M. Yves FREVILLE

La précédente loi de programmation militaire pour les années 1997-2002 avait été placée sous le signe de la professionnalisation ; celle qui a débuté en 2003 (et dure jusqu'en 2008) vise :

- la remise à niveau à moyen terme des équipements dans la perspective du modèle d'armée 2015 ;

- et, à court terme de la restauration des capacités opérationnelles des forces.

I. LE BUDGET DE LA DÉFENSE POUR 2005

A. PRÉSENTATION GÉNÉRALE

Le budget de la défense pour 2005, qui constitue la troisième année d'exécution de la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008 1 ( * ) , augmente de + 1,6 % hors pensions, contre 4.3 % en 2003.

Il y a là la confirmation d' une inversion de tendance par rapport aux années antérieures qui avaient vu, systématiquement, sacrifier le budget de la défense aux budgets civils et, à l'intérieur du budget de la défense, les dépenses de matériel à celles de personnel . Toutefois, cette année, le budget de la défense participe à l'effort de maîtrise des dépenses publiques et connaît une progression plus réduite.

1. Évolution générale des crédits

Pour sa troisième année d'application, le respect de la loi de programmation militaire (2003-2008) marque quelque peu le pas, mais l'effort est maintenu. C'est d'autant plus remarquable qu'aucune des précédentes lois de programme n'a été respectée et que la France traverse de graves difficultés budgétaires.

a) Le budget

Le projet de budget de la défense pour 2005 s'élève à 42,425 milliards d'euros, dont 9,5 milliards d'euros de pensions, soit un montant hors pensions de 32,92 milliards d'euros .

Par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2004, la progression atteint + 1,6 % .

Les crédits (hors pensions) du titre III proposés pour 2005, s'élèvent à 17,72 milliards d'euros contre 17,50 milliards d'euros en 2004, soit une progression de + 1,3 % .

Les crédits des titres V et VI s'élèvent à 15,20 milliards d'euros contre 14,90 milliards d'euros en projet de loi de finances pour 2004, soit une augmentation de + 1,9 % , qui fait contraste avec l'augmentation de 9,2 % entre 2003 et 2004.

Évolution globale des crédits

(en milliards d'euros)

 

LFI 2004

PLF 2005

Evolution

Dépenses ordinaires

17,50

17,72

+ 1,3 %

Dépenses en capital (CP)

14,90

15,20

+ 1,9 %

Total (hors pensions)

32,4

32,92

+ 1,6 %

Source : réponse au questionnaire budgétaire

b) L'application de la loi de programmation militaire

La loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008 ne fixe plus d'objectifs pour l'ensemble du budget mais se contente de faire référence à des paramètres essentiels de la politique de défense , qui sont : les crédits de paiement des titres V et VI, les effectifs civils et militaires, ainsi que les moyens spécifiques destinés à favoriser la fidélisation, le recrutement et la reconversion des personnels militaires. Ce dernier objectif fixé à 572,58 millions d'euros, valeur 2003, par l'article 4 de la loi de programmation, renvoie au rapport annexe pour l'échéancier annuel.

On ne peut que constater le décalage entre le « bleu » défense pour 2005 et les réponses au questionnaire budgétaire, le « bleu » inscrivant 454.009 postes et les réponses au questionnaire faisant état de 436.910 postes 2 ( * ) prévus en loi de finances initiale pour 2005. L'effectif réel au 30 juin 2004 est, pour sa part, de 429.537 personnes . L'effectif réalisé est donc inférieur à l'objectif fixé par la loi de programmation militaire.

De même, les crédits affectés au Fonds de consolidation de la professionnalisation, malgré une mesure nouvelle de 11 millions d'euros inscrite au projet de loi de finances pour 2005, reste très en-deçà de l'objectif fixé par la loi de programmation militaire.

Seul le montant des crédits d'équipement correspond strictement à la loi de programmation militaire.

2. L'effort français de défense en perspective

Avec 32,92 milliards d'euros (hors pensions), le budget de la défense est le quatrième poste de dépenses de l'Etat , après l'éducation nationale et l'enseignement supérieur (65,96 milliards d'euros), les concours de l'Etat aux collectivités locales (61,8 milliards d'euros) et la dette publique nette (38,59 milliards d'euros).

