Rapport n° 455 (1995-1996) de MM. Jean-Jacques ROBERT , sénateur et Jean-Paul CHARIE, député, fait au nom de la commission mixte paritaire, déposé le 19 juin 1996

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N° 2897

N° 455

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIXIÈME LÉGISLATURE

Enregistre à la Présidence de l'Assemblée nationale

le 20 juin 1996

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance

du 19 juin 1996

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE (1) CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DU PROJET DE loi sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales.

PAR M. JEAN-PAUL CHARIÉ, PAR M. JEAN-JACQUES ROBERT,

Député, Sénateur.

Rapporteur Rapporteur

Cette commission est composée de : MM Jean François-Poncet, sénateur, président ; François-Michel Gonnot, député, vice-président ; Jean-Jacques Robert, sénateur, Jean-Paul Charié, député, rapporteurs.

Membres titulaires : MM. Jean-Jacques Hyest. Alain Pluchet, Mme Anne Heinis, MM. Jean-Marc Pastor, Félix Leyzour, sénateurs ; Marc Le Fur. André Fanton, Jean-Pierre Philibert, Georges Chavanes, Maurice Depaix, députés.

Membres suppléants MM Dominique Brave, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Léon Fatous, Jacques de Menou, Louis Minetti, Michel Souplet, sénateurs ; Raoul Béteille,. Pierre Laguilhon, François Guillaume, Xavier de Roux, Gérard Voisin, Pierre Ducout, Georges Hage, députés.

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1ère lecture : 2591, 2595. 2644. 2652 et T.A. 516.

2ème lecture : 2764, 2801 et TA. 539.

3ème lecture : 2888.

Sénat : 1ère lecture 303, 336, 338 et TA 122 (1995-1996). 2ème lecture : 392, 408 et TA. 151 (1995-1996).

Prix et concurrence

LES TRAVAUX DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Mesdames, Messieurs.

La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales s'est réunie au Sénat le mercredi 19 juin 1996.

Elle a procédé à la désignation de son bureau qui a été ainsi constitué :

- M. Jean François-Poncet. sénateur, président.

- M. François-Michel Gonnot. député, vice-président. La commission a ensuite désigné :

- M. Jean-Jacques Robert, sénateur.

- M. Jean-Paul Charié, député.

comme rapporteurs, respectivement pour le Sénat et l'Assemblée nationale.

En introduction. M. Jean-Paul Charié, rapporteur, a indiqué que trois points du projet de loi restant en discussion pouvaient être débattus en priorité par la commission : le droit d'alignement, le refus de vente et la distribution des carburants au détail.

M. Jean-Jacques Robert, rapporteur, a proposé d'examiner par ordre de priorité les questions suivantes : le refus de vente, le droit d'alignement, la vente des carburants au détail, le contenu des factures pour le calcul du seuil de revente à perte et les dérogations à l'interdiction des ententes illicites. M. Jean-Paul Charié a exprimé son accord sur cette proposition.


À l'article premier C. M. Jean-Jacques Robert
a rappelé que le Sénat tenait à supprimer cet article. Il a relevé que les ententes relatives au prix ou à son mode de calcul étaient systématiquement pourchassées et que le rétablissement du texte proposé par l'Assemblée nationale serait la « porte ouverte » à toutes les ententes abusives. Il a. par ailleurs, souligné que ce texte était contraire au droit communautaire.

M. Jean-Paul Charié a jugé indispensable de soutenir les petites entreprises qui, pour faire face à une situation de concurrence inégale, souhaitaient établir des catalogues de vente. Selon lui, le dispositif voté par l'Assemblée nationale n'entrave ni la libre circulation, ni le libre établissement dans la Communauté européenne. Il a indiqué que les producteurs ne pourraient cependant pas conclure n'importe quelle entente sur le fondement de l'article premier C.

M. Marc Le Fur a relevé que la disposition votée par l'Assemblée nationale avait pour avantage de soutenir les filières de qualité en France.

M. François Guillaume a défendu le maintien de l'article premier C. jugeant qu'il fallait donner aux producteurs les moyens de s'organiser pour négocier leur offre, tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Il a rappelé qu'il s'agissait d'une revendication formulée par la France auprès de la Communauté européenne et qu'il convenait d'étendre le mécanisme des interprofessions à l'échelle européenne.

