Rapport n° 408 (1995-1996) de M. Jean-Jacques ROBERT , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 5 juin 1996

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N° 408

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 5 juin 1996.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE, sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales,

Par M. Jean-Jacques ROBERT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Gérard Larcher, Henri Revol, Jean Huchon, Fernand Tardy, Gérard César, Louis Minetti, vice-présidents ; Georges Berchet, William Chervy, Jean-Paul Émin, Louis Moinard, secrétaires ; Louis Althapé, Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Jean Besson, Claude Billard, Marcel Bony, Jean Boyer, Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Michel Charzat, Marcel-Pierre Cleach, Roland Courteau, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Jacques Dominati, Michel Doublet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Philippe François, Aubert Garcia, François Gerbaud, Charles Ginésy, Jean Grandon, Francis Grignon, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Hugo, Bernard Joly, Edmond Lauret, Jean-François Le Grand, Félix Leyzour, Kléber Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Jean Peyrafitte, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Mme Danièle Pourtaud, MM. Jean Puech, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger Rinchet, Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca Serra, Josselin de Rohan, René Rouquet, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Jacques Sourdille, André Vallet, Jean-Pierre Vial.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (10ème législ.) : Première lecture : 2591, 2595, 2644, 2652 et T.A. 516.

Deuxième lecture : 2764, 2801 et T.A. 539.

Sénat : Première lecture : 303, 336, 338 et T.A. 122 (1995-1996).

Deuxième lecture : 392 (1995-1996).

Prix et concurrence

E

Mesdames, Messieurs,

Au cours de sa séance des 28 et 29 mai dernier, l'Assemblée nationale a adopté, en deuxième lecture, le projet de loi sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales.

Elle a adopté conforme un certain nombre de dispositions adoptées par notre Haute Assemblée en première lecture, les 7 et 9 mai dernier, ou confirmé la suppression de certain autres articles. L'Assemblée nationale est cependant revenue sur la position qu'elle avait elle-même adoptée en première lecture sur plusieurs articles importants.

Ainsi, elle a adopté conforme :

- l'article premier A qui modifie la composition du Conseil de la concurrence, en lui adjoignant un dix-septième membre, vice-président ;

- l'article premier EA, de coordination, relatif aux compétences du Conseil de la concurrence ;

- l'article premier FA, également de coordination, concernant la consultation du Conseil de la concurrence par les juridictions ;

- l'article 3 ter fixant les délais de paiement pour les achats de viandes congelées ou surgelées et de poissons surgelés ;

- et l'article 8 comportant des dispositions relatives à l'entrée en vigueur de la loi.

L'Assemblée nationale a, par ailleurs, confirmé la suppression de l'article 6 qui ouvrait l'action en justice aux organisations consulaires ou représentatives des consommateurs.

Elle est revenue, en tout ou partie, sur sa position initiale sur de nombreux autres articles du projet de loi. Il s'agit de :

- l'article premier C relatif aux ententes, par le biais duquel elle a notamment rétabli la faculté de pratiquer des prix de cession communs. Votre commission vous proposera de supprimer cet article ;

- l'article premier D qui concerne l'offre ou la vente aux consommateurs à prix abusivement bas. A cet article, l'Assemblée nationale a supprimé l'exception permettant d'appliquer le dispositif du prix abusivement bas aux ventes de carburants de détail. Votre commission vous proposera de rétablir cette exception ;

- l'article premier F qui réglemente la publicité, la périodicité et la durée des promotions concernant les produits alimentaires périssables, pour lequel elle a prévu que l'arrêté destiné à fixer cette réglementation serait interministériel ou, à défaut, préfectoral ; il s'agit là d'un compromis satisfaisant avec la position adoptée par le Sénat ;

- l'article premier relatif aux réductions de prix acquises sur les factures, notion que votre commission vous demandera de nouveau de remplacer par les mentions de « rabais, remises ou ristournes » ;

- l'article 2 sur la revente à perte. A cet article, l'Assemblée nationale a supprimé deux dispositions adoptées par le Sénat, qui autorisent la revente à perte d'une part, des produits saisonniers à l'exception des vins de primeur ; d autre part, des produits faisant l'objet du droit d'alignement, ceci quelque soit la surface de vente du commerce y ayant recours. Votre commission vous proposera de rétablir ces deux dispositions ;

