M. Yann GAILLARD

IV. LE CAS PARTICULIER DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « CINÉMA, AUDIOVISUEL ET EXPRESSION RADIOPHONIQUE LOCALE »

A. LES MOYENS DU PRÉSENT COMPTE

1. La progression de + 4,5 % des crédits du CAS

Le compte d'affectation spécial (CAS) « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale » bénéficiera, en 2008, de 553,53 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, soit une progression de 4,5 % par rapport à 2006.

La progression des recettes du CAS s'explique notamment par l'élargissement de la taxe pesant sur les éditeurs et les distributeurs de services de télévision aux opérateurs de téléphonie mobile et aux fournisseurs d'accès à Internet . Cette extension de l'assiette de la taxe, que votre rapporteur spécial appelait de ses voeux, est prévue par l'article 35 de la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.

Les tableaux suivants présentent les recettes des trois sections du CAS et les dépenses de ses trois programmes.

2. 151 millions d'euros de dépenses fiscales rattachées

Les dépenses fiscales rattachées à ce CAS s'élèvent à 151 millions d'euros , soit 27,3 % des crédits de paiement . Elles sont ainsi réparties :

- pour le programme 711 : 30 millions d'euros au titre de la déduction des souscriptions en numéraire au capital des SOFICA, et 50 millions d'euros au titre du crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres cinématographiques ;

- pour le programme 712 : 30 millions d'euros au titre de la déduction des souscriptions en numéraire au capital des SOFICA, 40 millions d'euros au titre du crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres audiovisuelles, et 1 million d'euros au titre du crédit d'impôt en faveur des distributeurs audiovisuels ;

- pour le programme 713 : aucune dépense fiscale ne lui est rattachée.

Notons qu'en 2006, les dépenses fiscales représentaient 19,6 % des crédits de paiement du CAS, et 28,3 % en 2007.

Enfin, pas plus qu'en 2006 et 2007, le produit de la dépense fiscale « Amortissement exceptionnel égal à 50 % du montant des sommes versées pour la souscription de titres de SOFICA », contribuant aux programmes 711 et 712, n'est évalué.

B. L'ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE DU CAS

1. Les dépenses fiscales font l'objet d'un réel suivi

Après une modernisation du dispositif des SOFICA en 2006, qui a consisté à augmenter les flux de ressources vers la production indépendante, la loi de finances rectificative pour 2006 18 ( * ) a permis aux SOFICA de poursuivre de manière renforcée leur action de soutien à la création . La loi incite en effet les SOFICA à s'orienter fortement vers le financement du développement de projets et l'accompagnement en fonds propres de sociétés de production indépendantes .

Pour ce faire, la déduction du revenu imposable a été abandonnée au profit d'une réduction d'impôt du revenu net global au taux de 40 %, majoré de 20 % lorsque le souscripteur investit dans une SOFICA qui s'engage à réaliser au moins 10 % de ses investissements sous forme de souscription en capital dans les sociétés de production cinématographiques ou audiovisuelles indépendantes. Cette modification permet également d'ouvrir ce dispositif à une population plus large de souscripteurs.

Les dépenses fiscales au bénéfice des SOFICA semblent efficaces, dans la mesure où :

- les SOFICA favorisent le financement du cinéma indépendant , qui représente en moyenne 51 % de leurs investissements alors que l'objectif qui leur est fixé est de 35 % ;

- les SOFICA aident au renouvellement des talents , 41 % des premiers films français produits en 2006 ont été soutenus par des SOFICA, 23 premiers films ont été financés par des SOFICA en 2006 ;

- ces sociétés défendent la promotion de la langue française . En 2006, 72 des 78 films soutenus par des SOFICA étaient réalisés en langue française ;

- enfin, les SOFICA contribuent au maintien d' un haut niveau de production nationale , 23 films de plus qu'en 2005 ont été soutenus par ces sociétés en 2006.

