBE (Méthyl Tertio Butyl Éther) ou l'ETBE (Éthyl Tertio Butyl Éther). Pour le gazole, il s'agit essentiellement jusqu'à présent de l'ester méthylique de colza, produit chimique obtenu par la réaction du méthanol et d'une huile végétale extraite du colza.

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Cette proposition s'inspire d'exemples étrangers notamment en Suède, en Finlande et aux États-Unis où le Clean Air Act a été mis en place en 1970. Vers la fin des années 80, l'Agence américaine pour l'environnement (EPA) a constaté que les objectifs initiaux n'étaient pas atteints sur deux points : le monoxyde de carbone et l'ozone. Le Clean Airt Act a donc été amendé en 1990. Depuis 1992, dans 39 zones où la teneur en monoxyde de carbone de l'air dépassaient les normes admissibles, l'essence doit contenir 2,7 % d'oxygène pendant les quatre mois d'hiver (15 % de MTBE ou 7,7 % d'éthanol). Les essences oxygénées ont été ainsi rendues obligatoires.

Il faut souligner que le Sénat a été en pointe dans ce domaine puisque, dès 1986, le groupe de travail « Éthanol » avait émis comme première proposition dans son rapport de « modifier la réglementation sur les carburants oxygénés » 1 ( * ) . Par la suite, plusieurs propositions de loi d'origine sénatoriale 2 ( * ) ont prévu l'incorporation obligatoire de composés oxygénés, notamment la proposition de loi n° 404 - 1993/1994, présentée par votre rapporteur qui tendait à rendre obligatoire l'incorporation de composants oxygénés dans les carburants pétroliers.

? L'article 21 donne une base législative aux réglementations existantes concernant le secteur automobile. Cette réglementation technique des véhicules résulte pour l'essentiel des directives de Bruxelles.

L'article 21 prévoit également la possibilité de procéder à l'identification de certaines catégories de véhicules en fonction de leur impact sur la pollution atmosphérique.

b) Des incitations fiscales faites en faveur des véhicules et des carburants propres

? Le projet encourage la mise en circulation de véhicules électriques et de véhicules fonctionnant au gaz naturel (GNV) ou au gaz de pétrole liquéfié (GPL) - qui présentent des avantages indéniables au regard de la lutte contre les émissions de substances polluantes par les véhicules.

- Le gaz naturel pour véhicules est exempt de plomb, de composés soufrés et de particules. Il peut être stocké sous deux formes : comprimée ou liquéfiée. Le méthane, principal composant du gaz naturel est également le principal hydrocarbure imbrûlé issu du moteur à gaz naturel : or, contrairement aux autres hydrocarbures, le méthane n'est pas toxique. Ainsi l'utilisation de véhicules fonctionnant au GNV a un impact à la fois sur la pollution locale, en réduisant les émissions de CO 2 , sur la pollution régionale en diminuant « l'effet smog » ainsi que sur la pollution planétaire en n'augmentant pas l'effet de serre. Dès 1960, on a compté plus de 35.000 véhicules en service utilisant le GNV dans le Sud-Ouest à la suite de la découverte du gisement de Lacq.

Actuellement, le parc mondial de véhicules GNV est estimé à environ 900.000 unités dont 250.000 en Italie. Il nécessite bien sûr la création d'infrastructures particulières. Les dangers relatifs au transport et au stockage des carburants liquides dans les stations disparaissent puisque le gaz utilisé est celui du réseau de distribution. Ses caractéristiques font, qu'en cas d'échappement accidentel à l'air libre, il se disperse instantanément dans l'atmosphère, écartant ainsi tout danger d'inflammation ou d'explosion. Aux yeux de certains spécialistes, ce carburant de substitution est à la fois intéressant quant à la sécurité d'approvisionnement, efficace pour l'environnement et pratique d'usage.

- Le GPL, comme le précise M. Jean Besson dans son rapport pour avis 3 ( * ) présenté au nom de la commission des Affaires économiques et du plan, « a des atouts en termes d'environnement et d'indépendance énergétique, puisqu'il est constitué à 50 % de butane, produit excédentaire, et à 50 % de propane, dont les trois quarts proviennent des raffineries françaises ». Ce produit est utilisé en France depuis 1932, comporte ni plomb, ni benzène et contient peu de souffre. Selon certains experts, il diminue les émissions de dioxyde de carbone de 15 % et ne rejette pas de particules. Il est utilisé dans l'industrie, par les particuliers (cuisine, briquet...) et est autorisé comme carburant depuis 1979.

