M. Michel Charasse

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LA MISSION

- La création de cette mission dans le PLF 2006, et les justifications de crédits qu'elle comporte, contribuent à une présentation plus claire des dépenses engagées par l'Etat au titre des prêts à des Etats étrangers . En outre, les informations fournies sur les montants d'annulations portées par la Coface, qui devraient représenter près du quart de l'APD française en 2006, sont désormais plus complètes, bien qu'elles ne demeurent pas encore à la hauteur des enjeux financiers.

Il apparaît cependant que la justification au premier euro des crédits imputés sur le programme 852 « Prêts à des Etats étrangers pour consolidation de dettes envers la France » est toujours quasiment inexistante , et partiellement compensée par les réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial. De même, la justification des crédits du programme 853 « Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des Etats étrangers » est trop lacunaire.

- La part toujours élevée des annulations de dette dans l'APD française en 2006 et 2007 est tributaire de la montée en puissance de l'initiative PPTE, de certains dispositifs bilatéraux et des montants très élevés d'annulations de dettes consenties au profit de certains pays , en particulier le Nigeria, l'Irak, le Cameroun et la République démocratique du Congo.

Outre que certaines de ces annulations demeurent soumises à des aléas, susceptibles de minorer le montant in fine déclaré en APD, la prépondérance de ces dispositifs peut susciter des inquiétudes quant à la capacité réelle de la France à honorer à moyen terme ses engagements d'APD . La probable diminution de ces traitements de la dette à compter de 2008 ne pourra qu'être relayée par une forte augmentation des crédits budgétaires, de l'ordre de un milliard d'euros, si la France veut respecter son engagement d'une APD équivalente à 0,7 % du RNB en 2012.

- Le programme 851 finance des prêts essentiellement dédiés aux pays émergents, et ne constitue pas à cet égard le « coeur de cible » de l'APD française .

- La cible pour 2009 de l'indicateur du programme 851 a été atteinte dès 2005, et celle de l'indicateur du programme 852 le serait dès 2006, ce qui tend à en relativiser, pour des raisons différentes, la pertinence.

Sous le bénéfice de ces observations, votre rapporteur spécial propose l'adoption des crédits de la mission « Prêts à des Etats étrangers ».

I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA MISSION

A. TROIS PROGRAMMES QUI ONT SUCCÉDÉ À D'ANCIENS COMPTES SPÉCIAUX DU TRÉSOR

La mission « Prêts à des Etats étrangers » constitue un compte de concours financiers , doté de crédits évaluatifs en application de l'article 24 de la LOLF, et composé de trois sections présentées sous forme de programmes :

- le programme 851 « Prêts à des Etats étrangers, de la Réserve pays émergents, en vue de faciliter la réalisation de projets d'infrastructure », qui correspond au chapitre 3 (article 10) de l'ancien compte spécial du Trésor (CST) n° 903-07 intitulé « Prêts du Trésor à des Etats étrangers et à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social », supprimé par la loi de finances pour 2006 ;

- le programme 852 « Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France », qui correspond à l'ancien CST n° 903-17 « Prêts du Trésor à des Etats étrangers pour la consolidation de dettes envers la France » (également supprimé) et représente près des trois quarts des crédits de paiement de la mission ;

- et le programme 853 « Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des Etats étrangers », qui correspond au chapitre 02 (article 10) de l'ancien CST n° 903-07.

Les dotations sur ces trois programmes permettent l'octroi de prêts à des Etats étrangers directement - s'agissant de la Réserve pays émergents (RPE) sur le programme 851 ou des prêts accordés en application d'accords de consolidation sur le programme 852 - ou indirectement pour le programme 853 (financement de l'activité de prêts très concessionnels de l'AFD et de la couverture du risque pays sur les contreparties non souveraines).

Le responsable de ces trois programmes est le directeur général du Trésor et de la Politique économique (DGTPE) du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (MINEFI), qui assure la présidence et le secrétariat du Club de Paris et qui négocie pour la France les accords bilatéraux de traitement de la dette.

Conformément à sa nature, cette mission ne comporte que des dépenses d'opérations financières relevant du titre 7. Par rapport à la loi de finances initiale pour 2006, les autorisations d'engagement (AE) s'inscrivent en augmentation de 9,7 %, et les crédits de paiement (CP) en hausse de 75,7 %.

Montant et évolution des AE et CP demandés pour 2007

(en millions d'euros)

Programme

AE 2006

AE 2007

Evolution 2006/2007

CP 2006

CP 2007

Evolution 2006/2007

Part des CP de la mission en 2007

851 - Prêts à des Etats étrangers, de la Réserve pays émergents, en vue de faciliter la réalisation de projets d'infrastructures

300

300

stable

150

150

stable

15 %

852 - Prêts à des Etats étrangers pour consolidation de dettes envers la France

314,06

731,25

132,8 %

314,06

731,25

132,8 %

73,4 %

853 - Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des Etats étrangers

474,6

163

-65,6 %

103,2

115,2

11,6 %

11,6 %

Total

1.088,66

1.194,25

9,7 %

567,26

996,45

75,7 %

100 %

Source : projets annuels de performances annexés au projet de loi de finances pour 2007

En tant que compte de concours financiers, la mission « Prêts à des Etats étrangers » est structuré en dépenses et recettes (essentiellement des remboursements du capital des prêts consentis), dont la nature et les justifications sont détaillées infra pour chaque programme. Le compte devrait être quasiment équilibré en 2007, ainsi que l'indique le tableau suivant :

Equilibre du compte « Prêts à des Etats étrangers » pour 2007

(en millions d'euros)

Section

Recettes

Crédits

Solde

Section 1 - Prêts à des Etats étrangers, de la Réserve pays émergents, en vue de faciliter la réalisation de projets d'infrastructures

462

150

312

Section 2 - Prêts à des Etats étrangers pour consolidation de dettes envers la France

482,65

731,25

-248,6

Section 3 - Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des Etats étrangers

52,2

115,2

-63

Total

996,85

996,45

0,4

Source : projets annuels de performances annexés au projet de loi de finances pour 2007

B. UNE MISSION DANS LE PÉRIMÈTRE DE L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT

Cette mission concourt à l'aide publique au développement (APD) de la France et est donc intégrée dans le document de politique transversale (DPT) « Politique française en faveur du développement », qui recense les principaux programmes et missions du budget général et des comptes spéciaux qui concourent à cette politique publique.

