MM. Maurice Blin et Philippe Adnot

REMARQUES TRANSVERSALES

- Le présent projet de loi de finances est le premier faisant suite à l'adoption de la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche. Le budget proposé respecte la programmation équilibrée entre le financement des organismes publics de recherche, le développement de la recherche par projets et l'encouragement à la recherche privée prévue par l'article 1 er de ladite loi (programmation étendue jusqu'en 2010 à l'initiative du Sénat).

- La réforme de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur figurant dans la loi de programme précitée reste à mettre en place et représente un enjeu décisif pour l'avenir .

- L'évaluation de la performance nécessite une certaine stabilité des indicateurs et de leur méthodologie afin que les résultats puissent être observés sur plusieurs années. Or l'architecture des programmes a, cette année encore, connu de nombreuses modifications. En outre, un certain nombre d'indicateurs sont tributaires de la fiabilité des informations recueillies par les opérateurs . Dans cette perspective, la mise en place de systèmes d'information intégrés et l'élaboration systématique de protocoles méthodologiques permettraient d'améliorer la sincérité, l'homogénéité et la reproductibilité des résultats.

Remarques sur les programmes

- L'enseignement supérieur fait certes face à des problèmes de financement, mais il est également emprunt de dysfonctionnements majeurs, qui, s'ils n'étaient pas résolus, ne permettraient pas à un effort financier soutenu d'avoir toute la portée attendue. La requalification de l'entrée à l'université, tout comme la rénovation du mode de gouvernance des universités, apparaissent comme les enjeux qualitatifs majeurs de notre système.

- L'absence des dépenses de personnel de la direction générale de la recherche et de l'innovation, ainsi que des crédits d'intervention de l'Agence nationale de la recherche (ANR) (du programme « Orientation et pilotage de la recherche ») , est vivement regrettable et vide ledit programme de sa substance . En conséquence, un amendement de suppression de ce programme et de répartition de ses crédits sera proposé au Sénat .

- Le présent projet de loi de finances prévoit une baisse de 5 millions d'euros des crédits du programme « Recherche dans le domaine de l'énergie » à destination de l'Institut français du pétrole (IFP), soit la même somme que votre commission des finances se proposait d'économiser dès l'année dernière par un amendement alors rejeté par le gouvernement. Votre commission ne manquera pas d'interroger en séance le gouvernement sur cette « singularité ».

- Le financement d'OSEO-ANVAR , dont une partie des crédits figure dans le programme « Recherche industrielle », reste particulièrement complexe et votre commission des finances a d'ailleurs demandé à la Cour des comptes une enquête en application des dispositions de l'article 58-2° de la loi organique du 1 er août 2001 (LOLF) concernant cette entreprise. Celui de l'Agence de l'innovation industrielle (AII) laisse entière la question de la pérennité de cette agence .

- Le programme « Recherche duale » s'inscrit toujours dans une pure « logique de guichet », ce qui pose, à terme, la question de sa légitimité au regard de LOLF .

- Le programme « Recherche culturelle et culture scientifique» comprend deux opérateurs principaux, à savoir le La Cité des sciences et le Palais de la découverte. Le PAP 2007 ne comprend aucune présentation du Palais de la découverte, et aucun indicateur du programme ne concerne cet établissement dont la subvention représente 9,8 % des crédits du programme . La subvention accordée ne pouvant être appréciée à sa juste mesure, un amendement de diminution de 500.000 euros de la subvention de cet établissement est proposé, cette somme étant réaffectée au programme 150 pour soutenir les équipes de valorisation des établissements de l'enseignement supérieur.

I. PRÉSENTATION DE LA MISSION

La mission « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) présente un fort caractère interministériel puisque pas moins de 7 ministères sont intéressés par au moins l'un des 13 programmes de la mission.

Le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (MENESR) en est le chef de file.

A. LES PRINCIPAUX CHIFFRES

1. Les crédits et les fonds de concours : 21,314 milliards d'euros de crédits de paiement.

La mission est dotée , dans le projet de loi de finances pour 2007, de 21,232 milliards d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et de 21,314 milliards d'euros de crédits de paiement (CP), ces derniers affichant une hausse de 2,6 % à périmètre constant par rapport à 2006.

Cette hausse respecte la programmation figurant dans l'article 1 er de la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche.

Elle s'articule avec d'autres dispositions du présent projet de loi de finances, en particulier son article 27 qui prévoit l'affectation de la contribution sociale sur les bénéfices des entreprises d'une part à l'Agence nationale de la recherche (ANR), à hauteur de 825 millions d'euros , d'autre part à l'établissement public OSEO, à hauteur de 130 millions d'euros .

Les fonds de concours attendus pour 2007 s'élèvent à 63,4 millions d'euros .

