II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

A titre liminaire , votre rapporteur spécial remercie les services du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche pour leurs efforts d'amélioration de l'information budgétaire transmise au Parlement . Ainsi, 95 % des réponses au questionnaire budgétaire de votre commission des finances ont été transmises dans les délais prescrits par la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), ce qui constitue un progrès sensible par rapport aux années précédentes. En outre, le document de préfiguration des projets annuels de performances (PAP) transmis au Parlement dès le 5 octobre 2004 se singularise par un remarquable effort de clarté.

Votre rapporteur spécial se réjouit aussi du dialogue constructif engagé entre votre commission des finances et le ministère sur la mise en oeuvre de la LOLF. Même si elle demeure encore perfectible, la définition de la mission interministérielle « Enseignement scolaire » tient ainsi largement compte des observations formulées par votre commission des finances, tant au niveau du découpage des programmes que de la formulation des objectifs et indicateurs. En particulier, votre rapporteur spécial se félicite de l'accent mis par l'avant-PAP sur les objectifs et les indicateurs relatifs aux performances des élèves aux évaluations nationales, comme de la mise en place, à la demande expresse de votre commission, d'une enquête et d'un indicateur relatifs à l'absentéisme des élèves.

En revanche, votre rapporteur spécial rappelle que le gouvernement s'était engagé, dans le cadre de la présentation du projet de loi de finances pour 2004, à renforcer la sincérité de la loi de finances et la transparence budgétaire vis-à-vis du Parlement et à faciliter le travail des services gestionnaires, en proposant la réduction, dès le projet de loi de finances, des crédits des chapitres de fonctionnement qui faisaient traditionnellement l'objet d'annulations en cours d'exercice, en contrepartie, évidemment, de l'engagement de ne pas procéder à de nouvelles annulations en cours de gestion 2004. Or cet engagement n'a pas été tenu , ce que l'on peut déplorer même si les opérations de régulation budgétaire conduites en 2004 se sont traduites par un rééquilibrage en faveur de l'enseignement supérieur.

Cela étant, le projet de budget de l'enseignement scolaire pour 2005 appelle cinq séries d'observations .

Tout d'abord, votre rapporteur spécial soutient les deux orientations générales de ce projet de budget consistant d'une part, à maîtriser l'évolution des emplois tout en consentant des mesures de revalorisation sans précédent dans le cadre de discussions sur l'évolution des métiers, d'autre part à maîtriser l'évolution des dépenses grâce à des priorités pédagogiques recentrées, à la réorganisation de la carte des options afin de réduire le nombre d'heures d'enseignement dispensées devant des classes de moins de dix élèves, à des mesures ambitieuses de redéploiement et surtout à une meilleure gestion des effectifs, notamment en réduisant les surnombres disciplinaires d'enseignants du second degré et en améliorant l'efficience du remplacement.

Votre rapporteur spécial se félicite également des mesures de ce projet de budget tendant notamment à créer 800 emplois supplémentaires d'assistants d'éducation auxiliaires de vie scolaire (AVS) dans l'enseignement public, et à abonder le forfait d'externat des établissements de l'enseignement privé sous contrat afin de favoriser l'intégration des enfants handicapés dans l'enseignement scolaire ; à consolider les dispositifs-relais et les actions école ouverte, à accroître les moyens de la mission générale d'insertion de manière à lutter contre l'échec scolaire ; et à étendre le dispositif du fonds social lycéen aux élèves des établissements d'enseignement privé sous contrat.

Votre rapporteur spécial se félicite aussi de ce que les mesures de remise à niveau des crédits destinés aux examens et concours , afin de réduire des délais de paiement qui devenaient démobilisant pour les personnels, s'accompagnent pour la première fois de réformes énergiques, visant à maîtriser les dépenses afférentes et les risques d'incidents en rationalisant le nombre d'épreuves.

Enfin, votre rapporteur spécial salue deux novations emblématiques de la volonté du gouvernement d'accroître l'efficience de l'enseignement scolaire : la signature d'un accord cadre avec Microsoft pour réduire le coût des licences de logiciels, notamment pour les établissements situés en zone d'éducation prioritaire, d'une part, l'annonce du nombre de postes mis au concours dès le moment de la présentation du budget , ce qui constitue un gage de sincérité budgétaire , de transparence vis-à-vis des candidats et de gestion prévisionnelle des ressources humaines, d'autre part.