M. Raoul Béteille a fait observer que l'article 7 de l'ordonnance du 1 er décembre 1986 n'interdisait que certaines ententes et qu'un des décrets d'exemption publiés concernait les signes de qualité.

Il a, par ailleurs, indiqué que le droit de la concurrence était un des fondements de la construction européenne et que la France pourrait être condamnée par la Cour de justice si l'article premier C était adopté.

M. Xavier de Roux a fait valoir que dans les litiges mettant en cause des interprofessions, la question centrale était de savoir si le commerce intracommunautaire était ou non affecté par l'accord. La commission européenne et la Cour de justice ont une lecture des textes applicables en la matière très différente de celle des pouvoirs publics français ; elles considèrent que le commerce intracommunautaire est a priori toujours affecté. Il a estimé qu'il était donc indispensable que les entreprises françaises disposent de tous les instruments juridiques pour affirmer la légalité et l'utilité des interprofessions. En ce domaine, le principe de subsidiarité doit s'appliquer et la France doit être ferme dans sa défense des signes de qualité et des appellations contrôlées.

M. Jean-Pierre Philibert a indiqué ne pas souscrire à cette ligne et a jugé que l'article premier C ne modifiait pas fondamentalement le droit français.

M. André Fanton s'est interrogé sur la compatibilité entre l'article premier C et les principes européens de libre concurrence et de libre circulation. Il a regretté la rareté de l'application du principe de subsidiarité et a détendu la nécessité de s'organiser pour maintenir et conforter les indications d'origine.

M. Jean-Paul Charié a fait valoir que la force du marché commun agricole résidait dans les ententes à l'échelon communautaire face aux pays tiers et dans les États membres pour soutenir les exploitants.

M. Jean François-Poncet, président, s'est déclaré sensible aux arguments des députés en faveur du maintien de l'article premier C. car il est au coeur des problèmes agricoles et alors que les pouvoirs publics ainsi que les parlementaires ne cessent de dire aux agriculteurs qu'on ne peut les aider s'ils ne s'entendent pas préalablement.

Toutefois, il a indiqué que le problème du dispositif adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture tenait à ce que son champ d'application n'était pas limité.

M. Jean-Jacques Hyest a jugé qu'autoriser des ententes sur des prix de cession n'était pas acceptable.

M. Jean-Paul Charié a informé la commission du fait que cinq boulangers avaient été condamnés parce qu'ils s'étaient regroupés sans constituer un groupement d'intérêt économique, pour répondre à un appel d'offres pour la fourniture de pain aux lycées d'une commune.

M. Marc Le Fur a proposé de limiter le dispositif de l'article premier C aux produits agricoles ou d'origine agricole.

M. Alain Pluchet s'est déclaré partisan de la suppression de l'article premier C.

Après une intervention de M. Xavier de Roux rappelant le caractère exceptionnel de l'application de l'article 10 de l'ordonnance, suivie d'un vote, la commission a adopté l'article premier C dans la rédaction de l'Assemblée nationale, sous réserve de la limitation du dispositif aux produits agricoles ou d'origine agricole.


À l'article premier DA. après une intervention de M. Jean-Paul Charié favorable au dispositif voté par le Sénat et une intervention de M. Jean-Pierre Philibert dénonçant l'économie administrée qu'il entraînait, la commission a adopté l'article premier DA dans la rédaction du Sénat.


Aux articles premier EB et premier EC, après les interventions de MM. Jean-Pierre Philibert. Jean-Jacques Hyest. Raoul Béteille, Xavier de Roux. Jean-Jacques Robert et Jean-Paul Charié sur le renforcement des droits de la défense et la lourdeur administrative des dispositions, la commission a. après un vote, maintenu la suppression des deux articles votée par la Sénat.


À l'article premier, M. Jean-Jacques Robert a rappelé qu'au paragraphe I, le Sénat avait retenu les notions de rabais, remises ou ristournes acquis de façon à exclure la mention des escomptes sur la facture, estimant que l'escompte ne peut être considéré comme acquis à la date de la vente.

Si l'on ne peut tenir compte d'un escompte incertain pour calculer le seuil de la revente à perte, il a jugé que l'on pouvait en revanche retenir l'escompte acquis, mentionné sur la facture. Dans cet esprit, il a proposé une rédaction de compromis visant toute réduction de prix acquise à la date de la vente « à l'exclusion des escomptes non prévus sur la facture » .