Récapitulation des crédits de la MIRES par programme

Ministre intéressé

CP demandés pour 2007

(en euros)

Plafond d'emplois autorisés pour 2007

(en ETPT)

Emplois hors plafond rémunérés par les opérateurs

(en ETPT)

Formations supérieures et recherche universitaire

MENESR

10.664.507.723

146.129

26.819

Vie étudiante

MENESR

1.846.786.704

1.507

12.842

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

MENESR

3.725.598.355

0

50.631

Recherches dans le domaine des milieux et des ressources

MENESR

1.163.116.925

0

17.562

Recherche spatiale

MENESR

1.261.947.058

0

2.430

Orientation et pilotage de la recherche

MENESR

121.053.129

0

82

Recherche dans le domaine des risques et des pollutions

Ministre de l'écologie et du développement durable

278.746.383

0

1.637

Recherche dans le domaine de l'énergie

Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

663.640.277

0

1.860

Recherche industrielle

Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

580.265.796

0

482

Recherche dans le domaine des transports, de l'équipement et de l'habitat

Ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer

380.510.455

0

1.917

Recherche duale (civile et militaire)

Ministre de la défense

200.000.000

0

0*

Recherche culturelle et culture scientifique

Ministre de la culture et de la communication

150.855.102

607

942**

Enseignement supérieur et recherche agricoles

Ministre de l'agriculture et de la pêche

276.614.979

2.670

1.103

* Les opérateurs de la recherche duale ont été comptabilisés dans d'autres programmes de la mission.

** Ce chiffre ne comprend pas les effectifs du Palais de la découverte, chiffre non communiqué.

Extrait de la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche


Article 1 er

La programmation des moyens consacrés par l'État à la recherche, telle qu'annexée à la présente loi, est approuvée.

Ces moyens augmenteront de manière à atteindre un montant cumulé de 19,4 milliards d'euros supplémentaires pendant les années 2005 à 2010 par rapport aux moyens consacrés en 2004.

Ils comprennent, conformément à l'annexe, l'ensemble des crédits budgétaires de la mission " Recherche et enseignement supérieur ", hors programme " Vie étudiante ", ainsi que les ressources extrabudgétaires et le montant des dépenses fiscales qui concourent au financement des activités de recherche et d'innovation.

Le Gouvernement déposera, dans un délai de six mois suivant la publication de la présente loi, un rapport visant à déterminer les conditions du développement de la recherche en Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion et en Martinique, à en définir les objectifs et, le cas échéant, à proposer de nouvelles dispositions tenant compte de leurs situations particulières.

Annexe : programmation des moyens consacrés par l'Etat à la recherche

En millions d'euros (*)

2004 (**)

2005(**)

2006

2007

2008

2009

2010

MIRES (hors programme « Vie étudiante »)

18.205

18.561

18.950

19.360

19.919

20.365

20.800

Agences de financements sur projets (hors Agence de l'innovation industrielle)

0

350

630

910

1.100

1.295

1.500

Dépenses fiscales

650

950

1.290

1.570

1.620

1.660

1.700

Total recherche

18.855

19.861

20.870

21.840

22.639

23.320

24.000

Effort supplémentaire cumulé par rapport à 2004

-

1.006

3.021

6.006

9.790

14.255

19.400

(*) Les montants de ce tableau ne comprennent pas la contribution française aux programmes et actions communautaires en matière de recherche, de développement technologique et d'innovation.

(**) Périmètre reconstitué en 2004 et 2005, sur une base constante 2006 hors programme « Vie étudiante ».

(***) Financements de l'Agence nationale de la recherche et concours supplémentaires à OSEO-Anvar en faveur de la recherche.

2. Les dépenses fiscales : 1,8 milliard d'euros.

Les dépenses fiscales dont l'objet principal contribue à la mission et qui lui sont donc rattachées représentent 1,8 milliard d'euros , soit 8,4 % des CP de la mission. Les principales dépenses fiscales sont :

- le crédit d'impôt en faveur de la recherche (CIR), dont le coût pour 2007 est estimé à 900 millions d'euros . Le coût pour l'année 2007 de l'amélioration du CIR adopté dans le cadre de l'article 22 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 est évalué à 164 millions d'euros ;

- la taxation réduite des plus-values professionnelles à long terme de certains produits de la propriété industrielle , estimée à 500 millions d'euros ;

- la réduction d'impôt pour frais de scolarité dans l'enseignement supérieur , dont le coût pour 2007 est évalué à 165 millions d'euros ;

- la réduction d'impôt au titre de la souscription de parts de fonds communs de placement dans l'innovation , dont le montant est estimé à 100 millions d'euros ;

- l'exonération partielle ou totale des bénéfices réalisés par les entreprises participant à un projet de recherche et de développement et implantées dans une zone de recherche et de développement , qui devrait coûter 50 millions d'euros à l'Etat en 2007.

3. Les plafonds d'emplois : 150.913 ETPT et 118.307 ETPT rémunérés par les opérateurs.

Le présent projet de loi de finances octroie à la MIRES un plafond d'emplois de 150.913 équivalents temps plein travaillé (ETPT) pour 2007 , soit 6,5 % de l'ensemble des plafonds d'emplois 1 ( * ) .