Il importe de rappeler que les annulations de dettes ne sont pas intégralement comptabilisées dans l'APD . En premier lieu, seule l'annulation de créances civiles peut donner lieu à déclaration en APD, ce qui exclut par conséquent toutes les dépenses militaires. En second lieu, seules les annulations de prêts consentis à des conditions commerciales sont intégralement comptabilisées en APD. Par ailleurs, lorsqu'une annulation concerne un prêt initialement consenti aux conditions de l'APD, le montant de l'annulation n'est pas totalement intégré à l'effort d'APD. En effet, le principal du prêt (issu du principal et des intérêts de l'ancien prêt) a déjà été déclaré en APD au moment de son déboursement ; son annulation ne s'impute donc pas en APD pour éviter une double comptabilisation, et seule la part en intérêts ressortit à l'APD .

De même, les annulations de dette comptabilisées en APD ne se traduisent que pour une part minoritaire par une dépense budgétaire .

La comptabilisation des annulations repose sur la valeur nominale de la créance originelle, plutôt que sur sa valeur de marché , ce qui correspond, selon le ministère des finances, à l'impact réel en termes de développement de l'annulation de dette pour le pays débiteur et au coût pour le créancier . Pour le pays débiteur, le montant nominal correspond en effet au montant qui a été mis à sa disposition à l'origine de la créance, en prenant en compte les remboursements successifs. Que ce pays ait ou non l'intention ou la capacité de rembourser sa créance ne change rien au bénéfice qu'il en aura retiré.

II. LE PROGRAMME 851 « PRÊTS À DES ETATS ÉTRANGERS, DE LA RÉSERVE PAYS ÉMERGENTS, EN VUE DE FACILITER LA RÉALISATION DE PROJETS D'INFRASTRUCTURES »

A. OBJET ET ÉQUILIBRE FINANCIER DU PROGRAMME

1. Nature des prêts financés sur ce programme

Le programme 851 a pour finalité la mise en oeuvre d'une aide économique et financière dans les pays émergents , via des prêts concessionnels destinés à financer des projets participant au développement économique des pays emprunteurs et dont la réalisation fait appel à des biens et services français . De ce fait, ces financements contribuent à soutenir l'expansion internationale des entreprises françaises impliquées dans la réalisation des projets et participent à la création d'activité et d'emplois en France.

Ces financements sont tous comptabilisés dans l'APD bilatérale française et se veulent cohérents avec les stratégies et les interventions des banques de développement multilatérales dans les pays concernés, comme avec les huit Objectifs du millénaire adoptés par les Nations Unies. Votre rapporteur spécial demeure toutefois, comme les années précédentes, réservé sur la comptabilisation de ces crédits dans l'APD , compte tenu du niveau de développement des pays récipiendaires, qui sont certes inscrits sur la liste du CAD mais sont essentiellement des pays émergents.

La Réserve pays émergents (RPE) résulte de la réforme des protocoles financiers intervenue en 1998. Aux enveloppes financières par pays s'est substituée une logique d'aide-projet, dans des pays dont la liste est arrêtée en début d'année. La mise en place d'une aide au titre de la RPE se traduit par la signature d'un protocole intergouvernemental avec les autorités du pays bénéficiaire, pour un projet précis, après évaluation de ce projet par un expert indépendant et approbation par un comité interministériel . Les accords intergouvernementaux sont ensuite mis en oeuvre, dans le cadre d'une convention avec l'emprunteur, par la direction des activités institutionnelles de la société Natexis Banques Populaires , agissant au nom et pour le compte de l'Etat français.

Le montant global des financements octroyés depuis la création de la RPE s'élève à plus de 1,7 milliard d'euros .

La ventilation sectorielle des projets financés témoigne de l'importance accordée à l'objectif de développement durable : le secteur des transports représente ainsi la moitié des prêts consentis et tend à mieux prendre en compte les objectifs de réduction de la pollution et des gaz à effet de serre, l'eau et l'environnement représentent plus d'un tiers des concours.

Quinze pays sont aujourd'hui éligibles à ces financements à titre exclusif (Afrique du Sud, Algérie, Azerbaïdjan, Chine, Egypte, Indonésie, Kazakhstan, Maroc, Monténégro, Sri Lanka, Pakistan, Philippines, Serbie, Tunisie et Vietnam), et six autres de préférence en cas de cofinancement (Bolivie, Colombie, Guatemala, Ouzbekistan, Pérou et Salvador).

Le programme 851, comme tous ceux de cette mission, ne comporte qu'une seule action dont l'intitulé est identique.

2. Equilibre financier et justification des recettes

Le programme 851 est débité annuellement du montant des prêts consentis à des Etats étrangers, dans le cadre de la RPE, et crédité des remboursements en capital sur les prêts ainsi octroyés. Chaque protocole financier qui matérialise l'accord intergouvernemental de prêt en précise les conditions de remboursement.

Les échéanciers déterminent le profil de remboursement annuel de la dette des État étrangers à l'égard de la France au titre de cette section. C'est à partir du suivi de ces échéanciers que sont établies les prévisions de recettes, qui prennent également en compte les remboursements anticipés et les accords de consolidation ou d'annulation qui sont connus à la date d'établissement des prévisions.

Les remboursements en capital ont été de 375,8 millions d'euros en 2005 (112,7 millions d'euros en intérêts), et s'élevaient à 129,9 millions d'euros au 30 juin 2006, pour une prévision d'exécution de 427 millions d'euros . Les dépenses se sont élevées en 2005 à 70,9 millions d'euros. Les prévisions de recettes pour 2007 ne sont pas suffisamment explicitées par le « bleu » et portent sur 462 millions d'euros, soit une augmentation de 8,2 % par rapport à 2006 . La section correspondant à ce programme devrait dès lors se révéler largement créditrice en 2007, à hauteur de 312 millions d'euros.