70 % de ce GPL provient du raffinage et 30 % de la récupération sur les gisements de pétrole brut ou de gaz naturel lors de l'extraction. Après un premier lancement en 1980 en monocarburation, le législateur a autorisé en 1985 le procédé de la bicarburation (essence/GPL) : actuellement, les 4 millions de véhicules qui utilisent le GPL dans le monde fonctionnent en bicarburation. Environ 30.000 véhicules utilisent le GPL en France. Produit en petite quantité, le GPL a vu son coût de transport et de stockage s'accroître au cours des dernières années. En outre, le poids de la fiscalité sur le GPL a découragé la consommation de ce type de carburant. Ces raisons expliquent que son tonnage, en 1995, soit tombé à 26.000 tonnes, alors qu'il dépassait les 30.000 tonnes en 1994. La loi de finances pour 1996 a accordé une baisse d'un franc par litre de GPL. Votre commission avait, il convient de le rappeler, soutenu cette mesure introduite par l'Assemblée nationale.

- Les véhicules électriques. Le parc des véhicules électriques se composait en 1995 de 1.500 véhicules, dont 10 % de voitures, 10 % de deux roues, 20 % de véhicules utilitaires, 20 % de véhicules de transport en commun, et 5 % de poids lourds. Le parc électrique pourrait atteindre 10.000 véhicules en 1997 et 100.000 en l'an 2000. L'impact sur le bilan de la qualité de l'air pourrait être ainsi amélioré de 12 à 14 %. À ces gains atmosphériques, ce type de véhicules ajoute une absence de nuisances sonores.

Afin d'encourager le développement des véhicules électriques, l'État a accordé, depuis le 1 er juillet 1995, une aide de 5.000 francs à tout acquéreur. De son côté, EDF apporte une aide supplémentaire de 10.000 francs aux constructeurs et importateurs de voitures particulières et de camionnettes électriques, qui est à répercuter sur le prix de vente.

Outre les aides à l'acquisition, l'ADEME et EDF proposent des actions d'accompagnement aux collectivités, pour favoriser la création de véritables pôles de véhicules électriques (La Rochelle et Paris ont développé une véritable politique d'achat de véhicules municipaux électriques). Des expériences sont également lancées à Marseille, Lyon, Toulouse, Douai, La Roche sur Yon,... et des projets prévus à Bordeaux, Montbéliard, Montreuil).

? Les mesures fiscales proposées

- L'article 23 du projet de loi autorise un remboursement partiel de taxes en faveur des exploitants de transports publics de voyageurs utilisant des énergies peu polluantes. Ce remboursement porte sur la taxe intérieure de consommation pour le gaz naturel véhicules (GNV), et sur la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) pour le gaz de pétrole liquéfié.

- L'article 24 du projet de loi propose une exonération de la taxe sur les véhicules de société (TVS) pour les véhicules électriques ainsi que ceux fonctionnant au GNV ou au GPL.

- L'article 25 du projet de loi ouvre aux conseils généraux la possibilité d'exonérer de la vignette automobile les véhicules qui fonctionnent au moyen de l'énergie électrique, du gaz naturel véhicules ou du gaz de pétrole liquéfié.

- L'article 26 du projet de loi reprend le même dispositif que l'article précédent en ce qui concerne les véhicules visés, pour ouvrir aux conseils régionaux la faculté d'exonérer lesdits véhicules de la taxe proportionnelle sur les certificats d'immatriculation.

- L'article 27 du projet de loi étend le dispositif d'amortissement exceptionnel, dont seuls bénéficient les véhicules électriques, aux autres véhicules utilisant le gaz naturel véhicules ou le gaz de pétrole liquéfié.

* 1 Rapport d'information du Sénat n° 404 (1985/1986) sur la filière bioéthanol, fait au nom de la commission des Affaires économiques, présentés par MM. Michel Souplet, Philippe François, Roland Grimaldi. Rémi Herment, Michel Rigou et Michel Sordel.

* 2 Proposition de loi n° 509 (1991/1992) tendant à rendre obligatoire l'addition de 5 % de carburant d'origine agricole aux carburants pétroliers, présenté par M. Michel Souplet et plusieurs de ses collègues.

* 3 Rapport pour avis du Sénat n° 79, TOME IV session 1995/1996, présenté au nom de la commission des Affaires économiques et du plan par M. Jean Besson.

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