M. Yves FREVILLE

II. LE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE ET LA RÉFORME DE L'ÉTAT

Le ministère de la défense est à « l'avant-garde » dans la réforme de l'Etat. Après avoir absorbé les révolutions culturelle et fonctionnelle de la professionnalisation des armées, le voilà à nouveau face au changement avec la mise en oeuvre de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

Ainsi, à peine les armées ont-elles retrouvé leur statut budgétaire régalien, qu'elles doivent s'adapter aux exigences de la loi organique. Celle-ci, en plaçant les questions de performance et de responsabilité au cours de l'action de l'Etat, entre nécessairement en interférence avec la répartition des pouvoirs dans la hiérarchie militaire et entre celle-ci et les grandes directions transversales que sont la DGA 8 ( * ) et le SGA 9 ( * ) . Il doit cependant être clair que la LOLF n'est qu'un moyen au service de la réforme des modalités d'organisation et de fonctionnement des forces armées que conduit le ministre. A cet égard, la définition des programmes arrêtés dans le cadre de la mission « défense » pose un certain nombre de problèmes en cours de résolution.

A. LA MISE EN oeUVRE DE LA LOI ORGANIQUE DU 1ER AOÛT 2001 RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES

Compte tenu de l'importance des enjeux quantitatifs et de pouvoirs, il n'est pas étonnant que l'élaboration de la nouvelle architecture budgétaire n'ait pas été facile et que différentes versions aient été proposées, l'une dite « blanche » à caractère transversal, et l'autre dite « bleue » à caractère plus organique, les deux couleurs faisant référence à celles des documents budgétaires, sachant que, jusqu'au début des années 90, il avait existé, à côté des « bleus » traditionnels, des fascicules blancs, regroupant les crédits sur une base fonctionnelle dans le cadre de budgets de programmes.

Actuellement, le budget de la défense comporte 42 chapitres sur les quelque 850 du budget général. La réforme aboutira à structurer les crédits de la défense en un nombre relativement limité de programmes.

1. Présentation des quatre missions

Les programmes du ministère de la défense relèvent de deux missions ministérielles , la mission « défense » et la mission « mémoire et liens avec la nation » et de deux missions interministérielles , la mission « sécurité » et la mission « recherche et enseignement supérieur ».

a) La mission défense

La mission « défense » est une mission ministérielle composée de quatre programmes et regroupe 77,7 % des crédits du budget de la défense et des anciens combattants , et traduit les grands axes de la politique générale de défense :

- donner à la France la capacité de projeter dans des délais très courts, partout dans le monde où la situation l'exigerait, une force significative pour que ses intérêts et ses objectifs soient pris en considération dans la gestion de la crise et dans tous les aspects de son règlement définitif ;

- conforter le rôle de la France en Europe et dans le monde ;

- protéger les intérêts vitaux de la France et assurer le respect de ses engagements internationaux.

b) Mission « mémoire et liens avec la nation »

La mission « mémoire et liens avec la nation » est une mission ministérielle composée de deux programmes :

- le programme « liens entre la nation et son armée » ;

- et le programme « mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ».

Cette mission regroupe 8,2 % des crédits du budget de la défense et des anciens combattants, dont le budget consacré aux anciens combattants, le budget communication du ministère de la défense et les moyens dédiés à la Journée d'appel de préparation à la défense (JAPD) :

- le budget des anciens combattants, qui, jusqu'en 2005, est identifié dans une section budgétaire spécifique, fera l'objet en 2006 d'un programme particulier ;

- l'ensemble des actions visant à resserrer les liens entre les armées et la nation ainsi qu'à faire connaître aux Français le rôle et les missions des armées fait l'objet d'un programme.

• Le programme « Liens entre la nation et son armée » comprend les actions :

- action 1 : journées d'appel de préparation à la défense ;

- action 2 : politique de mémoire ;

- action 3 : promotion et valorisation du patrimoine culturel ;

- action 4 : communication.

Ce programme compte 0,2 milliard d'euros et vise à promouvoir l'esprit de défense. Il rassemble les moyens mis en oeuvre pour toucher un vaste public : les jeunes Français, notamment à travers l'organisation de la Journée d'appel de préparation à la défense (JAPD), mais aussi les chercheurs et universitaires (en histoire, en sciences humaines...), le public des musées, des lieux de mémoire et des diverses manifestations, ainsi que l'ensemble de la population française à travers la politique de communication du ministère.

c) La mission « sécurité »

La mission « sécurité » est une mission interministérielle composée de deux programmes :

- le programme police nationale ;

- et le programme gendarmerie nationale.