Evolution de l'équilibre du compte de 2005 à 2007

(en millions d'euros)

Recettes

Dépenses

Solde

2005

375,8

70,9

304,9

Juin 2006

129,9

28,6

101,3

Prévision 2006

427

2007

462

150

312

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

B. OBJECTIF ET INDICATEUR

Le programme 851 ne comporte qu'un seul objectif, qui traduit directement la vocation des financements RPE puisqu'il s'intitule comme en 2006 « Permettre la réalisation de projets de développement durable dans les pays émergents, faisant appel au savoir-faire français ». Cet objectif n'appelle pas de remarque particulière de votre rapporteur spécial.

Il est assorti d'un indicateur de performance, qui rend compte de la mobilisation effective des fonds en mesurant la part des protocoles de prêts signés au cours de l'année ayant donné lieu à l'imputation (qui matérialise l'accord intervenu entre la France et le pays bénéficiaire) d'un contrat dans les deux ans après la signature .

La pertinence de cet indicateur doit être relativisée , tant en raison de ses résultats erratiques et de l'aléa inhérent à ces prêts que de la base de calcul. Votre rapporteur spécial relève ainsi que la cible de 65 % de protocoles de prêts signés et imputés, fixée pour 2009, était déjà atteinte en 2005. Les prévisions pour 2006 et 2007 portent sur 60 %, après que la réalisation en 2005 fut tombée à 38 %. Le nombre de protocoles de prêts pris en compte est également assez réduit (5 en 2004 et en 2006, 8 en 2005), ce qui réduit la portée des pourcentages constatés. C'est donc davantage la stabilité et la pérennité des résultats que leur niveau une année donnée qu'il convient de prendre en considération.

C. JUSTIFICATION DES CRÉDITS AU PREMIER EURO

L'évolution des dotations du programme 851 depuis 2005 est la suivante (en millions d'euros) :

2005

2006

2007

Evolution 2006/2007

AE

90

300

300

stable

CP

105

150

150

stable

1. Les autorisations d'engagement

Après avoir fortement augmenté en 2006, les AE demandées pour 2007 sont stables et tiennent compte des éléments suivants :

- la montée en puissance des besoins de financement de projets d'infrastructure dans un grand nombre de pays émergents, tendance constatée depuis 2004 ;

- les accords-cadres signés au niveau ministériel, en 2004, avec des pays d'Asie et du Maghreb, qui devraient se traduire par de nouveaux engagements sur de grands projets ;

- les perspectives de cofinancements parallèles avec des banques multilatérales, notamment en Asie, dans les secteurs des transports, de l'énergie et de l'environnement ;

- les engagements officiels de la France au titre de la facilité pour les opérations de reconstruction « post-tsunami » en Asie du sud-est (enveloppe de 300 millions d'euros de crédits très concessionnels sur trois ans, dont 100 millions d'euros au titre de la RPE pour l'Indonésie et le Sri Lanka) ;

- enfin les mesures décidées fin 2005 au bénéfice du Pakistan à la suite du tremblement de terre, qui se traduisent par une enveloppe globale de 80 millions d'euros de prêts , dont 30 millions d'euros au titre de la RPE financée sur ce programme, et un millions d'euros de dons (dont la moitié via le FASEP-Etudes financé sur le programme 110 « Aide économique et financière au développement »).

2. Les crédits de paiement

Le montant de CP de 150 millions d'euros est fondé sur les estimations de tirages de Natexis , organisme gestionnaire des protocoles RPE. Le principe d'un versement progressif en fonction des besoins de paiements induits par la réalisation des projets engendre mécaniquement un délai entre les engagements et les paiements qui s'effectuent sur une base pluriannuelle. Les demandes de CP pour 2007 reposent donc sur des estimations des tirages effectués au titre des protocoles déjà signés, dont les projets sont en cours de réalisation ou vont entrer en vigueur en 2007, ou des protocoles dont la signature est escomptée au second semestre de 2006.

III. LE PROGRAMME 852 « PRÊTS À DES ETATS ÉTRANGERS POUR CONSOLIDATION DE DETTES ENVERS LA FRANCE »

A. OBJET ET ÉQUILIBRE FINANCIER DU PROGRAMME

1. Un programme dédié aux allègements de dette

Ce programme participe à la politique transversale de l'APD ; il est planifié et mis en oeuvre par le service des affaires multilatérales et du développement du MINEFI. La Banque de France participe également à sa mise en oeuvre , puisqu'elle est chargée de la mise en oeuvre des accords de rééchelonnement et gère le recouvrement des prêts de consolidation.

Le programme 852 reprend depuis 2006 l'intégralité de l'ancien CST n° 903-17 portant le même intitulé. Il ne comporte qu'une seule action , identique au programme. Il contribue à la politique française d'annulation et de traitement de la dette des pays les moins avancés et des pays à revenu intermédiaire, dans le cadre de programmes décidés via les procédures multilatérales et bilatérales du Club de Paris , groupe informel de créanciers publics dont la présidence et le secrétariat sont assurés par la France. Ces traitements contribuent à rendre soutenable la dette extérieure de ces pays ou à leur permettre de faire face à des crises temporaires de liquidité extérieure.

Les annulations et allègements de dette consentis par la France représentaient fin 2004 un montant de 12,85 milliards d'euros , incluant, d'une part, les dispositifs multilatéraux du « compteur de Toronto » et l'application de l'initiative pour les pays pauvres très endettés ( PPTE ), et d'autre part, un volet bilatéral volontaire et additionnel, qui est réalisé au-delà du cadre de base de l'initiative PPTE renforcée et comprend en particulier les termes dits de Dakar I, Dakar II et de Yaoundé et la procédure des contrats de désendettement-développement (C2D) 1 ( * ) .

Ainsi que le précise le DPT, outre le programme 852, les prêts concourant à l'APD française exercent également un impact sur le programme 114 « Appels en garantie de l'Etat » de la mission du budget général « Engagements financiers de l'Etat » , qui comme le présent programme est rattaché au DPT « Politique française en faveur du développement ».

En effet, l'action n° 5 de ce programme, intitulée « Autres garanties » retrace notamment les dépenses liées à la mise en jeu de la garantie de l'Etat dans le cadre de dispositifs d'aide économique et financière au développement. Ces garanties sont accordées afin de favoriser l'octroi de prêts sur fonds propres des établissements concernés ou pour faire face à un risque de retrait des Etats bénéficiaires du mécanisme de refinancement par don découlant du volet bilatéral de l'initiative PPTE.