Poids relatif du budget de la défense (hors pensions)

 

Budget Défense/Budget Etat
(LFI)

Budget Défense/PIB
(LFI)

1980

15,52 %

3,07 %

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005*

12,30 %

12,28 %

11,65 %

11,70 %

11,26 %

11,17 %

10,87 %

11,35 %

11,42 %

11,39 %*

2,41 %

2,36 %

2,19 %

2,19 %

2,05 %

1,96 %

1,89 %

1,98 %

2,01 %

1,98 %*

Prévisions*

Alors que, de 1996 à 2002, la part de l'effort consacré à la défense dans le budget de l'Etat a diminué de 1,4 point, et la part de l'effort de la défense dans le PIB de 0,5 point, on assiste, depuis le minimum historique de 2002, à un redressement, puisque ces taux augmentent respectivement de plus de 0,25 et 0,5 point pour atteindre 11,42 % et 2,01 % en 2004. En 2005, toutefois, on assiste toutefois à un tassement de cette tendance, le budget de la défense revient à un niveau de 1,98 % du PIB .

a) Une réduction d'un tiers des dépenses d'équipement et de fonctionnement matériel des armées au cours de la décennie 90

La diminution du budget des armées, appréhendée en euros constants 2003, a frappé pour l'essentiel les dépenses d'équipement des titres V et VI et les dépenses de fonctionnement matériel de la 4 ème partie du titre III. L'ensemble de ces dépenses, y compris les transferts de crédits d'équipement au CEA et au BCRD est en effet passé de 23,2 milliards d'euros constants en 1991 à un point bas de 15,8 milliards d'euros en 2001, soit une diminution de près d'un tiers sur la décennie. Les seules dépenses d'équipement du titre V ont été réduites de près de 6 milliards d'euros constants au cours de la même période et les crédits de fonctionnement matériel des armées de 1,2 milliard d'euros constants.

Cette réduction des dépenses d'équipement et de fonctionnement matériel est très supérieure à l'augmentation des autres dépenses du titre III qui regroupent pour l'essentiel les charges de personnel et sociales. Cette augmentation s'élève en effet à 2 milliards sur l'ensemble de la période et est particulièrement marquée en 1998 du fait de la professionnalisation des armées.

b) Un rattrapage qui ne peut qu'être progressif

Il faut du temps pour inverser les tendances lourdes du budget de la défense et, en particulier, l'accroissement du poids relatif des dépenses de fonctionnement au détriment des dépenses en capital depuis 1990. Ce qui est déjà vrai en loi de finances initiale, l'est plus encore en exécution.

Equilibré en 1990, avec un léger avantage aux dépenses en capital, qui absorbaient 51,3 % de l'ensemble, le ratio apparaît aujourd'hui très défavorable à ces dernières, qui ne représentent plus que 41,8 % du budget de la défense, toutefois, leur part relative progressait fortement en 2003 année comme le montre le graphique suivant.

c) Les éléments de comparaison internationale

Le tableau de la page suivante, qui récapitule l'évolution des dépenses de défense de la France et de ses principaux partenaires, calculée en parité de pouvoir d'achat et en monnaies nationales constantes 2003, montre que, depuis 10 ans, tous les pays considérés, sauf les Etats-Unis, ont réduit leur effort de défense.

Sur l'ensemble de la période 1994-2004, la France a diminué son effort de défense de plus de 11,5 %, soit plus que l'Allemagne et le Royaume-Uni pour lesquels la régression n'est respectivement que de 7,4 % et 8 %. On note que ce recul a été acquis très largement au cours de la période 1994-1998.

En revanche, la France et l'Angleterre ont très sensiblement accru, depuis 1998, leur effort avec une hausse en volume respectivement égale à + 3,3 % et + 2,8 %.

Deux points méritent encore d'être soulignés, les Etats-Unis ont augmenté leurs dépenses militaires de 9,5 % sur l'ensemble de la période avec une très forte accélération, + 24,8 %, depuis 1998, tandis que le budget de défense de l'Allemagne a l'allure d'un « encéphalogramme » désespérément plat, puisqu'on ne relève aucune reprise de la dépense depuis 1998.

L'évolution des dépenses françaises témoigne d'un rapide décrochage de l'effort de défense entre 1994 et 1998. A partir de cette année, les dépenses stagnent à un niveau historiquement bas pour ne reprendre timidement qu'en 2002.

