Rapport n° 118 (1996-1997) de M. Georges OTHILY , fait au nom de la commission des lois, déposé le 4 décembre 1996

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N° 118

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 4 décembre 1996.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, EN NOUVELLE LECTURE, relatif à la détention provisoire,

Par M. Georges OTHILY,

Sénateur .

(1)Cette commission est composée de MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, François Giacobbi, Charles Jolibois, Robert Pagès, vice-présidents ; Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson, secrétaires ; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel Millaud, Georges Othily, Jean-Claude Peyronnet, Bernard Piras, Claude Pradille, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich.

Voir les numéros :

Sénat : Première lecture : 330, 374 et T.A. 136 (1995-1996).

Deuxième lecture : 25 (1996-1997).

Commission mixte paritaire : 60 (1996-1997).

Nouvelle lecture : 99 (1996-1997).

Assemblée nationale (10ème législ.) : Première lecture : 2830, 2916 et T.A. 583.

Commission mixte paritaire : 3096.

Nouvelle lecture : 3099, 3116 et T.A. 592.

Droit pénal

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 4 décembre sous la présidence de M. Jacques Larché, Président, la commission des Lois a procédé, sur le rapport de M. Georges Othily, à l'examen en nouvelle lecture du projet de loi relatif à la détention provisoire.

La commission mixte paritaire réunie sur ce texte au Palais du Luxembourg le 31 octobre avait échoué, la délégation du Sénat ayant estimé que l'urgence n'avait plus de justification s'agissant d'un sujet aussi important que la procédure pénale dès lors que, contrairement au souhait initial du Gouvernement, le Projet de loi n'avait pu être adopté définitivement avant la fin de la précédente session.

La commission a adopté trois amendements de fond tendant respectivement à :

- supprimer l'article premier AB, relatif à la communication des copies du dossier d'instruction aux parties ;

- ramener de deux à une année la durée maximale de détention provisoire lorsque la peine encourue est comprise entre cinq ans et dix ans d'emprisonnement ;

- confier au président du tribunal de grande instance la décision relative au référé-liberté, ce magistrat ou son délégué devant statuer sans délai afin d'éviter l'incarcération d'un demandeur qui obtiendrait gain de cause.

Ce projet de loi sera examiné en séance publique le mercredi 11 décembre 1996.

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi relatif à la détention provisoire revient devant notre Assemblée pour une nouvelle lecture.

Nouvelle et non deuxième lecture car, depuis l'adoption de ce texte Par le Sénat, le 31 mai dernier, l'Assemblée nationale l'a examiné en première lecture au début de la présente session et une commission mixte paritaire (CMP) s'est réunie le 31 octobre au Palais du Luxembourg, sous la présidence de M. Jacques Larché.

Cette CMP a échoué non pas pour des raisons de fond mais pour des considérations de principe tenant à l'urgence déclarée par le Gouvernement à propos d'un texte concernant la procédure pénale.

Était-il nécessaire, ou même simplement souhaitable, de se limiter à une lecture au sein de chaque assemblée sur un sujet aussi fondamental que la détention provisoire et ce alors même que la seconde assemblée saisie ne s'était prononcée qu'après la date d'entrée en vigueur initialement espérée par le Gouvernement pour le projet de loi ?

Les sénateurs membres de la CMP ont à l'unanimité estimé préférable de procéder au minimum à une lecture supplémentaire. L'urgence, déclarée au mois de mai afin de parvenir à une adoption définitive du projet de loi avant la fin de la précédente session, n'avait à leurs yeux plus lieu d'être dès lors que cet objectif n'avait pu être atteint. Seul l'échec de la CMP pouvait alors permettre la reprise de la navette qu'ils appelaient de leurs voeux.

Tout en comprenant les objections des sénateurs, nos collègues députés ont -tout aussi unanimement- estimé opportun d'élaborer un texte en CMP afin d'aboutir au plus vite à l'adoption définitive du projet de loi.

La CMP ne pouvant délibérer sans avoir préalablement tranché cette question de procédure, c'est donc tout naturellement que le Président Jacques Larché lui a demandé si elle souhaitait engager ses travaux. C'est également tout à fait naturellement que, la CMP ayant, par un partage égal des voix, répondu négativement à cette interrogation, le président a constaté l'impossibilité d'aller plus avant dans ses délibérations et, partant, l'échec de la CMP.

La formulation positive de cette question a été jugée par M. Philippe Houillon, rapporteur à l'Assemblée nationale, comme contraire à la lettre des règlements du Sénat et de l'Assemblée nationale dans leurs dispositions relatives à la question préalable. A ses yeux, cette question aurait dû être posée négativement et être libellée sous une forme telle que : « estimez-vous qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération » ; le partage égal des voix aurait alors conduit au rejet de cette question et donc au résultat inverse de celui effectivement obtenu.

Sans vouloir engager une polémique, votre rapporteur considère que les dispositions du règlement relatives à la question préalable en séance publique ne sont pas transposables à la question préalable en CMP.

En effet, la question préalable en séance publique a pour objet de décider qu'il n'y a pas lieu de délibérer sur un texte ; or, par hypothèse, la CMP n'est pas appelée à délibérer sur un texte mais à en élaborer un. Comment, dans ces conditions, pouvoir adopter une question préalable au sens du règlement du Sénat sur un texte qui n'existe pas ?

On observera d'ailleurs qu'aucune objection n'a été soulevée au moment où le Président Jacques Larché a interrogé la CMP.

Enfin, quelle que fût la formulation de cette question, le constat d'échec était dans la logique des CMP selon laquelle, comme l'a fort justement fait observer M. Xavier de Roux, vice-président de la CMP sur le présent projet de loi, « si une assemblée ne souhaite pas délibérer, l'autre peut l'y contraindre » .

Dans ces conditions, il était inévitable de procéder à une nouvelle lecture au sein de chaque assemblée. De toute façon, la délégation du Sénat a eu raison de préconiser cette nouvelle lecture puisque l'Assemblée nationale a apporté dix modifications au texte qu'elle avait adopté il y a à peine un mois.

I. LES TRAVAUX DU SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE : UN PROJET DE LOI SENSIBLEMENT ENRICHI

En première lecture, notre assemblée avait sensiblement enrichi un projet de loi considéré -à juste titre- comme trop timoré par l'ensemble des personnes entendues par votre rapporteur. Elle avait ainsi non seulement adopté et amélioré les dispositions contenues dans le texte initial du Gouvernement, mais aussi apporté des compléments utiles destinés à éviter le recours à la détention provisoire ou à en limiter la durée.

A. LES DISPOSITIONS CONTENUES DANS LE PROJET DE LOI INITIAL ADOPTÉES SANS MODIFICATION DE FOND

Le Sénat avait adopté sans modification -ou avec des modifications marginales- plusieurs dispositions du projet de loi initial. Il s'agissait :

- des articles 1er, 6 et 8 exigeant que le trouble à l'ordre public justifiant un placement en détention provisoire fût exceptionnel ;

- de l'article 2, aux termes duquel la détention provisoire ne saurait excéder une « durée raisonnable au regard de la gravité des faits reprochés à la personne mise en examen et de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité » ;

- de l'article 4, ramenant de un an à six mois la durée maximale d'une décision de prolongation de la détention provisoire (cette décision pouvant toujours, comme auparavant, être renouvelée) ;

- de l'article 10 fixant au 1er octobre 1996 la date d'entrée en vigueur du projet de loi.

B. LES DISPOSITIONS MODIFIÉES SUR LE FOND

1. L'article 5

Cet article exigeait une motivation particulière des décisions défavorables à la personne mise en examen -à savoir celles prolongeant la détention ou rejetant une demande de mise en liberté- lorsque la durée de détention excède une année.