Les appels en garantie de l'Etat imputés sur cette action ne sont pas comptabilisables en APD , à l'exception des dépenses liées à l'indemnisation de Natexis en cas d'annulation en Club de Paris de certaines de ses créances garanties par l'Etat (cf. infra ).

2. L'initiative PPTE et l'approche d'Evian

a) L'initiative PPTE

Les annulations de dettes consenties par la France s'inscrivent en particulier dans le cadre de l'initiative PPTE, dont la France est le premier contributeur , et de la nouvelle « approche d'Evian » décidée en juin 2003. L'initiative PPTE, lancée en 1996 lors du sommet du G7 à Lyon puis renforcée en juin 1999 à l'occasion du sommet de Cologne, a pour objectif de restaurer durablement la solvabilité des pays bénéficiaires en annulant, par des mesures exceptionnelles, la part de leur dette extérieure dépassant un niveau considéré comme « soutenable » au vu de leurs perspectives de croissance économique.

Cette initiative concerne désormais 29 pays sur 38 potentiellement éligibles , pour la plupart membres de la ZSP, dont 9 2 ( * ) ont franchi le « point de décision », qui marque l'entrée dans le processus et permet un allègement de dette intérimaire, et 20 3 ( * ) ont atteint le « point d'achèvement » (le Malawi étant le dernier pays à avoir franchi cette étape en juin 2006, après le Cameroun le 28 avril 2006), qui constitue la sortie du processus et permet un traitement du stock de la dette.

Le coût global des allégements de dette consentis aux pays classés PPTE, indépendamment des annulations complémentaires bilatérales, est estimé à environ 61 milliards de dollars en valeur actuelle nette de 2004, dont 29,6 milliards de dollars au profit des 20 pays ayant passé le point d'achèvement, 54 % au titre des créances bilatérales et 46 % pour les créances multilatérales.

Les allégements de dette effectifs ou futurs consentis par la France aux pays éligibles à l'initiative PPTE représentent environ 12,7 milliards d'euros . Ce montant inclut, d'une part, la contribution multilatérale aux annulations en Club de Paris pour 7,6 milliards d'euros, et d'autre part, la contribution bilatérale volontaire au-delà du cadre de base de l'initiative, pour 5 milliards d'euros. L'annulation à 100 % de la totalité des créances d'APD représente 3,3 milliards d'euros et est concrétisée par les C2D.

L'effort de la France pour les 29 premiers bénéficiaires de l'initiative est estimé à 2,8 milliards de dollars (en valeur actuelle nette de 2005), ce qui fait d'elle le premier contributeur bilatéral devant le Japon.

b) L'approche d'Evian pour les pays non PPTE

L' « approche d'Evian » est une nouvelle approche du traitement de la dette des pays qui ne répondent pas aux critères PPTE mais sont néanmoins confrontés à une dette insoutenable, approuvée lors du sommet du G7 en juin 2003 à Evian, puis par le Club de Paris en octobre 2003. Cette approche vise à définir une réponse « sur mesure » et adaptée à la situation de chaque pays, et non plus à reposer sur des termes standards comme dans la pratique passée du Club de Paris. En outre, elle tend à garantir que la restructuration de la dette est accordée seulement dans le cas d'un défaut imminent et n'est pas considérée par les pays débiteurs comme une alternative à des sources de financement plus onéreuses.

Les créanciers du Club de Paris ont procédé en 2004 et 2005 aux premiers traitements de dette dans le cadre de l'« approche d'Evian » (Kenya, République dominicaine, Gabon et Géorgie). L'Irak et la République kirghize ont été les premiers pays à faire l'objet d'un traitement global de la dette dans le cadre de cette approche.

3. Equilibre financier et justification des recettes

La section constitutive du programme 852 est débitée du montant des versements réalisés par le gouvernement français en application des accords de consolidation de dette conclus dans le cadre du Club de Paris. Ces refinancements conduisent au remboursement de prêts anciens par l'octroi de prêts nouveaux négociés aux nouvelles conditions du Club de Paris, aussi les dépenses de ce programme consistent-elles en des versements de nouveaux prêts.

La section est également créditée des remboursements en capital effectués par les Etats bénéficiaires, les paiements d'intérêts étant pour leur part crédités sur le compte n° 901-540 du budget de l'Etat. Les évènements qui provoquent les recettes en principal perçues sur ce programme sont de quatre ordres :

- le remboursement à bonne date par les pays débiteurs du capital des prêts figurant à l'actif de cette section du compte ;

- les remboursements anticipés . Lorsqu'un pays débiteur souhaite rembourser par anticipation sa dette bilatérale, il peut en effet solliciter le Club de Paris, avec lequel il négocie les conditions du remboursement. L'Algérie et le Brésil ont ainsi signé un accord bilatéral de remboursement anticipé de leur dette les 10 et 11 mai 2006 ;

- le remboursement par refinancement du capital de prêts figurant à l'actif de cette section (en particulier l'Argentine et la Côte d'Ivoire en 2007) ;

- le remboursement en capital résultant d'opérations de cession de prêts figurant à l'actif de cette section dans le cadre d'opérations de conversion de créances .

La prévision des recettes par paiement d'échéances à bonne date est réalisée à partir des échéanciers des prêts. La prévision des recettes par refinancement résulte de prévisions des accords en Club de Paris susceptibles d'être conclus au cours des années à venir. Les recettes du programme en 2006 devraient ainsi s'élever à 404,1 millions d'euros , soit une diminution de 12 % par rapport au montant inscrit en loi de finances initiale pour 2006. La section devrait être globalement créditrice en 2006, à hauteur de 145,13 millions d'euros.

Evolution des recettes du programme 852 et du compte n° 901-540 en 2006 et 2007

(en millions d'euros)

Recettes escomptées en 2006 dans le PLF 2006

Recettes constatées au 31/07/06

Prévision de recettes pour 2006

Prévisions de recettes pour 2007

Programme 852

459,19

339,96

404,12

482,65

Compte n° 901-540

N.D.