Comme votre commission des finances le souligne depuis plusieurs années, notre enseignement scolaire n'a d'ailleurs pas besoin d'un « emballement des dépenses » ou de « rafales de réformes pédagogiques » conçues dans la précipitation, mais bien davantage de progrès qualitatifs reposant sur la liberté et l'initiative des acteurs locaux . En effet, la France dépense d'ores et déjà beaucoup plus que la moyenne des pays de l'OCDE pour l'enseignement scolaire, en particulier pour le second degré, parce que le nombre moyen d'élèves par enseignant est relativement faible, du fait notamment de la multiplication des options. De même, la Cour des comptes a souligné 29 ( * ) que les réformes pédagogiques précédentes avaient été mise en oeuvre à un rythme rapide « sans souci de les tester préalablement sur un échantillon, ni même d'en mesurer après leur généralisation l'impact positif ou non, sur les résultats des élèves ou des étudiants », sans souci des coûts qu'elles induisent et parfois, comme pour la généralisation des langues vivantes à l'école primaire, sans s'assurer de ce que les moyens « soient au rendez-vous des réformes annoncées, dont les calendriers, pour des raisons d'affichage politique, s'affranchissent volontiers de la logique budgétaire ».

Au total, l'IGAENR concluait en exergue de son rapport général pour 2002 que « la succession ininterrompue des réformes comme la velléité de tout réformer ont constitué un frein majeur à toute évolution significative du système éducatif ». En particulier, « l'accumulation incessante de réformes a entraîné une forme de discrédit de la parole d'Etat [car]... cette succession incessante de réformes, qui est la marque du pilotage de notre ministère depuis plusieurs décennies a rendu l'organisation du système à la fois illisible et ingérable : elle l'a rendu illisible parce que jamais n'est mise en regard la continuité nécessaire des actions ; elle l'a rendu ingérable par l'impossibilité, devenue réelle, de mettre en oeuvre toutes les mesures de réforme, ce qui a entraîné, par ailleurs, découragement et scepticisme, parmi les enseignants comme parmi les chefs d'établissement. Continuer en ce sens présenterait le risque d'entraîner, à terme, une forme grave de discrédit de la parole d'Etat, d'autant plus que les décisions de réforme ne sont jamais précédées d'une évaluation des réformes précédentes, ni d'un véritable débat public sur les nouvelles propositions ». Ce constat justifiait d'ailleurs, s'il en était encore besoin, l'organisation du débat national sur l'école.

Cela étant, notre enseignement scolaire a besoin d'une répartition plus équitable des moyens sur l'ensemble du territoire . Or la faible progression d'ensemble des effectifs d'élèves masque des évolutions démographiques fortement contrastées selon les niveaux d'enseignement et les académies.

En effet, la densité et la répartition de la population sur le territoire ont évolué durant les années 90, entraînant des modifications des populations scolaires : les départements du massif central, du nord-est et du nord de la France ont ainsi connu une baisse d'effectifs supérieure à 12 % dans le premier degré, tandis que le Midi méditerranéen, la Haute-Garonne et la Haute-Savoie ont vu leur population scolaire augmenter. De même le premier degré connaît une augmentation de ses effectifs d'élèves (+ 23.800 en 2003, + 61.000 prévus en 2004, + 58.400 prévus en 2005) alors que le second degré fait face à une baisse de ses effectifs d'élèves (- 36.600 prévus en 2004, - 44.700 prévus en 2005).

En conséquence, des redéploiements de moyens s'imposent, et ce, d'autant plus que leur répartition actuelle est très inégale . On peut ainsi relever que le taux de préscolarisation à deux ans était près de fois plus élevé en 2003 dans l'académie de Rennes que dans celle de Paris ou que le nombre d'élèves par classe dans le premier degré est plus élevé (jusqu'à 20 % de plus) dans les zones d'éducation prioritaire des académies de Guyane, de La Réunion, de Paris et de Versailles, qu'hors zone d'éducation prioritaire dans sept autres académies. On peut d'ailleurs aussi observer que les résultats des élèves sont également très contrastés selon les académies, le taux de sortie sans qualification variant ainsi en 2001 de 2,8 % à 15,1 % selon les académies métropolitaines (et jusqu'à 31,3 % en Guyane), sans qu'il n'apparaisse aucun lien mécanique entre les résultats et les dépenses .

Votre rapporteur spécial ne peut donc que se féliciter des mesures de redéploiement entre les niveaux prévue par le projet de budget de l'enseignement scolaire, avec la création de postes supplémentaires dans le premier degré pour faire face à l'augmentation du nombre d'élèves et la suppression de postes dans le second degré compte tenu de la baisse importante dans les effectifs.