On note que, dès lors que l'on ne prend pas en compte les dotations de la gendarmerie, la part du budget dans le produit intérieur n'est pas de 2 % mais de 1,74 %, à comparer, sur ces mêmes bases aux 3,45 % américains, aux 2,28 % britanniques mais également au 1,1 % allemand.

3. Les priorités du budget 2004

a) La poursuite de l'effort d'équipement

Les forces armées bénéficient d'améliorations significatives de leurs capacités, grâce à l'aboutissement progressif des grands programmes d'armement prévus dans le modèle d'armée 2015.

Le projet de loi de finances pour 2005 prévoit :

- 14,93 milliards d'euros d'autorisations de programme, ce qui marque une diminution de 9 % par rapport aux dotations 2004 ;

- 14,83 milliards d'euros de crédits de paiement, qui sont en légère progression de 1,9 % par rapport à la précédente loi de finances.

Avec une enveloppe dédiée aux équipements militaires de 15,2 milliards d'euros (titre V + titre VI), la loi de finances pour 2005 permettra de financer les nombreux matériels dont les livraisons sont prévues en 2005. Elles concernent l'avion de combat Rafale, le char Leclerc, l'hélicoptère de combat Tigre, les premières stations au sol du satellite de transmission Syracuse III .

Cette enveloppe couvrira également le coût du développement des matériels futurs prévus par la loi de programmation militaire, comme par exemple l'avion de transport A 400 M , le missile stratégique M 51 et le véhicule blindé de combat pour l'infanterie .

Les encadrés ci-dessous récapitulent les différents matériels qui seront commandés ou livrés en 2005.

Commandes du PLF 2005

Dissuasion

Développement du MSBS M 51 sur 3 ans

Commandement - Conduite - Communication et Renseignement

6 derniers systèmes MARTHA

75 systèmes d'information régimentaire (SIR)

48 Stations SELTIC2

Projection et mobilité

2 avions de transport à long rayon d'action (TLRA)

Maîtrise du milieu aéro-terrestre

1.089 systèmes du combattant futur FELIN

88 véhicules blindés légers (VBL)

Maîtrise du milieu aéro-maritime

8 frégates européennes multimissions (FREMM)

Maîtrise du milieu aéro-spatial

260 missiles MICA Air

Préparation et maintien de la capacité opérationnelle (Gendarmerie)

45.000 nouvelles tenues

34.000 pistolets automatiques de nouvelle génération

10.000 gilets pare-balles à port discret

2.528 pistolets mitrailleurs de nouvelle génération

1.981 gilets pare-balles à port apparent

2.270 véhicules et 707 motocyclettes

Livraisons en 2005

Commandement Conduite-Communication et Renseignement

Lancement du satellite SYRACUSE III A

51 systèmes RITA valorisé

4 systèmes MARTHA

1 station MTBA fixe

196 stations SELTIC

1 système de guerre électronique de l'avant (SGEA) valorisé

79 systèmes d'information régimentaire (SIR)

1 système de 3 drones intérimaires MALE

Projection et mobilité

1 bâtiment de projection et de commandement (BPC)

1 avion de transport à long rayon d'action (TLRA)

Action dans la profondeur

10 avions RAFALE Air

70 missiles SCALP EG (50 Air et 20 Marine)

40 missiles AS 30 Laser

7 hélicoptères pour unités spécialisées

Maîtrise du milieu aéroterrestre

8 hélicoptères Tigre

66 véhicules blindés légers (VBL)

30 chars AMX 10 RC rénovés

28 automoteurs modèle F1 de 155 mm (AUF1) valorisés

4 radars de contre batterie COBRA

2 systèmes ATLAS Canon

1.000 obus antichars à effet dirigés (ACED)

330 véhicules de l'avant blindé (VAB) valorisés

Maîtrise du milieu aéro-maritime

1 hélicoptère NH 90 (version Marine)

1 système PAAMS et 50 missiles Aster (système de défense anti-aérien d'une frégate Horizon)

40 missiles CROTALE Marine

Maîtrise du milieu aéro-spatial

18 missiles sol air Aster 15

230 missiles MICA (150 Air et 80 Marine)

Préparation et maintien de la capacité opérationnelle (gendarmerie)

55.000 nouvelles tenues

32.000 pistolets automatiques de nouvelle génération

10.000 gilets pare-balles à port discret

2.528 pistolets mitrailleurs de nouvelle génération

2.212 véhicules et 707 motocyclettes

b) L'entraînement et la disponibilité des matériels

D'une part, la LPM 2003-2008 définit de façon précise les normes d'instruction et d'entraînement que les forces doivent respecter.