36,89

79,05

326,86

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Exécution du CST 903-17 puis du programme 852 en 2005 et 2006

(en millions d'euros)

2005

30 juin 2006

Crédits ouverts

LFI

Recettes : 597

Recettes : 459

Dépenses : 619

Dépenses : 314

Reports

1.406

-

Dépenses LFI + reports

2.025

314

Exécution

Recettes

1.176,15

339,96

Dépenses

1.508,79

25,29

Solde

-332,64

314,67

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

B. L'IMPACT FINANCIER DES ANNULATIONS ET CONSOLIDATIONS DE DETTE

1. Des mécanismes complexes d'imputation

Cinq mécanismes ou imputations budgétaires peuvent supporter des annulations de dette décidées en Club de Paris et considérées comme participant à l'APD. Quatre organismes peuvent porter la créance : l'Etat via le Trésor, la Coface (assureur-crédit), Natexis et l'AFD. La mise en oeuvre des annulations de dette requiert toujours, lors de chaque accord introduisant de nouvelles modalités d'annulation (Toronto, Dakar, Libreville, Yaoundé), une autorisation dans un article spécifique de la loi de finances , qui fixe un plafond valable pour plusieurs années et est régulièrement relevé. Le dernier relèvement a ainsi été autorisé par l'article 116 de la loi de finances rectificative pour 2004 n° 2004-1485 du 30 décembre 2004, qui a porté le plafond de remise de dette des pays les plus pauvres de 5,6 milliards d'euros à 11,1 milliards d'euros .

L'imputation globale et l'incidence budgétaire éventuelle des annulations de dette dans les comptes de l'Etat sont ainsi les suivantes :

- l'indemnisation de Natexis (ex BFCE), via l'action n° 5 « Autres garanties » du programme 114 « Appels en garantie de l'Etat » de la mission du budget général « Engagements financiers de l'Etat », en cas d'annulation en Club de Paris de certaines créances de cet organisme garanties par l'Etat. Cette imputation, qui est comptabilisée en APD et a succédé au chapitre 14-01 des charges communes, a trait à une procédure éteinte, mais qui conduit encore à certaines annulations au titre des accords de Toronto susceptibles d'être comptabilisées (39,7 millions d'euros en 2006) ;

- les bonifications d'intérêt du MINEFI , comptabilisées dans l'action n° 3 « Traitement de la dette des pays pauvres » du programme 110 « Aide économique et financière au développement » de la mission « Aide publique au développement », ont trait à l'indemnisation des annulations supportées par l'AFD. Le montant inscrit au titre de 2007 s'élève à 133,5 millions d'euros . Cette action retrace en particulier l'impact des échéances de dette remises dans le cadre des dispositifs multilatéral de Toronto, et bilatéraux de « Dakar 1 », « Dakar 2 » et de Yaoundé. Seule l'annulation des intérêts est comptabilisée en APD et transmise au CAD , tandis que le coût budgétaire comprend l'annulation du principal et des intérêts ;

- l'action n° 4 « Aide en faveur du développement durable et lutte contre la pauvreté et les inégalités » du programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » (géré par le MAE) de la mission « Aide publique au développement » supporte les annulations réalisées dans le cadre des C2D .

Comme dans le cas précédent, la comptabilisation budgétaire ( 15 millions d'euros au titre de 2007 , hors contribution de l'AFD) inclut le montant du principal et des intérêts des créances annulées, mais seules les annulations en intérêts sont comptabilisées en APD , dans la mesure où les C2D concernent des dettes d'APD et non des dettes commerciales ;

- les annulations réalisées par la Coface , imputées sur le résultat de cette entreprise, ne conduisent pas à un coût budgétaire mais sont déclarées en APD. Elles ont néanmoins un coût budgétaire indirect en ce qu'elles contribuent à diminuer la capacité de prélèvement sur le compte de l'Etat lié à la Coface (cf. infra ), ces prélèvements venant s'inscrire en recettes sur le budget général ;

- les annulations portant sur des prêts du Trésor décidées en Club de Paris sont directement imputées sur les découverts du Trésor , donc hors budget, après avoir été refinancées par l'intermédiaire du programme 852 , sauf en cas d'annulation à 100 %. Les annulations de créances au titre du dispositif « Dakar » sur les prêts du Trésor sont comptabilisées dans les transports aux découverts du Trésor uniquement pour la fraction en principal de la créance, mais seule la partie en intérêts est prise en compte dans l'APD.

Ces annulations sont approuvées par le Parlement a posteriori , lors du vote de la loi de règlement . La loi de finances rectificative pour 2002 avait ainsi autorisé le relèvement du plafond des dispositifs Dakar I et II à hauteur de 300 millions d'euros, pour fixer un nouveau plafond de 1,82 milliard d'euros.

Au total, seulement 6,6 % des annulations de dettes feraient l'objet d'une dépense budgétaire en 2007 , et près de 59 % seraient imputées aux découverts de la Coface. De 2000 à 2007, ce sont au total près de 14,3 milliards d'euros de dette qui auront ainsi été annulés par la France.

Le tableau ci-après précise les différentes imputations pour les années 2000 à 2007.

Coût et imputation des annulations de dettes depuis 2000 - Prévisions pour 2006 et 2007

(en millions d'euros)

Impact budgétaire

Impact non budgétaire

TOTAL

Natexis (chapitre 14-01 art. 90 puis programme 114)

AFD (chapitre 44-97 article 50 par 30 puis programme 110)

C2D (MAE chapitre 41-43 puis programme 209)

Transport aux découverts du Trésor (CST 903-07 et 903-17 puis programme 852)

Compte de l'Etat à la Coface

2000

0,1

339,7

-

93,2

55,1

488,1

2001

0

296,7

-

85,2

50,7

432,6

2002

0

257,8

13,1

585,1

982,6

1.838,6

2003

24,7

261,9

7,8

1.048,9

309,7

1.653

2004

0,1

212,7

31,5

652,7

600,3

1.497,3

2005

0

235,6

36,5

593,1

2.077,9

2.943,1

Prév. 2006

39,7

171,3

15

801,6

2.124

3.151,6

En %

1,2 %

5,4 %

0,5 %

25,4 %

67,4 %

100 %

PLF 2007

0

133,5

15

786,1

1.320,5

2.255,1

En %

0 %

5,9 %

0,7 %

34,8 %

58,6 %

100 %

N.B : les dépenses prévisionnelles au titre des C2D en 2006 et 2007 ne prennent pas en compte la contribution extra-budgétaire de l'AFD (cf. commentaire correspondant du programme 209).