Le Sénat avait ramené cette durée à 8 mois en matière correctionnelle.

2. L'article 7

Dans sa rédaction initiale, cet article visait à améliorer le référé-liberté en apportant trois séries de modifications au droit actuel :

- donner un plein pouvoir d'appréciation au président de la chambre d'accusation, celui-ci ne se limitant plus à examiner le caractère manifestement infondé de la détention, mais se prononçant immédiatement sur l'appel et pouvant donc infirmer l'ordonnance du juge d'instruction dès lors que les conditions de fond du placement en détention ne seraient pas remplies ;

- prévoir le dessaisissement de la chambre d'accusation lorsque le président infirmerait la décision du juge d'instruction ;

- permettre au président de la chambre d'accusation d'ordonner le placement sous contrôle judiciaire et de sortir ainsi de l'alternative maintien en détention/remise en liberté.

A l'initiative de M. le président Jacques Larché, le Sénat avait intégralement réécrit cet article 7, lui apportant trois modifications essentielles :

- tout d'abord, le référé-liberté était déconnecté de l'appel, c'est-à-dire pouvait être utilisé par la personne mise en examen sans que celle-ci ait l'obligation d'interjeter appel contre l'ordonnance de placement en détention ;

- en deuxième lieu, la décision relative au référé-liberté était transférée du président de la chambre d'accusation au président du tribunal. Il était en effet apparu utile de permettre aux magistrats compétents de recueillir les observations de la personne mise en examen, ce qui pouvait se révéler difficilement réalisable, dans un laps de temps par définition limité, par le président de la chambre d'accusation, parfois géographiquement éloigné du tribunal ;

- en troisième lieu, afin d'éviter le traumatisme de l'incarcération, le Sénat avait prévu que, lorsque la demande serait formée avant l'exécution du mandat de dépôt, la personne serait remise à un officier de police judiciaire et gardée dans un local désigné selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État jusqu'à la comparution devant le président du tribunal.

3. L'article 9

A l'initiative de notre excellent collègue Daniel Millaud, le Sénat avait subordonné l'application du projet de loi dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte au vote d'une loi ultérieure prise après consultation des assemblées territoriales.

C. LES COMPLÉMENTS APPORTÉS PAR LE SÉNAT

1. Le placement sous surveillance électronique

Afin de limiter autant que possible le recours à la détention provisoire, le Sénat avait, à une large majorité, décidé de consacrer le placement sous surveillance électronique comme substitut à cette mesure.

Plusieurs précautions avaient été prévues : consentement de la personne mise en examen donné en présence d'un avocat, examen médical, respect de la dignité de la personne...

Il avait notamment été indiqué que le placement sous surveillance électronique ne pourrait être proposé qu'à une personne ayant fait l'objet d'un mandat de dépôt, c'est-à-dire déjà placée ou sur le point d'être placée en détention provisoire. Cette précision écartait ainsi tout risque de voir le placement sous surveillance électronique se substituer non pas à la détention mais au contrôle judiciaire.

2. La limitation à 12 mois de la durée maximale de la détention provisoire pour les délits passibles de moins de 10 ans d'emprisonnement

Le Sénat avait modifié l'article 3 afin de fixer des durées butoir de détention provisoire selon des distinctions que résume le tableau ci-après :

TABLEAU COMPARATIF
CONCERNANT LA DUREE LIMITE
DE LA DETENTION PROVISOIRE

(renouvellements compris)

3. L'exclusion de l'éventuel état de récidive pour le placement en détention provisoire

L'article 144 du code de procédure pénale énumère les conditions du placement en détention provisoire. Parmi celles-ci, il est exigé que la « peine encourue » par la personne mise en examen soit d'au moins deux ans d'emprisonnement ou d'un an en cas de flagrant délit.

Dans la mesure où la « peine encourue » est doublée en cas de récidive, il en résulte que des personnes auteurs d'infractions bénignes (car passibles d'un an ou de six mois d'emprisonnement) peuvent, lorsqu'elles sont en état de récidive, être placées en détention provisoire.

C'est pour éviter cette situation que le Sénat avait prévu, sur proposition de nos collègues du groupe communiste, républicain et citoyen, que les quanta précités seraient appréciés non plus en fonction de la « peine encourue » par la personne mise en examen mais de la « peine prévue » pour l'infraction imputée à celle-ci (art. premier AA).

4. L'assouplissement des conditions d'indemnisation des victimes de la détention provisoire

Aux termes de l'article 149 du code de procédure pénale, une indemnité peut être accordée par une commission à une personne placée en détention provisoire puis mise hors de cause par la justice lorsque cette détention lui a causé « un préjudice manifestement anormal et d'une particulière gravité » .

Afin de revenir sur le caractère quelque peu trop restrictif de ces conditions, le Sénat avait prévu la possibilité d'accorder une indemnité dès lors que le préjudice subi serait anormal (art. 5 bis).

5. La saisine de la chambre d'accusation par les parties pour défaut d'investigation

A l'initiative de votre commission des Lois, le Sénat avait décidé d'insérer au sein du code de procédure pénale un article 221-1 autorisant les parties à saisir la chambre d'accusation lorsqu'un délai de quatre mois (ramené à deux mois au profit de la personne détenue) se serait écoulé sans que le juge d'instruction ait procédé à un acte d'instruction.

Ce défaut d'acte pouvant s'expliquer par des considérations tout à fait légitimes (telles que l'attente des résultats d'une expertise ou d'une commission rogatoire), il avait été prévu :

- d'une part, que le président de la chambre d'accusation pourrait s'opposer à la saisine de cette juridiction ;

- d'autre part, que la chambre d'accusation ainsi saisie aurait pu évoquer elle-même l'affaire ou la renvoyer à un autre juge d'instruction mais également la renvoyer au même magistrat instructeur. Cette nouvelle faculté offerte aux parties n'aurait donc pu conduire à un dessaisissement du juge d'instruction qu'avec l'accord de la chambre d'accusation (article 8 octies).

6. Le rappel du caractère exceptionnel de la détention provisoire

Selon l'article 137 du code de procédure pénale, la détention provisoire ne peut être ordonnée qu'« à titre exceptionnel » .

Le Sénat, sur un amendement de votre commission des Lois adopté sur la proposition de notre collègue Maurice Ulrich, avait tout d'abord souhaité rappeler ce caractère exceptionnel au sein de l'article 144, relatif aux conditions de placement en détention provisoire.

En outre, il avait également adopté un amendement de votre commission, suggéré par M. le Président Michel Dreyfus-Schmidt, exigeant que le juge d'instruction qui délivre un mandat de dépôt indique en quoi les obligations du contrôle judiciaire lui paraissent insuffisantes (article 2 bis).

II. LES TRAVAUX DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A. DE LARGES CONVERGENCES DE FOND A VEC LE SÉNAT

Quoique, à l'exception de l'article 4, tous les articles du projet de loi demeurent en navette après la nouvelle lecture par l'Assemblée nationale, les deux assemblées ont adopté des précisions fort proches sur la plupart des dispositions qu'elles concernent la notion de délai raisonnable ou la définition du trouble à l'ordre public -que l'Assemblée nationale a voulu non seulement exceptionnel mais aussi persistant-.

B. LES POINTS DE DIVERGENCE

Ils concernent quatre séries de dispositions.

I. La durée maximale de la détention provisoire

Sur ce point, l'Assemblée nationale a estimé qu'une durée maximale de détention provisoire d'une année, si elle pouvait être acceptée pour les infractions passibles de 5 ans ou moins d'emprisonnement, risquait de se révéler problématique dans les grosses affaires.

Elle a en conséquence proposé de fixer à 2 ans cette durée maximale lorsque la peine encourue serait supérieure à 5 ans et inférieure à 10 ans.