Elle tend à répondre aux préoccupations des citoyens en matière de sécurité.

Le programme « police nationale » sera piloté par le ministère de l'intérieur et le programme « gendarmerie nationale » par le ministère de la défense.

Le regroupement des deux grandes forces de sécurité au sein d'une mission permet de favoriser la coordination des services.

Le programme « gendarmerie nationale » regroupe 13,7 % des crédits du budget de la défense et des anciens combattants .

Il comprend les actions suivantes :

- action 1 : ordre et sécurité publics ;

- action 2 : renforcement de la sécurité routière ;

- action 3 : contribution à la justice ;

- action 4 : recrutement, formation, commandement, logistique ;

- action 5 : exercice des missions militaires.

d) La mission « recherche et enseignement supérieur »

La mission « Recherche et enseignement supérieur » est une mission interministérielle composée de treize programmes, dont celui consacré à la recherche duale.

Le programme « recherche duale » (civile et militaire) héberge les activités de recherche duale - intéressant tant la communauté civile que celle de défense - concourant à la préparation de l'avenir et à la base industrielle et technologique de défense et financée au titre de la contribution de la défense au Budget civil de recherche et de développement technologique (BCRD). Il est composé de quatre actions conduites par la DGA définies en concertation avec le ministère de la recherche :

- action 1 : recherche duale en science du vivant ;

- action 2 : recherche duale en sciences et techniques de l'information et de la communication ;

- action 3 : recherche duale dans le domaine aérospatial ;

- action 4 : recherche et développements technologiques duaux.

Ce programme pose la reconnaissance du rôle du ministère de la défense dans la recherche technologique.

Le ministère de la défense doit devenir un acteur public majeur de la Recherche et développement (R&D) en France. Son effort comporte une dimension duale, au sens où les travaux de recherche menés pour la défense sont susceptibles de déboucher, directement ou indirectement, sur des applications civiles. A titre d'illustration, les matériaux énergétiques développés pour les lanceurs de missiles stratégiques sont utilisés pour des lanceurs commerciaux (Ariane). De même, les avions de ligne commerciaux emploient des techniques mises au point pour les avions de combat comme par exemple, les commandes électriques. Il faut cependant reconnaître que la participation du ministère de la défense au BCRD est souvent considérée comme une subvention à la recherche civile peu justifiée, et dont l'emploi est mal contrôlé. D'importants progrès seront nécessaires en ce domaine.

Le découpage en quatre missions d'importance inégale est dans l'ensemble satisfaisant. Votre rapporteur spécial estime que la constitution d'une mission unique « défense » était indispensable.

Il se félicite que les crédits alloués à la police nationale du budget du ministère de l'intérieur et les crédits alloués à la gendarmerie nationale du ministère de la défense aient été regroupés au sein de la mission interministérielle « sécurité ». Il examinera, dès que la présentation du budget de la défense « en format LOLF » lui aura été transmise, la délimitation des missions. Il conviendra ainsi de savoir si les crédits d'équipement de la gendarmerie sont restés ou non au sein de la mission défense.

2. Les programmes de la mission défense

• L'objectif principal des six actions du programme « environnement et prospective de la politique de défense » est d'éclairer le ministère pour lui permettre d'élaborer et de conduire la politique de défense.

Les actions du programme 1 « environnement et prospective de la politique de défense » sont les suivantes :

- action 1 : analyse stratégique ;

- action 2 : prospective des systèmes de forces ;

- action 3 : recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France ;

- action 4 : maintien des capacités technologiques et industrielles ;

- action 5 : soutien aux exportations d'armement ;

- action 6 : diplomatie de défense.

Ce programme (1,6 milliard d'euros) tend à analyser l'évolution du contexte stratégique.

Il fédère l'ensemble des actions contribuant à éclairer le ministère sur son environnement présent et futur, dans le but d'élaborer et de conduire la politique de défense de la France. Ce programme regroupe toutes les entités du ministère ayant plus spécifiquement vocation à élaborer la prospective en matière de stratégie générale militaire, de systèmes de forces ainsi que de capacités industrielles et technologiques, à en assurer la cohérence et, enfin, à maintenir la base industrielle et technologique de défense.