D'autre part, le gouvernement poursuit son effort de rétablissement de la disponibilité des matériels entrepris depuis juillet 2002. Le projet de budget pour 2005 marque pourtant une quasi stagnation des moyens financiers consacrés à l'entretien programmé des matériels, inscrits désormais exclusivement au titre V. Si l'enveloppe d'autorisations de programme est, avec 5,96 milliards d'euros, en progression de plus de 87 %, les crédits de paiement diminuent de 5 %.

Il faut rappeler qu'en termes de niveau d'activité, le gouvernement continue d'afficher des objectifs de niveau OTAN, même si en pratique ces niveaux ne sont pas toujours atteints :

- 100 jours de sortie sur le terrain pour l'armée de terre (contre 95 en 2003, à comparer aux 100 jours de la norme OTAN, et aux 110 à 150 jours de l'armée britannique),

- 100 jours à la mer pour les bâtiments de marine (contre 85 aujourd'hui), à comparer aux 100 jours de la norme OTAN et aux 150 jours pour les Britanniques ;

- 180 heures de vol pour les pilotes de combat , qui réalisent quasiment le nombre d'heures de vol requis par la norme OTAN, à comparer aux 211 heures des forces britanniques.

Le soutien des forces et l'entretien programmé des matériels bénéficient d'une dotation de 3,3 milliards d'euros, afin, selon le ministère « de confirmer les progrès observés en matière de disponibilité au sein des forces ».

c) Les mesures de personnel et la poursuite de l'amélioration de la condition militaire

Afin de renforcer l'attractivité de la carrière militaire, dans le cadre de la professionnalisation, la loi de programmation militaire a prévu un effort significatif en faveur du plan d'amélioration de la condition militaire et du fonds de consolidation de la professionnalisation .

De plus, la transposition du plan en faveur des corps et carrières de la police conduit à mettre en oeuvre un plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées de la gendarmerie nationale .

Est également prévue la poursuite du plan de reconnaissance des compétences professionnelles des personnels civils .

Au total, 86,5 millions d'euros sont consacrés aux mesures en faveur des personnels de la défense en 2005 .

Dans le cadre de la loi de programmation militaire précitée et de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002 (LOPSI), 700 emplois viendront renforcer les capacités de la gendarmerie . De plus, 58 emplois seront créés au sein du service de santé des armées afin de consolider ce service. Enfin, 20 emplois sont créés au bénéfice de la direction générale de la sécurité extérieure pour conforter la mission de renseignement.

Le ministère de la défense contribue aussi à la maîtrise de l'emploi public, en ne remplaçant pas le tiers des départs de personnels civils et en prenant en compte l'externalisation de certaines tâches, les restructurations et les réorganisations, principalement dans les fonctions de soutien.

d) L'anticipation des déploiements en opérations extérieures

Une provision au titre du surcoût engendré par les opérations extérieures est inscrite à hauteur de 100 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2005.

Précisons qu'en 2005, 75,6 millions d'euros de mesures nouvelles sont prévues pour le financement des OPEX. Si l'on ajoute la dotation de 24,39 millions d'euros alloués aux rémunérations des forces stationnées de manière permanente en Afrique, ce sont près de 100 millions d'euros qui sont inscrits au budget pour 2005 au titre des OPEX.

B. LES DÉPENSES D'ÉQUIPEMENT

Il convient de compléter cette présentation générale par une analyse spécifique des dépenses d'équipement portant aussi bien sur l'évolution des dépenses budgétaires globales que sur celle de la structure de l'effort d'équipement.

1. Les dotations budgétaires

Les crédits de paiement du titre V diminuent légèrement, de 1,9 %, pour atteindre 14,830 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2005. Les autorisations de programme régressent, puisqu'elles atteignent 14,93 milliards d'euros , soit une baisse de - 9 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2004.

Les dotations du titre VI augmentent légèrement en autorisations de programme : + 0,8 % soit 361,42 millions d'euros.