- l'article 3 bis, l'Assemblée nationale ayant prévu que les conditions générales de vente devront mentionner le point de départ des délais de paiement et le barème des escomptes. Comme en première lecture, votre commission vous proposera de supprimer cette disposition ;

- l'article 4 concernant le refus de vente ou de prestation de services, les conditions restrictives de référencement et de rupture des relations commerciales. L'Assemblée nationale a complété cet article, notamment pour interdire la revente hors réseaux, lorsque les produits concernés ont fait l'objet d'un contrat de distribution exclusive et/ou sélective. Votre commission vous proposera la suppression de cette disposition ;

- l'article 5 relatif aux ventes à la sauvette ;

- l'article 5 bis qui prévoit la publication des condamnations et amendes en cas de récidive ;

- l'article 7 relatif au contrôle des commissaires aux comptes. L'Assemblée nationale a rétabli cet article, dans une rédaction cependant différente de celle qu'elle avait adoptée en première lecture et que le Sénat avait supprimée. Elle a prévu que le rapport de gestion exposant la situation d'une société durant l'exercice écoulé, devrait faire état du respect des dispositions des articles 31 et 35 de l'ordonnance de 1986, relatives aux mentions devant obligatoirement figurer sur la facture et aux délais de paiement. Votre commission vous proposera de supprimer cet article ;

- et l'article 11 , de coordination.

L'Assemblée nationale a, en outre, supprimé quatre articles introduits dans le projet de loi, en première lecture, par le Sénat :

- l'article premier DA relatif à l'autorisation d'exemption de certains accords individuels ;

- l'article 3 ter A sur les prix imposés ;

- l'article 3 ter B qui fixe les délais de paiement pour les achats de produits et animaux de basse-cour ;

- et l'article 10 relatif aux conditions d'opposabilité de la clause de réserve de propriété en cas de redressement ou de liquidation judiciaires.

Votre commission vous proposera de rétablir l'article premier DA et l'article 10, dans la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture.

L'Assemblée nationale a enfin introduit trois nouveaux articles dans le texte : deux d'entre eux modifient la procédure devant le Conseil de la concurrence (article premier EB et article premier EC) ; le troisième impose une séparation comptable aux commerces de détail de plus de 300 m 2 procédant à la distribution de carburants (article 5 ter). Votre commission vous proposera de supprimer ces articles.

En conclusion, votre commission, dans un esprit de compromis vous proposera donc d'adopter conforme un certain nombre d'articles dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale. En revanche, poursuivant le souci d'équilibre qui l'a animé à l'occasion du projet de loi en première lecture, elle vous proposera de revenir à la position adoptée par le Sénat sur certains aspects essentiels du texte.

Deux points méritent encore d'être soulignés : le problème des ententes agricoles et celui des prix anormalement bas pratiqués dans le secteur du transport routier de marchandises.

S'agissant des ententes dans le secteur agro-alimentaire, rappelons qu'au cours de la première lecture du projet de loi au Sénat, votre commission des Affaires économiques avait adopté un amendement tendant a autoriser ces ententes afin de permettre l'organisation concertée des productions qui bénéficient d'une garantie officielle d'origine ou de qualité, ou se trouvent en situation de déséquilibre important de l'offre ou de la demande.

Le Sénat avait accepté -sur la demande du ministre- de retirer cet amendement, se proposant de le représenter en deuxième lecture si l'avis du Conseil de la concurrence concernant les deux projets de décrets d'exemption élaborés par le Gouvernement sur ce point, en application de l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, n'était pas conforme. Or, sans être totalement conforme, l'avis rendu par le Conseil de la concurrence au début du mois de mai dernier ne remet pas en cause les aspects essentiels de ces décrets.

D'après les renseignements communiqués à votre rapporteur, ces derniers -adaptés pour tenir compte de l'avis du Conseil- devraient par conséquent être publiés d'ici une quinzaine de jours.

Dans ces conditions, votre commission a jugé inutile d'inscrire de telles dispositions dans la loi, où elles feraient double emploi avec celles des décrets.

Votre commission des Affaires économiques avait, par ailleurs, adopté un amendement prévoyant d'appliquer le dispositif du prix anormalement bas au secteur du transport public 1 ( * ) routier de marchandises.

