M. Yann GAILLARD

II. LE PROGRAMME « PATRIMOINES » : PRIORITÉ DE LA MISSION ET QUESTIONS MULTIPLES

A. CARACTÉRISTIQUES DU PROGRAMME : 49 % DES MOYENS DE LA MISSION

1. Des moyens financiers en augmentation : + 9,4 %

Ce programme représente 1.264,83 millions d'euros en autorisations d'engagement auxquels s'ajoutent 20,39 millions d'euros de fonds de concours d'une part, et 1.133,75 millions d'euros en crédits de paiement auxquels s'ajoutent 26,44 millions d'euros de fonds de concours, d'autre part. Les moyens consacrés au programme 175 sont en augmentation par rapport à 2007, de 9,4 % pour ce qui concerne les crédits de paiement.

L'évolution la plus notable concerne les fonds de concours venant compléter les crédits de paiement, ils ont été divisés par 5,7 entre 2007 et 2008, passant de 151,85 millions d'euros, à 26,44 millions d'euros. Cette évolution correspond à l'affectation de 140 millions d'euros du produit des droits de mutation à titre onéreux au profit du centre des monuments nationaux en 2007 9 ( * ) , non reconduite en 2008.

Les effectifs inscrits au programme diminuent de 21 unités , pour s'établir à 3.204 ETPT . Les emplois rémunérés par les opérateurs hors plafond d'emplois du ministère s'élèvent à 11.319 emplois .

2. ... affectés en priorité au patrimoine

Rappelons que les moyens humains et financiers affectés au programme 175 doivent être appréciés après application du schéma de déversement analytique. Si l'on ajoute, comme le prévoit ce schéma, 220,998 millions d'euros provenant de l'action 7 « Fonctions soutien communes aux trois programmes » du programme 224, les crédits de paiement du programme 175 progressent de 14,36 % . La majorité des reventilations entre les programmes de la mission « Culture » bénéficie au programme 175, et plus particulièrement, en son sein, aux actions :

- 1-175 « Patrimoine monumental et archéologique », qui passe à 35,35 % des crédits du programme au lieu de 30,63 % et à 24,6 % du personnel du programme, contre 15,4 % avant déversement ;

- 2-175 « Architecture », qui progresse de 78 % au sein du programme 175, après déversement, du fait de la comptabilisation des effectifs des services départementaux de l'architecture et du patrimoine (SDAP) sur cette action, et des coûts y afférant 10 ( * ) . Cette action reste toutefois modeste, représentant 4,1 % du programme, contre 2,2 % avant déversement ;

- 3-175 « Patrimoine des musées de France » qui représente toujours 39,2 % du programme après déversement, contre 38,2 % avant déversement. Le maintien de son poids relatif au sein du programme tient au déversement de 85 % des crédits de l'action 8-175 « Acquisitions et enrichissement des collections publiques ». Ces crédits sont alloués à la direction des musées de France, notamment dans le cadre du fonds du patrimoine.

3. La justification au premier euro est satisfaisante

Le programme comprend huit actions, présentées dans le tableau suivant.

Votre rapporteur spécial estime que de réels progrès ont été réalisés , et que la justification au premier euro des dépenses des actions du programme 175 est désormais globalement satisfaisante.

B. LE PATRIMOINE MONUMENTAL ET LES MUSÉES AU CENTRE DU PROGRAMME

1. Le plan de relance des monuments historiques est conforté

Le projet de loi de finances pour 2008 tend à poursuivre et consolider le mouvement de reprise de l'activité économique du secteur « monuments historiques ». Les moyens affectés aux monuments historiques s'élèveront à 304 millions d'euros , dont 200 millions d'euros seront affectés au financement de travaux d'entretien et de restauration en région .

En 2006, un dégel exceptionnel de 20 millions d'euros des crédits mis en réserve, puis en 2007 l'affectation, sur deux ans, d'une recette fiscale de 140 millions d'euros au CMN ont permis d'apurer les dettes sur les monuments appartenant à l'Etat . Votre rapporteur spécial avait regretté que les crédits d'intervention de l'action 1-175 aient diminué de 18,5 %, montrant que l'effort consenti au profit des monuments appartenant à l'Etat ne s'était pas accompagné, au contraire d'un redéploiement de crédits vers les monuments appartenant aux collectivités territoriales et à des propriétaires privés.