96,8 % des emplois sont portés par le programme « Formations supérieures et recherche universitaire » contre 89,3 % l'année dernière. Cette augmentation s'explique par le transfert des allocataires de recherche du programme « Orientation et pilotage de la recherche » vers le programme « Formations supérieures et recherche universitaire ».

Toutefois, afin d'avoir une vision plus précise des emplois rémunérés par les crédits de la présente mission, il convient de tenir compte des emplois hors plafond rémunérés par les opérateurs, soit au total 118.307 emplois ETPT , ce chiffre ne comprenant pas les emplois du Palais de la découverte, chiffre non communiqué.

B. L'ADAPTATION DE L'ADMINISTRATION À LA LOLF

1. La réorganisation administrative

Le décret n° 2006-572 du 17 mai 2006 et l'arrêté du 17 mai 2006 ont réorganisé l'administration centrale du MENESR avec l'objectif de mettre en cohérence l'organisation dudit ministère avec la LOLF . Selon les termes du ministère, elle « vise en effet à améliorer la coordination de l'action ministérielle en procédant à un resserrement des structures autour de quatre pôles de compétences correspondant aux programmes inscrits dans la LOLF ». Concrètement, trois directions générales à vocation opérationnelle ont été créées :

- la direction générale de l'enseignement scolaire , en charge des programmes budgétaires relatifs aux premier et second degrés (enseignement public) et à la vie de l'élève ;

- la direction générale de l'enseignement supérieur , comprenant désormais la recherche universitaire, en charge des programmes formations supérieures et recherche, ainsi que la vie étudiante ;

- la direction générale de la recherche et de l'innovation , comprenant en son sein une direction de la stratégie, en charge des 4 programmes budgétaires relatifs à la recherche relevant du MENESR au sein de la MIRES.

En outre, un poste de secrétaire général a été créé , son titulaire étant chargé du programme budgétaire de soutien de la politique de l'éducation nationale.

Le ministère souligne que cette réorganisation contribue à doter l'administration centrale d'une organisation optimisée, en confiant dans le champ couvert par le programme soutien, au secrétaire général, une coordination de l'ensemble des fonctions transversales d'appui, le secrétaire général intervenant aux côtés des responsables en charge des programmes relevant de l'enseignement scolaire, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

2. La mise en place d'une comptabilité analytique au sein des opérateurs

a) Les universités

Dans le cadre du processus de mise en oeuvre de la LOLF, le ministère a conduit, avec quelques universités volontaires, une expérimentation afin d'évaluer les implications de cette loi sur ces opérateurs chargés de mettre en oeuvre des politiques publiques. L'amélioration de la qualité des comptes des universités figure au nombre de ces chantiers . Elle concerne l'ensemble des acteurs de chaque établissement, les agents comptables comme les ordonnateurs.

Cependant, cette expérimentation n'a pas encore permis de tirer des conclusions générales applicables à tous les établissements .

b) Les organismes publics de recherche

Dans le cas des établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST), opérateurs principaux de l'Etat chargés de participer à leur exécution des programmes de la MIRES, le ministère reconnaît que la qualité des restitutions budgétaires et comptables ne peut se concevoir sans la mise en place d'une véritable comptabilité analytique .

Il souligne que celle-ci sera mise en oeuvre « selon une démarche progressive et concertée, dont la précision évoluera au fil des exercices, dès lors que les phases d'exécution permettront de valider les méthodes auprès de chaque établissement et de se référer à des données comptables certifiées ».

En revanche, pour ce qui concerne les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC), le recours à la comptabilité analytique apparaît bien développé , notamment pour les deux plus importants d'entre eux, le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et le Centre national d'études spatiales (CNES), pour lesquels, d'une part, la budgétisation des subventions de l'Etat et des ressources contractuelles s'effectue en coûts directs, et d'autre part la segmentation des activités (CEA) ou la programmation et le suivi des projets (CNES) est présentée, dans l'état prévisionnel de recettes et de dépenses (EPRD) et ses modificatifs, en coûts complets.

Dans sa réponse au questionnaire de vos rapporteurs spéciaux, le ministère indique, de plus, que la comptabilité analytique, qui se trouve « à des stades de développement ou de perfectionnement variables au sein des autres EPIC subventionnés par le ministère chargé de la recherche (BRGM, IFREMER, CIRAD) », représente en tout état de cause un enjeu important dans le développement des activités de valorisation, le renforcement de la politique contractuelle et commerciale et la maîtrise des coûts des fonctions support.

* 1 « Pour 2007, le plafond d'autorisation des emplois rémunérés par l'Etat, exprimé en équivalent temps plein travaillé, est fixé au nombre de 2.307.664 », article 77 du PLF pour 2007.