La priorité accordée à l'école primaire se justifie d'ailleurs d'autant plus que la part des dépenses de l'enseignement scolaire consacrées à l'école primaire est aujourd'hui proportionnellement moins importante en France que dans la moyenne des pays de l'OCDE et que l'école primaire est le moment où se noue l'échec scolaire : l'IGEN estimait ainsi en mars 2002, dans un rapport portant état des lieux de la classe de 6 ème , « qu'il est pratiquement impossible de relever en une ou deux heures de soutien par semaine... le niveau particulièrement inquiétant de certains élèves quittant l'école élémentaire (au nombre de trois à cinq par classe dans les collèges visités).... Que peut-on réellement remettre à niveau en 6 ème dans le cas d'élèves, par exemple, qui n'ont pas encore acquis le mécanisme de la multiplication ou qui savent à peine écrire... Disons-le tout net, ces élèves sont sans doute accueillis au collège, mais ils n'y sont pas scolarisés ».

Votre rapporteur spécial constate par ailleurs avec satisfaction que l'amélioration de la répartition géographique des moyens entre académies figure parmi les objectifs assignés aux programmes de l'enseignement scolaire dans l'avant-projet de rapport annuel de performances, et que le ministère a engagé des politiques de redéploiement des moyens entre académies d'une ampleur précédent, car jouant non plus seulement sur la répartition des nouveaux emplois (les « flux »), mais aussi sur leur « stock ».

Ces politiques sont courageuses , car chacun sait qu'il est infiniment plus aisé de ne pas ouvrir une classe ou une division supplémentaire dans une école ou établissement surchargé que de fermer une classe ou une division dans une école ou un établissement dont les effectifs se raréfient.

Les contraintes auxquelles se heurte l'évolution d'une carte scolaire qui est le fruit d'une longue histoire peuvent être illustrées à travers les exemples des « réseaux pédagogiques intercommunaux » et des établissements professionnels.

La mise en réseau des écoles repose a priori sur des arguments aussi bien pédagogiques (rompre l'isolement des enseignants et offrir davantage de moyens aux élèves) que budgétaires (le « surcoût » en emplois d'enseignants des écoles rurales peut être estimé à 6.000 si l'on alignait leur taux d'encadrement sur celui des écoles urbaines). En conséquence, le ministère encourage cette politique et 271 « réseaux pédagogiques intercommunaux » (RPI) ont été dénombrés en 2003.

Cependant, alors que la mise en réseau constitue a priori un outil de rationalisation de la carte scolaire, le rapport conjoint de l'IGEN et de l'IGAENR réalisé en 2003 sur l'évolution du réseau des écoles primaires porte un regard très critique sur la mise en oeuvre de ce dispositif, en observant : « les réseaux, quel que soit le mode d'organisation choisi, n'ont jamais été conçus dans une logique de gestionnaire d'économie de moyens » et « l'organisation de l'école en réseau a un coût...Les réseaux coûtent en termes de transport scolaire. Ils coûtent en termes d'équipement informatique, en crédits pédagogiques de soutien divers, en crédits liés à des actions de formation continue spécifique. Ils coûtent également en moyens humains », du fait de recrutement de coordonnateurs de réseau. En outre, la constitution des réseaux « a généralement eu pour contrepartie le renoncement par l'inspecteur d'académie aux suppressions d'emplois et aux fermetures de classe. Les écoles en réseau bénéficient donc de conditions particulièrement favorables d'encadrement (...) parfois ...plus favorables que les écoles de zone prioritaire ». En conclusion, l'IGAENR et l'IGEN mettent en garde contre le risque de rigidifier la carte scolaire « si l'extension éventuelle des réseaux d'écoles devait se faire avec le seul souci de maintenir l'existant ».

Cela étant, il convient de remettre en perspective les conclusions des inspections générales. En effet, les surcoûts des réseaux d'école en termes de transports scolaires et d'équipement informatique sont financés par les collectivités territoriales concernées (communes et départements) et non pas par le budget de l'Etat. En outre, comme le reconnaît d'ailleurs le ministère en réponse aux questions de votre commission des finances, ces surcoûts sont sans doute le prix à payer pour obtenir l'adhésion des communes et des parents d'élèves à des évolutions qui peuvent sembler en rupture par rapport à notre tradition séculaire d'école communale républicaine.

La difficulté de faire évoluer la carte scolaire dans un contexte de partenariats renforcés se retrouve au niveau de l'enseignement professionnel.