Cet année, un effort particulier sera réalisé en faveur des monuments appartenant aux collectivités territoriales et aux propriétaires privés , qui consistera en fait à un rattrapage de la réduction de crédits observée l'année dernière : ces monuments bénéficieront de 123,1 millions d'euros , soit 20 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2007. Le ministère de la culture et de la communication estime que ce rééquilibrage permettra la reprise des chantiers amorcée à la fin de l'année 2006, sur ces monuments, avec un fort effet de levier sur la dépense globale en faveur du secteur du patrimoine monumental.

Votre rapporteur spécial a déjà indiqué qu'il considérait indispensable qu'un effort considérable soit fait pour mieux évaluer les besoins de ce secteur. Il sera donc particulièrement attentif à la publication, déjà retardée, du rapport prévu par l'article 90 de la loi de finances pour 2007, précitée. Il suivra également avec intérêt la mission qui doit être lancée pour évaluer le rôle que doit avoir le CMN , désormais privé de l'affectation directe de 70 millions d'euros de recettes fiscales.

Votre rapporteur spécial n'est absolument pas convaincu de l'intérêt de faire émerger un nouvel acteur dans la maîtrise d'ouvrage de l'Etat. Il entend que les rôles des conservations régionales des monuments historiques (CRMH) au sein des directions régionales des affaires culturelles (DRAC), de l'établissement public de maîtrise d'ouvrage culturelle (EMOC) du Service national des travaux publics (SNT) et du CMN en matière de maîtrise d'ouvrage soient articulés au mieux, et que le principal souci de la mission d'évaluation lancée prochainement par le ministère de la culture et de la communication soit l'efficience des différents acteurs, leur bonne coordination , la réalisation d' économies , tant en moyens humains et en moyens financiers, et la préservation de la capacité d'expertise des services de l'Etat dans ce domaine.

2. La politique d'investissement du secteur est raisonnée

Le ministère de la culture et de la communication a exposé ses priorités pour le programme « Patrimoines » le 29 septembre dernier, en présentant le projet de loi de finances pour 2008 pour la mission « Culture ». Il a ainsi été précisé que le gouvernement souhaitait « renouveler l'approche des grands projets d'investissement dont il est maître d'ouvrage. Les décisions s'appuieront désormais à la fois sur la qualité scientifique et les enjeux stratégiques du projet mais également sur la soutenabilité des engagements financiers pris sur la durée globale du projet ».

Ce mode d'analyse, suffisamment nouveau dans le domaine de la culture pour être mis en avant dans les documents budgétaires transmis à votre rapporteur spécial, a conduit le ministère à valider la poursuite au rythme initialement prévu :

- du schéma directeur de Versailles : 24 millions d'euros de crédits de paiement en 2008 (16 millions d'euros d'autorisations d'engagement), pour un coût total de la phase engagée de 135 millions d'euros , dont 97 millions d'euros à la charge de l'Etat (et 38 millions d'euros de ressources propres de l'établissement public) ;

- la construction du Centre national des archives de Pierrefitte : 25,7 millions d'euros en crédits de paiement et 76,1 millions d'euros d'autorisations d'engagement (pour un coût total de 213 millions d'euros ) ;

- le réaménagement du quadrilatère Richelieu : 3,5 millions d'euros en crédits de paiement et 7 millions d'euros d'autorisations d'engagement (pour un coût total de 115,2 millions d'euros ).

En revanche, la réalisation du musée des civilisations de l'Europe et de la méditerranée (MUCEM) sera réexaminée dans le cadre de la révision général des politiques publiques (RGPP). Rappelons que jusqu'en 2007, ce projet avait bénéficié de 10,83 millions d'euros en crédits de paiement et 22,24  millions d'euros en autorisations d'engagement, pour un coût total prévu de 60,81 millions d'euros . En 2008, 2 millions d'euros de crédits de paiement sont prévus.

Enfin, en 2008 de grands projets en région seront également soutenus par l'Etat, notamment dans le cadre des contrats de projet Etat-Région. 9,5 millions d'euros d'autorisations d'engagement seront consacrés à la construction ou à l'aménagement de musées en région tels que le musée Unterlinden de Colmar, le musée Crozatier du Puy-en-Velay, le musée Niepce de Chalon-sur-Saône, le musée des beaux-arts de Dijon, les musées de Quimper, de Rennes et de Vannes, ou les projets de musée de la soie à Tours, et du musée du jouet de Moirans en Franche-Comté.

