M. Bernard VERA

I. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. L'ANNÉE 2004 VOIT UN FORT DÉVELOPPEMENT DE LA SAISIE À LA SOURCE

La direction des Journaux officiels est engagée sur la voie de profondes réformes structurelles. Sa première priorité, qui consiste à mettre en place des dispositifs réglementaires et techniques permettant l'amélioration de la saisie à la source, a été pleinement réalisée en 2003.

La saisie numérisée des annonces de marchés publics devant faire l'objet d'une publication au Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP) a été rendue obligatoire par le nouveau code des marchés publics. Cette obligation a développé la saisie à la source des annonces publiques, qui était possible sur le site des Journaux officiels depuis l'année 2000. Le taux de saisie en ligne, qui a fortement augmenté (34 % en janvier 2004 à 67 % au mois de juin 2004), a permis ainsi une forte accélération des délais de publication, qui sont passés de 10 jours en octobre 2003 à 5 jours en septembre 2004.

Il convient toutefois de relever que, contrairement aux prévisions, le volume d'annonces des marchés publics ne connaît pas de recul marqué. Cette baisse, estimée autour de 8 %, s'accompagne en revanche d'un accroissement constant de la longueur de chaque annonce.

Les assemblées parlementaires transmettent en ligne leurs débats depuis le premier semestre 2004 (janvier 2004 pour l'Assemblée nationale et avril 2004 pour le Sénat). La publication des débats parlementaires reposait sur une procédure traditionnelle, qui engendrait des coûts de production élevés. Les délais de publication atteignaient parfois plus de quinze jours. L'objectif fixé est de parvenir à des délais de publication inférieurs à une semaine et à des coûts réduits.

En ce qui concerne les comptes rendus des débats du Sénat, le service de l'informatique en assure la mise en ligne sur le site du Sénat dans un délai de 48 heures.

Le projet SOLON (Système d'Organisation en Ligne des Opérations Normatives), qui vise à gérer en ligne l'élaboration des textes normatifs, devrait supprimer l'essentiel des charges de saisie et de mise en forme se rapportant à l'édition « Lois et décrets » au cours du premier semestre 2005, en raison de la réception de fichiers télétransmis normalisés.

Les discussions avec le ministère de l'Intérieur pour la transmission numérisée des annonces des associations semblent en bonne voie d'aboutir, le projet WALDEC (Web des Associations Librement Déclarées) étant inscrit au plan stratégique 2004-2007 de l'administration électronique. Ce projet vise à fournir une visibilité nationale du monde associatif, mutualiser les informations sur les associations, supprimer les tâches redondantes des services de l'Etat et faciliter les démarches administratives pour les associations.

Enfin, il existe des perspectives à moyen terme de saisie à la source des annonces du Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) grâce à une concertation avec les groupements de greffes des tribunaux de commerce.

Ces évolutions ont une grande incidence sur l'activité Internet de la direction des Journaux officiels. Le site « legifrance.gouv.fr », mis en service gratuitement en 2002, est aujourd'hui le site des textes législatifs et réglementaires, avec 8 millions de visiteurs en 2004. Il a pour objet de diffuser gratuitement le droit positif et la jurisprudence. Le site « journal-officiel.gouv.fr », qui est devenu le site des annonces légales, est en hausse de 15 % en raison du portail des marchés publics. Il a traité en 2003 plus de 31.000 commandes en ligne et dépassé 2,5 millions de visiteurs.

Votre rapporteur spécial tient à souligner la qualité de ces deux sites.

La rubrique « Journal officiel du jour » subit la concurrence du site « legifrance.gouv.fr », qui a connu une croissance de 47,5 % sur le premier semestre 2004 par rapport au premier semestre 2003.

