M. Jean-Claude Frécon

IV. LE PROGRAMME 164 : « COUR DES COMPTES ET AUTRES JURIDICTIONS FINANCIÈRES »

A. FINALITÉ DU PROGRAMME

Le programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » répond aux prescriptions des articles 14 15 ( * ) et 15 16 ( * ) de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789. Il englobe la Cour des comptes et les 26 Chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) .

S'agissant de la Cour des comptes, le dernier alinéa de l'article 47 de la Constitution dispose qu'elle « assiste le Parlement et le gouvernement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances ». Ainsi, à la demande du Sénat, 5 enquêtes auront été réalisées dans le cadre de l'article 58-2 de la LOLF en 2007, cinq autres sont prévues au titre de l'article 58-2 en 2008 et une au titre de l'article 58-1 . Les enquêtes, après une « audition pour suite à donner », sont intégrées au sein d'un rapport d'information de votre commission rédigé par le rapporteur spécial compétent.

En outre, la LOLF, en son article 58, introduit deux nouvelles attributions d'assistance du Parlement à la Cour :

- le dépôt d' un rapport conjoint au dépôt du projet de loi de règlement , relatif aux résultats de l'exécution de l'exercice antérieur et aux comptes associés, par mission et par programme ;

- la certification de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes de l'Etat .

Parallèlement, l'article 12 de la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale confie à la Cour des comptes, outre l'établissement du rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, la mission de certifier les comptes combinés des branches du régime général de la sécurité sociale.

Le Premier président de la Cour des comptes, M. Philippe Séguin , est responsable du présent programme.

B. LES ACTIONS DU PROGRAMME : LA PRÉPONDÉRANCE DU « CONTRÔLE EXTERNE ET INDÉPENDANT DE LA RÉGULARITÉ ET DE L'EFFICACITÉ DE LA GESTION PUBLIQUE »

L'action de soutien pèse pour plus du quart du programme (27,4 %). Après ventilation de ses crédits de paiement, il ressort trois actions de politique publique de poids budgétaires inévitablement très inégaux.

C. UNE PROGRESSION SIGNIFICATIVE DES CRÉDITS : + 7, 1 %

Le présent programme, dont près de 82 % des crédits concernent le personnel , s'appuie, en crédits de paiement , sur une enveloppe de 194,7 millions d'euros 17 ( * ) , en progression de 12,7 millions d'euros (+ 7,1  %) par rapport au budget accordé pour 2007, et de 187,4 millions d'euros en autorisations d'engagement (+ 3,16 % par rapport à 2007).

L'accroissement des crédits de paiement renvoie notamment à l'augmentation des dépenses d'investissement . Celles-ci sont intégralement affectées à la fonction de soutien et concernent surtout les dépenses immobilières , au premier rang desquelles s'inscrivent les travaux de rénovation de la tour des archives du Palais Cambon pour un total de 8,4 millions d'euros , mais aussi les opérations de mise en conformité de la sécurité ou de ravalement qui incombent aux CRTC, dans le cadre d'obligations réglementaires.

Les dépenses de fonctionnement augmentent de 3,9 millions d'euros pour un montant total de 25,7 millions d'euros, dont la moitié de dépenses immobilières, parmi lesquelles figure l'incidence financière du relogement de certains services pendant les travaux de la tour des archives.

D. UNE GESTION DES EFFECTIFS RATIONNALISÉE ET DES DÉPENSES DE PERSONNEL QUI INTÈGRENT LES SPÉCIFICITÉS DES JURIDICTIONS FINANCIÈRES

1. Une légère diminution du plafond d'emploi

Pour 2007, le plafond d'emploi autorisé pour le présent programme est fixé à 1.840 ETPT, soit une suppression de 11 ETPT par rapport à l'exercice 2007, en raison notamment de la transformation de 10 emplois de catégorie B en catégorie A et de 10 emplois de catégorie C en catégorie B.

Les besoins liés aux nouvelles missions de certification dévolues à la Cour des comptes semblent avoir été bien absorbés par les redéploiements internes (en affectant des magistrats, des rapporteurs et des assistants à des tâches de certification, la moitié des besoins avait été couverte) et par les créations de postes survenues en 2006 et 2007 (28 créations nettes sur les deux exercices). Le projet de loi de finances pour 2008 ne prévoit aucune création supplémentaire au titre des missions de certification, ce dont votre rapporteur spécial se félicite.