Les crédits d'impôt cinéma et audiovisuel sont un instrument efficient de localisation de la production en France :

- ils ont généré des effets structurants pour les industries techniques du cinéma et de l'audiovisuel, et exercent un effet multiplicateur sur les emplois directs, tant sur les tournages qu'en post-production, ainsi que sur les emplois indirects dans l'ensemble de l'économie ;

- les semaines de tournage en France reprennent de l'importance par rapport aux semaines de tournage à l'étranger. Le nombre de semaines de tournage en France est passé de 72,5 % du nombre total de semaines de tournage en 2005 à 78,5 % en 2006 pour les oeuvres cinématographiques ;

- de même, les dépenses effectuées en France pour les films d'initiative française agréés sont passées de 75 % des dépenses totales en 2004 à 84 % en 2006 ;

- enfin, le temps de tournage en France des oeuvres audiovisuelles est passé de 85,4 % du nombre total de jours de tournage en 2004 à 89,9 % en 2005, puis 93,3 % en 2006.

2. La similitude des indicateurs de performance des programmes 711 et 712

Votre rapporteur spécial note que des améliorations ont été apportées aux objectifs et indicateurs du CAS en 2007. Ceux-ci sont désormais stabilisés.

Pour mémoire, le choix des objectifs et des indicateurs de performance du programme 711 s'est fondé sur deux considérations :

- conforter l'efficacité globale de l'action du CNC au service du cinéma ;

- répondre aux mutations les plus récentes qui affectent les conditions de financement, de création, de production et de diffusion du cinéma.

Les objectifs sont donc les suivants :

- favoriser le succès du cinéma français en France et à l'étranger ;

- contribuer à la qualité et à la diversité de la création cinématographique ;

- diffuser le cinéma français sur l'ensemble du territoire ;

- favoriser l'attractivité du territoire national ;

- favoriser la diversité de l'offre et l'exposition de la création française en vidéo et sur les nouveaux supports de distribution (vidéo à la demande, internet et mobile).

Pour le programme 712, le CNC s'est fixé trois objectifs :

- consolider l'industrie des programmes audiovisuels ;

- enrichir l'offre de programmes et soutenir l'innovation audiovisuelle ;

- et favoriser l'attractivité du territoire national.

La proximité des indicateurs des programmes 711 et 712 confirme la perception de votre rapporteur spécial du caractère quelque peu artificiel de la séparation des missions du CNC en deux programmes .

C. VERS LA DISPARITION DU CAS ? L'AFFECTATION DIRECTE DES TAXES DU CAS AU CNC

Les taxes qui alimentent le soutien à l'audiovisuel et au cinéma sont affectées au présent CAS, dont le ministre de la culture et de la communication est ordonnateur et dont le comptable assignataire est le receveur général des finances de Paris.

1. Les inconvénients du système actuel

Cette architecture présente de réels inconvénients :

- les programmes 711 et 712 sont budgétairement étanches alors qu'ils traitent d'industries qui se sont considérablement rapprochées, de mécanismes de soutien similaire (aide automatique, aide sélective) et d'actions parfois communes (relocaliser les tournages en France par exemple). Le Comité interministériel d'audit des programmes a relevé l'ensemble de ces arguments dans un rapport d'avril 2007 et a regretté, comme votre rapporteur spécial, la dichotomie artificielle des deux programmes. La numérisation de la production et de la diffusion rend obsolète une séparation des politiques de soutien par support de destination (la salle, l'écran de télévision). Il convient au contraire d'encourager les créateurs à opérer sur tous les supports ;

- les capacités de réaction du CNC sont ralenties par cette structure de CAS. En effet, il serait utile, au cours de l'année, de pouvoir procéder à une régulation entre les sections du CAS selon les évolutions de la fréquentation ou des recettes de la télévision et du cinéma ;

- sur le plan comptable , si le CNC retrace dans son bilan depuis 2007 l'ensemble de ses dettes (constituée par les droits de tirage non encore exercés des bénéficiaires de soutien), il ne peut faire de même pour ses créances. En outre, la comptabilisation des recettes affectées au CAS se fait sur la base de la seule constatation des encaissements ; et non des droits constatés . Cela contribue donc à déséquilibrer structurellement la structure financière du CNC.