Source : ministère de la défense

2. Evolution et structure de l'effort d'équipement

a) Répartition par armée et service

Le tableau ci-après fait apparaître l'évolution suivante :

- les dotations de l'armée de l'air fluctuent assez sensiblement entre 31 % et 33,36 % du budget total des armées, la tendance à l'augmentation constatée pour les exercices 2001 et 2002 ayant pour contrepartie une stagnation en loi de finances initiale pour 2005 ;

- les dotations de l'armée de terre révèlent une tendance à la décroissance depuis 2000 : avec 27,65 % du budget de la défense dans le projet de loi de finances pour 2005, l'armée de terre se situe à presque 2 points en dessous de sa part en 2000 ;

- les dotations de la marine connaissent également des fluctuations marquées, bien que l'on note une nette tendance à la reprise de ces dotations en 2003 et 2004, puis une très légère diminution en 2005 ;

- la gendarmerie, dont les besoins en équipement sont les plus faibles puisqu'ils ne représentent que 4 % de l'ensemble, a dépassé depuis la loi de finances pour 2004 la part qu'elle représentait en 2000 3 ( * ) . En 2005, ces crédits régressent faiblement et s'établissent à 449 millions d'euros ;

- la direction générale pour l'armement voit ses crédits diminuer légèrement pour s'établir à 2.361,3 millions d'euros ;

- le soutien interarmées bénéficie en 2005 de 706,6 millions d'euros ;

- l'administration générale obtient 12.433,7 millions d'euros en 2005, et les services de renseignement 300,3 millions d'euros ;

- enfin, les crédits alloués à l'état-major des armées s'élèvent en 2005 à 2.271,3 millions d'euros.

b) Evolution par domaine

La répartition du budget de la défense par domaine, telle qu'elle résulte des chiffres fournis dans le fascicule budgétaire défense, appelle les commentaires suivants :

- le secteur « classique » voit sa part diminuer depuis 2000 , avec une tendance à la reprise en loi de finances pour 2004, puisque la croissance constatée des dotations dépassait 11 %. En 2005, l'augmentation est réduite à 1,76 % ;

- la contribution au budget civil de recherche et développement augmente entre 2003 et 2004, puis est consolidée en 2005, ce qui n'empêche pas son recul en pourcentage du budget total de la défense ;

- l'espace reste réduit à la portion congrue budgétaire : il retrouve dans la loi de finances pour 2004, la part de 2,7 % qui était la sienne en 2000, après avoir dépassé 3 % en 2001 et 2002. En 2005, il retrouve ce niveau de 3 % ;

- le nucléaire continue de représenter une part à la fois très importante et stable du budget de la défense : il absorbe entre 20 et 21 % de notre effort global et connaît toutefois une croissance plus réduite en 2005 qu'en 2004 : + 1,19 %, contre + 5 % l'année précédente.

Les deux tableaux suivants présentent la ventilation des dépenses et crédits du titre V par catégories de coûts et par agrégats.

3. L'enjeu des « financements alternatifs »

a) Le financement du coût induit par le changement de statut de DCN

Le coût induit par la modification de statuts de DCN n'était pas totalement connu lors de la préparation de la loi de programmation militaire. Il fut question de répartir ce coût sur l'ensemble des crédits du ministère de la défense. Finalement, seul le budget de la marine a été mis à contribution à hauteur de plus de 1,350 milliard d'euros, dont notamment :

- 300 millions d'euros d'encours non contractualisés ;

- 600 millions d'euros au titre des deux plans sociaux successifs destinés aux salariés de DCN ;

- plus de 300 millions d'euros pour financer la mise à niveau des installations que la marine doit céder à DCN (notons que ces installations avaient toujours appartenu à DCN et que la marine doit assumer des coûts importants alors qu'elle n'a été propriétaire de ces installations que très peu de temps) ;

- 150 millions d'euros au titre des assurances des constructions neuves (auparavant financées par DCN).

Selon les modes de comptabilisation 4 ( * ) , le coût total pour la marine se situe entre 1,3 milliard d'euros et 1,7 milliard d'euros, alors que la loi de programmation ne prévoyait que 0,4 milliard d'euros pour financer l'évolution de DCN 5 ( * ) .