2. La création de corps spécifiques aux juridictions financières

a) Les incidences financières de la budgétisation de ces créations

S'agissant des personnels de catégories B et C (798 agents au total), des corps administratifs et techniques propres aux juridictions financières ont été créés 18 ( * ) , en remplacement des corps qui ne concernaient jusque là que la Cour des comptes. La mise à niveau de ces régimes indemnitaires devrait représenter 0,9 million d'euros en complément de la première tranche allouée en 2007 à hauteur de 0,4 million d'euros.

S'agissant des personnels de catégorie A (721 agents de catégorie A + et 321 agents de catégorie A), la réflexion en cours débouchera sur la création d'un corps spécifique aux juridictions financières, en septembre 2008, pour un coût prévisionnel de 0,4 million d'euros au titre de la première tranche.

b) Vers l'extinction des mises à disposition ?

La politique poursuivie de transformation des mises à disposition en détachements conduit à une diminution des effectifs mis à disposition et à une augmentation concomitante du nombre d'agents détachés auprès des juridictions financières.

Au 31 décembre 2006, le nombre de mises à disposition par le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi, se portait à 364 ETPT. Compte tenu des demandes de détachement dans les corps nouvellement créés de catégories B et C et des départs naturels, il devrait descendre à moins de 150 en 2008 , parmi lesquels une centaine d'agents de catégorie A, qui seront invités à opter pour un détachement une fois créé le corps d'attaché des juridictions financières en septembre 2008.

3. Une répartition des effectifs qui reflète le poids des actions du programme

Les 1.840 équivalents temps plein travaillés (ETPT) du programme , se répartissent de la manière suivante entre les quatre actions du programme :

- Action 1 « Contrôle externe et indépendant des comptes publics », correspondant au contrôle de la régularité de plus de 1.100 comptes publics nationaux par la Cour des comptes et de plus de 40.000 comptabilités locales par les CRTC. Cette action recouvre, en outre, les missions de certification des comptes de l'Etat et du régime général de la Sécurité sociale respectivement dévolues par la LOLF et la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005, et qui ont été menées à bien pour la première fois en 2007 : 27 % des emplois du programme ;

- Action 2 « Contrôle externe et indépendant de la régularité et de l'efficacité de la gestion publique », rassemblant le contrôle de la qualité de la gestion et du bon emploi des fonds publics par la Cour des comptes (y compris les organismes de sécurité sociale et les entreprises publiques) et par les CRTC (collectivités territoriales, établissements publics locaux et tout organisme privé bénéficiant de concours publics). Elle constitue, en terme quantitatif, la première activité des juridictions financières et mobilise 53 % des emplois du programme ;

- Action 3 « Conseil et expertise », comprenant notamment l'assistance au Parlement et au gouvernement par la Cour des comptes mais en également l'expertise internationale, à travers les missions de commissariats au compte exercées par les juridictions financières dans plusieurs organismes internationaux (ONU, UNESCO, Interpol) : 8 % des emplois du programme ;

- Action 4 « Soutien aux activités des juridictions financières » qui regroupe les activités d'état major assurées par le Premier président assisté du secrétariat général de la Cour des comptes et, pour certaines de ses attributions, du procureur général : 12 % des emplois du programme .

E. VERS DE NOUVEAUX PROGRÈS EN MATIÈRE DE MESURE DE LA PERFORMANCE

1. Une mesure soignée et toujours pertinente en dépit de la difficulté d'évaluer les missions du programme

La LOLF a incité les juridictions financières à mettre en place une véritable gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, ainsi qu'un contrôle de gestion , (mis en place par la direction des affaires financières et du contrôle de gestion) contrepartie indispensable de l'autonomie budgétaire. Cette année encore, il y a lieu de se féliciter de ce que les juridictions financières, Cour des comptes y compris, s'inscrivent dans une démarche stratégique de performance .

Sur les quatre objectifs définis, trois correspondent aux principales missions de la Cour des comptes, à savoir le contrôle de la régularité des comptes publics, l'amélioration de la gestion publique et les relations avec les responsables nationaux, locaux et les citoyens , le quatrième objectif portant sur la maîtrise de la fonction de soutien. Or, la définition d'indicateurs pertinents pour mesurer la performance des juridictions financière dans l'accomplissement de ces objectifs est complexe.

En effet, la qualité d'un rapport est difficilement mesurable par des indicateurs, ainsi que la part imputable aux travaux des juridictions financières dans l'amélioration de la gestion publique. Pour autant, les juridictions financières se sont inscrites avec succès dans une démarche de performance, comme l'illustre par exemple l'indicateur sur l'efficience des fonctions de « Soutien » dans les juridictions financières, qui apparait toujours excellent , (poids de la masse salariale de la fonction « Soutien » par rapport à la masse salariale globale des juridictions financières).