B. LA MISE EN LIGNE DU JOURNAL OFFICIEL « LOIS ET DÉCRETS » CONNAÎT UN GRAND SUCCÈS

Le Journal officiel « Lois et décrets » authentifié a été mis en place le 1 er juin 2004. Il garantit l'inviolabilité des versions électroniques transmises et lui donne donc la même valeur juridique que la version papier. Cette garantie résulte d'un dispositif spécialement mis au point par la direction des Journaux officiels. La diffusion du JO électronique authentifié élargit la portée de la mise à disposition du public des textes législatifs et réglementaires, développant ainsi la mission de service public de la direction des Journaux officiels.

La dématérialisation de l'édition « Lois et décrets » du Journal officiel est une des mesures de la mise en oeuvre du programme gouvernemental ADELE 2004-2007, visant à l'amélioration de l'accès aux données publiques pour les usagers et les fonctionnaires.

La réforme des modalités de publication des textes a été engagée sur le fondement de la loi du 2 juillet 2003, habilitant le gouvernement à simplifier le droit.

Selon l'ordonnance du 20 février 2004, relative aux modalités et effets de la publication des lois et de certains actes administratifs, les lois et les actes administratifs font désormais l'objet d'une double publication, sur papier et sous forme électronique. Une partie des textes officiels n'est plus publiée sur la version papier du Journal officiel, mais uniquement sur le site Internet. C'est le cas des actes administratifs dont la liste est fixée par le décret pris en Conseil d'Etat le 29 juin 2004, en application de ladite ordonnance.

Votre rapporteur spécial se réjouit de voir que cette action a été menée avec grand succès et que la fiabilité des informations est assurée. Il s'interroge cependant sur l'avenir du service public .

Il craint en effet que cette dématérialisation, dont l'intérêt est indéniable, risque néanmoins de restreindre l'accès, si elle s'accompagne d'une suppression des versions imprimées, des citoyens et des collectivités locales n'étant pas nécessairement équipés en matériel informatique.

L'équilibre entre supports papier et électronique demeure un enjeu démocratique important. Le symbole des journaux officiels « Nul n'est censé ignorer la loi » doit toujours être d'actualité. Fin 2003, 72% des foyers n'étaient pas connectés à Internet.

Votre rapporteur souhaite que la complémentarité entre support électronique et papier permette à chaque citoyen de pouvoir s'appuyer sur un service public de qualité en ayant un accès égal à la norme juridique.

De même, les salariés, attachés à leur mission de service public, s'inquiètent de l'avenir de l'institution et craignent une restriction drastique des effectifs sous couvert de dématérialisation des Journaux officiels.

C. LES RÉFORMES NE SONT PAS SANS CONSÉQUENCE SUR LES EFFECTIFS

Sur ce sujet, l'année 2004 s'est particulièrement caractérisée par les réactions des personnels aux annonces officielles de numérisation croissante de la production et à l'arrêt consécutif des recrutements de titulaires, aussi bien à la SACI-JO qu'à la direction des Journaux officiels. Treize assemblées générales portant sur l'avenir des salariés des Journaux officiels, dont quatre communes aux deux entités, ont été tenues en 2004, contre neuf en 2003.

Il faut noter la volonté de participation des représentants syndicaux à la réflexion entreprise, service par service, sur les conséquences de la dématérialisation tant en production que dans le service commercial et les services fonctionnels. Ainsi, des réorganisations de service et des redéploiements de personnel ont pu être abordés et discutés.

Il apparaît que les garanties de non licenciement associées à des projets importants et concrets de maîtrise des processus de numérisation ainsi qu'au renforcement et à la réorganisation des moyens informatiques ont permis aux agents d'apprécier la volonté de la direction d'adapter l'exercice de la mission de service public des Journaux officiels, dans un contexte de rapide évolution technique, afin d'assurer sa pérennité.

L'évolution du plan de charge des Journaux officiels et les possibilités de diversification et de redéploiement de ses activités restent évidemment au coeur des préoccupations des personnels et de leurs représentants.

Un accord-cadre du 26 mai 2004 a été conclu entre le directeur des Journaux officiels et les organisations syndicales. Cet accord prend en compte les évolutions concernant la saisie à la source et permet d'anticiper les effets de la dématérialisation. Les organisations syndicales, tant pour la DIR-JO que pour la SACI-JO, ont accepté de geler, pour une période d'une année, les recrutements en remplacement des départs en retraite ou en CATS, et de ne pas renouveler les contrats en durée déterminée.