Votre rapporteur avait accepté de retirer cet amendement, le ministre s'étant engagé, au cours de la première lecture, à ce que le Gouvernement « trouve les solutions adéquates » d'ici la deuxième lecture au Sénat.

C'est en réalité au cours de la première lecture du projet de loi relatif au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat devant l'Assemblée nationale, que Mme Anne-Marie Idrac, Secrétaire d'État aux transports, a proposé des amendements de nature à répondre au problème.

Le Sénat sera prochainement amené à se prononcer sur ces propositions, qui font l'objet des articles 27 et 28 du projet de loi précité.

Par conséquent, il n'y a plus lieu de débattre de ce sujet dans le cadre du présent projet de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier C (Article 10 de l'ordonnance n° 1243 du 1er décembre 1986) - Modification des causes d'exonération des pratiques d'entente

Rappelons que l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 permet au Gouvernement, après avis conforme du Conseil de la concurrence, d'adopter des décrets exemptant certaines catégories d'accords de l'interdiction des ententes anticoncurrentielles et des abus de position dominante ou de dépendance économique prévus aux articles 7 et 8.

Le Sénat avait supprimé cet article, par lequel l'Assemblée nationale avait d'une part, inséré l'objectif d'emploi dans l'article 10 de l'ordonnance, et, d'autre part, fait bénéficier d'une telle exemption les pratiques consistant à organiser les volumes et la qualité de production, ainsi que la politique commerciale, y compris en convenant d'un prix de cession commun.

L'Assemblée nationale a souhaité rétablir cet article, en renonçant cependant à insérer l'objectif d'emploi dans l'article 10 de l'ordonnance, partageant sur ce point la position du Sénat, qui avait estimé que l'exigence de progrès économique auxquels doivent répondre les ententes, intègre d'ores et déjà cet objectif. Elle a repris le 2° de l'article qu'elle avait adopté en première lecture, en précisant toutefois que les pratiques visées le sont sous une même marque ou enseigne.

Votre commission rappelle que les ententes relatives au prix ou à son mode de calcul sont systématiquement pourchassées et que l'adoption de ce texte serait la « porte ouverte » à toutes les ententes abusives.

C'est pourquoi, votre commission vous propose, comme en première lecture, de supprimer cet article.

Article premier DA (Article 10 de l'ordonnance n° 1243 du 1er décembre 1986) - Autorisation d'exemption pour certains accords

Le Sénat avait introduit cet article en première lecture de façon à étendre le bénéfice des décrets d'exemption de l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 aux simples accords, alors que ceux-ci ne peuvent jusqu'à présent porter sur des catégories d'accord.

Sur la proposition de sa commission des lois, l'Assemblée nationale a décidé de supprimer cet article.

Votre commission vous propose de rétablir cet article, dans la rédaction que le Sénat avait adopté en première lecture.

Article premier D (Article 10-1 de l'ordonnance n° 1243 du 1er décembre 1986) - Offre ou vente aux consommateurs à prix abusivement bas

Rappelons que cet article crée une nouvelle infraction du prix anormalement bas par rapport aux coûts de production, de transformation et de commercialisation.

L'Assemblée nationale a adopté la plupart des modifications que le Sénat avait votées à cet article, à une exception majeure : elle a, en effet, adopté un amendement du Gouvernement supprimant une exception, tendant à soumettre les ventes de carburant de détail au dispositif du prix abusivement bas.

M. Yves Galland, ministre délégué aux finances et au commerce extérieur, a fait valoir que les consommateurs n'étaient pas favorables à cette disposition, de peur qu'elle n'entraîne une augmentation des prix des carburants.

Il a jugé préférable de prendre des mesures visant spécifiquement les pompistes et a cité, à cet égard, l'intensification des aides du fonds d'intervention pour la sauvegarde, la transmission et la restructuration des activités artisanales et commerciales (FISAC), le développement de la pluriactivité des stations-service, en particulier en milieu rural, et la meilleure intégration des notions de service et de sécurité.

Il a, en revanche, considéré que l'exception, introduite par le Sénat, pour les disques et cassettes pouvait se justifier au titre de l'exception culturelle et de la préservation de la création française.