C'est dans ce contexte qu'a été envisagé le recours à un financement dit « innovant » pour assurer la réalisation du programme des frégates multi-missions « FREMM ». Ce dossier devrait recevoir prochainement l'arbitrage du Premier ministre.

b) Le programme FREMM (frégates européennes multi-missions)

La loi de programmation militaire (LPM) 2003-2008 prévoit la commande, par la marine nationale, des huit premières frégates européennes multi-missions (FREMM), destinées à assurer rapidement la relève d'unités de surface arrivant en fin de vie durant la période de la LPM pour certaines d'entre elles. La série FREMM doit compter à terme dix-sept frégates, qui participeront activement à la maîtrise de l'espace aéromaritime et aux actions contre la terre (missions permanentes liées à la dissuasion, à la prévention des crises, à la posture de sauvegarde maritime et aux opérations de projection et de frappe dans la profondeur). Les frégates, dans leur mission de lutte anti-sous-marine sont les compléments indispensables du groupe aéronaval (sécurité du porte-avions à la mer) et des sous-marins lance engins (SNLE) (pour la sécurité de l'entrée et de la sortie de l'Ile Longue).

Le programme FREMM permet de restaurer les capacités opérationnelles de la flotte de surface. Respecter la première admission au service actif en 2009 et enchaîner les livraisons au rythme de une à deux frégates par an sont nécessaires pour éviter une rupture capacitaire. En effet, les frégates anti-sous-marines actuellement en service ne bénéficient pas d'une refonte après 20 ans de service et l'intervalle entre deux révisions générales (IPER) a été porté de 3 ans à 6 ans.

Le programme est mené en coopération avec l'Italie, qui a exprimé un besoin pour dix bâtiments analogues. L'arrangement-cadre entre les deux nations a été signé en juin 2003. Pour la phase de définition du programme, la maîtrise d'oeuvre industrielle a été confiée aux groupements industriels Armaris et Orrizonte, en co-traitance solidaire. Les ministres de la défense ont confirmé en mai 2004 que le programme doit pouvoir passer au stade de la réalisation avant la fin 2004.

Les dispositions de la loi de programmation militaire, du nouveau code des marchés publics et du décret « défense » associé permettent au ministère de la défense d'envisager une acquisition patrimoniale par un schéma de « financement innovant ». Le projet de loi de finances pour 2005 prévoit l'ouverture de 1,7 milliard d'euros d'autorisations de programme, ce qui porte la provision globale à 4,4 milliards d'euros 6 ( * ) et devrait permettre de notifier en 2005 la commande des huit premières frégates, dans le cadre d'une commande globale.

c) Les enjeux d'un « financement alternatif »

Le financement conjoint de la restructuration de DCN et des premières frégates induit « une bosse » de crédits de paiement en fin de loi de programmation qu'un financement dit « innovant » permettrait d'éviter en étalant le paiement des frégates.

La solution d'une acquisition des frégates en crédit-bail semble avoir été écartée. Il était difficile de concevoir que la marine ne soit pas propriétaire des navires de combat qu'elle utilise.

D'autres solutions consisteraient, pour la marine, à étaler le paiement des frégates après leur livraison sur longue période. Les coûts supplémentaires (en charge d'intérêts) seraient contrebalancés, d'une part, par l'abaissement des coûts généré par un « effet de série » et, d'autre part, par un engagement de l'industriel de garantir la disponibilité des navires pendant six années.

La mise en oeuvre d'un tel financement pose à l'évidence des questions délicates que votre rapporteur spécial suit avec attention, tant au regard de la définition de la dette, au sens de Maastricht, et du contenu des engagements « hors bilan » de l'Etat, que du respect des engagements physiques de la loi de programmation. La réalisation du programme des frégates est, en effet, vital non seulement pour l'avenir de la marine nationale, mais pour la réussite de la restructuration de DCN, dont le plan de charge du site lorientais dépend largement de ce programme.

C. L'EXÉCUTION BUDGÉTAIRE

La tendance à la baisse à long terme déjà marquée en lois de finances initiales, a bien souvent été accentuée en loi de règlement. Telle est la raison pour laquelle votre rapporteur spécial est très attentif aux conditions de l'exécution budgétaire.

1. L'exercice 2003

a) Les dépenses ordinaires

Le montant total des crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2003, au titre des dépenses ordinaires militaires, progressait de 3,6 % par rapport à 2002, pour atteindre 26,32 milliards d'euros . L'écart entre la dépense exécutée et la loi de finances initiale est passé de 7,5 % en 2002 à 5,3 % en 2003 . Les crédits disponibles ont augmenté de 2,2 % par rapport à 2002 pour s'élever à 18,41 milliards d'euros en 2003.