2. Le référé-liberté

Pour l'article 7, l'Assemblée nationale est quasiment revenue à la rédaction initiale du Gouvernement, précisant toutefois que l'avocat de la personne mise en examen serait autorisé, s'il le demandait, à présenter oralement ses observations au président de la chambre d'accusation.

Elle a notamment jugé le transfert du pouvoir de décision au président du tribunal comme contraire au principe selon lequel c'est à la chambre d'accusation qu'il appartient de contrôler les décisions du juge d'instruction.

Sur le plan pratique, M. Philippe Houillon a émis des réserves sur l'efficacité du contrôle par le président du tribunal dans les petites juridictions, celui-ci pouvant selon lui hésiter à sanctionner son juge d'instruction qu'il fréquente quotidiennement.

3. La suppression des dispositions relatives au placement sous surveillance électronique mais l'approbation de son principe

En dépit des précautions contenues dans le texte du Sénat, plusieurs députés ont craint que le placement sous surveillance électronique se substitue davantage au contrôle judiciaire qu'à la détention provisoire.

Il a également été indiqué -ce qui avait d'ailleurs été soulevé au Sénat- que compte, tenu des critères du placement en détention provisoire, le placement sous surveillance électronique n'aurait qu'une portée fort limitée sur celle-ci.

Enfin, l'application de ce procédé à des prévenus a été considérée comme prématurée et même, pour reprendre les termes de M. Houillon, comme « précipitée » .

Plusieurs députés, dont le rapporteur, ont néanmoins fait part de leur accord de principe au placement sous surveillance électronique mais estimé préférable de le réserver par priorité à des personnes condamnées. C'est la raison pour laquelle, si l'Assemblée nationale a supprimé l'ensemble des dispositions relatives au placement sous surveillance électronique insérées par le Sénat, elle a adopté un article additionnel précisant dans le rapport annexé à la loi de programme relative à la justice que le placement sous surveillance électronique devait pouvoir être substitué à la détention (article 8 nonies).

4. Le refus d'exclure l'éventuel état de récidive pour le placement en détention provisoire

L'Assemblée nationale n'a pas souhaité écarter l'éventuel état de récidive pour le calcul du quantum de peine autorisant le placement en détention provisoire. Elle a estimé que, même pour une infraction bénigne, cet état démontrait que l'intéressé n'était pas parvenu à se conformer à la loi pénale après une première condamnation. Elle a en conséquence supprimé l'article premier A que le Sénat avait inséré.

C. LES AJOUTS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté plusieurs articles additionnels qui, en dépit de leur utilité, n'apportent pas de modification substantielle au droit actuel. Ces dispositions seront donc présentées dans le cadre de l'examen des articles du présent rapport.

Pour l'heure, votre rapporteur souligne l'adoption de l'article 8 octies A imposant au président de la chambre d'accusation de transmettre au moins une fois par an ses observations écrites sur le fonctionnement des cabinets d'instruction au premier président et au procureur général de la cour d'appel ainsi qu'au président et au procureur de la République du tribunal.

Mais c'est l'article 1er AB qui constitue la principale innovation. Il autorise la communication aux parties de reproductions de pièces et actes d'un dossier d'instruction.

En l'état actuel du droit, les parties, si elles peuvent consulter sur place le dossier, n'ont pas possibilité d'en obtenir de reproduction.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale précise que les copies ainsi obtenues ne peuvent être communiquées à des tiers, à l'exception des copies de rapports d'expertises si ces communications sont nécessaires aux besoins de la défense. La méconnaissance de cette interdiction est passible de 25.000 Francs d'amende.

Un pouvoir d'opposition est cependant conféré au juge d'instruction. Il doit s'exercer dans les cinq jours et prendre la forme d'une ordonnance spécialement motivée « au regard des risques de pression sur les victimes, les personnes mises en examen, leurs avocats, les témoins, les enquêteurs, les experts ou toute autre personne concourant à la procédure » .

La décision de refus du juge d'instruction peut être déférée dans les deux jours au président de la chambre d'accusation qui statue par décision motivée non susceptible de recours.

On observera que le principe est inversé s'agissant des parties civiles dont la recevabilité fait l'objet d'une contestation : celles-ci ne pourraient obtenir de copies qu'avec l'accord du juge d'instruction ou du président de la chambre d'accusation.

Cet article additionnel résulte d'un amendement de la commission des Lois de l'Assemblée nationale qui reprenait une proposition de loi déposée par M. le président Michel Dreyfus-Schmidt et rejetée par le Sénat en 1995. Cette proposition avait été reprise sous la forme d'un amendement au présent projet de loi lors de la discussion de celui-ci en première lecture mais avait également été rejetée par notre assemblée.

Toutefois, le texte adopté par l'Assemblée nationale est, compte tenu de l'adoption de plusieurs sous-amendements du Gouvernement, fort différent du texte présenté par M. Michel Dreyfus-Schmidt, lequel était ainsi rédigé :

« I. - Le dernier alinéa de l'article 114 du code de procédure pénale est remplacé par les dispositions suivantes :

« Après la première comparution ou la première audition, les avocats des parties peuvent se faire délivrer, à leurs frais, copie de tout ou partie des pièces et actes du dossier.

« Les avocats peuvent transmettre à leur client la copie ainsi obtenue. Celui-ci atteste au préalable par écrit avoir pris connaissance des dispositions des deux alinéas suivants qui sont reproduits sur chaque copie.

« Cette copie ne peut être communiquée à des tiers que pour les besoins de la défense.

« Le fait de la publier par tous les moyens, en tout ou en partie, est puni de 25 000 francs d'amende.

« A titre exceptionnel, le juge d'instruction peut s'opposer, après avis du bâtonnier et par ordonnance motivée, à la transmission par l'avocat à son client de certaines copies de pièces ou actes du dossier. »

« II. - Après le premier alinéa de l'article 180 du code de procédure pénale, est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l'ordonnance de renvoi est devenue définitive, le prévenu et la partie civile peuvent se faire délivrer copie du dossier et ce, sauf lorsque la peine encourue est supérieure à cinq ans d'emprisonnement, à leurs frais. »

« III. - Au troisième alinéa de l'article 186 du code de procédure pénale, après les mots : « de l'ordonnance », sont insérés les mots : « prévue au dernier alinéa de l'article 114 ainsi que de l'ordonnance ».

« IV. - L'article 194 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En matière d'appel de l'ordonnance prévue au dernier alinéa de l'article 114, la chambre d'accusation doit se prononcer dans les plus brefs délais et au plus tard dans les quinze jours de l'appel, faute de quoi l'avocat est en droit de transmettre à son client les copies de pièces ou actes du dossier en cause » .

« V. - L'article 279 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« II est délivré gratuitement à chacun des accusés et parties civiles copie du dossier » .

« VI. - L'article du code de procédure pénale est abrogé. »

III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMISSION POUR LA NOUVELLE LECTURE

Sous certaines réserves, qui seront présentées dans l'examen des articles et qui concernent notamment le placement sous surveillance électronique et le référé-liberté, votre commission approuve la plupart des modifications et adjonctions décidées par l'Assemblée nationale.

Elle ne vous propose donc que trois séries de modifications portant sur la communication aux parties des copies du dossier d'instruction, sur la durée maximale de la détention provisoire et sur le référé-liberté.

A. LA COMMUNICATION AUX PARTIES DE COPIES DU DOSSIER D'INSTRUCTION

La proposition de loi précitée de M. le Président Michel Dreyfus-Schmidt avait été rejetée par le Sénat à la demande de votre commission. Celle-ci s'était en effet inquiétée des risques d'atteinte grave à la présomption d'innocence des parties -voire des tiers- dans la mesure où les reproductions de copies du dossier pouvaient faire l'objet d'une large diffusion. Elle avait en conséquence estimé que le problème de la communication de ces reproductions devait être réglé dans le cadre d'une démarche globale, concernant la présomption d'innocence et le secret de l'instruction dans leur ensemble.