Pour compenser les réductions possibles du plan de charge liés à la dématérialisation, la direction des Journaux officiels s'est engagée à tout faire pour trouver de nouveaux travaux sur tous les supports existants ou à venir, et à mettre en oeuvre toute disposition permettant la réintégration le plus rapidement possible des opérations actuellement sous-traitées, en commençant par celle du BALO. L'accord précise : « cet objectif.pourra être atteint grâce à la modernisation des équipements, à l'acquisition d'une nouvelle plate-forme de production éditoriale, ainsi qu'une meilleure maîtrise des coûts ».

Les parties signataires ont décidé d'engager un processus négocié des accords catégoriels de 1994 et se sont accordées pour confirmer que les garanties d'emplois et de rémunération des personnels ne seront pas modifiées et qu'aucun départ ne sera imposé.

Il a été posé comme principe que les départs s'effectueront à un rythme naturel et volontaire. Il n'y aura aucun licenciement . Ces départs sont estimés à 20 personnes en 2004 et autant en 2005. Les conséquences, en terme d'économies budgétaires, sont intégrées dans le présent projet de loi de finances, qui prévoit une diminution sensible de la charge de la SACI-JO.

D. L'ÉQUILIBRE DES JOURNAUX OFFICIELS EN DANGER : UNE RÉFORME DES RETRAITES S'AVÈRE INDISPENSABLE

Le régime particulier des retraites est gravement déficitaire.

En décembre 2003, la direction des Journaux officiels a présenté au ministère du budget le constat du déficit irréversible de la caisse des pensions. La caisse de retraite couvrant le personnel de la direction des Journaux officiels et de la SACI-JO a encaissé, sur l'année 2003, 1,39 million d'euros de cotisations salariales et versé 12,5 millions d'euros de prestations. La caisse des cadres a encaissé 0,19 million d'euros de cotisations salariales et versé 0,69 million d'euros de prestations retraite .

Les conclusions d'une étude 1 ( * ) actuarielle sur l'état de la caisse et son évolution nécessaire vers un régime classique de droit commun ont été présentées aux partenaires sociaux au printemps 2004. Elles relèvent que l'effort de l'Etat dans le système actuel atteint 8 fois l'effort des salariés à la caisse pension, et 2,5 fois à la caisse cadre, ce qui est nettement supérieur à la situation des régimes de droit commun (1,5 fois à l'ARRCO et 1,7 fois à l'AGIRC) . A ces rendements généreux, il faut évoquer la situation démographique qui va se dégradant (1 cotisant par retraité aujourd'hui, 0,7 en 2025).

Au cours de l'été 2004, à la suite de réunions techniques avec les représentants syndicaux SACI-JO et DJO pour présenter et étudier les différentes hypothèses de prise en compte des droits acquis pour les personnels en activité, aucune modification n'a été apportée aux pensions complémentaires des retraités actuels du régime.

Les personnels et leurs représentants sont actuellement parfaitement au fait du déficit croissant du régime complémentaire propre des Journaux officiels. Des discussions exploratoires ont été entamées sur les différentes possibilités de maintenir pour les cotisants actuels le maximum des droits acquis.

Le souhait de la direction serait d'intégrer le régime de l'AGIRC-ARRCO. Les accords nécessaires devront être trouvés auparavant avec les représentants du personnnel.

Le nombre de départs en retraite prévus, entre 2003 et 2010, est de 385. Ce chiffre ne prend pas en compte d'éventuels cessations anticipées d'activité ou de départs anticipés en préretraite qui pourraient être décidés.

Votre rapporteur restera attentif à l'évolution des négociations menées entre la direction des Journaux officiels et les représentants du personnel.