Rappelons que l'exception concernant les carburants avait été introduite par l'Assemblée nationale, contre l'avis du Gouvernement, sur une proposition de M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des Finances. La commission des Affaires économiques, suivie par le Sénat, l'avait adoptée à l'unanimité.

A l'heure actuelle, les ventes de carburant au détail sont soumises à l'interdiction de la revente à perte. Or, ce dispositif n'a, à de rares exceptions près, pas pu être appliqué aux produits pétroliers, dans la mesure où les grandes surfaces ne les revendent pas à perte.

Elles profitent, en réalité, de la possibilité d'afficher le prix des carburants à l'extérieur des magasins pour en faire des produits d'appel. Cet affichage constitue une excellente vitrine pour l'enseigne, dans le but d'inciter le consommateur à profiter de prix supposés être également avantageux à l'intérieur du magasin. Les moyennes et grandes surfaces recourent, à cet effet, à la pratique des marges compensées, à laquelle ne peuvent recourir les autres stations-service de la zone de chalandise.

Le Sénat a clairement manifesté son souhait d'enrayer la disparition des stations-service, dont le nombre a diminué de moitié en vingt ans dans notre pays, entraînant la disparition de 70.000 emplois et des conséquences parfois dramatiques pour l'aménagement du territoire.

Il est vrai que ce phénomène s'explique également par le développement de l'ère de l'automobile, qui a donné aux consommateurs une plus grande mobilité.

Les mesures évoquées par le ministre sont sans doute souhaitables, mais ne peuvent se substituer à la restauration d'une concurrence plus loyale dans ce secteur.

C'est pourquoi, votre commission vous propose de rétablir l'exception relative aux ventes de carburant de détail, qui permet de leur appliquer le dispositif du prix anormal bas.

Par ailleurs, outre un amendement rédactionnel, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement qui précise que les coûts de commercialisation, entrant dans le calcul du prix anormalement bas, comporte « également et impérativement tous les frais résultant des obligations légales et réglementaires liées à la sécurité des produits. »

Votre commission est tout à fait favorable à cette disposition.

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article premier EB (nouveau) et article premier EC (nouveau) (Article 21 de l'ordonnance n° 1243 du 1er décembre 1986) - Modification de la procédure applicable aux affaires portées devant le Conseil de la concurrence

L'Assemblée nationale a adopté un amendement de sa commission des Lois, sous-amendé par le Gouvernement, tendant à compléter l'article 21 de l'ordonnance de 1986, qui précise la procédure applicable aux affaires portées devant le Conseil de la concurrence. Cet article précise que le Conseil notifie les griefs aux intéressés, qui peuvent consulter le dossier et présenter leurs observations dans un délai de deux mois. Le rapport est ensuite notifié aux parties, accompagné des documents sur lesquels se fonde le rapporteur et des observations faites, le cas échéant, par les intéressés. Les parties disposent ensuite d'un délai de deux mois pour présenter un mémoire en réponse.

L'article premier EB prévoit que la notification des griefs devrait être dorénavant accompagnée des documents sur lesquels se fonde le rapporteur.

L'article premier EC, quant à lui, prévoit que le rapport ne sera par conséquent plus accompagné que des documents non encore communiqués au moment de la notification des griefs, ceci afin d'éviter la double communication de ces documents.

La commission des Lois de l'Assemblée nationale a justifié son amendement par la nécessité de permettre aux intéressés de prendre connaissance immédiatement des pièces ayant motivé leur incrimination.

Relevons cependant qu'ils disposent à l'heure actuelle de la possibilité de consulter l'intégralité du dossier.

De plus, ces dispositions présenteraient un double inconvénient :

- elles poseraient, tout d'abord, un problème matériel (multiplication des photocopies etc.) pour le Conseil de la concurrence et alourdiraient inutilement la procédure ;

- elles seraient, par ailleurs, source d'un nombreux contentieux sur la procédure, indépendamment même du fonds de l'affaire.

En effet, ne risque-t-on pas de voir les parties engager un contentieux au motif, par exemple, que le rapporteur aurait dû, selon elles, retenir tel ou tel document à décharge ou leur communiquer tel autre document ?

Précisons que le stade de la notification des griefs n'est que le premier stade de la procédure. C'est au stade du rapport lui-même que l'on retient définitivement les griefs sur lesquels le Conseil discutera.