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ; document de politique transversale

2. Une meilleure information sur les annulations réalisées via la Coface

Les annulations imputées sur le résultat de la Coface faisaient traditionnellement l'objet d'informations très parcellaires, notamment dans le DPT afférent au projet de loi de finances pour 2006. L'impact le plus élevé des annulations de dettes, et en fin de compte le poste le plus important de l'APD, était ainsi celui sur lequel le Parlement disposait des informations les plus lacunaires.

Votre rapporteur spécial a néanmoins obtenu davantage de précisions cette année. Les annulations de créances se traduisent dans le résultat du compte de l'Etat à la Coface (enregistrement distinct des opérations effectuées avec la garantie de l'Etat) selon deux étapes :

- après indemnisation d'une créance auprès de l'entreprise assurée, la Coface inscrit une créance à son actif, l'indemnisation faisant naître un droit de la Coface à récupération auprès du débiteur étranger. La Coface enregistre également une dépréciation de cet actif correspondant à l'estimation de la part non récupérable de cet actif, ce qui permet de prendre en compte les perspectives d'annulation des créances. Cette dépréciation est définie pour chaque pays sur la base de la catégorie de risque OCDE et du niveau de revenu par habitant selon la classification Banque mondiale ;

- après signature d'un accord bilatéral accordant une annulation de créance, les créances abandonnées sont annulées. L'impact comptable de cette annulation sur le résultat de la Coface représente alors la différence entre l'estimation de la part non récupérable provisionnée antérieurement au bilan du compte de l'Etat à la Coface et l'annulation réalisée.

Les annulations passées en 2005 et 2006 et l'estimation de celles à venir sur les créances détenues par Coface sont nettement dominées par le traitement des dettes de l'Egypte , de l'Irak et du Nigeria . Ces montants sont détaillés dans le tableau ci-après :

Annulations de créances imputées sur le compte de l'Etat à la Coface et déclarées en APD
Réalisation en 2005 et prévisions pour 2006 et 2007

(en millions d'euros)

2005

2006

2007

Cameroun

0

57

251

Congo-Brazzaville

275

42

37

Côte d'Ivoire

0

0

71

Guinée

0

12

70

Guinée Bissau

0

5

3

Honduras

2

23

0

Libéria

0

0

9

Malawi

0

0

0

RD Congo

0

18

154

Rwanda

2

7

0

Sierra Leone

0

2

8

Zambie

0

38

0

Yémen

8

0

0

Egypte

134

154

115

Pologne

79

65

48

Nigeria

802

1.139

0

Yougoslavie

0

18

0

Irak

776

545

555

Total

2.078

2.124

1.320

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

C. OBJECTIF ET INDICATEUR

Ce programme est doté d'un objectif et d'un indicateur, inchangés par rapport au projet annuel de performances de 2006.

L'objectif est ainsi intitulé « Participer au rétablissement de la stabilité macro-économique et à la création de la croissance des pays en développement », ce qui constitue un des objectifs de l'initiative PPTE. L'indicateur de performance mesure la part des pays qui ont bénéficié, avec succès, de cette initiative, c'est-à-dire ceux qui ont franchi son point d'achèvement tout en respectant le critère de soutenabilité de la dette à la date impartie. La dette est considérée comme soutenable lorsqu'est atteint un ratio inférieur à la valeur cible retenue dans le cadre de l'initiative PPTE 4 ( * ) , augmentée d'une marge de 40 %. En 2006 et 2007, l'indicateur est également impacté par la mise en oeuvre de l'initiative du G8 sur l'annulation de la dette multilatérale.

L'indicateur est bien renseigné. Les prévisions pour 2006 et 2007 portent sur 100 % de pays bénéficiaires ayant franchi avec succès le point d'achèvement, de telle sorte que la cible fixée pour 2009 serait déjà atteinte .

Votre rapporteur spécial considère que cet indicateur, comme cela est souvent le cas en matière d'APD, ne constitue guère que la reprise d'un objectif international relatif à une initiative en fin de cycle, et n'informe guère le citoyen sur la plus-value réellement apportée par la France dans le dispositif PPTE, pas plus que sur l'impact de cette initiative sur le développement des pays considérés.

D. JUSTIFICATION DES CRÉDITS AU PREMIER EURO

1. Une justification quasi-inexistante

Les crédits demandés sur ce programme au titre de 2006 sont évalués à 731,25 millions d'euros en AE comme en CP, soit une multiplication par près de 2,5 par rapport au montant inscrit en loi de finances initiale pour 2006. Votre rapporteur spécial regrette qu'aucune justification précise de ces crédits ne soit fournie , le « bleu » comme certaines réponses données par le MINEFI se bornant à indiquer que « les prévisions de dépenses sont établies au vu des accords susceptibles d'être conclus au cours de l'année à venir en Club de Pari s ».

Les perspectives sur ces opérations de refinancement comportent certes une dimension diplomatique et d'aléa moral au bénéfice des pays débiteurs, de nature à justifier une certaine discrétion. Cet argument doit toutefois être quelque peu relativisé, compte tenu du degré de probabilité élevé sur la conclusion de certains accords, qui se placent dans la continuité d'événements et de processus de négociation connus.

Si l'on se réfère à tous les canaux d'annulation de la dette - donc non pas seulement au présent programme, les montants projetés en 2007 concerneraient pour une large part l'initiative PPTE avec 1.349 millions d'euros (principalement au profit du Cameroun, de la Côte d'Ivoire et de la République démocratique du Congo - RDC), et seraient également affectés, à hauteur de 555 millions d'euros, au traitement de la dette de l'Irak (cf. infra ).

2. La reprise des annulations au titre de l'initiative PPTE

Alors qu'en 2005 et en 2006 (selon les prévisions d'exécution) les annulations de dettes au titre de l'initiative PPTE représentaient respectivement 30,8 % et 15,4 % de l'ensemble des annulations comptabilisées en APD, l'année 2007 devrait voir une forte progression des annulations entrant dans le cadre de cette initiative , puisqu'elles représenteraient près des deux tiers du montant global des annulations.