Le rapport de l'IGEN de janvier 2002 relatif à l'orientation vers le lycée professionnel estimait ainsi que : « dans les zones rurales et dans les zones industrielles sinistrées, l'existence de certains lycées professionnels est due prioritairement à une volonté de maintien d'activité, malgré des effectifs de plus en plus faibles, des équipes pédagogiques « sur la défensive », des équipements anciens ou incomplets, une absence d'environnement économique pertinent par rapport aux spécialités enseignées dans l'établissement. De telles conditions sont difficilement compatibles avec les exigences qualitatives d'une formation professionnelle durable qualifiante. En deçà d'un seuil minimum, la qualité de la formation devient mauvaise ». Il peut donc exister selon l'IGEN une contradiction entre la demande sociale en faveur du maintien d'établissements à proximité des usagers (et donc un tissu scolaire dense) et la masse critique nécessaire pour assurer une formation de qualité.

Là encore, ces observations ne sont pas sans pertinence, mais elles font largement abstraction de ce que la carte des lycées professionnels est également le fruit d'une histoire (l'éducation nationale ayant souvent progressivement pris à sa charge des centres de formations créés par les entreprises pour répondre aux besoins spécifiques d'un bassin d'emploi), comme de la nécessité pour les régions de conduire des politiques volontaristes de promotion de qualifications et de maintien du service public de l'éducation nationale dans des zones en difficulté, sous peine d'accroître les inégalités territoriales.

Très attentif à la promotion de l'enseignement professionnel , votre rapporteur spécial estime toutefois que celle-ci ne doit pas seulement passer par une politique d'offre de formation, mais aussi par la revalorisation des formations professionnelles au travers notamment de la réforme de l'orientation afin que celle-ci ne soit plus un processus de tri, mais bien une aide à la construction d'un projet personnel, tenant compte des capacités et des aspirations de chaque élève .

En effet, comme le relève le Haut conseil de l'évaluation de l'école 30 ( * ) , l'orientation dans notre pays est « connotée négativement puisque les élèves orientés sont les élèves en difficulté, voire en échec, ceux que le système scolaire exclut du cursus « normal ». L'image négative attachée à l'enseignement professionnel et technologique y contribue largement ».

L'orientation en lycée professionnel reste ainsi souvent une orientation par défaut ou par l'échec. Dans un rapport de 2003 portant sur l'amélioration du processus d'orientation et des procédures d'affectation au lycée professionnel, l'IGEN observait ainsi que « malgré la priorité donnée au premier voeu, la procédure d'affectation vers le lycée professionnel est plus souvent subie que résultant d'une orientation positive et revendiquée ; le phénomène étant renforcé par l'usage quasi exclusif des résultats scolaires comme critères d'affectation ».

En outre, les enseignants de collège et de lycée général connaissent fort mal les formations professionnelles vers lesquelles ils orientent leurs élèves en difficulté. Ainsi, seule une faible proportion des élèves (environ 15 %) orientés vers le lycée professionnel auraient un projet professionnel étayé.

Cela se traduit par un gâchis budgétaire et social, sous la forme d'abandons en cours de formation (en moyenne deux fois plus important dans l'enseignement professionnel que dans le second cycle général et technologique, soit plus de 15 % en CAP, près de 15 % en 1ère professionnelle et près de 12 % en seconde professionnelle), la majorité de ces abandons étant due selon l'IGEN à une inadéquation de la formation proposée aux attentes de l'élève.

En retour, ce contexte de l'orientation nourrit une image négative de l'enseignement professionnel, considéré comme la voie de relégation des élèves ayant les performances scolaires les plus basses et qu'il est nécessaire de « caser ». Le rapport de l'IGEN de janvier 2002 relatif à l'orientation vers le lycée professionnel, note ainsi qu'au « au plan académique, il apparaît clairement que l'orientation est, la plupart du temps, pilotée dans une logique gestionnaire plutôt que pédagogique ».

Dès lors, on peut se féliciter du succès de l'opération de revalorisation de l'enseignement professionnel consistant en la délivrance par le recteur du label de « lycées des métiers » à certains établissements (au nombre de 152 lycées en juin 2004).

Cependant la revalorisation de la filière professionnelle et la rénovation de l'orientation (notamment des conditions d'affectation des élèves en seconde professionnelle) sont indissolublement liés , et passent aussi bien par le développement d'une véritable « éducation à l'orientation » que par la diversification des critères d'affectation, en prenant en compte, en sus des résultats scolaires, les habiletés des élèves (ce que font déjà certaines académies à titre expérimental), ainsi que par le développement des stages.