Il a, par ailleurs, proposé de rétablir le paragraphe II. que le Sénat avait supprimé, à la condition de viser le client plutôt que le débiteur et de préciser que les fonds sont mis à la disposition du bénéficiaire « ou de son subrogé » .

M. Jean-Pierre Philibert a exprimé son accord sur l'amendement de rédaction globale de l'article premier. Il est convenu que l'objectif principal en matière de date de règlement était d'éviter que le débiteur jouât sur les dates de valeur.

Il a toutefois proposé, ainsi que M. Raoul Béteille, d'employer un singulier plutôt qu'un pluriel en visant les réductions de prix.

Après que M. Jean-Paul Charié eut exprimé son accord, la commission a adopté l'article premier dans cette nouvelle rédaction.


À l'article 2,
la commission a adopté le troisième alinéa du II dans la rédaction de l'Assemblée nationale autorisant ainsi la revente à perte des vins de primeur pendant la période terminale de la saison des ventes et dans l'intervalle compris entre deux saisons de vente, puis le cinquième alinéa du II, relatif au réapprovisionnement, dans la rédaction du Sénat.

Concernant le droit d'alignement (6ème alinéa du II). M. Jean-Paul Charié a rappelé que le droit d'alignement avait rendu ineffective l'interdiction de revendre à perte et que seuls 500 produits étaient en France revendus à perte, ce qui suffisait à pervertir l'ensemble du système. Il a fait valoir que pour donner tous ses effets au nouveau système de revente à perte, il fallait donc interdire ou limiter le droit d'alignement. Il a estimé que cette interdiction ou limitation encouragerait le partenariat entre les fournisseurs et les revendeurs.

Il a conclu que ces propos plaidaient en faveur de la suppression du droit d'alignement, mais que l'Assemblée nationale avait souhaité accorder ce droit aux commerces de détail de moins de 300 m 2 .

M. Jean-Jacques Robert a rappelé que la loi s'appliquerait à tous et qu'il convenait donc de ne pas être obnubilé par les seules grandes surfaces. Il a cité l'exemple de certaines enseignes, dont les adhérents sont des indépendants dirigeant des commerces de taille moyenne, dont la situation difficile devait être prise en considération.

Citant également le problème des magasins spécialisés confrontés à la concurrence d'un magasin voisin proposant des prix plus bas que les leurs, il a souhaité qu'ils puissent procéder à l'alignement de leur prix. Il a ainsi illustré l'état d'esprit du Sénat, soucieux de prendre en compte les petits et moyens commerces.

Il a souligné que le Sénat tenait à la libéralisation totale du droit d'alignement, la limitation de ce droit aux magasins de moins de 300 m 2 étant inopérante.

M. Jean-Pierre Philibert a observé que l'argumentation de M. Jean-Jacques Robert était juridiquement bonne et que limiter l'exception d'alignement aux commerces de moins de 300 m 2 serait inopérant. En effet, alors qu'aujourd'hui les grandes surfaces amenées à utiliser ce droit renégocient leurs conditions d'achat avec leurs fournisseurs après l'alignement, le dispositif proposé par le rapporteur pour l'Assemblée nationale inverserait le processus. Les conditions d'achat seraient donc renégociées en premier lieu, les produits étant ensuite revendus moins chers grâce à un seuil de revente à perte réduit.

M. Georges Chavanes a exprimé son accord avec la position du Sénat, car le dispositif retenu par l'Assemblée nationale conduirait à remettre entre les mains des fournisseurs la stratégie de vente de leurs clients. Il a estimé qu'en outre, si les revendeurs n'avaient plus la faculté de recourir à l'alignement, ils chercheraient sur les marchés étrangers les produits à prix bas qu'ils n'obtiendraient pas sur le marché français.

M. François Guillaume a jugé qu'accorder le droit d'alignement aux seuls commerces de moins de 300 m 2 consistait en réalité à donner un avantage qui ne serait jamais utilisé. Cependant, il a souligné les mécanismes pervers du droit d'alignement, qui autorisaient de nombreux abus en cas d'alignement général dans une zone de chalandise. Il est, en effet, pratiquement impossible de déterminer quelle est la grande surface qui a la première affiché un prix à perte.