Votre rapporteur spécial tient à souligner que les indicateurs sont tous parfaitement renseignés, tant en valeur cible qu'en réalisation ou en prévision.

L'indicateur concernant la proportion des travaux réalisés dans les délais légaux ou réglementaires impartis affiche désormais une cible de 100 %, pour tenir compte des remarques formulées l'an dernier par votre rapporteur spécial.

Votre rapporteur spécial souhaite à cet égard relever les progrès significatifs en matière de respect des délais de la part de la Cour des comptes : alors que la performance réalisée en 2006 était de 73 % la prévision actualisée pour 2007  s'élève à 80 % avec pour cible en 2008 un niveau de 91 %.

Néanmoins, une remarque plus critique peut être formulée sur l'indicateur « Activité consacrée aux missions de conseil et d'expertise », qui a été modifié et exclut désormais de son champ les contrôles dans le cadre de l'article 58-2 de la LOLF au seul profit de l'article 58-1 de cette loi. Les précisions méthodologiques qui accompagnent cet indicateur n'indiquent pas les raisons de ce changement mais soulignent que les activités conduites dans le cadre du 58-2 ont doublé, entre 2005 et 2006, passant de 3 % à 6 % du total du temps de travail de la Cour. Votre rapporteur spécial souhaite que cet indicateur, à l'avenir, fasse notamment apparaître, de manière distincte, toutes les activités d'assistance au Parlement de la Cour.

2. Les améliorations issues de la réflexion du groupe de travail sur l'adéquation des indicateurs

En matière d'amélioration de la prise en compte de la performance, un groupe de travail transversal, associant des représentants de la Cour et des CRTC, mis en place au printemps 2006, devait mener une réflexion sur l'adéquation des indicateurs à la mesure de la performance en vue du projet de loi de finances pour 2008.

S'agissant de l' indicateur mesurant la « proportion des entités contrôlées par rapport à l'ensemble du champ de contrôle » , et de l'indicateur relatif aux « masses financières contrôlées par rapport au nombre de jours travaillés » , pour lesquels la question de la cohérence d'unité de mesure avait été soulevée lors du dernier projet de loi de finances, votre rapporteur spécial se félicite de leur modification : le premier indicateur s'exprime désormais en pourcentage et le second en euro par jour, à la fois pour la Cour et les CRTC.

Votre rapporteur spécial se réjouit, en outre, de la création d'un nouvel indicateur relatif au « suivi par les juridictions financières des effets des travaux insérés dans leurs rapports », renseigné en pourcentage et commun à toutes les juridictions financières. Cet indicateur mesure la proportion d'insertions ayant donné lieu à un suivi publié dans les 6 ans et se fixe comme prévision 2008 la valeur cible de 30 % (contre 23,2 % en 2007).

L'indicateur relatif au poids global de la « dépense soutien » par rapport à l'ensemble des crédits des juridictions financières a été supprimé. Il est vrai qu'il n'apportait pas de valeur ajoutée par rapport au projet annuel de performances qui détaille déjà le poids des différentes actions du programme.

En revanche, l'indicateur ayant trait à la « proportion de la masse financière jugée ou certifiée » n'a fait l'objet d'aucune modification en dépit de ce qui avait été annoncé dans le projet annuel de performances pour 2007. Il convient de souligner que la valeur-cible fixée pour 2009 apparaît très large (de 15 % à 25 %).

F. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

- La progression des crédits de paiement (+ 7,1 %) procède surtout de dépenses d'investissement, et plus particulièrement d'opérations immobilières .

- Il conviendra d'être attentif à l'évolution des corps propres aux juridictions financières, crée ou en cours de création.

- Votre rapporteur spécial se félicite de la qualité des relations entre la Cour des comptes et les assemblées, dont témoigne le nombre de travaux réalisés dans le cadre de l'article 58-2 de la LOLF à la demande de votre commission (5 en 2007 et 5 prévus pour 2008). A cet égard, il souhaite la création d'un sous-indicateur permettant de mesurer le niveau des activités accomplies par la Cour au titre de cet article.

- Enfin, la démarche de performance engagée par les juridictions financières ainsi que les perfectionnements apportés par le groupe de travail chargés d'améliorer les indicateurs méritent d'être salués .

* 15 L'article 14 dispose que « Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée ».

* 16 L'article 15 dispose que « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».

* 17 Somme à laquelle il convient d'ajouter 2,64 millions d'euros au titre des fonds de concours.

* 18 Décrets n° 2006-1441 du 24 novembre 2006 et n° 2007-654 du 30 avril 2007 concernant les personnels de catégorie B, et décret n° 2006-1760 du 23 décembre 2006 pour les personnels de catégorie C.