Le détail des opérations du programme 175 est présenté dans le tableau suivant.

3. La politique de gratuité des musées

La politique des musées bénéficiera en 2008 de 388,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 344,30 millions d'euros en crédits de paiement. Pour les services à compétence nationale un double effort est fait sur le fonctionnement et l'investissement, alors que pour les établissements publics l'effort est ciblé sur le fonctionnement avec une augmentation notable de 5 % des subventions de fonctionnement (atteignant ainsi 263,3 millions d'euros), destinée à la revalorisation de la masse salariale. Les crédits d'investissement, soit 23,4 millions d'euros en crédits de paiement et 35,7 millions d'euros en autorisations d'engagement permettront de financer l'équipement courant, les travaux d'entretien et de maintenance et les travaux du tympan Est du musée d'Orsay.

Les deux objectifs qui semblent essentiel à votre rapporteur spécial dans le domaine muséal pour 2008 sont :

- le bon fonctionnement du nouveau musée universel d'Abou-Dabi (cf. annexe 2) ;

- et la modernisation de l'organisation de l'ensemble formés par les grands opérateurs du secteur, les musées nationaux, la direction des musées de France et la Réunion des musées nationaux . Votre rapporteur spécial a noté dans son rapport d'information précité « Quatre établissements publics culturels et leurs tutelles », les questions qui se posaient dans ce domaine. Il souhaite que la RGPP soit l'occasion d'une réflexion globale sur ces enjeux.

Par ailleurs, votre rapporteur spécial note qu'aucun des documents budgétaires transmis dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2008 ne fait état de la réforme la plus profonde qui sera mise en oeuvre l'année prochaine : la gratuité des musées . Conformément au souhait exprimé pendant la campagne présidentielle, le gouvernement a mis en place une expérimentation de la gratuité dans un certain nombre de musées nationaux dépendant des ministères de la culture et de la communication, de la défense et de l'enseignement.

Le financement de l'expérimentation n'est pas prévu dans le projet de loi de finances pour 2008. L'évaluation du coût pour les musées concernée n'a pas encore été transmise à votre rapporteur spécial, malgré ses demandes aux services du ministère. Il apparaît aujourd'hui que cette expérimentation devrait être financée à enveloppe constante , par redéploiement des crédits. Votre rapporteur spécial estime qu'en conséquence les musées qui seront concernés devraient bénéficier d'une exonération de mise en réserve des crédits en 2008, à titre exceptionnel.

L'expérimentation portera sur les collections permanentes des musées sélectionnés, du 1 er janvier au 30 juin 2008 . Quatorze établissements, musées et monuments historiques, ont été sélectionnés dans toute la France pour offrir l'accès gratuit à leurs collections permanentes ou à leur site au public pendant le premier semestre de l'année 2008. Il s'agit du musée Guimet, du musée de Cluny, du musée des Arts et métiers, du musée des antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye, du musée national de la Renaissance d'Ecouen, du musée de l'air et de l'espace du Bourget, du musée de la Marine de Toulon, du musée national Adrien Dubouché à Limoges, du musée Magnin à Dijon, du Palais du Tau à Reims, du Palais Jacques Coeur à Bourges, du château d'Oiron, du musée national du château de Pau et du château de Pierrefonds.

De plus, quatre grands musées parisiens , des plus fréquentés, mettront en place un dispositif de gratuité ciblée en faveur des jeunes. Les visiteurs de 18 à 25 ans auront accès gratuitement, un soir par semaine , de 18 à 21 heures, aux collections permanentes du musée d'Art moderne (le mercredi), du musée d'Orsay (le jeudi), du Louvre (le vendredi) et du musée du Quai Branly (le samedi).

Ces expérimentations visent à attirer dans les musées un nouveau public . Le suivi et l'évaluation des résultats de l'expérimentation seront assurés par un prestataire extérieur, sous l'égide du ministère de la culture et de la communication. Votre rapporteur spécial souhaite avoir communication des coûts de cette étude. L' affluence sera mesurée, ainsi que la composition du public, afin de tenter d'évaluer la part de nouveaux visiteurs des musées . En fonction des résultats obtenus l'expérimentation sera étendue à tous les musées nationaux , ou non, sous forme de gratuité globale ou de gratuité au bénéfice des jeunes publics.