M. Jean-Jacques Robert a rappelé que l'alignement n'était légal que pour autant qu'il se référait à un prix légalement pratiqué.

M. Xavier de Roux a estimé que s'aligner sur un prix licite en se mettant soi-même dans une situation illicite au regard du seuil de revente à perte était insatisfaisant. Il a conclu que le remède présenté était pire que le mal et qu'il convenait de s'attaquer avant tout aux prix abusivement bas.

M. André Fanton a souhaité savoir si un commerçant de bonne foi s'alignant sur le prix d'un concurrent illégalement pratiqué serait poursuivi au même titre que son concurrent.

M. Jean-Paul Charié a indiqué que l'ordonnance ne permettait de sanctionner que le commerçant ayant le premier pratiqué un prix illicite. Dès lors que l'ensemble des commerçants d'une zone de chalandise s'alignaient en chaîne sur des prix bas. il a relevé que l'administration était dans l'impossibilité de sanctionner ces prix bas car elle devait déterminer le prix servant de référence à l'alignement et démontrer son illégalité.

Il a rappelé qu'en outre un commerçant ne pouvait pas demander les factures d'achat d'un produit d'un concurrent afin de vérifier si le prix de vente de ce dernier était légal.

Il a souligné qu'à cause de l'existence du droit d'alignement, on avait pu relever l'existence de nombreux prix de revente inférieurs aux prix de production.

Il a conclu en suggérant que la loi pouvait distinguer les produits alimentaires des autres produits, dans la mesure où les réseaux de vente et les pratiques étaient différents.

M. Jean-Jacques Robert a alors proposé d'autoriser les commerces de moins de 1.000 m 2 à s'aligner sur des prix légalement pratiqués, ce qui permettrait notamment à de nombreux magasins spécialisés d'y avoir recours.

M. Jean-Paul Charié a proposé de corriger l'amendement présenté par M. Jean-Jacques Robert afin de n'accorder le droit d'alignement qu'aux commerces de moins de 300 m 2 pour la vente de produits alimentaires et aux commerces de moins de 1.000 m 2 pour la vente de produits non alimentaires.

M. Xavier de Roux a suggéré d'appuyer plutôt le dispositif de l'amendement sur les seuils figurant dans la loi Rover.

M. Marc Le Fur a soutenu la proposition de M. Jean-Paul Charié.

Après l'intervention de M. Jean François-Poncet, président, et après avoir souligné que l'alignement était souvent l'ultime solution à la portée d'un commerçant pour ne pas disparaître. M. Jean-Jacques Robert, par souci de compromis, a accepté la proposition de M. Jean-Paul Charié.

M. Georges Chavanes a fait valoir que le dispositif proposé serait inapplicable et a demandé un vote sur l'amendement présenté.

Après un vote, la commission a adopté l'amendement de M. Jean-Jacques Robert corrigé sur la proposition de M. Jean-Paul Charié.

Puis, la commission a adopté l'article 2 ainsi modifié.


À l'article 3 bis, après les interventions de M. Jean-Paul Charié, de M. Jean-Jacques Robert, qui a craint que le dispositif voté par l'Assemblée nationale n'accroisse les charges administratives des entreprises, et de M. Jean-Jacques Hyest, qui a fait valoir que l'établissement de conditions générales de vente n'était pas imposé par la loi et qu'ajouter des mentions obligatoires accroissait les possibilités de sanctions pénales, la commission a adopté, après un vote, l'article dans les termes du Sénat.


À l'article 4 , concernant le refus de vente (1° de l'article 4), M. Jean-Paul Charié a donné les deux principales justifications de la libéralisation complète du refus de vente :

- elle permet aux fournisseurs de résister au chantage commercial que les revendeurs peuvent exercer sur les produits leaders et ainsi elle tend au rééquilibrage des rapports entre les fournisseurs et les revendeurs :

- elle permet, à l'occasion du lancement d'un nouveau produit, de sélectionner les revendeurs en fonction d'une certaine stratégie commerciale.

Cependant, il a indiqué que l'Assemblée nationale ne souhaitait pas qu'une libéralisation complète se retourne contre les petits clients des fournisseurs.

Il a donc conclu qu'en dépit du caractère insatisfaisant de sa rédaction, il voterait en faveur de la disposition adoptée par le Sénat.

