M. Michel Charasse

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LA MISSION

OBSERVATIONS SUR LE PROGRAMME 110
« AIDE ECONOMIQUE ET FINANCIERE AU DEVELOPPEMENT »

- Les objectifs et indicateurs sont dans l'ensemble bien conçus, et la réduction du nombre de ces derniers est opportune, hormis la suppression de l'indicateur de mobilisation de ressources extérieures par l'ADETEF. Certaines cibles, atteintes deux à trois ans avant l'échance, semblent cependant manquer de pertinence ou trop modestes. La logique de performance de la LOLF ne peut exercer d'effets bénéfiques sur la gestion et l'efficacité des crédits publics que si les cibles sont suffisamment ambitieuses.

- Le PAP est insuffisamment précis sur les conditions de remboursement après 2007 de la Facilité financière pour la vaccination (IFFIm), pour laquelle est demandée l'ouverture de 920 millions d'euros d'AE. On peut également se demander si le prélèvement sur le produit de la taxe sur les billets d'avion, plafonné à 10 % (soit une estimation de 20 millions d'euros en 2007), suffira réellement à financer en 2007 la première annuité de la première émission obligataire, dont la quote-part pour la France est évaluée à 373 millions d'euros sur 14 ans.

- Les hypothèses d'AE et de CP afférentes à l'aide-projet de l'AFD, qui fondent l'estimation de la rémunération de l'Agence financée sur le programme 110, diffèrent de celles du programme 209 , sans que les explications fournies aient été suffisamment éclairantes.

- Les dépenses d'intervention de l'action 1 relatives au Fonds « sarcophage » de Tchernobyl (4,5 millions d'euros de CP), au Northern dimension environmental partnership (3,6 millions d'euros) et au Compte pour la sûreté nucléaire (20 millions d'euros d'AE) ont trait à la dépollution et à la sécurité nucléaires en Russie, ce qui ne constitue pas à proprement parler de l'APD . Il en est de même pour les 200.000 euros imputés sur l'action 2 au profit du volet bilatéral du partenariat mondial du G8 contre la prolifération.

- Le FASEP-études profite peu aux pays les moins avancés, et tend à être un instrument à mi-chemin entre l'APD et le soutien au commerce extérieur .

- L'accroissement du volume d'activité de l'AFD repose en grande partie sur des prêts octroyés hors de la ZSP , et se traduit par une diminution de la part de son activité en Afrique subsaharienne. Cette tendance centripète est accentuée par la décision du CICID autorisant l'Agence à intervenir dans certains pays émergents. Votre rapporteur spécial craint que cette diversification géographique et sectorielle, certes facteur de rentabilité, ne soit à terme pas cohérente avec le positionnement de l'AFD comme pivot de l'APD française. Les liens financiers, comptables et organisationnels entre Proparco et sa maison-mère doivent également être clarifiées.

- L'influence de la France sur les orientations géographiques et sectorielles des institutions multilatérales, que l'objectif 1 entend accroître, demeure desservie par la sous-représentation de nos ressortissants dans les échelons décisionnels des institutions financières multilatérales, en particulier à la Banque mondiale et à la Banque interaméricaine de développement.

- La couverture des 70 millions d'euros d'AE ouvertes pour la reconstitution quadriennale du Fonds français pour l'environnement mondial , rendue nécessaire par l'accélération des décaissements, ne paraît pas assurée par les 5 millions d'euros de CP.

OBSERVATIONS SUR LE PROGRAMME 209
« SOLIDARITE A L'EGARD DES PAYS EN DEVELOPPEMENT »

- Les outils de pilotage et de coordination de la mission « Aide publique au développement » ont été modernisés et étoffés. L'objectif d'une APD à 0,5 % du RNB en 2007 (hors UNITAID et IFFIm) devrait également être atteint.

- On peut contester l'inscription dans ce programme des actions de promotion de la culture française et de la francophonie , qui ne constituent pas réellement de l'APD. Les crédits correspondants auraient sans doute davantage vocation à rejoindre le programme 185 « Rayonnement culturel et scientifique ».

- La présentation du programme, et en particulier la justification au premier euro, a progressé. Les indicateurs sont bien renseignés et leur nombre a été opportunément réduit. Comme pour le programme 110, certaines cibles paraissent toutefois mal calibrées et atteintes trop tôt. Le contenu disparate comme l'intitulé polyvalent de l'action 4 « Aide en faveur du développement et lutte contre la pauvreté et les inégalités » manifestent toutefois un défaut d'architecture.

- Les dons privés aux ONG humanitaires devraient être comptabilisés dans la dépense fiscale affectée à la mission APD.

- La réduction des effectifs est moindre qu'il y paraît, puisque la diminution de 148 ETPT inclut le transfert de 129 assistants techniques à l'AFD. La dotation en crédits de titre 2 paraît plus sincère que dans le PLF pour 2006 , les coûts paramétriques de l'assistance technique ayant été affinés et sensiblement réévalués (de 20 %). La revalorisation de 32 % des indemnités de changement de résidence paraît toutefois excessive.