Résultant de l'analyse de l'évolution du contexte stratégique, des menaces et des risques pouvant affecter la sécurité de la France, les actions de ce programme visent à a recherche du renseignement de défense à l'extérieur et à l'intérieur du territoire, à la préparation des systèmes de forces et des besoins futurs en équipements ainsi que les études qui s'y sont associées, à renforcer à base industrielle et technique de défense et à soutenir les exportations d'armement.

Votre rapporteur spécial se demande si ce programme est réellement cohérent tant il semble assembler des directions différentes dont les missions sont éloignées les unes des autres. Les contours de ce programme lui semblent bien imprécis : où commence-t-il, où s'arrête-t-il ?

• Le programme 2 « préparation et emploi des forces » constitue la finalité ultime du ministère, la préparation, le maintien en condition et l'emploi des forces armées , en renforçant la cohérence opérationnelle des armées dans une perspective interarmées et interalliés. Il est composé des actions suivantes :

- action 1 : planification des moyens et conduite des opérations ;

- action 2 : préparation des forces terrestres ;

- action 3 : préparation des forces navales ;

- action 4 : préparation des forces aériennes ;

- action 5 : soutien interarmées ;

- action 6 : surcoûts liés aux opérations extérieures ;

- action 7 : surcoûts liés aux opérations intérieures.

Ce programme vise à renforcer la cohérence opérationnelle des armées.

Dans le cadre de la mise en oeuvre de la politique de défense, le programme « Préparation et emploi des forces » ( 21,2 milliards d'euros ) est placé sous l'autorité du chef d'état-major des armées, responsable des opérations militaires, ce programme associe les trois armées et les servi ces interarmées. Il regroupe ainsi l'ensemble des ressources nécessaires à la préparation, au maintien en condition et à la mise en oeuvre des armées. Ce regroupement permet de renforcer la cohérence opérationnelle des armées dans une perspective interarmées et interalliée. La cohérence organique propre à chaque armée reste identifiée au niveau des actions du programme. Les objectifs majeurs définis pour ce programme sont liés à la réalisation des contrats opérationnels fixés par le Président de la République, chef des armées, au chef d'état-major des armées. Ceux-ci recouvrent trois grands domaines : la dissuasion nucléaire, la capacité d'action extérieure et la posture de sauvegarde qui recouvre la prévention et la protection contre les atteintes à la sécurité.

• Le programme « équipement des forces » a pour objectif principal la satisfaction des besoins en équipements permettant aux armées de remplir les missions qui leur sont ordonnées.

Il est composé des actions suivantes :

- action 1 : équipement de la composante interarmées ;

- action 2 : équipement des forces terrestres ;

- action 3 : équipement des forces navales ;

- action 4 : équipement des forces aériennes ;

- action 5 : préparation et conduite des opérations d'armement.

Ce programme tend à moderniser l'équipement des armées. Fort de 10 milliards d'euros, il vise à mettre à la disposition des armées les équipements leur permettant de remplir les missions qui leur sont ordonnées. Les finalités de ce programme recouvrent, pour chacune des armées, la réalisation du plan d'équipement prévu en programmation et, pour la délégation générale pour l'armement, la maîtrise d'ouvrage des opérations d'armement lui incombant.

Il convient de remarquer que ce programme ne correspondra pas totalement à l'actuel titre V du budget de la défense.

En effet, 3 milliards d'euros du titre V, tel que prévu par l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, seront désormais affectés au titre III de la LOLF « dépenses de fonctionnement » :

- les dépenses de maintien en condition opérationnelle des matériels et équipements ;

- les dépenses d'acquisition des munitions courantes ;

- et les dépenses dites d'études d'armement, non liées immédiatement à la réalisation d'un équipement déterminé.

• Le programme 4 « Soutien de la politique de défense » est composé de 6 actions et a pour objectif principal de mettre en oeuvre au plan administratif les actions de soutien des armées découlant ou non de besoins opérationnels. Il s'agit d'un programme « support » qui regroupe :

- action 1 : direction et pilotage ;

- action 2 : fonction de contrôle ;

- action 3 : gestion centrale ;

- action 4 : politique immobilière ;

- action 5 : systèmes d'information d'administration et de gestion ;

- action 6 : action sociale.