Il n'apparaît donc pas souhaitable de modifier la nature même de cette procédure, en accordant à la notification des griefs la même valeur que le rapport, alors même que la procédure au sein du Conseil s'avère déjà très lourde. En outre, on dénaturerait le rapport lui-même, qui est l'acte sur le fondement duquel toute la procédure s'enclenche.

Enfin, la procédure se verrait encore alourdie en cas de notification complémentaire, qui impliquerait alors la communication de nouveaux documents.

Pour toutes ces raisons, votre commission vous propose de supprimer les articles premier EB (nouveau) et premier EC (nouveau).

Article premier F (Article 28 de l'ordonnance n° 1243 du 1er décembre 1986) - Publicité, périodicité, durée des promotions concernant des produits alimentaires périssables

Rappelons que cet article encadre le recours à des ventes promotionnelles de produits alimentaires périssables, de façon à éviter des tensions excessives sur les prix qui pourraient déstabiliser des filières de production.

Au troisième alinéa de cet article, le Sénat avait prévu que la périodicité et la durée d'opérations promotionnelles susceptibles de désorganiser les marchés par leur ampleur ou leur fréquence, seraient fixées par arrêté interministériel, alors même que la commission des Affaires économiques avait souhaité s'en remettre à un arrêté préfectoral.

L'Assemblée nationale a choisi une solution de compromis, consistant à prévoir que la périodicité et la durée de telles opérations seraient fixées par arrêté interministériel ou, à défaut, par arrêté préfectoral.

Votre commission juge ce compromis satisfaisant et vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article premier (Article 31 de l'ordonnance n° 1243 du 1er décembre 1986) - Mention des réductions de prix acquises sur les factures

Rappelons que cet article modifie partiellement les mentions devant obligatoirement figurer sur la facture. Il s'agit de faciliter l'application de la prohibition du refus de la revente à perte, dont le seuil est calculé à partir du prix effectif d'achat résultant lui-même du prix porté sur la facture.

Au cours de la première lecture, le Sénat avait remis en cause trois dispositions votées par l'Assemblée nationale à cet article. Cette dernière est revenue sur sa position initiale sur ces trois points :

1° Le Sénat avait souhaité retenir les notions de rabais, remises ou ristournes acquis, de façon à exclure la mention des escomptes sur la facture, considérant que l'escompte ne peut être considéré comme acquis à la date de la vente.

L'Assemblée nationale a réintroduit la notion de « réduction de prix » , qui intègre donc l'escompte.

Sur ce point, votre commission vous proposera de retenir la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture.

2° Le Sénat avait prévu que le caractère acquis des rabais, remises ou ristournes était apprécié « à la date de la facture afférente à la vente du produit ou service » . L'Assemblée nationale a préféré retenir la date de la vente ou de la prestation de services et faire référence à l'opération de vente ou de prestations de services. Par souci de compromis, votre commission vous propose de retenir cette rédaction.

3° Le Sénat avait supprimé le paragraphe II de cet article. Ce paragraphe prévoyait que, pour l'application de l'article 31 de l'ordonnance réglementant la facturation et la fixation contractuelle des dates de règlement, les paiements étaient réalisés à la date à laquelle les fonds étaient mis à disposition du bénéficiaire.

Le Sénat a, en effet, considéré que ce texte, dont l'objectif est louable puisqu'il s'agit de décourager les manoeuvres dilatoires des débiteurs ne respectant pas leurs délais de paiement, était cependant d'une applicabilité douteuse.

En effet, la mise à disposition des fonds ne dépend pas de la seule bonne volonté du débiteur.

L'Assemblée nationale a pourtant réintroduit ce paragraphe, le Gouvernement s'en remettant à sa sagesse.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement de suppression du paragraphe II de cet article.

Elle vous demande d'adopter l'article premier ainsi modifié.

Article 2 (Article 32 de l'ordonnance n° 1243 du 1er décembre 1986) - Revente à perte

L'Assemblée nationale a apporté trois modifications aux exceptions à l'interdiction de la revente à perte figurant au paragraphe II de cet article.

En premier lieu, elle a supprimé un amendement introduit par le Sénat, tendant à interdire la revente à perte des produits saisonniers lorsqu'il s'agit de vins de primeur. Votre commission vous propose de réintroduire cette disposition.