2. Economie et rationalisation des procédures grâce à l'affectation directe des taxes au CNC

L'affectation directe des taxes au CNC, sans passer par un CAS, présenterait de nombreux avantages :

- notamment la fusion des programmes 711 et 712 dans le budget opérationnel du CNC. Il serait dès lors possible de passer d'une logique verticale, par support de diffusion , à une logique horizontale , fondée sur les étapes de la création (écriture, production, distribution) ;

- la réduction des délais administratifs et comptables de circulation de la ressource et la comptabilisation complète des actifs et des passifs du CNC selon une comptabilité d'engagement et non de caisse ;

- et enfin, la réduction des financements budgétaires alloués au CNC pour contribuer à son fonctionnement à due concurrence des produits financiers supplémentaires liés à une trésorerie accrue.

Cette réforme semble d'ores et déjà amorcée car depuis le 1 er janvier 2007, le CNC recouvre directement la taxe sur les entrées en salle (dite « TSA ») et qu'à compter du 1 er janvier 2009, il est prévu de lui confier le recouvrement de la taxe sur les services de télévision (dite « TST »), selon les informations fournies par les services du ministère de la culture. Ces mesures sont justifiées par les gains de productivité qui peuvent être réalisés à l'occasion de ce transfert de responsabilité 19 ( * ) .

3. Les préalables à la réforme

Un certain nombre de difficultés se posent, même si toutes peuvent trouver une solution.

La première difficulté réside dans la sortie du CAS actuel des deux programmes 711 et 712. En effet, seul subsisterait au sein du CAS le Fonds de soutien à l'expression radiophonique locale (FSER), programme 713. Or, la LOLF ne permet pas l'existence de missions mono-programme . Le rattachement du FSER à la mission « Cinéma et audiovisuel », en complétant son intitulé en conséquence, a relevé de la pure convention lors du passage à la LOLF, comme le reconnaissent les services du ministère de la culture et de la communication. Il serait sans doute possible de rattacher le FSER à un autre CAS , ou une autre mission.

La seconde difficulté réside dans la nécessité, avant d'affecter directement des taxes au CNC, de le réformer, afin de le doter, comme le demande le ministère du budget d'un conseil d'administration 20 ( * ) . Ceci permettrait également d'améliorer les capacités de réaction du CNC : les dispositifs de soutien , aujourd'hui définis par un ensemble de décrets et arrêtés, pourraient être modulés par simple délibération du conseil d'administration. Selon les informations communiquées à votre rapporteur spécial lors de ses auditions préparatoires au débat sur le projet de loi de finances pour 2008, cette réforme, de nature législative, pourrait être présentée au Parlement en 2008.

L'affectation directe des taxes du CAS au CNC ferait ainsi l'objet d'une mesure en loi de finances rectificative pour 2007 , que votre rapporteur spécial soutiendra , dans l'attente de la réforme de la gouvernance du CNC, courant 2008.

D. UN FONDS DE SOUTIEN À L'EXPRESSION RADIOPHONIQUE LOCALE (FSER) RÉNOVÉ

1. La réforme des subventions

Créé en 1982 comme un élément essentiel de la politique de libéralisation des ondes , le Fonds de soutien à l'expression radiophonique locale (FSER) a pour objet de permettre aux radios associatives locales d'assurer leur mission sociale de proximité 21 ( * ) , grâce à différentes subventions .

Celles-ci 22 ( * ) sont attribuées par le ministre de la culture et de la communication aux radios locales associatives lorsque leurs ressources publicitaires sont inférieures à 20 % de leur chiffre d'affaires total. Chaque année, environ 600 radios associatives locales bénéficient des aides du FSER.