Les exercices 2005 et 2006 ont en effet été marqués par les annulations de dette commerciale (imputées sur le résultat de la Coface) au profit du Nigeria , à hauteur de respectivement 1.138 millions d'euros et 1.634 millions d'euros , soit plus de la moitié des annulations comptabilisées dans l'APD française. Le Nigeria a bénéficié d'un traitement très favorable du Club de Paris, formalisé par un accord signé en octobre 2005 et portant sur une annulation globale de 18 milliards de dollars , la France étant le deuxième créancier derrière le Royaume-Uni. Le processus arrivera à son terme à la fin de l'année 2006, ce qui conduit à une diminution du montant global des annulations de dette dans l'APD française. L'Irak a également bénéficié de montants élevés d'annulations en 2005 et 2006 (cf. infra ), le traitement étant échelonné jusqu'en 2008.

Au titre de l'initiative PPTE, la France a annulé 740 millions d'euros de dettes du Congo en 2005 et 112 millions d'euros en 2006 . S'agissant du Cameroun , dernier pays en date à avoir atteint le point d'achèvement, le Club de Paris a décidé en juin 2006 d'annuler 4 milliards de dollars de dettes (en valeur actuelle nette à fin 2005), dont 3 milliards de dollars d'annulations bilatérales. La France, qui dispose d'une créance de 1,4 milliards de dollars sur cet Etat, devrait ainsi déclarer en APD 62 millions d'euros d'annulations en 2006 et 364,7 millions d'euros en 2007 , dont 113,7 millions d'euros via les C2D.

La RDC , actuellement éligible à 6,87 milliards de dollars d'allégements intérimaires (dont 3,77 milliards d'euros auprès du Club de Paris) après avoir franchi le point de décision, pourrait faire l'objet en 2007 d'annulations de dettes d'APD de la part de la France, pour un montant substantiel. Ces annulations supposent toutefois qu'un certain nombre d'étapes politiques et économiques soient franchies, constituant autant d'aléas qui rendent incertaine la comptabilisation en APD de ce montant en 2007. Il en est de même pour la Côte d'Ivoire , dont le retour dans l'initiative PPTE suppose la clarification de sa situation politique, alors que les élections ont été une nouvelle fois reportées d'un an.

3. L'impact du traitement de la dette irakienne

Un développement s'impose sur le cas particulier de la dette irakienne , compte tenu de son impact potentiellement élevé - mais extra budgétaire puisqu'il relève du compte de l'Etat à la Coface - pour les finances publiques.

Le traitement de la dette irakienne en Club de Paris prévoit trois tranches d'annulation portant sur 80 % du stock de la dette irakienne. La première tranche, équivalente à une annulation de 30 % du stock de dette, a été mise en oeuvre le 1 er janvier 2005. La deuxième tranche, portant également sur un montant équivalent à 30 % du stock, a été mise en oeuvre le 26 décembre 2005, après l'approbation, le 23 décembre 2005, d'un accord dit « de précaution » par le FMI. La troisième tranche, portant sur 20 % du stock, n'interviendra au mieux qu'en 2008, à l'issue de la mise en oeuvre triennale de programmes du FMI dans les tranches supérieures de crédit.

L'Irak a également signé la totalité des accords bilatéraux avec ses créanciers membres du Club de Paris, à l'exception de la Russie. L'accord bilatéral franco-irakien a ainsi été signé le 21 décembre 2005 . Les créances traitées représentent un total d'environ 5 milliards d'euros. Au terme des trois tranches d'annulation, un montant d'environ 4 milliards d'euros (soit 80 %) aura été annulé.

L'article 116 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004 a porté le plafond global de remise de dette de 5,6 milliards d'euros à 11,1 milliards d'euros. Le niveau prévisionnel d'annulations consenties au titre de l'accord multilatéral devait s'élever à 2,9 milliards d'euros en 2005, dont 504 millions d'euros déclarés en APD. Les annulations de dette comptabilisées en APD s'élèveraient à 776 millions d'euros en 2006, 555 millions en 2007 et 570 millions d'euros en 2008 , sous réserve de variations en fonction du taux de change.

Le calendrier prévu pour la déclaration en APD traduit l'utilisation, dans l'accord initial de novembre 2004, d'une option offerte à l'ensemble des créanciers du Club de Paris. Cette option permet d'étaler sur la période de mise en oeuvre du programme avec le FMI entre 2006 et 2008 la déclaration en APD au titre de la deuxième tranche d'annulation .

En tout état de cause, les annulations de dette accordées à l'Irak n'ont pas d'incidence budgétaire directe , les créances concernées étant, d'une part, essentiellement des créances portées par la Coface, et d'autre part, des créances refinancées par Natexis avec la garantie de l'Etat et pour lesquelles la garantie a été exercée.

L'annulation des créances portées par la Coface entraîne une variation de l'actif du compte de l'Etat dans cet organisme sans faire l'objet d'une dépense budgétaire. En revanche ces annulations ont un coût budgétaire indirect , puisque la Coface dispose de la garantie de l'Etat.

L'annulation des créances refinancées par Natexis (ex-BFCE) avec la garantie de l'Etat, et pour lesquelles la garantie a été exercée, donne lieu à un abandon de créances qui n'entraîne pas de dépenses budgétaires.

IV. LE PROGRAMME 853 «  PRÊTS DE L'AGENCE FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT EN VUE DE FAVORISER LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL DANS DES ETATS ÉTRANGERS »

A. OBJET ET ÉQUILIBRE FINANCIER DU PROGRAMME

1. Objectif et nature des prêts financés sur ce programme

Ce programme, qui est symétrique à l'action n° 2 « Aide économique et financière bilatérale » du programme 110 « Aide économique et financière au développement » de la mission « Aide publique au développement », correspond à la mise à disposition à l'AFD d'une ressource octroyée à des conditions très privilégiée , puisqu'elle est étalée sur trente ans dont dix ans de différé et à un taux d'intérêt de 0,25 %.