En second lieu, l'Assemblée nationale a précisé que la dérogation à l'interdiction de revente à perte concernant les réapprovisionnements ne devait viser que les produits « en tous points identiques » . Ainsi, par exemple, la dérogation ne doit pouvoir bénéficier à un réapprovisionnement en vins, que si les achats portent sur des vins ayant non seulement un cru identique mais aussi une qualité ou un millésime identique, de crainte sinon de voir les filières de vente subir d'importants préjudices commerciaux. Il s'agit là d'une amélioration effective du texte.

Enfin, l'Assemblée nationale a rétabli la limitation du droit d'alignement aux magasins disposant d'une surface de vente inférieure à 300 m 2 .

Votre commission des Affaires économiques, suivie par le Sénat, avait jugé dangereux de priver ainsi les commerçants de moyen de défense, qui permet à des commerces de taille modeste, mais également par exemple à des grandes surfaces spécialisées, de ne pas être contraints à l'immobilisme quand leur survie peut être en jeu.

Rappelons qu'en vertu du droit en vigueur, l'exception du droit d'alignement est autorisée pour l'ensemble des commerces, quelle qu'en soit la surface de vente.

Votre commission vous propose, comme en première lecture, d'autoriser l'exception d'alignement pour l'ensemble des commerces, ainsi que le prévoit le droit en vigueur.

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 3 bis (Article 33 de l'ordonnance n° 1243 du 1er décembre 1986) - Conditions de vente

L'Assemblée nationale avait introduit cet article, en première lecture, afin de préciser que les conditions de vente devaient mentionner le point de départ pour le calcul du délai de paiement et le barème des escomptes.

Sur la proposition de sa commission des Lois, et avec l'accord de votre commission des Affaires économiques et du Gouvernement, le Sénat avait supprimé cette disposition et lui avait substitué une disposition modifiant uniquement les peines encourues pour les personnes morales reconnues pénalement responsables.

La peine d'exclusion des marchés publics serait ainsi désormais supprimée, seule l'amende étant maintenue.

Au cours de la deuxième lecture, l'Assemblée nationale a adopté le dispositif voté par le Sénat, mais également rétabli celui qu'elle avait adopté en première lecture.

Considérant qu'une telle disposition obligerait l'ensemble des entreprises à modifier leurs conditions de vente et alourdirait donc leurs charges, votre commission vous propose de le supprimer, c'est-à-dire de supprimer le 1° de l'article 3 bis.

Elle vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 3 ter A (Article 34 de l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986) - Prix imposés

Sur la proposition de M. Jacques de Menou, le Sénat avait, au cours de la première lecture, supprimé une précision de l'article 34 de l'ordonnance de 1986 selon laquelle l'interdiction d'imposer un caractère minimal à un prix de revente, au prix d'une prestation ou à une marge commerciale, s'appréciait de manière tant directe qu'indirecte.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement tendant à supprimer cet article, au motif que la possibilité donnée aux distributeurs de s'écarter des prix conseillés par le fabricant était parfois une condition de leur maintien sur le marché, en particulier pour les petits distributeurs.

Votre commission n'a pas souhaité rétablir cet article.

Article 3 ter B (Article 35 de l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986) - Délai de paiement pour les achats de produits et animaux de basse cour

Sur la proposition de M. Jacques de Menou, le Sénat avait étendu le délai de paiement de vingt jours après le jour de livraison prévu pour les achats de bétail sur pied destiné à la consommation, aux achats de produits et animaux de basse cour.

L'Assemblée nationale a relevé que cet article posait trois problèmes :

- une imperfection rédactionnelle ;

- le manque de définition légale des animaux de basse cour et le fait que l'article ne vise pas des animaux vivants, contrairement au bétail sur pied ;

- un doute sur la portée du dispositif, d'autant plus que certains produits dérivés des animaux de basse cour, en particulier les oeufs, seraient soumis au double régime du présent article et du dispositif concernant les produits alimentaires périssables (délai de trente jours fin de décade).

C'est pourquoi, sur la proposition de sa commission de la Production et des Echanges, l'Assemblée nationale a supprimé cet article, que votre commission ne vous propose pas de rétablir.