Votre rapporteur spécial souhaite donc que les efforts entrepris soient poursuivis et approfondis, sous peine de voir s'accentuer la concurrence entre les filières afin d'attirer les élèves, avec pour conséquence la multiplication des formations et des structures sans impact autre que budgétaire. Cela étant, il convient de rappeler que l'amélioration de l'orientation des élèves ne dépend pas seulement de l'éducation nationale , mais aussi de l'évolution des représentations et des valeurs attachées aux différents métiers, ce qui passe par un effort partagé de l'ensemble des institutions publiques et des professionnels.

Si l'amélioration des conditions d'orientation des élèves est incontestablement de nature à favoriser une sortie réussie du système scolaire, celle-ci dépend également de la capacité du système à gérer tout au long des cursus scolaires les difficultés des élèves, ainsi que les problèmes de violence, les risques de replis identitaires, voire les phénomènes de déscolarisation.

Or, l'expérience suggère que les solutions à ces difficultés ne peuvent pas provenir de réformes pédagogiques nationales plus ou moins bien comprises et appliquées au niveau des écoles et des établissements, mais bien d'initiatives locales reposant sur la connaissance du contexte que peuvent avoir les chefs d'établissements et les enseignants, comme le conclut le rapport de l'IGEN de novembre 2003 relatif à l'étude des facteurs qui influent sur les situations de violence dans les établissements.

Votre commission des finances réitère ainsi son souhait de donner plus d'autonomie aux établissements scolaires tout en favorisant la rénovation du métier d'enseignant.

M. Luc Ferry, alors ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, soulignait d'ailleurs à l'occasion de la discussion du projet de budget de l'enseignement scolaire pour 2004 au Sénat le 28 novembre 2003, que : « l'autonomie des établissements est évidemment la réforme clé. (...) Il me paraît donc important de mener cette réforme de l'autonomie des établissements, car il s'agit en quelque sorte de la réforme des réformes, celle qui en permettra d'autres. Il est possible de régler de nombreuses questions, même celle des surnombres disciplinaires, au niveau des établissements, mais il est quasi impossible de les aborder au plan national sans qu'aussitôt les gens descendent dans la rue ».

De même, le rapport de la commission du débat national sur l'école (dit « rapport Thélot ») préconise le renforcement de l'autonomie des établissements en indiquant : « l'Etat doit à la fois affirmer plus nettement des priorités - se montrer exigeant sur les principes, les normes et les objectifs - et donner davantage de responsabilités aux acteurs locaux pour définir les modalités de leur mise en oeuvre. La commission considère que l'échelon à privilégier, dans la dévolution de ces nouvelles responsabilités, est l'établissement scolaire ».

Votre rapporteur spécial se félicite donc des mesures prises ou envisagées par le ministère pour favoriser cette autonomie : au plan financier, avec la démarche expérimentale de globalisation des crédits d'Etat dans certains établissements ; au plan administratif, avec l'allègement des procédures de contrôle afin de rendre les actes pris par leurs autorités immédiatement exécutoires, à l'exception du budget et des actes les plus importants ; au plan pédagogique enfin, avec une plus grande souplesse dans l'organisation des enseignements.

Ces mesures doivent être poursuivies et confortées : le ministère doit avoir le courage de la confiance dans les acteurs locaux du système éducatif , car cette confiance est justifiée par le dévouement et la compétence des personnels. L'IGAENR observe ainsi 31 ( * ) que « les membres de l'inspection peuvent tout spécialement attester.... à quel point les initiatives locales sont nombreuses et à quel point elles permettent au système de tenir. En effet, dans une certaine mesure, il nous semble possible d'affirmer que l'organisation repose moins sur la qualité de son management général que sur les initiatives de ses acteurs de terrain » 32 ( * ) . Le premier degré ne saurait d'ailleurs être tenu à l'écart de ce mouvement, ce qui impliquera à terme une réflexion sur le statut de l'école. Cela étant, le renforcement de l'autonomie des établissements doit s'accompagner de celle leur évaluation.

Il serait également possible d'introduire plus de souplesse dans le fonctionnement des établissements, si les enseignants étaient à même d'accompagner davantage les élèves en dehors des heures d'enseignement.