Les frais de contentieux (chapitre 37-91, évaluatif) ont dépassé de 25 % la dotation prévue en loi de finances initiale, soit une augmentation de 13 millions d'euros . Le contentieux a progressé de 2,8 millions d'euros du fait notamment des demandes de bonifications d'ancienneté des fonctionnaires ayant assuré la charge d'enfants au titre du principe de parité (cf. l'arrêt du Conseil d'Etat du 2 juillet 2002, Griesmar), et de la « décristallisation » des pensions d'anciens militaires étrangers (cf. l'arrêt du Conseil d'Etat du 3 novembre 2001, Diop). De même, l es rentes d'accidents du travail ont dépassé de 11 millions d'euros la dotation prévue en loi de finances initiale. Notons que la transformation de la direction des constructions navales (DCN) en société a transféré des dépenses qui étaient, jusqu'à présent, remboursées par le compte de commerce DCN.

Les dépenses de fonctionnement ont dépassé de 2 % les crédits votés en loi de finances initiale. Les dotations de la 4 ème partie du titre III, qui avaient connu une augmentation de 6, % en 2003, ont dû être complétées par des ouvertures de crédits de 780 millions d'euros en gestion .

L'absence de budgétisation du coût des opérations extérieures (OPEX) en loi de finances initiale a donné lieu à l'ouverture de 375 millions d'euros de crédits supplémentaires par le décret d'avance n° 2003-1124 du 26 novembre 2003, auxquels s'ajoutent 20 millions supplémentaires au titre du collectif 2003. Le surcoût des OPEX pour 2003 atteint 643,2 millions d'euros (dont 68,9 millions d'euros seulement pour le titre V). Les abondements complémentaires ont permis de financer intégralement les salaires et les charges sociales, en revanche ils n'ont couvert que 28 % de la charge supportée au titre du fonctionnement et de l'alimentation.

Les interventions réglementaires relatives au montant ou à la répartition des crédits votés ont diminué les crédits du titre III du ministère de la défense de 31,6 % (soit 8,32 milliards d'euros).

Le tableau suivant décrit l'effet des mesures législatives et réglementaires prises en cours d'exécution sur les dépenses ordinaires militaires.

Mesures relatives aux dépenses ordinaires en cours d'exécution

 

(en milliers d'euros)

Loi de finances initiale : crédits votés

26.320

Loi de finances rectificative et décrets d'avance et d'annulation

412

Sous-total

26.732

Report de gestion 2002

317

Fonds de concours

410

Transferts et répartition

- 8.879

Reports à la gestion 2004

- 170

Total des crédits disponibles avant la loi de règlement

18.410

Une ouverture de crédits complémentaires de 13,865 millions d'euros a été demandée en loi de règlement pour 2003, soit une diminution de 12,23 % par rapport à 2002. Un seul chapitre serait abondé : le chapitre 37-91 « Frais de contentieux-Règlements des dommages et accidents du travail ».

Notons que le chapitre 33-90 « Cotisations sociales-Part de l'Etat » ne fait pas l'objet, comme en 2002, d'une demande de crédits supplémentaires. Un report de charges de 59 millions d'euros sur les versements dus à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) est toutefois prévu, au titre des affiliations rétroactives des militaires radiés des cadres avant 15 ans de service. Le versement a été différé sur la gestion 2004.

Les dépassements en matière de dépenses ordinaires militaires , après avoir fortement augmenté de 1999 à 2001, diminuent régulièrement , comme le montre le graphique suivant.

Les annulations de crédits sur le titre III du budget du ministère de la défense, prévues par le présent article, s'élèvent à 67,825 millions d'euros , soit une diminution de moitié par rapport à 2002.

Le tableau ci-après montre qu'après une augmentation régulière de 2000 à 2002, les annulations de crédits non consommés en matière de dépenses ordinaires militaires sont en nette régression .

b) Les dépenses en capital

Conformément aux engagements pris dans le cadre de la loi de programmation militaire 2003-2008, le montant total des crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2003, au titre des dépenses militaires en capital, s'élevait à 13,643 milliards d'euros , soit une augmentation de 11 % par rapport à 2002.

Les crédits disponibles se sont élevés à 11,81 milliards d'euros , soit 86 % de la dotation prévue en loi de finances initiale. Ceci témoigne de la priorité politique accordée au ministère de la défense.

Dans la mesure où les annulations de crédits (400 millions d'euros) ont été inférieures aux ouvertures de crédits complémentaires en collectif (499 millions d'euros), ce sont les transferts du titre V vers le titre III qui expliquent que les crédits disponibles soient inférieurs aux crédits votés.