- Un mouvement de réforme bienvenu concerne plusieurs opérateurs concourant à l'APD. Outre les fusions de l'ADPF et de l'AFAA ou d'EGIDE et d'Edufrance, les conventions d'objectifs et de moyens doivent permettre d'améliorer la prévisibilité des subventions et le pilotage des opérateurs, en cohérence avec les priorités de l'Etat. Des objectifs chiffrés et relativement ambitieux ont également été assignés à l'AFVP, dont la gestion est en voie d'amélioration et dont le coût pour l'Etat est en diminution tendancielle. Néanmoins , la stabilité de la subvention accordée à CulturesFrance ne tient pas compte des économies de gestion que l'on peut légitimement escompter de la fusion. Votre rapporteur spécial vous propose donc un amendement de réduction de 200.000 euros de cette subvention.

- La DGCID accomplit un effort réel en matière d'évaluation externe des thèmes, projets et pays de mise en oeuvre de l'APD, comme de l'action des ONG subventionnées.

- L'assistance technique connaît des mutations structurantes depuis une dizaine d'années, accentuées par le nouveau mode de gestion des ETI par l'AFD et FCI, et l'inévitable diminution de ses effectifs a aujourd'hui atteint un seuil critique. L'action gouvernementale est encore trop compartimentée dans ce domaine , la multiplication des structures dédiées dans les différents ministères étant facteur d'illisibilité, de coûts et de perte de compétitivité dans la conquête des marchés auprès des institutions multilatérales. Les moyens de FCI se sont révélés sous-dimensionnés et son positionnement ambigu 1 ( * ) ; sa situation est en voie de clarification mais il ne constitue pas encore l'opérateur transversal qu'il a vocation à être. Si la perspective d'un opérateur unique paraît lointaine et incertaine, la fusion des trois opérateurs FVI, ESTHER et Santé doit être envisagée.

- L'aide multilatérale représente toujours une part importante du programme avec 55 % des CP (hors bourses à l'Association universitaire de la francophonie). Ce canal permet de respecter plus aisément les objectifs d'augmentation de l'APD, compte tenu de ses moindres contraintes techniques.

Les crédits de paiement affectés à l'aide-projet bilatérale augmentent de 4 %, mais la diminution de 20 % des engagements pourrait rendre plus difficile, à moyen terme, le respect de l'objectif d'une APD à 0,7 % du RNB en 2012 , compte tenu de la future diminution des allègements de dette, qui constituent aujourd'hui la variable d'ajustement positive de l'effort français d'APD.

- Le financement et le suivi des ONG ont été améliorés et tiennent compte des recommandations formulées par votre commission et la Cour des comptes : création de la MAIIONG, audit du FONJEP, expérience de déconcentration, renforcement du dialogue, reversements des trop-perçus, réduction des délais d'instruction et de paiement, insertion d'un indicateur de performance dédié (mais dont l'ambition paraît modeste).

Cette action devrait cependant être poursuivie par l'établissement de conventions avec les principales ONG financées, la mise en place d'une « notation » annuelle qui serait adressée aux SCAC, et l'incitation au regroupement des associations , compte tenu du grand nombre d'ONG financées (près de 200 en 2005-2006, hors FONJEP).

- L'appui à la coopération décentralisée paraît insuffisamment structuré , si l'on considère la « collection » de priorités géographiques et thématiques de la DGCID. La Commission nationale pour la coopération décentralisée a finalement été réunie le 3 octobre 2006 après plus de trois ans d'inactivité.

- Le dispositif du C2D doit faire l'objet d'un premier bilan . L'ingénierie financière est complexe mais permet de sécuriser les fonds, et les décaissements se révèlent plus lents que prévus. L'impact en termes de développement est inégal et l'appropriation par les autorités locales et la société civile insuffisante. Le canal de l'aide budgétaire non affectée améliore les décaissements mais contrevient au principe même des points d'affectation du C2D et rend difficile toute évaluation. Les C2D permettent également, dans certains pays, de « masquer » la diminution des instruments plus traditionnels de l'aide et de l'assistance technique dans les pays de la ZSP.

En outre, le financement des C2D en 2007 repose essentiellement sur des crédits non budgétaires et met fortement à contribution l'AFD , dont le résultat de 2006 serait intégralement prélevé, au titre des programmes 110 et 109, ce qui positionne cette agence non seulement comme opérateur-pivot, mais également comme « vache à lait ».

- Le FED continue d'améliorer ses décaissements (même si les restes à liquider demeurent importants), notamment en recourant à l'aide budgétaire. Les négociations sur le X e FED, dont les paiements ne devraient pas débuter avant 2010, ont permis à la France d'abaisser sa clef de contribution de 24,3 % à 19,55 % , tout en demeurant le premier Etat membre « sur-contributeur » par rapport à la contribution au budget communautaire. Votre rapporteur spécial regrette que les perspectives d'une budgétisation du FED soient abandonnées, et considère que l'efficacité des nouvelles procédures de décision doit être relativisée , le formalisme antérieur ayant tendance à se « déconcentrer » auprès des représentations locales, ainsi que plusieurs chefs de délégation le lui ont expliqué lors de ses contrôles budgétaires sur place.

- Le Fonds d'urgence humanitaire connaît une situation financière tendue et peine à faire face aux besoins croissants des nombreux pays en crise ou affectés par des catastrophes naturelles. L'urgence des situations doit aussi se traduire dans la diligence des paiements.

* 1 Cf. rapport d'information de votre rapporteur spécial n° 346 (2005-2006) « Opérations de contrôle budgétaire effectuées dans le Pacifique, les Grandes Antilles et auprès du GIP France Coopération Internationale ».