Article 4 (Article 36 de l'ordonnance n° 1243 du 1er décembre 1986) - Refus de vente ou de prestation de services, conditions restrictives de référencement et de rupture de relations commerciales

Votre commission avait, en première lecture, souhaité suivre l'Assemblée nationale qui avait décidé de libéraliser totalement le refus de vente ou de prestation de services. Cependant, contre l'avis de votre commission, le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement tendant à rétablir l'interdiction du refus de vente lorsque ce dernier conduit à interdire l'accès de l'acheteur au marché.

Comme dans le projet de loi initial, ce texte prévoyait que la charge de la preuve était renversée.

Considérant que les fournisseurs devaient être maîtres de leur politique de vente, et que l'interdiction d'accès au marché était d'ores et déjà réprimée par les articles 7 et 8 de l'ordonnance, par son article 36 qui sanctionne les discriminations abusives et par le droit commun de la responsabilité civile (article 1382 du Code civil), l'Assemblée nationale a rétabli la libéralisation complète du refus de vente.

Cette position étant partagée par votre commission, celle-ci vous propose de maintenir cette disposition au (1° de l'article 4).

Au 2° de cet article, relatif aux conditions de référencement abusives, l'Assemblée nationale a souhaité préciser que l'avantage, consenti ou exigé comme condition préalable à la passation de commandes, devrait être assorti d'une contrepartie portant sur un volume d'achat proportionné « et, le cas échéant, » sur un service.

Elle a ainsi souhaité imposer systématiquement un engagement sur un volume d'achat, en contrepartie d'un avantage de référencement.

Au 3° de cet article, elle a complété le texte proposé pour l'article 36-5 relatif à la rupture abusive des relations commerciales établies. Elle a ainsi précisé que cette dernière pourrait être réalisée sans préavis en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.

Cet assouplissement raisonnable du dispositif semble tout à fait justifié.

Enfin, l'Assemblée nationale a complété cet article (6. de l'article) par une disposition interdisant la revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective et/ou exclusive.

Cette disposition introduirait donc dans l'ordonnance de 1986 un régime de responsabilité visant spécifiquement les comportements d'entreprises commerciales ne respectant pas les obligations contractuelles qu'elles ont souscrit dans le cadre d'un tel contrat.

Relevons cependant que ce comportement est un cas classique de non respect d'une obligation contractuelle. Il relève donc logiquement du juge de l'exécution du contrat et n'intéresse que les parties au contrat.

Les autres dispositions de l'article 36 concernent des comportements qui, au-delà de leurs aspects contractuels, posent problème pour un ensemble d'opérateurs économiques.

Cette disposition n'a donc pas sa place à l'article 36 de l'ordonnance de 1986.

Enfin, le non respect du contrat peut être sanctionné par sa résiliation et par l'octroi de dommages-intérêts.

C'est pourquoi, votre commission vous propose de supprimer le dernier alinéa de l'article 4 du projet de loi.

Elle vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 5 (Articles 37 et 37-1 de l'ordonnance n° 1243 du 1er décembre 1986) - Ventes à la sauvette sur le domaine public

L'Assemblée nationale a adopté un amendement au paragraphe III de cet article, de façon à reporter de trois mois (c'est-à-dire au 1er mars 1997) le dépôt -par le Gouvernement- du rapport sur les problèmes posés par les activités exercées par les associations en concurrence avec des commerçants.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 5 bis (Article 55 de l'ordonnance n° 1243 du 1er décembre 1986) - Publication des condamnations et amendes en cas de récidive

Rappelons que cet article, introduit par le Sénat sur la proposition de sa commission des Lois, actualise les dispositions de l'article 55 de l'ordonnance de 1986, pour tenir compte de l'entrée en vigueur du nouveau code pénal.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement de coordination à cet article, de façon à viser également les infractions à l'article 28 de l'ordonnance relatif aux promotions concernant des produits alimentaires périssables.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 5 ter (nouveau) (Article 60 de l'ordonnance n° 1243 du 1er décembre 1986) - Séparation comptable des activités de distribution des carburants

Cet article a été introduit par l'Assemblée nationale, sur la proposition de M. Ladislas Poniatowski et contre l'avis tant du Gouvernement que de la commission de la Production et des Echanges. Il a pour objet d'imposer l'individualisation de l'activité de distribution de carburants du point de vue comptable, dans les magasins d'une surface de vente supérieure à 300 m 2 .

