M. Michel Charasse

II. LES PROGRÈS INÉGAUX DE LA NOUVELLE NOMENCLATURE

La nouvelle « nomenclature LOLF » appliquée à l'APD française introduit des progrès réels résultant de la « philosophie » même de cette réforme : meilleure identification des objectifs de l'aide, justification plus précise des crédits demandés, logique de performance, création d'une mission dédiée à l'APD, meilleure lisibilité des processus d'annulation de dettes. Les avancées sont en revanche plus limitées sur les terrains de la lisibilité des actions ministérielles et de la concordance entre la structure budgétaire et la comptabilisation selon les normes de l'OCDE.

L'amélioration de la cohérence entre les normes de comptabilisation de l'OCDE, qui fondent les objectifs français de relèvement de l'APD, et la comptabilisation budgétaire connaît certes des limites . Un volume important de dépenses ne peut ainsi être constaté qu' ex post (cf. supra ), et l'impact budgétaire des annulations de dette est beaucoup plus réduit que le montant pris en compte au titre de l'APD, compte tenu, notamment, du poids des annulations imputées sur le résultat de la Coface. L'effort d'APD des collectivités territoriales n'a en outre pas d'incidence budgétaire, et une part importante de l'APD ressortit à la quote-part du prélèvement sur recettes effectué au profit du budget de l'Union européenne.

Le document de politique transversale (DPT) « Politique française en faveur du développement » illustre cependant le maintien de l'éparpillement des crédits d'APD , puisque pas moins de quatorze programmes budgétaires concourent de manière significative à cette politique 3 ( * ) , dont les deux programmes constitutifs de la mission interministérielle « Aide publique au développement », ainsi que les trois programmes de la mission extra-budgétaire « Prêts à des Etats étrangers ».

La réintégration de l'ensemble de ces crédits d'APD du budget général dans un périmètre élargi de la mission « Aide publique au développement » serait donc sans doute souhaitable sur le plan théorique, mais créerait en pratique des difficultés de gestion et de présentation supérieures aux avantages escomptés . Néanmoins, votre rapporteur spécial regrette que les crédits d'APD du programme « Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources » (235 millions d'euros) - qui incluent notamment la quote-part d'APD des subventions de fonctionnement versées au CIRAD et à l'IRD - soient distincts de la mission « Aide publique au développement ».

Les clefs de comptabilisation en APD retenues par le CAD sont complexes , en particulier s'agissant des annulations de dette, et font l'objet d'explications partielles dans le DPT . Votre rapporteur spécial estime que certaines dépenses pourraient être comptabilisées en APD, telles que la coopération militaire (compte tenu des évolutions qu'elle connaît depuis une décennie), et inversement, d'autres pourraient être exclues du périmètre, telles que les dépenses d'écolage. Malheureusement, l'heure est plutôt au statu quo en la matière, afin de ne pas alimenter les controverses et revendications au sein de la communauté des bailleurs. Les critères de comptabilisation en APD n'en revêtent pas moins une dimension politique, ce qui conduit à relativiser la portée des déclarations officielles d'APD.

L'impact en APD de dépenses budgétaires peut être supérieur à 100 % du montant inscrit dans le projet de loi de finances. Tel serait le cas en 2007 des crédits du programme 110 « Aide économique et financière au développement » (impact de 166,9 %), en raison des déclarations de prêts de l'AFD (nettement supérieures aux bonifications et indemnisations budgétées sur ce programme), comme du programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » (impact de 108,5 %), du fait de l'écart important entre les crédits budgétaires (15 millions d'euros) consacrés au financement des contrats de désendettement-développement et le montant prévisionnel de ces contrats en 2007 (179,4 millions d'euros).

Au total, les dépenses comptabilisables en APD de la mission « Aide publique au développement » représenteraient en 2007 64,1 % de l'impact en APD de l'ensemble du budget général et 43,2 % de l'effort global d'APD, après respectivement 57 % et 34,3 % en 2006.

Indépendamment de la complexité structurelle de la comptabilisation budgétaire et de la notification de l'APD au CAD, votre rapporteur spécial considère que les documents budgétaires pourraient encore gagner en clarté et en précision (cf. infra , commentaire sur le DPT).

Le périmètre des crédits budgétaires d'APD en 2006 et 2007 se présente comme suit :

Ventilation des dépenses du budget général concourant à la politique d'aide publique au développement

(en millions d'euros)

Missions

Programmes

CP LFI 2006

Estimation APD 2006*

APD / CP 2006

CP PLF 2007

Estimation APD 2007

APD / CP PLF 2007

Aide publique au développe-ment

110 - Aide économique et financière au développement

966

775

80,2 %

994

1.659

166,9 %

209 - Solidarité à l'égard des pays en développement

2.015

2.076

103 %

2.127

2.308

108,5 %

Total

2.981

2.851

95,6 %

3.121

3.967

127,1 %

Action extérieure de l'Etat

105 - Action de la France en Europe et dans le monde

1.421

85

6 %

1.451

116

8 %

151 - Français à l'étranger et étrangers hors de France

281

49

17,4 %

287

50

17,4 %

185 - Rayonnement culturel et scientifique

335

90

26,9 %

526

90

17,1 %

Total

2.037

224

11 %

2.264

256

11,3 %

Outre-mer

1.828

229

12,5 %

1.963

230

11,7 %

Défense

187 - Préparation et emploi des forces armées

20.825

56

0,3 %

21.040

70

0,3 %

Recherche et enseignement supérieur

150 - Formations supérieures et recherche universitaire

10.125

852

8,4 %

10.663

885

8,3 %

187 - Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources

1.137

231

20,3 %

1.163

235

20,2 %

194 - Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

3.602

21

0,2 %

3.726

21

0,6 %

231 - Vie étudiante

1.738

44

2,5 %

1.847

47

2,5 %

Autres programmes

N.D.

4

N.D.

N.D.

4

N.D.

Total

1.152

1.192

Sécurité

176 - Police nationale

8.012

16

0,2 %

8.199

18

0,2 %

Solidarité et intégration

104 - Accueil des étrangers et intégration

558

458

82,1 %

455

440

96,7 %

124 - Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

1.065

1,6

0,02 %

1.080

2,1

0,02 %

Total

459,6

12.204

442,1

3,6 %

Autres dépenses du budget général

N.S.

16

N.S.

N.S.

16

N.S.

Total

N.S.

5.004

N.S.

267.847

6.192

2,3 %

* Cette colonne correspond, pour la mission « Aide publique au développement », aux prévisions de consommation de CP en 2006, auxquels s'ajoutent les financements directs de l'AFD. Pour les autres missions sont repris les crédits votés en loi de finances initiale.

Source : document de politique transversale « Politique française en faveur du développement » annexé au projet de loi de finances pour 2007.

* 3 D'autres programmes, relevant par exemple du ministère des transports, de l'écologie, de l'agriculture ou de la jeunesse, des sports et de la vie associative, contribuent également à l'APD, mais pour des montants marginaux.