M. Jean-Pierre Philibert a fait observer que le rapporteur pour l'Assemblée nationale avait exprimé une position personnelle qui ne rendait pas compte des votes en première et en deuxième lectures de l'Assemblée nationale. Il a jugé que le moment était venu de mettre un terme à une disposition datant du régime de Vichy, qui avait alors sa justification dans l'état de pénurie de la société. Il a avancé trois arguments juridiques pour libéraliser complètement le refus de vente :

- le refus de vente empêchant l'accès d'un revendeur au marché est sanctionné par l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 :

- les refus de vente abusifs peuvent également être sanctionnés par le 1 de l'article 36 qui prohibe les discriminations abusives ;

- l'article 1382 du Code civil, bien que peu exploité, permet de régler de nombreux litiges survenant en matière de refus de vente.

Il a conclu qu'il existait, dans le droit français, un ensemble de dispositions permettant de donner une réponse adaptée aux cas de refus de vente abusifs.

M. Xavier de Roux a jugé qu'il était temps de supprimer une disposition qui a altéré ces dernières années les rapports entre les fournisseurs et les revendeurs. La grande distribution s'est, en effet, servie de l'interdiction du refus de vente pour obtenir la fourniture de produits. Il a conclu que si l'on souhaitait maintenir l'existence et la viabilité des circuits de distribution exclusive ou spécialisée, il convenait de libéraliser complètement le refus de vente.

M. Jean-Jacques Robert a indiqué que la libéralisation totale du refus de vente avait sa préférence et celle de très nombreux sénateurs, mais que le Sénat avait accédé à la demande du Gouvernement, en deuxième lecture, qui craignait que cette disposition n'entrave l'accès des petites entreprises au marché. Il a déclaré partagé l'avis de M. Jean-Pierre Philibert et a indiqué que l'arsenal juridique permettait de sanctionner des refus de vente abusifs.

Soulignant sa déception de n'avoir pu intégrer la vente des carburants au détail dans le dispositif des prix abusivement bas, il a déclaré que la position de compromis adoptée en deuxième lecture à l'égard du Gouvernement sur le refus de vente, n'avait plus de raison d'être. C'est pourquoi, il a souhaité que le Sénat libéralise totalement le refus de vente, conformément à la position qu'avait adoptée la commission des Affaires économiques, tant en première qu'en deuxième lecture.

En réponse à M. Jean-Pierre Philibert. M. Jean-Paul Charié a fait observer que l'article 8 de l'ordonnance n'était opposable qu'en cas d'incidence de la pratique sur le marché. Il a rappelé que le Gouvernement avait donné, en séance publique, de nombreux éléments d'information dont l'analyse tendait à plaider en faveur d'une libéralisation totale.

Après ce débat, la commission a retenu la rédaction du 1° de l'article 4 dans la rédaction de l'Assemblée nationale. M. Jean François-Poncet, président, a salué la position de la commission.

Concernant le 6 nouveau de l'article 36, M. Xavier de Roux a

dénoncé les pratiques graves dont étaient victimes les revendeurs d'automobiles ayant le statut de commissionnaires, les interprétations jurisprudentielles divergentes concernant les vendeurs d'automobiles ayant le statut de mandataire et les disparités de situation au sein du marché commun. Il a défendu la nécessité d'inscrire dans la loi une disposition mettant fin au parasitisme des mandataires.

M. Jean-Jacques Hyest s'est déclaré heurté par la disposition adoptée par l'Assemblée nationale qui relève du seul droit des contrats.

M. Jean-Paul Charié a dénoncé le système permettant à des revendeurs de bénéficier des circuits de distribution exclusive ou sélective et les autorisant à revendre à des commerçants n'appartenant pas à ce circuit.

M. Jean-Jacques Robert s'est déclaré insatisfait de la rédaction de la disposition mais l'a approuvée sur le fond.

Ensuite, la commission a substitué aux mots : « et/ou », le mot : « ou » puis a adopté le 6 de l'article 36 dans la rédaction de l'Assemblée nationale ainsi modifiée. Enfin, elle a adopté l'article 4 ainsi modifié.


• La commission a adopté l'article 5 bis dans la rédaction du Sénat.


À l'article 5 ter relatif à la vente au détail des carburants, M. Jean-Paul Charié a fait valoir que les débats, tant au Sénat et qu'à l'Assemblée nationale, en première et en deuxième lectures, soulignaient la nécessité de prévoir des disposition spécifiques en faveur des petites stations-service.