Votre rapporteur spécial vous proposera d'adopter un amendement visant à prévoir la transmission d'un rapport d'information établi par le gouvernement pour le Parlement à l'issue de la première période d'expérimentation, afin que les assemblées puissent se prononcer sur les orientations à retenir pour étendre ou non la gratuité.

C. LA SITUATION DE L'ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE

1. La prorogation de la subvention d'équilibre : 9,07 millions d'euros

L'institut national des recherches archéologiques préventives (INRAP) se verra allouer, en 2008, une subvention pour charge de service public de 9,07 millions d'euros en crédits de paiement et en autorisations d'engagement, soit une stabilité des moyens financiers qui lui sont alloués depuis que la mission « Culture » prévoit, comme le souhaitait votre rapporteur spécial, une subvention de fonctionnement pour cet établissement public.

Votre rapporteur spécial rappelle que, dans le prolongement de ses nombreux travaux dans ce domaine, il avait soumis au Sénat l'adoption d'un amendement visant à doter l'INRAP d'une subvention pour charge de service public de 10,58 millions d'euros lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006. Le ministère de la culture avait estimé que l'amélioration de la situation financière de l'INRAP serait rapide et que la mesure proposée n'était pas utile. Il semble toutefois que cette subvention ait été nécessaire en 2006 puisque le ministère de la culture a finalement versé une subvention de 7,5 millions d'euros à l'INRAP afin de rembourser une partie de l'avance du Trésor. La subvention de l'INRAP en 2007 semblait également inévitable puisqu'elle était prévue par le projet de loi de finances même, et elle est reconduite en 2008.

2. Les conditions de l'amélioration de la situation de l'archéologie préventive

Si les choses semblent s'être améliorées, depuis la publication de son rapport d'information « Pour une politique volontariste de l'archéologie préventive » 11 ( * ) , votre rapporteur spécial entend formuler les observations suivantes :

- l'effort d' amélioration du recouvrement de la redevance d'archéologie préventive par les DRAC et les directions départementales de l'équipement (DDE) doit être poursuivi. Le produit de la redevance a progressé de 49,2 % entre 2005 et 2006, son recouvrement a augmenté de 106 % dans la même période, passant de 32,3 millions d'euros à 66,6 millions d'euros ;

- la subvention allouée à l'INRAP doit permettre de stabiliser sa situation financière, si elle va de pair avec le maintien d'une politique très stricte de gestion des ressources humaines . Votre rapporteur spécial estime toutefois que ce strict encadrement des recrutements de CDI ou de CDD doit être compatible avec un délai de traitement moyen des fouilles archéologiques acceptable par les entrepreneurs et les collectivités territoriales concernées. Rappelons ainsi que la facturation des fouilles devrait atteindre 69,93 millions d'euros en 2008, soit une progression de 11 millions d'euros par rapport à 2006, ce qui devrait donner à l'INRAP une certaine souplesse de gestion. La mise en place d'un nouveau contrat type pour les agents opérationnels sous CDD de l'INRAP permettra de mieux prendre en compte les spécificités propres au domaine d'activité de l'archéologie, et ainsi de réduire les délais de recrutement pour une meilleure adaptation au plan de charge de l'établissement public ;

- votre rapporteur spécial note que l'INRAP n'a pas profité de l'assainissement de ses ressources pour rembourser le prêt du Trésor qui lui a permis de couvrir ses déficits successifs depuis 2002, soit 23 millions d'euros, dont 15,5 millions d'euros doivent encore être remboursés ;

- enfin, le ministère de la culture doit poursuivre son effort de rationalisation de la politique d'archéologie préventive en réunissant sans tarder, et comme il s'y est engagé devant le Sénat, le 12 mai 2006, le Conseil national de la recherche archéologique, qu'il préside afin de définir une politique de programmation de la recherche archéologique et des prescriptions de fouilles archéologiques.

Ce n'est que si les conditions précédemment énumérées sont respectées, et si de nouveaux opérateurs d'archéologie privés sont agréés , que la situation de l'archéologie préventive pourra être considérée comme satisfaisante.

* 9 Soit 70 millions d'euros au titre de la gestion 2006 et 70 millions d'euros au titre de la gestion 2007.

* 10 Rémunérations, part des crédits de formation, part des crédits informatiques, crédits de fonctionnement et d'entretien des SDAP, etc.

* 11 Rapport d'information de M. Yann Gaillard, fait au nom de la commission des finances, n° 440 (2004-2005) - 29 juin 2005.