Considérant qu'une telle disposition, d'application complexe, alourdirait les charges des entreprises sans pour autant garantir l'efficacité du dispositif, votre commission vous propose de supprimer cet article.

Article 7 (Article 340 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966) - Rapport de gestion

Rappelons que l'Assemblée nationale avait adopté une disposition exigeant des commissaires aux comptes, dans le cadre des contrôles qu'ils effectuent sur le fondement de l'article 228 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, de veiller au respect des dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986 sur les mentions devant figurer sur la facture et les délais de paiement.

Considérant qu'une telle disposition d'une part, aurait dénaturé la mission des commissaires aux comptes et, d'autre part, constituait un « cavalier », le Sénat avait supprimé cet article, sur la proposition de ses commissions des Affaires économiques et des lois.

L'Assemblée nationale a réintroduit cet article, sous une forme, il est vrai, très différente. Il s'agit de prévoir que le rapport de gestion prévu par l'article 340 de la loi précitée, qui expose la situation d'une société durant l'exercice écoulé, devrait faire état du respect des dispositions des articles 31 (quatrième alinéa) et 35 de l'ordonnance de 1986, relatives aux mentions devant obligatoirement figurer sur la facture et aux délais de paiement. Par voie de conséquence, les commissaires aux comptes devront, dans le cadre de leurs missions, vérifier le respect effectif de ces règles.

Même sous cette forme, cette disposition soulève les mêmes inconvénients similaires à ceux que présentait la rédaction retenue par l'Assemblée nationale en première lecture. Elle risque notamment d'accroître les charges des entreprises.

C'est pourquoi, votre commission vous propose de supprimer cet article.

Article 10 (nouveau) (Article 121 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985) - Opposabilité de la clause de réserve de propriété en cas de redressement ou de liquidation judiciaires

L'Assemblée nationale a supprimé cet article, introduit par le Sénat sur la proposition de votre commission des Affaires économiques. Il avait pour objet de renverser une jurisprudence récente de la Cour de cassation, de façon à protéger les biens vendus avec une clause de réserve de propriété lorsqu'ils sont revendiqués par l'acheteur de l'entreprise ou ses créanciers.

L'article 121 de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et la liquidation judiciaires des entreprises prévoit que la clause de réserve de propriété peut être écartée ou modifiée par accord écrit des parties.

La jurisprudence a considéré qu'en l'absence d'un tel écrit, les conditions générales de vente, document pourtant sans valeur légale, pouvaient être valablement opposées aux conditions générales de vente. Le fournisseur ne pourrait donc se prévaloir du bénéfice d'une telle clause, quand bien même le bon de livraison mentionnant une telle clause serait signé par l'acheteur.

La commission de la Production et des Échanges avait adopté cet article sous réserve d'évoquer « le document établi par l'acheteur » , de façon à ne pas donner une valeur légale aux conditions générales d'achat.

Cependant, sur la proposition de sa commission des Lois, l'Assemblée nationale a supprimé cet article considérant qu'il s'agissait d'une dérogation au droit commun des contrats.

Estimant anormal que les conditions générales d'achat puissent prévaloir sur les conditions générales de vente, votre commission vous propose de rétablir cet article dans la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture.

Article 11 (Article 153-4 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985) - Coordination

Sur la proposition de sa commission des Affaires économiques, le Sénat avait modifié l'article 15-4 de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et la liquidation judiciaires des entreprises, de façon à exclure l'application de la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article 121 à la procédure de liquidation judiciaire. En effet, cette phrase concernant le moment de conclusion de la clause de réserve de propriété, elle ne peut s'appliquer qu'à la procédure de redressement judiciaire.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel à cet article.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement précisant que les dispositions de cet article ne s'appliquent pas aux procédures en cours à la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

Il s'agit ainsi d'éviter toute ambiguïté relative à l'application dans le temps de la nouvelle rédaction de l'article 153-4 de la loi du 25 janvier 1985.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

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Sous réserve des observations qu'elle a formulées et des amendements qu'elle a présentés, la commission des Affaires économiques et du Plan vous demande d'adopter le présent projet de loi.

* 1 public : au sens de réalisé pour le compte d'autrui

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