Le tableau suivant décrit les effets des mesures législatives et réglementaires prises en cours d'exécution sur les dépenses militaires en capital.

Mesures sur les dépenses en capital en cours d'exécution

 

(en milliers d'euros)

Loi de finances initiale : crédits votés

13.643

Loi de finances rectificative et décrets d'avance et d'annulation

99

Sous-total

13.742

Report de gestion 2002

795

Fonds de concours

232

Transferts et répartition

- 1.438

Reports à la gestion 2004

- 1.515

Total des crédits disponibles avant la loi de règlement

11.818

Il convient de remarquer que le report de charges de 2003 sur 2004, c'est-à-dire les impayés , s'élève, selon le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2003, à 2.120 millions d'euros , soit le double du niveau atteint en 2002. L'exercice 2004 sera donc très contraint. Le ministère de la défense a demandé à bénéficier de l'ensemble de ses reports et de l'intégralité de la ressource ouverte en loi de finances initiale 2004.

2. Le premier semestre 2004

a) Les dépenses ordinaires et en capital

Les premiers chiffres de l'exécution 2004 témoignent, d'abord, de la poursuite de la tendance déjà constatée en 2003 d'une bonne consommation des crédits.

Les montants disponibles au titre III au 31 juillet n'atteignent que 5,87 milliards d'euros sur 17,514 milliards d'euros de crédits prévus par la loi de finance initiale. Les crédits disponibles sont de 33,5 % au 1 er juillet 2004, contre 11,11 % au 1 er juillet 2003.

Le tableau ci-dessus relatif aux dépenses en capital, permet de constater que, si le ministère de la défense a souffert d'une annulation de crédits mesurée (4 millions d'euros) sur le chapitre 53-71 « équipements communs, interarmées et de la gendarmerie », il n'a pas subi de mise en réserve en 2004 (alors que 900 millions d'euros avaient été mise en réserve en 2003).

b) Le financement des OPEX en 2004

En revanche, une demande a été présentée au ministère de l'économie et des finances en vue d'obtenir des crédits supplémentaires pour le financement des OPEX sous forme de décret d'avance.

Le décret n° 2004-1146 du 28 octobre 2004 portant ouverture de crédits à titre d'avance prévoit ainsi l'ouverture de 692,20 millions d'euros pour permettre de financer notamment les OPEX, à hauteur de 550 millions d'euros 7 ( * ) . Parallèlement, le décret n° 2004-1147 du 28 octobre 2004 annulation de crédits, réduit les crédits du titre V et du titre VI du ministère de la défense à hauteur de 692,20 millions d'euros.

Les tableaux suivants présentent le détail des opérations prévues par ces crédits.

Enfin, en loi de finances rectificative 550 millions d'euros devraient être ouverts afin de permettre le financement des OPEX, et des mesures supplémentaires d'ouverture de crédits pourraient être annoncées.

* 1 Loi n° 2003-73 du 27 janvier 2003 relative à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008.

* 2 La différence vient de la comptabilisation des emplois des comptes de commerce et du personnel mis à disposition de DCN. Le chiffre de 436.910 postes correspond à l'effectif budgétaire du ministère de la défense stricto-sensus.

* 3 Les crédits inscrits aux articles 55-11-51 à 55-11-55 d'un montant de 216,17 millions d'euros devraient permettre l'acquisition en 2004 de 42.000 gilets à port discret, 1.200 appareils chrono tachygraphes, divers matériels de transmission, ainsi que des véhicules : 158 véhicules de liaison, 1.615 véhicules de brigade, 325 véhicules banalisés destinés à des unités spécialisées, 120 motocyclettes pour la garde républicaine.

* 4 Selon que l'on prend en compte la totalité du coût des plans sociaux ou seulement une partie.

* 5 Notons que la Cour des comptes transmettra cette année un rapport sur la DCN à votre commission des finances, selon les modalités prévues par l'article 58-2° de la LOLF.

* 6 Il s'agit, en fait, de la somme des autorisations de programme ouvertes par le projet de loi de finances pour 2005 et du reliquat des autorisations de programme des années précédentes que le ministère de la défense peut allouer au financement de ces frégates.

* 7 Les autres crédits ouverts financent des mesures de RCS (à hauteur de 85 millions d'euros), ainsi que le surcoût des carburants en 2004, etc.