Il a présenté une nouvelle rédaction de l'article 5 ter imposant aux fournisseurs de carburant d'accorder aux revendeurs ayant le statut de gérant libre ou de mandataire ou étant liés par un contrat de commissionnaire, une commission minimale de 8 % sur le prix de vente hors taxe sur la valeur ajoutée (TVA), ce taux minimal pouvant être une fois par an modifié par décret en Conseil d'État.

M. Jean-Jacques Robert a rappelé les conditions dans lesquelles il avait été acculé, en deuxième lecture, à retirer son amendement tendant à soumettre la vente de carburants de détail au dispositif du prix abusivement bas.

M. Xavier de Roux a estimé qu'il existait un problème de prix anormalement bas en matière de vente au détail de carburants, mais que la loi ne pouvait pas multiplier les exceptions pour régler tous les problèmes ponctuels.

M. André Fanton s'est interrogé sur la constitutionnalité d'une disposition discriminant les carburants par rapport aux autres produits.

Après avoir rappelé les votes successifs des deux assemblées, M. Jean-Jacques Hyest a fermement condamné toute disposition spécifique aux stations-service, qui reviendrait à détruire la cohérence de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

M. Marc Le Fur a répondu que si la commission mixte paritaire ne pouvait pas revenir sur un article adopté dans des termes identiques par les deux assemblées, elle avait le devoir d'adopter un dispositif dérogatoire pour répondre à un problème spécifique à la France et que l'article 5 ter en fournissait l'occasion. Il a estimé que la proposition de M. Yves Galland, ministre délégué aux finances et au commerce extérieur, tendant à inclure les stations-service des grandes surfaces dans l'assiette de la taxe sur les grandes surfaces était de la « charité ». Il a conclu en apportant son soutien à l'amendement proposé par M. Jean-Paul Charié.

M. Jean-Paul Charié a souligné que les pompistes mandataires ou commissionnaires n'étaient pas dans une situation de concurrence classique. En 1984, les fournisseurs de carburant devaient garantir une marge minimale à leurs revendeurs. À l'époque, cette marge était égale à 45 centimes. Aujourd'hui, la marge des revendeurs n'est que de 15 centimes.

Le taux minimal de 8 % prévu par l'amendement correspond à une commission de 32 centimes pour un prix hors TVA de 4 francs. Il correspond à la remise accordée par l'État aux buralistes.

Après ces explications, M. Jean-Jacques Hyest a maintenu son opposition à l'amendement.

M. François-Michel Gonnot a jugé que la commission ne pouvait pas légiférer sans une expertise préalable.

M. Jean-Jacques Robert a fait part de son embarras à ce stade de la discussion. Il a jugé nécessaire que la commission donne un signal aux Français, de nature à leur redonner un espoir sur ce thème. C'est pourquoi, il a déclaré qu'il adopterait l'amendement proposé par M. Jean-Paul Charié.

M. Jean François-Poncet, président, a indiqué qu'il se rallierait également à cet amendement en dépit de son imperfection. En effet, il a jugé nécessaire d'adopter une telle mesure, afin de contraindre le Gouvernement à formuler des propositions concrètes et normatives si le dispositif n'emportait pas son accord. Il a conclu que cet amendement constituait une ferme mise en garde.

M. François-Michel Gonnot a proposé un sous-amendement renvoyant au décret en Conseil d'État le soin de fixer le taux minimal de la commission. Il a indiqué qu'à défaut de son adoption, il voterait contre l'adoption de l'article 5 ter.

M. Marc Le Fur a estimé qu'en l'absence de la mention d'un tel taux, l'amendement serait une pétition de principe.

M. André Fanton a appuyé les propos de M. Jean François-Poncet et a rappelé que le Gouvernement s'était engagé à trouver une solution au problème des pompistes indépendants au cours de la navette et que la seule solution qu'il avait trouvée avait été d'annoncer la création d'un nouvel impôt.

M. Dominique Braye s'est opposé au sous-amendement de M. François-Michel Gonnot, qui a alors mis en garde la commission sur l'exploitation médiatique possible de l'amendement proposé.

Après un vote, la commission a adopté l'article 5 ter dans la rédaction résultant de l'adoption de cet amendement.


