M. Paul GIROD

CHAPITRE II : LES CONSÉQUENCES DE LA LOLF SUR LE BUDGET DES CHARGES COMMUNES

L'application de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) a pour conséquence la suppression du budget des charges communes et une répartition de ses dotations et chapitres entre pas moins de quinze missions. Ceci démontre le besoin de mise en cohérence des crédits des charges communes. Certains chapitres auraient en effet pu être rattachés depuis longtemps à tel ou tel fascicule.

Certaines missions sont néanmoins créées à partir du seul support budgétaire des charges communes. Elles constituent le coeur actuel du fascicule. Il s'agit des missions :

- engagements financiers de l'Etat ;

- dégrèvements et remboursements ;

- provisions ;

- pouvoirs publics ;

- régimes sociaux et de retraites.

Votre rapporteur spécial concentrera son analyse sur ces missions.

I. LES PRINCIPALES MISSIONS LIÉES AUX CHARGES COMMUNES

Votre rapporteur spécial considère que les missions destinées à remplacer le budget des charges communes devraient améliorer la lisibilité du projet de loi de finances. Il regrette néanmoins la création de la mission « dégrèvements et remboursements ». Les dégrèvements et remboursements d'impôts locaux auraient pu trouver leur place au sein de la mission « relations avec les collectivités territoriales » tandis que les dégrèvements et remboursements d'impôts d'Etat auraient pu être répartis selon la finalité de la dépense entre les différentes missions, le reliquat étant affecté à la mission « gestion et contrôle des finances publiques ».

A. LES PRINCIPALES MISSIONS ISSUES DES CHARGES COMMUNES

Au sein des différentes missions, les programmes ont parfois une justification incertaine. Il en est ainsi de certains programmes de la mission « engagements financiers de l'Etat » qui, comme son nom l'indique, a vocation à rassembler les charges de la dette et du hors bilan de l'Etat. Les majorations de rentes et les versements à la caisse nationale d'allocations familiales ne correspondent pas à cette définition. Le programme « versements à la caisse nationale d'allocations familiales » devrait néanmoins disparaître à l'horizon 2007.

Missions et programmes issus du budget des charges communes 39 ( * )

ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L'ETAT

Charge de la dette et trésorerie de l'Etat (crédits évaluatifs)

Appels en garantie de l'Etat (crédits évaluatifs)

Epargne

Majoration de rentes

Versement à la Caisse nationale d'allocations familiales

PROVISIONS

Provision relative aux rémunérations publiques

Dépenses accidentelles et imprévisibles

POUVOIRS PUBLICS

Présidence de la République

Assemblée nationale

Sénat

Conseil constitutionnel

RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE

Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres

Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins

Régime social des mines

Régimes de retraite de la SEITA, de l'Imprimerie nationale et divers

REMBOURSEMENTS ET DEGREVEMENTS

Remboursements et dégrèvements d'impôts d'Etat (crédits évaluatifs)

Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux (crédits évaluatifs)

La structuration des crédits issus du budget des charges communes selon ces missions devrait apporter une visibilité politique plus importante aux engagements financiers de l'Etat, qui doivent devenir, votre rapporteur spécial en est persuadé, un objet du débat politique lors de l'examen en projet de loi de finances. L'émergence de cette mission a de plus pour corollaire le vote d'un plafond de variation de la dette nette de l'Etat prévue par l'article 34 de la LOLF.

L'application de l'article 34 de la LOLF selon la commission des finances du Sénat

L'article 34 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances dispose que la loi de finances de l'année « fixe le plafond de la variation nette, appréciée en fin d'année, de la dette négociable de l'Etat d'une durée supérieure à un an ».

Il ne parait pas souhaitable, et contraire à l'esprit de la LOLF, d'inclure au sein d'un plafond voté par le Parlement une marge de manoeuvre certes technique, liée à une politique active de gestion de la dette, qui pourrait atteindre jusqu'à 5 milliards d'euros chaque année. Il convient en effet de garder à l'esprit la signification, avant tout politique, d'un plafond de variation de la dette qui permet de poursuivre, et sous un autre angle, celui du besoin de financement de l'Etat, le débat sur l'article d'équilibre et le déficit budgétaire.

L'article 34 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances a été rédigé en tenant compte de deux préoccupations. L'une, exprimée par M. Alain Lambert, alors rapporteur de la proposition de loi pour le Sénat : « il s'agit en quelque sorte de donner un contenu à l'autorisation d'émettre des emprunts en le liant au besoin de financement révélé et exprimé par le tableau de financement ». L'autre, exprimée par Mme Florence Parly, alors secrétaire d'Etat au budget : « s'il devait y avoir un plafond d'emprunts, cela ne devrait pas placer le Gouvernement dans une situation d'incapacité brutale à financer ses dépenses, parce qu'il y aurait une rupture de trésorerie et un retard dans l'encaissement d'une recette importante, par exemple ». Pour tenir compte de ces deux positions, un amendement de compromis avait été adopté à l'initiative de MM. Alain Lambert et Philippe Marini, ceux-ci reconnaissant : « Il est certain que les aléas qui s'attachent tant aux décaissements qu'aux encaissements de l'Etat justifient que les opérations liées à la tenue de la trésorerie de l'Etat ne soient pas contraintes par un plafond strict, sauf à imaginer des procédures d'urgence complexes. De même, fixer un plafond brut de la dette risquerait de soulever des difficultés pour la gestion de celle-ci. Des techniques financières complexes, qui peuvent conduire à racheter de la dette passée pour en émettre une nouvelle et donc à augmenter les émissions brutes, pouvant permettre de minorer finalement la charge de la dette. Celle-ci représentant la première dépense de l'Etat, il serait désastreux d'en rendre impossible la diminution par des dispositions inappropriées » C'est pour ces raisons que l'article 34 fixe le « plafond de la variation nette de la dette négociable de l'Etat d'une durée supérieure à un an, appréciée en fin d'année ». La variation nette permet d'éviter les biais mentionnés ci-dessus d'un plafond de dette brute ; la prise en compte de la seule dette supérieure à un an permet d'éviter d'y inclure les émissions de très court terme nécessitées par des besoins ponctuels de trésorerie. Cette variation est de plus appréciée en fin d'exercice.