Ce programme totalise 2,8 milliards d'euros. En tant que programme « support » du ministère de la défense, il regroupe les grandes fonctions transverses : cabinet du ministère, contrôle général des armées, secrétariat général pour l'administration (direction des affaires financières, direction de la fonction militaire et du personnel civil, action sociale, direction des affaires juridiques). Par ailleurs, il regroupe, en cohérence avec la stratégie ministérielle de réforme, la totalité des services constructeurs, les crédits d'infrastructure et les crédits relatifs à l'informatique de gestion. Le secrétaire général pour l'administration, responsable de ce programme, se voit renforcer dans son rôle de soutien central.

Ce programme doit permettre d'assurer avec plus d'efficacité et au moindre coût les fonctions indispensables au soutien des forces armées et, plus généralement, aux missions dévolues au ministère de la défense.

3. La ventilation des crédits de la défense selon la LOLF

Les graphiques suivants présentent la répartition des crédits tels que prévus actuellement par l'ordonnance organique de 1959, et leur nouvelle affectation selon la nomenclature prévue par la LOLF.

B. LES EXPÉRIMENTATIONS MISES EN oeUVRE AU TITRE DE LA LOLF

Dans le cadre des travaux préparatoires à l'entrée en vigueur de la LOLF, le ministère de la défense a conduit dès 2004 des expérimentations de budget global au sein des armées et de la délégation générale pour l'armement.

Les expérimentations 2004

Les cinq formations retenues en 2004 pour expérimenter le budget global regroupant des crédits de rémunération, d'alimentation, de fonctionnement et d'investissement sont :

- Armée de l'air : base aérienne 116 de Luxeuil ;

- Armée de terre : 1/11 ème régiment de cuirassiers de Carpiagne ;

- Marine : centre d'instruction naval de Saint-Mandrier ;

- Gendarmerie : école de gendarmerie de Montluçon ;

- Délégation générale pour l'armement : établissement technique de Bourges.

Outre la poursuite des expérimentations entamées en 2004, le ministère de la défense souhaite entrer plus avant dans la préparation à la mise en oeuvre de la LOLF en préfigurant dès 2005 certains mécanismes qui entreront en vigueur en 2006 :

- en ce qui concerne les budgets opérationnels : la globalisation des crédits de deux services interarmées, le service de santé des armées et le service des essences des armées, et d'une direction du secrétariat général pour l'administration (la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale) pourrait préfigurer les futurs budgets opérationnels identifiés au sein des programmes. De même, la direction générale de la gendarmerie nationale propose une expérimentation plus large que celle de 2004, portant sur une légion de gendarmerie départementale . Celle-ci, centre de responsabilité budgétaire, dispose en effet des compétences et de la « taille critique » nécessaire à la mise en oeuvre réaliste de la fongibilité asymétrique avec des marges de manoeuvre significatives autorisant un réel pilotage ;

- pour la budgétisation de la totalité des dépenses en autorisations d'engagement pluriannuelles et en crédits de paiement : ce nouveau mode de programmation des dépenses institué par la LOLF sera expérimenté par un centre d'essai de la DGA, l'ETBS de Bourges ;

- enfin, en ce qui concerne la comptabilité et analyse du coût des actions prévus par la LOLF : l'armée de terre prévoit de poursuivre l'expérimentation au 1/11 ème régiment de cuirassiers , en la réorientant vers un objectif plus directement opératoire . Le projet 2005 repose sur l'approfondissement de l'expérimentation par la détermination du coût complet du 1/11 ème régiment de cuirassier. Le niveau régimentaire (structure pérenne en organisation LOLF) apparaît en effet pertinent . L'accent sera donc mis sur la mesure de la performance au sein du corps de troupe à travers l'introduction d'éléments de comptabilité générale, avec pour support un budget globalisé placé sous la responsabilité du chef de corps.

Les expérimentations menées en 2005 sont présentées dans l'encadré suivant :

Les expérimentations 2005

Les six expérimentations de budgets opérationnels retenues en 2005 concernent :

- le Service de santé des armées (SSA) ;

- le Service des essences des armées (SEA) ;

- la Légion de gendarmerie départementale de Franche Comté ;

- la Direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale (SGA/DSPRS) ;

- La direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (SGA/DMPA) ;

- Délégation générale pour l'armement : l'établissement technique de Bourges.