Ces observations lui paraissent également applicables à l'article premier AB ; même si la rédaction de celui-ci diffère de celle proposée par notre collègue, le problème de fond demeure.

Les nombreux sous-amendements déposés par le Gouvernement pour encadrer la communication de copies aux parties confirment d'ailleurs l'existence de difficultés au niveau de la préservation de la présomption d'innocence et la nécessité d'une démarche d'ensemble.

MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Robert Badinter ont estimé que, compte tenu de ces sous-amendements, le dispositif retenu par l'Assemblée nationale n'assurait pas une protection suffisante des droits de la défense, lesquels ont pourtant une valeur constitutionnelle. Ils ont notamment fait observer que la nécessité pour l'avocat de donner préalablement au juge d'instruction la liste des pièces dont il entend communiquer une copie à son client et la possibilité pour le magistrat instructeur de choisir les documents susceptibles de donner lieu à la remise de reproductions aboutissait à une immixtion dans les relations entre l'avocat et son client et dans le choix de la stratégie de défense.

Au demeurant, ces sous-amendements sont loin de prévenir toutes les difficultés susceptibles de résulter de la communication aux parties de copies de pièces du dossier d'instruction. A titre d'illustration, et sans prétendre à l'exhaustivité, votre rapporteur formulera les interrogations suivantes :

- la communication de copies aux parties doit-elle être autorisée d'une manière générale, et concerner des affaires aussi graves que le trafic de stupéfiants ou le proxénétisme aggravé ?

- seul le risque de pression sur certaines personnes permet au juge d'instruction de s'opposer à la remise de copies aux parties. Faut-il en conclure que le risque d'atteinte grave à la présomption d'innocence (d'une partie ou d'un tiers) ou le risque de concertation frauduleuse entre complices -pour ne citer que quelques exemples- ne pourront être pris en compte ?

- la faculté de remettre des rapports d'expertise à des tiers, même limitée aux besoins de la défense, ne risque-t-elle pas de conduire à une large diffusion d'éléments du dossier de nature à nuire à la présomption d'innocence ?

Compte tenu de ces considérations, votre commission vous propose de supprimer l'article premier AB.

B. LA DURÉE MAXIMALE DE LA DÉTENTION PROVISOIRE

La durée maximale de deux ans prévue par l'Assemblée nationale pour la détention provisoire lorsque la peine encourue est supérieure à cinq ans d'emprisonnement et inférieure à dix ans est apparue excessive à votre commission.

Elle juge d'ailleurs peu convaincant l'argument avancé à l'Assemblée nationale pour justifier cette durée : il n'est en effet pas démontré qu'il existe un lien entre la peine prévue et la complexité de l'affaire.

C'est pourquoi votre commission vous propose d'en revenir sur ce point au texte adopté par le Sénat en première lecture.

C. LE RÉFÉRÉ-LIBERTÉ

Votre commission n'a pas été convaincue par l'ensemble des arguments avancés à l'Assemblée nationale à l'encontre du dispositif relatif au référé-liberté adopté par le Sénat en première lecture. Certes, il lui paraît conforme à la logique de lier le référé-liberté à l'appel. De même, on peut reconnaître que le maintien de l'intéressé dans un local spécifique dans l'attente de la décision du magistrat compétent pourrait poser à l'heure actuelle des difficultés pratiques.

Mais le texte adopté par l'Assemblée se heurte à une objection fondamentale, fort justement soulevée par notre collègue M. Robert Badinter : investi d'un pouvoir de décision sur le fond, le président de la chambre d'accusation deviendrait un juge d'appel du juge d'instruction. On aboutirait ainsi au résultat quelque peu paradoxal, mis en avant par M. Robert Badinter, de la suppression de la collégialité au niveau de l'appel. Certes, cette collégialité serait théoriquement conservée dans l'hypothèse où le magistrat saisi confirmerait le mandat de dépôt, puisque l'appel serait alors soumis à la chambre d'accusation. Mais celle-ci serait inévitablement influencée par la décision préalable de son président qui, surtout si elle porte sur le fond du placement en détention et non plus sur son caractère manifestement infondé, conférerait au mandat de dépôt une présomption sérieuse, quasiment irréfragable, de légalité.

La solution de l'Assemblée nationale aboutirait ainsi tout d'abord à un changement de nature du référé-liberté qui n'aurait plus pour objet de faire déclarer l'appel suspensif mais d'investir un magistrat unique, en l'occurrence le président de la chambre d'accusation, d'un pouvoir de décision sur le fond et ce dans le cadre d'une procédure d'appel.

Il y aurait donc une régression par rapport à la situation actuelle. Aujourd'hui, le placement en détention provisoire est décidé par le juge d'instruction statuant seul mais -on l'oublie trop souvent- sous le contrôle de la chambre d'accusation, juridiction collégiale. Avec le texte de l'Assemblée nationale, un juge unique interviendrait tant en premier ressort qu'au niveau de l'appel puisque celui-ci relèverait en pratique du président de la chambre d'accusation.

A cette objection de principe, s'ajoutent deux inconvénients majeurs présentés par le texte de l'Assemblée nationale :

- en conservant la compétence du président de la chambre d'accusation, l'Assemblée nationale rend pratiquement impossible la comparution personnelle de la personne visée par le mandat de dépôt. La possibilité pour l'avocat de présenter oralement ses observations à ce magistrat ne constitue à cet égard qu'un palliatif ;

- l'Assemblée nationale a enfin adopté un dispositif qui ne permet pas d'éviter le traumatisme de l'incarcération puisque, dans l'attente de la décision du magistrat, l'intéressé sera placé en détention.

Votre commission vous propose donc un amendement tendant à une nouvelle rédaction de l'article 7.

Cette nouvelle rédaction prend en compte les critiques avancées à l'encontre du dispositif adopté par le Sénat en première lecture et préserve, contrairement au texte de l'Assemblée nationale, la compétence de la chambre d'accusation en appel :

- la compétence en matière de référé-liberté serait confiée au président du tribunal ou son remplaçant qui pourrait donc entendre sans délai la personne mise en examen ;

- ce magistrat ne reformerait pas la décision du juge d'instruction mais pourrait seulement décider la suspension de l'exécution du mandat de dépôt, jusqu'à la décision de la chambre d'accusation. Celle-ci conserverait donc -on pourrait même dire retrouverait- toute sa compétence en appel et serait en mesure de mieux contrôler les décisions du magistrat instructeur, dont elle est le juge naturel. Le président du tribunal prendrait en effet une mesure provisoire ne préjudiciant pas au fond ;

- compte tenu des objections avancées à l'encontre du placement du demandeur dans un local spécifique dans l'attente de la décision sur le référé-liberté, votre commission n'a pas repris le dernier alinéa du texte adopté par le Sénat en première lecture. En contrepartie, il convient d'exiger que le président du tribunal ou le magistrat qui le remplace statue sans délai faute de quoi le référé-liberté ne permettrait pas d'éviter la mise sous écrou du demandeur dans l'attente de la décision ;

- enfin, le juge du référé-liberté verrait, conformément au souhait de l'Assemblée nationale, sa compétence élargie au prononcé d'une mesure de contrôle judiciaire. Il ne serait donc plus placé face à l'alternative par trop réductrice maintien en liberté-mise en détention.

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Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous propose d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier AA - Réquisitions écrites et motivées du ministère public tendant au placement ou au maintien en détention provisoire

Cet article, inséré par l'Assemblée nationale dès la première lecture, vise à ajouter un alinéa à l'article 82 du code de procédure pénale, relatif aux réquisitions adressées par le procureur de la République au juge d'instruction.