L'Agence rétrocède ces prêts à des pays de son champ d'intervention s'inscrivant dans le cadre de l'initiative PPTE, et les utilise pour couvrir le risque pays sur les prêts non souverains. Les prêts de ce programme sont donc affectés à deux finalités :

- l'adossement intégral des prêts octroyés par l'AFD à des Etats ayant atteint le point d'achèvement de l'initiative PPTE ;

- la constitution par l'Agence de provisions pour risque commercial au titre des prêts concessionnels non souverains accordés au secteur privé, grâce au différentiel de taux avec les émissions obligataires de l'AFD. Les montants inscrits sur ce programme, utilisés conjointement avec ceux du programme 110 du budget général, permettent de couvrir le quadruple de risque commercial , soit un « tirage » égal au quart du montant du capital du prêt. Une réflexion est néanmoins en cours sur le réexamen des modalités de couverture par l'Etat de ce risque commercial , et devrait aboutir début 2007.

L'engagement juridique de l'Etat intervient lors de l'envoi annuel d'une lettre plafond, qui précise le montant maximal du coût pour l'Etat des engagements de l'AFD sur l'année considérée. Ce coût est pluriannuel , puisque les paiements à l'AFD interviennent tout au long du décaissement du prêt. La discordance entre AE et CP restitue donc le caractère pluriannuel de cet engagement.

2. Equilibre financier et justification des recettes

Le programme 853 est débité annuellement des prêts accordés par l'AFD, et crédité des remboursements sur les prêts antérieurs, réalisés à taux fixe et avec dix ans de différé . Les recettes en 2007 correspondent donc aux échéances de remboursement des prêts octroyés durant les vingt années antérieures à 1998 , sur la base d'engagements cumulés d'environ 1,1 milliard d'euros, et sont connues dix ans à l'avance. Leur quasi-stabilité depuis plusieurs années correspond à une stabilité similaire des octrois de prêts sur la période 1975-1995.

Un montant de 52,2 millions d'euros de recettes est ainsi escompté en 2007, soit une diminution de 2,8 % par rapport au montant inscrit en loi de finances initiale pour 2006, ce qui rend le compte déficitaire à hauteur de 63 millions d'euros .

B. OBJECTIFS ET INDICATEURS

Dans la mesure où ce programme constitue le pendant, hors budget, de l'action 2 « Aide économique et financière bilatérale » du programme 110 « Aide économique et financière au développement » de la mission « Aide publique au développement » du budget général, il n'est pas apparu possible ni pertinent de distinguer, au niveau de l'AFD, celles menées grâce aux crédits du budget général de celle conduites sur les fonds de la présente section.

Dès lors, ce programme ne présente ni objectif ni indicateur . Sa performance ressortit à la performance globale de l'activité de prêts de l'AFD, retracée dans les deux indicateurs de l'objectif n° 3 « Assurer une gestion efficace et rigoureuse des crédits octroyés à l'aide au développement » du programme 110.

C. JUSTIFICATION DES CRÉDITS AU PREMIER EURO

Le montant des autorisations d'engagement ( AE ) demandé pour 2007, avec 163 millions d'euros , est quasiment divisé par trois par rapport au montant ouvert en loi de finances initiale pour 2006 (qui avait lui-même triplé par rapport à 2005). Il s'inscrit dans un contexte de stabilisation de l'activité de l'AFD en 2007 et est destiné à couvrir les nouveaux engagements de 2006. Ce montant vise à contribuer au respect des engagements présidentiels d'accroissement de l'APD française, et à soutenir la part de l'Afrique sub-saharienne dans les engagements en prêts de l'AFD , puisque les deux modalités d'emploi de ces crédits sont préférentiellement orientées vers cette région.

L'activité de prêt de l'AFD ne se réduit pas à cette dotation hors budget général, puisqu'il convient d'y ajouter les 253 millions d'euros de bonifications provenant de l'action 2 du programme 110 « Aide économique et financière au développement » géré par le MINEFI, soit un coût total de 416 millions d'euros (380 millions d'euros en montant actuariel).

En loi de finances initiale pour 2006, un montant de 264,6 millions d'euros avait été ouvert pour la reconstitution des AE sur les années antérieures à 2006 (dont 118 millions d'euros au titre des engagements de 2005).

Ces nouveaux engagements ne se traduiront substantiellement en APD qu'à partir de 2008 . Le principe du versement après constatation de la réalisation des prestations engendre mécaniquement un délai entre les engagements et les paiements, seuls ces derniers étant comptabilisés en APD. Un concours de l'AFD se décaisse ainsi en moyenne sur cinq ans , avec une forte « latence » au démarrage.

Le volume d'engagements pourrait continuer de se stabiliser autour de 200 millions d'euros , une éventuelle poursuite de la montée en puissance de l'AFD devant plutôt se traduire par une consommation des crédits de bonification issus du programme 110.

S'agissant des crédits de paiement ( CP) , le montant de 114,4 millions d'euros demandé pour 2006, soit une augmentation de 10,8 % par rapport au montant ouvert en loi de finances initiale pour 2006, correspond pour sa quasi-totalité à des engagements déjà votés, et marginalement (pour 800.000 euros) à de nouvelles AE.

Cette progression relativement lente des CP correspond aux délais de négociations des conventions et au rythme de décaissement sur les projets. Le montant inscrit se révèle toutefois inférieur à celui qui était escompté fin 2005 pour 2007 (environ 130 millions d'euros), ce qui traduit un décaissement plus lent que prévu des projets engagés en 2005 et 2006.

* 1 A titre additionnel à son effort consenti dans le cadre de l'initiative PPTE, la France annule après le point d'achèvement la totalité des créances d'APD qui ne seraient pas annulées en Club de Paris, sous forme de contrats de désendettement et de développement.

* 2 Le Burundi, le Congo, la République démocratique du Congo, la Gambie, la Guinée, la Guilée-Bissau, Sao Tmé et Principe, la Sierra Leone et le Tchad.

* 3 Le Bénin, la Bolivie, le Burkina-Faso, le Cameroun, l'Ethiopie, Guyana, le Ghana, le Honduras,Madagascar, le Malawi, le Mali, la Mauritanie, le Mozambique, le Nicaragua, le Niger, le Rwanda, le Sénégal, la Tanzanie, l'Ouganda et la Zambie.

* 4 C'est-à-dire au ratio de la valeur actuelle de la dette extérieure rapportée au montant des exportations ou des dépenses publiques, ce ratio devant être inférieur à, respectivement, 150 % et 250 %.