À l'article 7, M. Jean-Paul Charié a indiqué que l'article adopté en deuxième lecture par l'Assemblée nationale n'entraînait aucune charge supplémentaire pour les entreprises.

M. Jean-Jacques Hyest a estimé que le dispositif ne présentait pas d'intérêt.

Après que MM. Jean-Jacques Robert et Xavier de Roux se sont déclarés défavorables à l'adoption de l'article 7, la commission a confirmé, après un vote, la suppression de l'article 7 votée par le Sénat.


À l'article 10, M. Jean-Jacques Robert a rappelé que le dispositif adopté par le Sénat avait pour objet de revenir sur une jurisprudence de la Cour de cassation nuisible.

M. Jean-Paul Charié s'est déclaré attaché au respect des clauses de réserve de propriété mais a demandé que la loi ne s'appuie pas sur la notion de conditions générales d'achat qui n'est reconnue dans aucun texte de loi.

M. Xavier de Roux s'est déclaré d'accord avec la finalité de l'article 10 mais a indiqué qu'il posait un problème en se référant à l'opposabilité qui ne peut être évoquée qu'en cas d'accord entre les parties.

Après que M. Jean-Paul Charié eut indiqué qu'en visant toutes les clauses contraires, le dispositif de l'article 10 incluait les clauses figurant dans les conditions générales d'achat, la commission a maintenu l'article 10 adopté par le Sénat en supprimant la référence aux conditions générales d'achat.


• Puis la commission a adopté l'article 11 dans les termes du Sénat.

La commission mixte paritaire a ensuite adopté l'ensemble du projet de loi compte tenu du texte élaboré par elle et reproduit ci-après.

TEXTE ÉLABORÉ PAR LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE

PROJET DE LOI
SUR LA LOYAUTÉ ET L'ÉQUILIBRE
DES RELATIONS COMMERCIALES

Article premier C

Au début de la dernière phrase du troisième alinéa de l'article 10 de la même ordonnance, après les mots : « Ces pratiques », sont insérés les mots : « , qui peuvent consister à organiser, pour les produits agricoles ou d'origine agricole, sous une même marque ou enseigne, les volumes et la qualité de production ainsi que la politique commerciale, y compris en convenant d'un prix de cession commun. ».

Article premier DA

Au début du dernier alinéa de l'article 10 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 précitée, après les mots : « certaines catégories d'accords », sont insérés les mots : « ou certains accords ».

Article premier EB

Supprimé

Article premier EC

Supprimé

Article premier

I. - Au troisième alinéa de l'article 31 de la même ordonnance, les mots : « ainsi que tous rabais, remises ou ristournes dont le principe est acquis et le montant chiffrable lors de la vente ou de la prestation de service, quelle que soit leur date de règlement » sont remplacés par les mots : « ainsi que toute réduction de prix acquise à la date de la vente ou de la prestation de service et directement liée à cette opération de vente ou de prestation de service, à l'exclusion des escomptes non prévus sur la facture ».

II. - Le quatrième alinéa de l'article 31 de la même ordonnance est complété par la phrase suivante :

« Le règlement est réputé réalisé à la date à laquelle les fonds sont mis, par le client, à la disposition du bénéficiaire ou de son subrogé. ».

Article 2

I. - Non modifié

II. - L'article 32 de la même ordonnance est ainsi rédigé :

« Art. 32.- 1.- Le fait, pour tout commerçant, de revendre ou d'annoncer la revente d'un produit en l'état à un prix inférieur à son prix d'achat effectif est puni de 500 000 F d'amende. Cette amende peut être portée à la moitié des dépenses de publicité dans le cas où une annonce publicitaire, quel qu'en soit le support, fait état d'un prix inférieur au prix d'achat effectif.

« Le prix d'achat effectif est le prix unitaire figurant sur la facture majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport.

« Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, de l'infraction prévue au premier alinéa du présent article.

« Les peines encourues par les personnes morales sont :

« 1° L'amende suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ;

« 2° La peine mentionnée au 9° de l'article 131-39 du même code.

« La cessation de l'annonce publicitaire peut être ordonnée dans les conditions prévues à l'article L. 121-3 du code de la consommation.

« II. - Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables :

« 1° - Aux ventes volontaires ou forcées motivées par la cessation ou le changement d'une activité commerciale.