Aux termes de ce nouvel alinéa, les réquisitions tendant au placement ou au maintien en détention provisoire devraient « être écrites et motivées par référence aux seules dispositions de l'article 144 » (lequel énumère les critères autorisant le placement en détention).

Le rapporteur de l'Assemblée nationale a considéré que « eu égard à la gravité de la mesure requise, sa motivation était la moindre des choses » .

Votre commission partage cette analyse.

C'est pourquoi elle vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article premier AB - Communication aux parties de la reproduction des copies du dossier d'instruction

Cet article, ajouté par l'Assemblée nationale en première lecture et modifié en nouvelle lecture, tend à modifier l'article 114 du code de procédure pénale et à insérer au sein de celui-ci un article 114-1 afin de permettre, sous certaines conditions, la communication aux parties de la reproduction des copies du dossier d'instruction.

1 - Le droit actuel

En l'état actuel du droit, le dernier alinéa de l'article 114 n'autorise que les avocats des parties à « se faire délivrer, à leurs frais, copie de tout ou partie des pièces et actes du dossier pour leur usage exclusif et sans pouvoir en établir de reproduction » .

Cette rédaction est sans ambiguïté : seul l'avocat peut obtenir des copies du dossier ; son client, s'il peut effectivement les consulter, ne saurait en établir une reproduction.

Dans deux arrêts en date du 30 juin 1995, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation a ainsi constaté que le dernier alinéa de l'article 114 du code de procédure pénale, combiné avec l'article 160 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, permettait à l'avocat de se faire délivrer des copies du dossier d'instruction et de les examiner avec son client pour les besoins de la défense de celui-ci, mais que ces copies ne lui étaient délivrées que pour son usage exclusif et devaient demeurer couvertes par le secret de l'instruction.

2 - La modification apportée par l'Assemblée nationale

Le présent article premier AB autorise expressément les avocats des parties à transmettre à leur client une reproduction des copies ainsi obtenues.

L'exercice de cette faculté est cependant soumis au respect de plusieurs conditions :


• La communication des reproductions des copies à des tiers est en principe interdite. Seule est en effet autorisée la communication à des tiers des rapports d'expertises pour les besoins de la défense ;


• La méconnaissance de cette interdiction par une partie constitue une infraction pénale, punie de 25.000 F d'amende.


• Le client destinataire d'une reproduction doit, préalablement à son obtention, attester par écrit avoir pris connaissance de l'interdiction de principe de la communiquer à des tiers et de la sanction prévue en cas de violation de cette règle.


• Le juge d'instruction dispose d'un pouvoir d'opposition à la remise de reproductions ou de certaines d'entre elles : l'avocat doit en effet l'informer par lettre recommandée avec accusé de réception de la liste des pièces ou actes dont il souhaite remettre une reproduction à son client. Le magistrat instructeur dispose alors de cinq jours ouvrables à compter de la réception de la demande pour s'opposer par ordonnance à la remise de tout ou partir de ces reproductions. Cette ordonnance doit être « spécialement motivée au regard des risques de pression sur les victimes, les personnes mises en examen, leurs avocats, les témoins, les enquêteurs, les experts ou toute autre personne concourant à la procédure. » Le défaut de réponse du juge d'instruction dans le délai de cinq jours permet à l'avocat de communiquer à son client la reproduction des pièces et actes dont il avait fourni la liste.


• Le pouvoir d'opposition du juge d'instruction s'exerce sous le contrôle du président de la chambre d'accusation. En première lecture, l'Assemblée nationale avait prévu un droit d'appel devant la chambre d'accusation de la décision de refus de communication des reproductions. Cette solution est à la réflexion apparue à nos collègues députés trop lourde et trop longue dans son application. En nouvelle lecture, ils ont donc prévu que la décision pourrait être portée dans les deux jours devant le président de la chambre d'accusation. Celui-ci statuerait par décision écrite et motivée insusceptible de recours. A défaut de réponse du président de la chambre d'accusation dans les cinq jours, l'avocat pourrait communiquer à son client la reproduction des pièces ou actes mentionnées sur la liste.


• Afin de prévenir d'éventuelles dérives, telles qu'une constitution de partie civile dans le seul but d'obtenir des reproductions, le principe est inversé lorsque la constitution de partie civile fait l'objet d'une contestation : une reproduction ne peut être obtenue qu'avec l'accord exprès du juge d'instruction ou, à défaut, du président de la chambre d'accusation.

3 - L'avis de votre commission : une disposition à intégrer dans une démarche d'ensemble

Tout en estimant souhaitable de permettre aux parties de disposer des copies du dossier d'instruction, votre commission des Lois et le Sénat se sont opposés à deux reprises à l'adoption d'un dispositif ayant cet objet au motif qu'il ne s'inscrivait pas dans une réforme d'ensemble de l'instruction. Ce fut le cas en décembre 1995, à l'occasion de la discussion d'une proposition de loi déposée par le Président Michel Dreyfus-Schmidt, et lors de l'examen du présent projet de loi en première lecture.

Votre commission s'était notamment inquiétée d'une éventuelle dispersion des copies ainsi obtenues et de l'atteinte à la présomption d'innocence qui pourrait en résulter.

Dans son rapport « Justice et transparence », la mission d'information sur le respect de la présomption d'innocence et le secret de l'instruction, présidée par notre ancien collègue Jacques Bérard, et dont le rapporteur fut M. Charles Jolibois , avait déjà préconisé la faculté pour les parties d'obtenir des copies du dossier, mais cette faculté s'inscrivait dans le cadre d'une réforme globale de l'instruction.

Votre commission a procédé à un large échange de vues sur le présent article premier AB.

Elle demeure majoritairement convaincue que le principe de la communication de reproductions aux parties ne peut être admis que dans le cadre d'une réforme plus générale de l'instruction. Les nombreuses modifications apportées par l'Assemblée nationale sur la proposition du Gouvernement s'efforcent d'ailleurs de prévenir les atteintes à la présomption d'innocence. Elles sont cependant loin d'y parvenir totalement et ce malgré un dispositif particulièrement complexe.

Votre commission vous propose donc un amendement tendant à supprimer cet article.

Article premier A - Référence à la peine encourue pour le placement en détention provisoire

Cet article, inséré en première lecture par le Sénat à initiative de nos collègues du groupe communiste, républicain et citoyen, avait pour objet d'éviter la prise en compte de l'éventuel état de récidive pour le calcul du quantum de la peine encourue autorisant le placement en détention provisoire.

En effet, aux termes de l'article 144 du code de procédure pénale, le placement en détention provisoire est possible en matière correctionnelle dès lorsque la « peine encourue » est égale ou supérieure à deux ans, voire à un an en cas de flagrant délit.

Or, la « peine encourue » étant doublée en cas de récidive, il en résulte la possibilité de placer en détention provisoire des personnes qui, lorsqu'elles sont en état de récidive, ont commis une infraction relativement bénigne puisque passible d'un an d'emprisonnement (voire de six mois en cas de flagrant délit).

Pour éviter une telle situation, le Sénat avait proposé de remplacer la notion de « peine encourue » par celle de « peine prévue » .

L'Assemblée nationale n'a pas partagé notre souci d'écarter l'éventuel état de récidive pour le calcul du quantum autorisant la mise en détention provisoire. M. Philippe Houillon, rapporteur, a fait observer que, « quand bien même le délit commis serait de faible gravité, le fait que la personne soupçonnée de l'avoir commis ait agi en état de récidive montrerait qu'elle ne serait pas parvenue à se conformer aux règles de notre société après un premier rappel à l'ordre lors de sa condamnation antérieure » .