Cela suppose en premier lieu une réforme des obligations de service des enseignants. Votre commission des finances concluait ainsi dès 2002 que « le métier d'enseignant a d'ores et déjà beaucoup changé avec le développement de pratiques pédagogiques comme les travaux pratiques encadrés, qui reposent sur la pluridisciplinarité, la constitution d'équipes pédagogiques, le travail en petits groupes et l'encadrement personnalisé des élèves. Ces évolutions devraient également se poursuivre en raison de l'importance croissante accordée aux projets d'établissements et à la vie des établissements, notamment dans le cadre des politiques de lutte contre la violence. Dans ces conditions l'image de l'enseignant comme celui qui professe son cours, puis rentre chez lui corriger ses copies, est datée. Or la définition du service des enseignants à partir d'heures de cours repose sur cette image. On peut d'ailleurs remarquer que cette définition est particulière à certains pays de l'OCDE, comme l'Allemagne, la Belgique, la Finlande, la France et le Portugal, la plupart des autres pays combinant dans les obligations de service des enseignants des heures de cours et d'autres activités. En France, le contraste entre l'évolution du métier des enseignant et l'archaïsme de leurs obligations de service conduit ainsi à des ajustements de moins en moins maîtrisés (multiplication des types de décharge, dérive des heures supplémentaires, etc.). L'ampleur du renouvellement des enseignants liés aux départs en retraite prévus au cours de la prochaine décennie constitue pourtant une occasion historique pour la rénovation du statut et de la gestion des enseignants, en même temps qu'elle la rend urgente ».

Concrètement votre rapporteur spécial souhaite la mise en place de dispositifs permettant, sur une base incitative pour les personnels en place, de développer la participation des enseignants à la vie des établissements et au suivi des élèves , le développement de ces missions d'accompagnement supposant toutefois, un effort des collectivités territoriales afin d'adapter les bâtiments, notamment pour mettre à la disposition des enseignants des locaux leur permettant effectivement de recevoir dans de bonnes conditions les élèves et les familles.

Votre rapporteur spécial s'interroge d'ailleurs dans ce contexte sur les notions « d'équipes pédagogiques » et de « communauté éducative », et plus particulièrement sur les évolutions des ressorts, des règles et des contraintes acceptées par les uns et les autres nécessaires pour les faire vivre.

La LOLF pourrait constituer un puissant levier de changement dans l'éducation nationale, notamment en rapprochant la prise de décision du lieu ou s'effectue le service à l'usager et en autorisant a priori une plus grande liberté dans la gestion des crédits et des moyens.

Votre rapporteur spécial se félicite ainsi des efforts de mise en oeuvre de la LOLF par le ministère.

En particulier, votre rapporteur spécial tient à souligner que l'éducation nationale conduit en 2005 la plus importante des expérimentations engagées par les différents ministères. L'expérimentation de la LOLF à l'échelle nationale pour le programme « Enseignement scolaire public du second degré » concerne en effet 332.486 emplois et 9,58 milliards d'euros de crédits.

De même, on peut se féliciter de ce que la réflexion sur la déclinaison des programmes en budgets opérationnels de programme (BOP) soit par ailleurs bien avancée grâce aux premières expérimentations de la LOLF préparées dès 2003 dans les académies de Bordeaux et de Rennes.

Cela étant, votre rapporteur spécial s'inquiète de ce que la réorganisation de l'administration centrale du ministère et la préparation de la mise en oeuvre de la LOLF aient été jusqu'ici conduits indépendamment, ce dont atteste la désignation d'une seule et même personne, le directeur de l'enseignement scolaire, comme responsable de quatre des cinq programmes de la mission « Enseignement scolaire » dépendant du ministère de l'éducation nationale.

A l'évidence , cette situation n'est pas satisfaisante et la bonne mise en oeuvre de la LOLF appelle une refonte de l'administration centrale sous peine, notamment, de rendre le contrôle parlementaire difficile.

* 29 Cf. le rapport particulier d'avril 2003 sur la gestion du système éducatif, pages 38,47 et 86.

* 30 Avis du Hcée sur l'évaluation de l'orientation à la fin du collège et au lycée, n° 12, mars 2004.

* 31 Dans son rapport général pour 2002, page 11.

* 32 L'évaluation des « Charter schools » (c'est à dire des écoles « à charte », autonomes par rapport aux prescriptions étatiques) autorisées en 1992 en Californie suggère d'ailleurs que l'autonomie des établissements est source d'efficience, puisque ces écoles « à charte » ont des performances quasiment comparables à celles des autres écoles, tout en consommant moins de ressources (cf. « Charter School Operations and Performance », Rand Education, 2003).