« - aux produits dont la vente présente un caractère saisonnier marqué, pendant la période terminale de la saison des ventes et dans l'intervalle compris entre deux saisons de vente.

« - aux produits qui ne répondent plus à la demande générale en raison de l'évolution de la mode ou de l'apparition de perfectionnements techniques.

« - aux produits, aux caractéristiques identiques, dont le réapprovisionnement s'est effectué en baisse, le prix effectif d'achat étant alors remplacé par le prix résultant de la nouvelle facture d'achat.

« - aux produits alimentaires commercialisés dans un magasin d'une surface de vente de moins de 300 m 2 et aux produits non alimentaires commercialisés dans un magasin d'une surface de moins de 1000 m 2 , dont le prix de revente est aligné sur le prix légalement pratiqué pour les mêmes produits par un autre commerçant dans la même zone d'activité ;

« 2°À condition que l'offre de prix réduit ne fasse pas l'objet d'une quelconque publicité ou annonce à l'extérieur du point de vente,

« - aux produits périssables à partir du moment où ils sont menacés d'altération rapide.

« III.- Les exceptions prévues au II ne font pas obstacle à l'application du 2 de l'article 189 et du 1 de l'article 197 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises. »

Article 3 bis

Les trois derniers alinéas de l'article 33 de la même ordonnance sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« La peine encourue par les personnes morales est l'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 dudit code. »

Article 4

L'article 36 de la même ordonnance est ainsi modifié : 1° Les troisième et quatrième alinéas sont abrogés ;

2° Le cinquième alinéa est ainsi rédigé :

« 3. D'obtenir ou de tenter d'obtenir un avantage, condition préalable à la passation de commandes, sans l'assortir d'un engagement écrit sur un volume d'achat proportionné et, le cas échéant, d'un service demandé par le fournisseur et ayant fait l'objet d'un accord écrit ; » ;

3° Il est inséré, après le cinquième alinéa, trois alinéas ainsi rédigés :

« 4. D'obtenir ou de tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale des relations commerciales, des prix, des délais de paiement, des modalités de vente ou des conditions de coopération commerciale manifestement dérogatoires aux conditions générales de vente ;

« 5. De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte des relations commerciales antérieures ou des usages reconnus par des accords interprofessionnels. Les dispositions précédentes ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou de force majeure ;

« 6. De participer directement ou indirectement à la violation de l'interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective ou exclusive exempté au titre des règles applicables du droit de la concurrence. » ;

Supprimé

Article 5 bis

L'article 55 de la même ordonnance est ainsi rédigé :

« Art. 55.- En cas de condamnation au titre des articles 31, 32, 34 et 35, la juridiction peut ordonner que sa décision soit affichée ou diffusée dans les conditions prévues par l'article 131-10 du code pénal.

« Lorsqu'une personne ayant fait l'objet, depuis moins de deux ans, d'une condamnation pour l'une des infractions définies par les articles 28 et 31 à 35 commet la même infraction, le maximum de la peine d'amende encourue est porté au double.

« Lorsqu'une personne morale ayant fait l'objet, depuis moins de deux ans, d'une condamnation pour l'une des infractions définies par les articles 31 à 33 commet la même infraction, le taux maximum de la peine d'amende encourue est égal à dix fois celui applicable aux personnes physiques pour cette infraction. »

Article 5 ter

Le X de l'article 60 de la même ordonnance est ainsi rédigé :

« X. - Par dérogation à l'article 34, une commission minimale de huit pour cent sur le prix de vente hors taxe sur la valeur ajoutée est accordée par le fournisseur de carburants aux revendeurs de carburants de détail ayant le statut de gérant libre ou de mandataire ou étant liés par un contrat de commissionnaire.

« Le taux minimal de cette commission peut une fois par an être modifié par décret en Conseil d'État. »

Article 7

Supprimé

Article 10

Le deuxième alinéa de l'article 121 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Nonobstant toute clause contraire, la clause de réserve de propriété est opposable à l'acheteur et aux autres créanciers, à moins que les parties n'aient convenu par écrit de l'écarter ou de la modifier. »

Article 11

Dans l'article 153-4 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, les mots : « , à l'exception de la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article 121 » sont supprimés.

Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux procédures en cours à la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

TABLEAU COMPARATIF

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