Votre commission, qui avait d'ailleurs émis un avis défavorable sur l'amendement de nos collègues du groupe communiste, républicain et citoyen, partage cette analyse.

Elle vous propose donc de maintenir la suppression de cet article.

Article premier - Critères du placement et du maintien en détention provisoire

Cet article a pour objet de modifier l'article 144 du code de procédure pénale afin de préciser la notion de trouble à l'ordre public causé par l'infraction autorisant la détention provisoire.

Le texte initial du projet de loi et celui adopté par le Sénat précisait que ce trouble devait être « exceptionnel » .

A l'initiative de sa commission des Lois, l'Assemblée nationale a ajouté qu'il devrait également être « persistant » .

Votre rapporteur s'est interrogé sur l'utilité de cet ajout : dans la mesure où, d'après le projet de loi, la détention provisoire n'est justifiée que si elle est l'unique moyen de « mettre fin » au trouble à l'ordre public, il paraît donc aller de soi que ce trouble doit être persistant.

On peut cependant trouver un double intérêt à la précision apportée par nos collègues députés :

- un intérêt pédagogique tout d'abord, en insistant sur le fait que le trouble à l'ordre public ne peut justifier un placement en détention provisoire que s'il existe au moment de la décision ;

- un intérêt pour la durée de la détention en ce que le terme « persistant» devrait aussitôt conduire à la libération d'une personne qui aurait été mise en détention provisoire sur le seul fondement du trouble exceptionnel à l'ordre public dès lors que ce trouble aurait cessé.

Votre commission vous propose donc d'adopter cet article sans modification.

Article 2 - Durée raisonnable de la détention provisoire

Cet article, qui tend à insérer au sein du code de procédure pénale un article 144-1 afin de poser le principe de la durée raisonnable de la détention provisoire, n'a fait l'objet que d'une simple précision de la part de l'Assemblée nationale.

Votre commission vous propose donc de l'adopter sans modification.

Article 2 bis - Motivation de l'ordonnance de placement en détention provisoire

Cet article, inséré par le Sénat en première lecture sur un amendement de votre commission suggéré par M. le Président Michel Dreyfus-Schmidt, vise à modifier l'article 145 du code de procédure pénale relatif à la procédure de placement en détention provisoire.

Dans sa rédaction issue des travaux du Sénat, cet article 2 bis prévoyait que l'ordonnance de placement en détention provisoire devrait indiquer en quoi le contrôle judiciaire serait insuffisant.

L'Assemblée nationale a ajouté un paragraphe par simple coordination avec l'insertion de l'article premier AA ci-dessus présenté.

Elle a également précisé que l'ordonnance indiquant en quoi le contrôle judiciaire est insuffisant serait « spécialement motivée » .

Cette précision est apparue inutile à votre commission : dès lors que ladite ordonnance doit « comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait sur le caractère insuffisant des obligations du contrôle judiciaire et le motif de la détention par référence aux seules dispositions de l'article 144 », il va de soi qu'elle doit être spécialement motivée.

Votre commission vous propose donc un amendement tendant à supprimer cette précision.

Elle vous demande d'adopter le présent article 2 bis ainsi modifié.

Article 3 - Durée de la détention provisoire en matière correctionnelle

Cet article a pour objet de modifier l'article 145-1 du code de procédure pénale, relatif à la durée de la détention provisoire en matière correctionnelle.

Tel qu'adopté par le Sénat, il prévoyait :

- d'une part, une motivation particulière et un débat contradictoire des décisions prolongeant la détention provisoire en matière correctionnelle lorsque celle-ci excède huit mois ;

- d'autre part, la fixation d'une durée limite de la détention provisoire, fixée à un an (renouvellement compris) dès lors que la peine encourue serait inférieure à dix ans d'emprisonnement.

C'est sur ce second point que nos collègues députés ont modifié le présent article 3.

D'une manière générale, ils ont approuvé le principe de la fixation d'une « durée-butoir ». Le rapporteur s'exprimait ainsi en ces termes :

« En limitant à un an la détention provisoire pour la petite et la moyenne délinquance (délits punis de moins de cinq ans d'emprisonnement et délits punis de cinq à moins de dix ans) tout en conservant la possibilité de détenir provisoirement, sans limitation, les auteurs des délits les plus graves -punis de dix ans d'emprisonnement- le Sénat réalise un équilibre satisfaisant entre la nécessité de préserver la présomption d'innocence et les exigences de l'instruction, lesquelles peuvent parfois justifier une incarcération plus longue (exécution de commissions rogatoires internationales, par exemple). »

Mais l'Assemblée nationale a considéré que le Sénat passait « d'un extrême à l'autre, pour des infractions qui peuvent parfois être complexes ou d'une certaine gravité » . Ce faisant, le rapporteur visait les infractions passible d'une peine supérieure à cinq ans d'emprisonnement mais inférieure à dix ans, pour lesquelles la détention provisoire, actuellement sans limite, n'aurait pu excéder un an d'après le texte du Sénat. L'Assemblée nationale a en conséquence décidé de porter d'un à deux ans la durée limite de la détention provisoire pour ces infractions.

Le tableau ci-après résume les positions respectives de chaque assemblée sur ce sujet.

TABLEAU COMPARATIF
CONCERNANT LA DUREE LIMITE
DE LA DETENTION PROVISOIRE

(renouvellements compris)

Votre commission juge excessive une durée de détention provisoire de deux années en matière délictuelle, tout au moins lorsque l'infraction imputée à la personne mise en examen n'entre pas dans la catégorie des délits les plus graves, punis de dix ans d'emprisonnement.

Elle s'interroge par ailleurs sur l'argument avancé à l'Assemblée nationale sur la complexité des affaires pouvant donner lieu à une peine d'emprisonnement supérieure à cinq ans : comme l'a fait observer notre excellent collègue M. Pierre Fauchon, il n'est pas démontré qu'il existe une relation entre la peine encourue et la complexité de l'affaire.

Votre commission vous propose donc un amendement tendant à revenir au texte adopté par le Sénat en première lecture.

Article 5 - Prolongation de la détention provisoire au-delà d'un an

Dans sa rédaction issue des travaux du Sénat, cet article exigeait que, passée une certaine durée (un an en matière criminelle, huit mois en matière délictuelle), les décisions prolongeant la détention ou refusant la mise en liberté comportent notamment « les indications qui justifient la poursuite de l'information » .

Après l'adoption de deux amendements, le texte de l'Assemblée nationale fait référence aux « indications particulières qui justifient en l'espèce la poursuite de l'information » .

Votre commission ne voit pas d'objection à cette double précision qui se situe dans l'esprit du présent article 5.

Elle vous propose donc d'adopter cet article sans modification.

Article 5 bis - Indemnisation pour détention provisoire abusive

Cet article vise à modifier l'article 149 du code de procédure pénale relatif aux conditions d'indemnisation des personnes placées en détention provisoire puis mis hors de cause par la justice.

En l'état actuel du droit, ces personnes peuvent obtenir d'une commission une indemnité si la détention leur a causé « un préjudice manifestement anormal et d'une particulière gravité » .

L'article 5 bis tel qu'adopté par le Sénat prévoyait la faculté d'obtenir une indemnité dès lors que le préjudice serait « anormal » .

L'Assemblée nationale prévoit la possibilité d'une indemnité pour tout préjudice, sans même exiger que celui-ci soit anormal.

Lors de l'examen du présent projet de loi par votre commission, Monsieur le Président Michel Dreyfus-Schmidt a souhaité que la commission d'indemnisation soit tenue d'accorder une indemnité quitte à prévoir des hypothèses (telles que le fait de s'être laissé accuser à tort) dans lesquelles l'intéressé ne pourrait y prétendre.