E. UN RAPPROCHEMENT DES SERVICES DES JOURNAUX OFFICIELS ET DE LA DOCUMENTATION FRANÇAISE EST ENVISAGÉ

La Cour des comptes a procédé en 2002 et 2003 à un contrôle concomitant de la gestion et du fonctionnement des Journaux officiels et de la Documentation française. Il lui est apparu nécessaire, dans le contexte de réorganisation et de redressement de ces deux organismes, d'examiner les conditions d'une articulation de leurs activités marchandes et de service public, tout en permettant d'assurer des complémentarités dans l'édition et la diffusion de l'information publique.

Lors du contrôle à la direction des Journaux officiels, la Cour des comptes a constaté que les réformes annoncées n'étaient toujours pas entrées en vigueur et enregistraient donc un nouveau retard. Dans son référé du 30 octobre 2003, la Cour des comptes éprouve « des doutes sérieux sur la réalisation des objectifs énoncés, qu'il s'agisse des modalités d'articulation entre les activités de service public et les activités concurrentielles, ou de la connexité des missions ».

Les deux directions examinent d'ailleurs, depuis quelques années, les possibilités de renforcer les coordinations opérationnelles dans ces différents domaines.

Selon la Cour des comptes, les conséquences de la coexistence des deux types de missions qu'exercent les deux institutions ne sont pas gérées de manière satisfaisante. L'articulation entre les différents types d'activité devrait faire l'objet d'une réforme.

En matière d'édition, la direction des Journaux officiels publie des documents diffusant la norme juridique, législative et réglementaire, sans toutefois pouvoir les assortir d'analyses au risque de sortir de son champ de compétence alors que la Documentation française assume largement une telle responsabilité.

En ce qui concerne l'impression, la direction dispose d'un réel outil industriel d'imprimerie tandis que les ateliers de la Documentation française sont vétustes. La Documentation française sous-traite une part élevée de ses travaux à des prestataires extérieurs. Des accords sont d'ores et déjà passés entre les deux institutions, et les Journaux officiels sont en passe de devenir le principal imprimeur de la Documentation française.

Les fonctions de diffusion des Journaux officiels ne sont pas très développées car ils ne disposent que d'un seul point de vente, contrairement à la Documentation française qui bénéficie d'un réseau commercial diversifié. Sur ce point également, des accords sont en voie de développement.

Le Premier ministre a demandé à M. Frédéric Tiberghien, maître des requêtes au Conseil d'Etat, de « mener à bien une réflexion à caractère stratégique sur les missions et les positionnements respectifs » de la Documentation française et des Journaux officiels. Cette mission a vocation à « étudier les différentes solutions concevables à moyen terme » relativement aux deux organisations et à leur fonctionnement. Son but n'est pas de proposer un plan de fusion des deux institutions mais de rechercher les possibilités de collaboration les plus fructueuses pour elles, dans le respect de leur coeur de métier respectif .

Elle débouchera sur des propositions de rapprochements entre les deux institutions, assorties de leurs modalités de mise en oeuvre au-delà de 2006.

Des groupes de travail ont été constitués sur huit domaines : l'édition, l'impression, la diffusion, l'informatique, les moyens généraux, la gestion financière, la gestion des ressources humaines et la tarification. Leurs travaux ont permis aux deux institutions de mieux se connaître et d'additionner leurs compétences dans une perspective de coopérations fonctionnelles, pouvant se mettre en place, même avant 2006, pour des coéditions par exemple.

A la fin du mois de juin 2004, chaque groupe a présenté des préconclusions qui n'ont pas été jugées satisfaisantes. Un rapport doit être présenté à la fin de l'année au Secrétaire général du gouvernement, assorti de préconisations sur les orientations à mettre en oeuvre pour le rapprochement entre les deux directions.

Votre rapporteur spécial suivra attentivement les travaux de la mission, en liaison avec son collègue François Marc, qui a rédigé un rapport sur « La Documentation française : La réforme nécessaire pour un éditeur public de référence » 2 ( * ) .

* 1 Etude ADAC du 10 mars 2004.

* 2 Rapport d'information n° 394 (2003-2004).