L'article 34 tel qu'il est rédigé ne vise donc pas à juger de la qualité du pilotage de la charge de la dette en cours d'exécution par l'agence France Trésor, comme l'article d'équilibre en loi de finances ne vise pas à juger de la qualité du pilotage du solde budgétaire par les services de la direction du budget. Néanmoins, ce plafond a une valeur contraignante et oblige donc le gouvernement à en demander le relèvement dans le cadre d'un collectif budgétaire s'il lui paraît ne pas pouvoir être respecté en raison d'une aggravation du déficit budgétaire et d'une augmentation des besoins de financement. La décision du Conseil constitutionnel n° 91-298 en date du 24 juillet 1991 dispose ainsi que le gouvernement est tenu de déposer sur le bureau de l'Assemblée nationale une loi de finances rectificative dès lors que les conditions de l'équilibre économique et financier sont bouleversées. Le plafond de la variation de la dette a ainsi un statut juridique analogue à celui du solde budgétaire : s'il peut être dépassé en cours d'année, il ne peut être dépassé en fin d'année qu'à la condition expresse qu'un collectif budgétaire l'autorise.

Si, entre l'examen du projet de loi de finances rectificative de fin d'année et la clôture de l'exercice, le plafond de variation de la dette devait néanmoins être dépassé pour des raisons techniques, il conviendrait au gouvernement de le justifier à l'occasion de l'examen par le Parlement du projet de loi de règlement. La loi de règlement constitue en effet la sanction ultime d'un exercice budgétaire.

B. DEUX COMPTES SPÉCIAUX MIROIR : DETTE ET PENSIONS

Deux comptes de commerce sont prévus par la LOLF, qui constituent pour l'un le miroir du programme « charge de la dette et trésorerie de l'Etat » et pour l'autre la contrepartie des cotisations employeurs de retraite des différents ministères gestionnaires.

1. Un compte de commerce pour la dette

L'article 22 de la LOLF prévoit que les opérations budgétaires relatives à la dette et à la trésorerie de l'Etat, à l'exclusion de toute opération de gestion courante, seront retracées dans un compte de commerce déterminé. Le compte de commerce actuel n° 904-22 « gestion active de la dette et de la trésorerie de l'Etat » qui constitue le support budgétaire des opérations de swaps verra son périmètre élargi à l'ensemble des opérations du service primaire de la dette.

Ainsi, en recettes pourront figurer les recettes d'ordre liées aux politiques d'émission des emprunts, ce qui permettra enfin une présentation budgétaire en charge nette de la dette .

Selon l'article 54 du projet de loi de finances rectificative pour 2004, le compte de commerce serait structuré en deux sections.

La première section retracerait les opérations relatives à la gestion de la dette et de la trésorerie de l'État, à l'exclusion des opérations réalisées au moyen d'instruments financiers à terme. Elle comporterait, en recettes et en dépenses, les produits et les charges résultant de ces opérations ainsi que les dépenses directement liées à l'émission de la dette de l'État.

La seconde section retracerait les opérations de gestion de la dette et de la trésorerie de l'État effectuées au moyen d'instruments financiers à terme. Elle comporterait, en dépenses et en recettes, les produits et les charges des opérations d'échange de devises ou de taux d'intérêt, d'achat ou de vente d'options ou de contrats à terme sur titres d'État autorisées en loi de finances.

Chacune de ces sections ferait l'objet d'une autorisation de découvert limitative dont le montant serait fixé chaque année par la loi de finances.

La première section ferait l'objet de versements réguliers à partir du budget général, sans doute hebdomadaire.

Comme c'est aujourd'hui le cas pour le compte de commerce n° 904-22 « gestion active de la dette et de la trésorerie de l'Etat », le gouvernement transmettra au Parlement le compte rendu d'un audit contractuel organisé chaque année sur les états financiers du compte de commerce, sur les procédures prudentielles mises en oeuvre, sur l'ensemble des opérations effectuées en vue de couvrir les charges de la trésorerie et de gérer les liquidités ou les instruments d'endettement de l'État, ainsi que sur l'incidence de ces opérations sur le coût de la dette.

2. Un compte d'affectation spéciale pour les charges de retraite

L'article 21 de la loi de finances prévoit qu'un compte d'affectation spéciale est créé de plein droit pour retracer les opérations relatives aux pensions et avantages accessoires.

En recettes devraient être versées les cotisations salariales et employeurs liées aux retraites et en dépenses les pensions servies aux fonctionnaires retraités. Ainsi apparaît enfin, certes sans personnalité juridique, une « caisse de retraite » de la fonction publique permettant de faire apparaître de manière transparente un taux de cotisation employeur pour les retraites, comme cela existe évidemment dans le secteur privé.

Ces cotisations employeurs seront inscrites au sein de chaque mission, au prorata des personnels employés. Votre rapporteur spécial estime nécessaire de moduler le taux de cotisation entre ministères civils et militaires, mais également en fonction des régimes de départ à la retraite spécifiques applicables dans certains ministères (intérieur par exemple) afin que contribuent davantage les ministères, qui, en raison des avantages sociaux concédés, impactent le plus le régime de retraite de la fonction publique.

* 39 En gris, missions interministérielles. En blanc, les missions ministérielles sont assumées par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.