C. LE POINT SUR LA PROCÉDURE EN COURS DE MISE EN oeUVRE DE LA LOLF

Le ministère a commencé à procéder à la répartition des programmes en budgets opérationnels et à la définition des relations entre responsables de programmes et opérateurs chargés de les mettre en oeuvre.

Parallèlement, le travail d'élaboration et de validation des objectifs et des indicateurs associés a grandement avancé , mais l'avant-projet de performance annuel n'a pas été communiqué à votre rapporteur spécial à ce jour, ce qui ne lui permet pas de se prononcer sur ces points à ce jour.

Le principe de responsabilité budgétaire est inscrit au coeur de la nouvelle loi organique. Sa mise en oeuvre ne va pas sans soulever des difficultés, car elle doit être rendue compatible avec l'organisation des responsabilités militaires et du commandement au sein des armées. Deux problèmes majeurs se posent nécessairement dans la définition des actions, la délimitation des budgets opérationnels de programme et la détermination des « gouverneurs de crédits ».

Le premier concerne, au sein du programme 2, la compétence respective du CEMA et des trois chefs d'état-major des armées aujourd'hui responsables des forces organiques. Il semble que sur ce point une organisation satisfaisante soit définie ; le chef d'état-major des armées sera responsable du programme 2, ce qui lui donnera une capacité d'arbitrage entre les armées (et étendra ses compétences aujourd'hui limitées à l'emploi opérationnel des forces), mais que chaque chef d'état-major sera pleinement responsable d'un budget opérationnel de programme (BOP) dans le cadre des actions 2, 3 et 4.

Le second concerne le partage des responsabilités ou, mieux, la collaboration entre les chefs d'état-major et les deux grands directeurs que sont le SGA et le DGA . Le guide d'audit initial des programmes pose une question essentielle, au-delà de sa rédaction abstraite : « le responsable 10 ( * ) désigné par le ministre pour le pilotage de la mise en oeuvre du programme est-il identifié ? » . La réponse fournie par le ministère de la défense est originale dans la mesure où un programme doit être piloté par un « binôme », il s'agit du programme « équipement des forces », qui doit être codirigé par le chef d'état-major des armées (CEMA) et le délégué général de l'armement (DGA).

Certains constatent avec un étonnement que soit ainsi battu en brèche le principe d'unicité de commandement ; mais votre rapporteur spécial estime que c'est la seule solution viable. Il serait inconcevable que le CEMA ne soit pas partie prenante au processus de budgétisation des programmes d'équipement et, inversement, qu'il soit seul à en décider, indépendamment du DGA, le ministre conservant évidemment sa capacité d'arbitrage. Toute autre solution aboutirait à faire renaître sous une forme modernisée la querelle de la plume et de l'épée . Restera à définir les responsables des BOP du programme 2 : seront-ils les chefs d'état-major des trois armées ou dépendront-ils du chef d'état-major des armées ? La seconde solution risquerait de recréer, au sein de l'état-major des armées, des doublons des états-majors des trois armes ; la première risque de nuire à l'unité du commandement.

En ce qui concerne le programme 4, le principe de l'unité de responsabilité a été conservé puisque le secrétaire général pour l'administration est le seul responsable de ce programme. Le problème posé sera de savoir jusqu'où on doit aller dans l'uniformisation des fonctions supports (à titre d'exemple, il y a peu de points communs entre l'aménagement de l'Ile Longue pour lui permettre d'accueillir les SNLE munis de têtes M51 et ceux des casernements).

Un autre aspect spécifique au ministère de la défense du point de vue la mise en oeuvre du principe de responsabilité, est l'importance du facteur international . La mutualisation des moyens au sein de l'Union européenne et, dans une certaine mesure, de l'organisation du traité de l'Atlantique Nord, d'une part, le nombre et l'importance des programmes d'armement en coopération, d'autre part, conduisent à mettre en question la pertinence de l'efficacité d'une évaluation nationale des performances .

Il y a là matière à partage des responsabilités qui ne facilite pas l'évaluation des résultats : « à qui la faute » en cas d'échec ou simplement de retard dans la réalisation d'un programme de coopération d'armement ?

* 8 DGS : Délégation générale pour l'armement.

* 9 SGA : Secrétariat général pour l'administration.

* 10 On définira le responsable du programme comme celui qui s'engage sur les objectifs du programme, qui en rend compte au ministre et qui dispose de la liberté d'affectation des moyens donnés par la fongibilité, assumant ainsi la fonction de gouverneur des crédits.