Votre commission n'a pas retenue cette suggestion, estimant souhaitable de laisser à la commission d'indemnisation un pouvoir d'appréciation en fonction de chaque cas d'espèce.

Elle vous propose donc d'adopter le présent article sans modification.

Article 6 - Maintien de la détention provisoire après renvoi devant le tribunal correctionnel

Cet article a pour objet de modifier le troisième alinéa de l'article 179 du code de procédure pénale, relatif aux conditions de maintien en détention provisoire d'une personne renvoyée devant le tribunal correctionnel.

Il s'agit d'une simple disposition de coordination avec l'exigence posée par l'article premier selon laquelle le trouble à l'ordre public doit être exceptionnel pour autoriser le maintien en détention.

En première lecture, l'Assemblée nationale avait adopté une première modification, par coordination avec sa décision de supprimer les dispositions du projet de loi relatives au placement sous surveillance électronique.

En nouvelle lecture, elle a prévu une seconde modification, oubliée lors de la première lecture, prévoyant, par coordination avec sa décision à l'article premier, que le trouble à l'ordre public devrait être non seulement exceptionnel, mais aussi persistant.

Sous réserve des observations qui seront formulées à propos du placement sous surveillance électronique, votre commission vous propose d'adopter cet article 5 sans modification.

Article 7 - Référé liberté

Cet article a pour objet de modifier l'article 187-1 du code de procédure pénale, relatif au référé-liberté.

Il avait été profondément modifié par le Sénat qui, à l'initiative du Président Jacques Larché, avait notamment confié la décision au président du tribunal de grande instance (au lieu du président de la chambre d'accusation) et prévu le maintien de la personne à la disposition d'un officier de police judiciaire préalablement à la mise à exécution du mandat de dépôt. Il avait également prévu que le référé-liberté pourrait être utilisé indépendamment de l'appel.

Plusieurs objections ont été émises par le rapporteur de l'Assemblée nationale au dispositif adopté par le Sénat :

- tout d'abord, une objection pratique : « il n'est pas certain que le président du tribunal de grande instance soit mieux placé que celui de la chambre d'accusation pour contrôler les décisions du juge d'instruction bien au contraire : dans la plupart des juridictions françaises, qui sont de petite taille, les magistrats d'un même tribunal se connaissent et se fréquentant quotidiennement ; il n'y a qu'à Paris ou dans les grandes villes que les relations sont plus distantes compte tenu du nombre de magistrats. Dès lors, on peut se demander si le président du tribunal de grande instance se sentira libre pour, le cas échéant, sanctionner son juge d'instruction. La crainte, exprimée par M. Jacques Larché, d'une solidarité entre le président de la chambre d'accusation et le juge d'instruction paraît moins fondée que celle d'une insuffisante distance, à tous les sens du terme -géographique et humaine notamment- entre le président du tribunal de grande instance et le juge d'instruction. C'est un point sur lequel les magistrats et les avocats entendus par le rapporteur ont insisté. En revanche, le lien entre président de la chambre d'accusation et juge d'instruction est nécessairement plus distendu, ne serait-ce qu'en raison de l'éloignement du tribunal par rapport à la cour d'appel » ;

- ensuite, une objection juridique, dans la mesure où le « juge naturel » du magistrat instructeur est non pas le président du tribunal de grande instance mais la chambre d'accusation et plus particulièrement son président, chargé du contrôle du bon fonctionnement des cabinets d'instruction.

S'agissant par ailleurs du maintien de la personne non incarcérée à la disposition d'un officier de police judiciaire, il a été fait observer à votre rapporteur que, les locaux dans lesquels serait retenu l'intéressé étant par essence même de nature policière, le texte du Sénat aurait pour effet que la personne mise en examen se retrouverait souvent détenue dans des locaux policiers pendant cinq jours (48 heures de garde à vue + 3 jours avant la décision sur le référé-liberté).

L'Assemblée nationale a en conséquence rétabli le texte du projet de loi initial en y ajoutant le droit pour l'avocat de la personne mise en examen de présenter oralement des observations devant le président de la chambre d'accusation. Le référé-liberté demeurerait donc de la compétence de ce magistrat et lié à une demande d'appel. Il ferait ainsi, par rapport au droit actuel, l'objet de quatre modifications :

- le président de la chambre d'accusation disposerait d'un plein pouvoir d'appréciation : il ne se limiterait plus à examiner le caractère manifestement infondé de la détention mais statuerait véritablement sur le fond en vérifiant si toutes les conditions posées par l'article 144 du code de procédure pénale à la détention provisoire sont effectivement remplies ;

- la chambre d'accusation serait dessaisie si son président infirmait la décision du juge d'instruction : la décision de maintien en détention lui serait soumise alors que celle de mise en liberté serait acquise ;

- le président de la chambre d'accusation pourrait ordonner le placement sous contrôle judiciaire. Il ne serait donc plus placé devant l'alternative réductrice maintien en détention-mise en liberté ;

- enfin, l'avocat pourrait à sa demande se présenter devant le président de la chambre d'accusation lui permettant ainsi de se prononcer en toute connaissance de cause.

Votre commission a émis plusieurs objections au dispositif adopté par l'Assemblée nationale :

- la faculté reconnue au président de la chambre d'accusation de statuer sur le fond et, le cas échéant, d'infirmer la décision du juge d'instruction aboutirait en pratique à confier l'appel à un magistrat unique, alors qu'il relève actuellement de la compétence d'une juridiction collégiale. Certes, en cas de confirmation du mandat de dépôt par le président de la chambre d'accusation, celle-ci serait alors saisie. Mais il est fort probable qu'elle ne désavouerait pas son président, surtout à partir du moment où il se prononcerait sur le fond et non plus seulement sur le caractère manifestement infondé du placement en détention provisoire ;

- par ailleurs, votre commission demeure attachée à la compétence du président du tribunal qui, par sa proximité géographique, pourrait recevoir la personne objet du mandat de dépôt ;

- enfin, le texte de l'Assemblée nationale ne répond pas à ce qui devrait être l'objectif premier du projet de loi et du référé-liberté : limiter autant que possible de placement en détention afin d'éviter le traumatisme de l'incarcération.

Votre commission ne vous propose pas pour autant de revenir au texte adopté par le Sénat en première lecture sur la proposition du président Jacques Larché. Elle considère tout d'abord comme conforme à la logique du référé-liberté de maintenir un lien entre celui-ci et l'appel. Elle constate par ailleurs que le maintien de la personne dans un local spécifique lorsque l'appel serait interjeté avant la mise à exécution du mandat de dépôt pourrait poser des difficultés pratiques.

Votre commission vous propose donc un amendement tendant à opérer une nouvelle rédaction de l'article 7 afin de prévoir :

- que l'objet du référé-liberté demeurerait le prononcé de la suspension des effets de l'ordonnance de placement en détention provisoire ;

- que le magistrat compétent serait non plus le président de la chambre d'accusation mais celui du tribunal de grande instance ;

- que ce magistrat ou son délégué devrait statuer sans délai et ce afin d'éviter l'incarcération du demandeur qui obtiendrait gain de cause ;

- que le magistrat compétent puisse, comme le prévoyaient le projet de loi initial et celui adopté par l'Assemblée nationale, ordonner soit la mise en liberté, soit le contrôle judiciaire.

Votre commission vous propose d'adopter le présent article 7 ainsi modifié.

Article 8 bis à 8 septies - Placement sous surveillance électronique

Ces articles, introduits par le Sénat en première lecture, avaient pour objet de consacrer le placement sous surveillance électronique comme substitut à la détention provisoire.