Le financement et le fonctionnement du FSER ont connu plusieurs réformes, dont la dernière est entrée en vigueur le 28 février 2007 23 ( * ) . Désormais, les services de radio peuvent se voir accorder trois subventions à caractère automatique (subvention d'installation, subvention d'exploitation et subvention d'équipement) ainsi qu'une subvention à caractère sélectif (subvention sélective à l'action radiophonique).

La subvention d'installation est accordée aux services de radio nouvellement autorisés par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, en vue de contribuer au financement des dépenses nécessaires au démarrage de l'activité radiophonique. Son montant ne peut excéder 16.000 euros (contre 15.250 euros dans le régime précédent) et elle ne pourra être accordée qu'une seule fois.

La subvention d'exploitation est attribuée aux services de radio qui en feront la demande au plus tard le 15 avril de l'année suivant celle de la clôture de l'exercice. Son montant est déterminé par application d'un barème fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de la culture et du budget 24 ( * ) .

La subvention d'équipement est destinée à financer, à hauteur de 50 % au plus, les projets d'investissement en matériel radiophonique d'un service de radio dans la limite de 18.000 euros (15.250 euros auparavant). Cette subvention est quinquennale et pourra faire l'objet de deux demandes par période de cinq ans dans la limite financière précitée 25 ( * ) .

Enfin, la subvention sélective , introduite par la réforme de 2006, aide les radios à s'engager dans des domaines essentiels pour l'intérêt général, tels que la consolidation des emplois, la lutte contre les discriminations, les actions culturelles et éducatives, les efforts en faveur de l'environnement et du développement local, etc. Cette subvention se substitue à la possibilité qui existait de majorer la subvention de fonctionnement. Son barème est fixé par l'arrêté du 13 juin 2007, précité. Elle représente au plus 25 % des subventions de fonctionnement .

2. Un effet bénéfique : l'absence de déficit à l'avenir

Cette nouvelle typologie des aides s'accompagne d'un recentrage des travaux de la commission du FSER sur les seules demandes de subvention sélective , les autres subventions (installation, équipement et exploitation) ayant désormais un caractère automatique . En approfondissant son examen des dossiers, la commission pourra valoriser de manière plus précise les actions prises en compte au titre de la subvention sélective, en fonction de critères plus précis et plus nombreux (7 contre 5 précédemment).

Il faut souligner qu'à partir de l'exercice 2007 , et grâce à l'entrée en vigueur de la réforme du FSER, le fonds ne pourra plus être déficitaire . En effet, l'enveloppe allouée à la subvention sélective à l'action radiophonique sera déterminée en fonction des crédits disponibles au titre de l'exercice en cours, une fois que l'ensemble des aides automatiques aura été accordé.

* 18 Article 102.

* 19 A cet égard, aucun gain de productivité ne saurait être dégagé par le transfert au CNC du recouvrement de la taxe sur la vidéo, celle-ci étant recouvrée à l'occasion du recouvrement de la TVA.

* 20 Rappelons que le CNC dispose à ce jour d'un comité financier, auquel participent les tutelles de l'établissement (ministère de l'économie, des finances et de l'emploi et ministère de la culture et de la communication).

* 21 Cette mission est entendue comme le fait de favoriser les échanges entre les groupes sociaux et culturels, l'expression des différents courants socioculturels, le soutien au développement local, la protection de l'environnement ou la lutte contre l'exclusion (article 29 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication).

* 22 Ces aides sont prévues par l'article 80 de la loi du 30 septembre 1986 précitée.

* 23 Décret n° 2006-1067 du 25 août 2006 pris pour l'application de l'article 80 de la loi du 30 septembre 2006 précitée.

* 24 Arrêté conjoint du 13 juin 2007.

* 25 La subvention fait l'objet de deux versements, le premier correspondant à 60 % de l'aide accordée sur la base des devis transmis par la radio, et le second, correspondant au solde, et versé au vu des factures attestant de la réalisation du projet d'équipement.