Notre assemblée avait strictement encadré les conditions du recours à ce procédé en prévoyant notamment que le placement sous surveillance électronique serait « substitué à l'incarcération » lorsque la détention provisoire aurait été ordonnée. Il n'aurait donc pu être proposé qu'à des personnes placées ou sur le point d'être placées en détention .

En dépit de cette précaution et de nombreuses garanties destinées à préserver les droits de la personne mise en examen -en particulier la nécessité de recueillir préalablement son consentement donné en présence de son avocat-, plusieurs députés ont redouté que le placement sous surveillance électronique devienne davantage un substitut au contrôle judiciaire qu'un substitut à la détention provisoire.

D'une manière générale, et tout en approuvant le principe du placement sous surveillance électronique comme alternative à l'incarcération -comme nous le verrons lors de l'examen de l'article 8 noniès-, l'Assemblée nationale a considéré qu'il devrait en priorité être appliqué à des personnes condamnées plutôt qu'à des prévenus.

Ce sentiment avait également été exprimé par plusieurs membres de notre assemblée dont MM. les présidents Jacques Larché et Guy Cabanel. Il a d'ailleurs été rappelé lors de la discussion de la proposition de loi présentée par ce dernier afin de consacrer le placement sous surveillance électronique comme modalité d'exécution de certaines peines privatives de liberté.

Tout en considérant que le placement sous surveillance électronique pourrait, ne serait-ce que de manière limitée, être substitué à la détention provisoire, votre commission se rallie à l'idée de le consacrer tout d'abord comme modalité d'exécution d'une peine. Compte tenu du large consensus manifesté sur ce sujet tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, elle estime souhaitable de soumettre au plus tôt à l'examen de nos collègues députés la proposition de loi de M. Cabanel. Votre rapporteur interrogera d'ailleurs en séance publique M. le Garde des Sceaux sur le calendrier envisagé pour la discussion de ce texte par l'Assemblée nationale.

L'adoption définitive de cette proposition de loi permettrait d'appliquer le placement sous surveillance électronique à des personnes condamnées, d'en mesurer les effets avant de relancer le cas échéant le débat sur son utilisation dans le domaine pré-sentenciel.

Dans la perspective de cette adoption prochaine, votre commission vous propose de maintenir la disjonction des articles 8 bis à 8 septies.

Article 8 octies A - Contrôle des cabinets d'instruction par le président de la chambre d'accusation

Cet article, inséré par l'Assemblée nationale en première lecture, a pour objet de modifier l'article 220 du code de procédure pénale, relatif au contrôle par le président de la chambre d'accusation du bon fonctionnement des cabinets d'instruction du ressort de la cour d'appel.

Le premier paragraphe de cet article précise que ce magistrat vérifie notamment les conditions d'application de l'article 144 du code de procédure pénale relatif au placement en détention provisoire. Votre commission approuve cette modification.

Le second paragraphe impose à ce magistrat, « chaque fois qu'il le juge nécessaire et au moins une fois par an » , de transmettre ses observations écrites au premier président et au procureur général de la cour d'appel ainsi qu'au président et au procureur de la république du tribunal de grande instance. Cette exigence d'un rapport écrit régulier du président de la chambre d'accusation est apparue au rapporteur de l'Assemblée nationale comme de nature à « donner sa pleine efficacité » au contrôle de ce magistrat. Quoiqu'elle constitue une charge de travail supplémentaire pour le président d'une juridiction déjà surchargée, votre commission considère qu'elle peut effectivement présenter une utilité.

C'est pourquoi votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 8 octies - Saisine de la chambre d'accusation pour défaut d'investigation

Cet article, inséré par le Sénat en première lecture, a pour objet de créer au sein du code de procédure pénale un article 221-2 relatif aux droits des parties en cas de défaut d'investigation du juge d'instruction.

Le Sénat avait prévu que, à défaut d'acte d'instruction pendant un délai de quatre mois (ramené à deux mois au profit de la personne placée en détention provisoire), les parties pourraient saisir directement la chambre d'accusation sauf décision contraire de son président. Cette juridiction pourrait alors :

- soit évoquer elle-même l'affaire ;

- soir renvoyer à un autre magistrat instructeur ;

- soit renvoyer au même juge d'instruction.

Le texte du Sénat prenait ainsi en considération le fait que le défaut d'investigation pouvait être tout à fait légitime (et s'expliquer par exemple par l'attente des résultats d'une expertise ou d'une commission rogatoire) : le dessaisissement du juge d'instruction ne pouvait intervenir qu'avec l'accord de la chambre d'accusation.

L'Assemblée nationale a envisagé l'hypothèse dans laquelle la chambre d'accusation ainsi saisie aurait renvoyé le dossier au même juge d'instruction lequel serait de nouveau resté un certain délai sans prendre d'acte (deux mois en principe, un mois pour une personne en détention provisoire).

Dans cette hypothèse elle a prévu la faculté pour les parties de saisir de nouveau la chambre d'accusation, celle-ci n'ayant alors plus que deux solutions : évoquer elle-même l'affaire ou renvoyer le dossier à un autre magistrat instructeur.

L'adjonction de l'Assemblée nationale a donc consisté à prévoir, sur demande de l'une des parties, un dessaisissement obligatoire du juge d'instruction dans l'hypothèse évoquée.

Votre commission s'est interrogée sur l'opportunité d'un dessaisissement automatique puisque le défaut d'acte d'instruction peut être tout à fait justifié.

Elle considère néanmoins les délais prévus (quatre plus deux mois, ramenés à deux plus un au profit de la personne détenue) comme suffisamment réalistes pour permettre au juge d'instruction de commettre un acte tel que la simple convocation de l'intéressé pour lui indiquer les raisons du défaut d'investigation.

C'est pourquoi votre commission vous propose d'adopter cet article 8 octies sans modification.

Article 8 nonies - Principe du placement sous surveillance électronique comme substitut à la détention

Ainsi qu'il a été indiqué précédemment, la suppression par l'Assemblée nationale des articles relatifs au placement sous surveillance électronique ne saurait s'analyser comme une opposition de celle-ci au principe même de ce procédé.

Bien au contraire, la majorité de nos collègues députés ont manifesté leur approbation à ce dispositif, estimant toutefois qu'il devait prioritairement être appliqué à des personnes condamnées.

C'est pour bien marquer ce souhait de voir le placement sous surveillance électronique consacré en droit français que l'Assemblée nationale a adopté le présent article 8 nonies modifiant le rapport annexé à la loi de programme du 6 janvier 1995 relative à la justice afin de poser en principe que le placement sous surveillance électronique devait « pouvoir être substitué à la détention » .

Votre commission approuve pleinement cette position de principe dont elle espère qu'elle sera prochainement traduite par l'adoption de la proposition de loi du président Cabanel.

C'est pourquoi elle vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 9 - Application de la loi outre-mer

Cet article prévoit l'application de la loi dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte.

L'Assemblée nationale a supprimé l'adjonction du Sénat qui subordonnait cette application à une loi ultérieure après avis des assemblées territoriales.

La procédure pénale relevant effectivement de la compétence de l'État, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 10 - Date d'entrée en vigueur de la loi

Cet article a pour objet de prévoir la date d'entrée en vigueur de la loi soumise à notre examen.

L'Assemblée nationale y a apporté deux modifications :

- elle a reporté du 1er octobre 1996 au 1er janvier 1997 l'entrée en vigueur de la loi. Cette modification était nécessaire, la loi n'ayant pu être définitivement adoptée avant le 1er octobre ;

- elle a fixé au 1er juillet 1997 l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 3 fixant une durée butoir à la détention provisoire. Il s'agit d'éviter que les juges d'instruction, pris de court par cette durée, soient dans l'obligation de libérer, du jour au lendemain, des personnes dont le maintien en détention est indispensable.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

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